Monsieur le rapporteur, vous avez mené avec conviction et ténacité un long travail sur les enjeux du projet de loi de ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.
Si le vote du TSCG a donné lieu à des divergences d'appréciation, il ne doit pas masquer le désir d'Europe qui nous rassemble. Les écologistes sont attentifs à tous les efforts qui vont dans le sens de la construction d'une Europe vivable, viable et en paix ; d'une Europe politique, fédérale, démocratique, socialement juste et responsable vis-à-vis de l'environnement, sur une planète très peuplée, aux ressources rares, dans un monde en tension, dont certains dirigeants sont plus prompts à sortir les armes qu'à construire la paix.
Même dans la crise, et surtout dans la crise, nous avons besoin de construire un continent d'éthique, de dialogue et de respect, riche de sa diversité et de sa mémoire collective, attentif aux besoins des femmes et des hommes, maintenant les missions d'intérêt général et le service public en sécurité, hors du dumping social et environnemental engendré par la concurrence. Nous devons construire une Europe qui, de plus, ne construirait pas sa prospérité sur l'exploitation du Sud.
Vous nous invitez à mesurer l'impact des nouvelles règles de discipline budgétaire sur l'autonomie des choix budgétaires nationaux. Cela va dans le bon sens, dans le sens d'un équilibre qui renforce l'articulation entre les niveaux nationaux et européen, et porte une vision où chacun, dans un dialogue d'échelle à échelle, contribue au renforcement démocratique et au destin du peuple européen.
La crise a mis à jour les lignes de faille de la construction de l'euro et placé les économies les plus faibles de la zone euro en danger de faire défaut sur leurs dettes souveraines. Partagés entre leur désir de stabilité et le retour du populisme et de l'intolérance, les États ont été mis à rude épreuve pour maintenir leur équilibre financier, au prix de la réduction des déficits publics. D'autres choix étaient possibles. Je me permets de les rappeler : l'action de court terme ne remplace pas les propositions durables et plus fondamentales qui nous semblent oeuvrer à un véritable rétablissement.
En premier lieu, il s'agit de réguler l'industrie financière européenne. Des règles doivent établir une séparation claire et étanche entre l'activité bancaire stricto sensu, qui sert l'économie réelle, et les investissements plus risqués voire spéculatifs. L'usage de techniques comme les transactions à découvert et les transactions sur produits empruntés doit être interdit ou au moins fortement régulé. Nous avons besoin d'une stratégie fiscale européenne globale : nous devons agir pour mettre en place une taxe européenne sur les transactions financières. Il faut mettre en place une contribution climat énergie, une assiette consolidée des taxes sur les entreprises, associée à un taux minimum effectif d'imposition, de manière à assurer une contribution juste du secteur privé.
Nous pourrions aussi parler d'un traité de désarmement fiscal qui limiterait l'impact des paradis fiscaux et pousserait les États membres à s'engager fermement contre l'évasion fiscale. Ces mesures nécessitent la fin de la règle de l'unanimité en matière de fiscalité, celle-ci devant devenir un domaine de législation ordinaire régi par la codécision entre le Conseil européen et le Parlement européen.
La Banque européenne d'investissement, que l'on peut comparer à un Fonds monétaire européen, va lancer des project bonds pour un montant de 250 millions d'euros, dont l'effet levier espéré atteint les 4 milliards d'euros. C'est un effort substantiel, pour peu que ces moyens relancent des projets utiles et à forte valeur sociale et environnementale, et nous évitent d'exhumer les dossiers d'infrastructure classiques, coûteux et sans véritable impact pour l'emploi. Faisons preuve d'imagination : nous avons suffisamment de kilomètres d'autoroutes et d'infrastructures surdimensionnées.
Aujourd'hui, la formation, le lien social, les échanges culturels, le renforcement de l'accès à des soins de qualité nous semblent plus prometteurs. Pour nous, l'intelligence du redressement industriel ne passe pas par le soutien à la filière diesel, qui est obsolète. Nous pensons à un New Deal vert européen visant à investir pour reverdir notre énergie, nos modes de transport, nos infrastructures de production, la restauration de nos ressources naturelles, et l'amélioration de la cohésion sociale. Cette vision écologiste repose sur un impératif d'intégration politique renforcée pour l'Europe. Son fonctionnement requiert le renforcement de la participation citoyenne et du contrôle démocratique.
C'est pourquoi, monsieur Caresche, votre initiative tendant à hâter la réunion d'une convention associant des représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen reçoit tout notre soutien. Il ne s'agit pas de créer une énième instance de dialogue et d'arbitrage, mais de rétablir un climat de confiance entre les citoyens et les institutions qui les représentent. Il s'agit de nous donner les moyens de confronter périodiquement et de façon vigilante les perceptions et les responsabilités des uns et des autres, tout en veillant à battre au même rythme que le pouls des populations.
La règle d'or, présentée comme la meilleure solution, ne peut exonérer ceux qui, par leur rapacité, nous ont conduits au marasme que nous connaissons, en faisant porter de manière toujours plus forte et sur le plus grand nombre l'effort de réparation et de mutation de l'économie. Nous ne pouvons pas non plus laisser l'avenir européen se dessiner au gré de la puissance des lobbies, toujours prompts à mettre sur le marché, parfois même avec notre complaisance, des substances nocives qui dégradent durablement la santé publique.
Les conflits d'intérêt doivent être résolument maîtrisés. Nous devons réaffirmer la solidarité financière, qui est clairement un gage de démocratie pour les citoyens. Ils attendent le maintien des fonds structurels utiles à nos régions devenus des déserts industriels, et la possibilité pour nos jeunes citoyens européens, grâce à des programmes comme Erasmus – qu'il convient de renforcer –, de s'épanouir dans la connaissance des cultures et le respect mutuel, gages de tolérance et d'épanouissement.
Oui, vous avez bien appelé à l'ancrage démocratique ! Monsieur Caresche, nous l'entendons comme un temps de répit après la tempête que nous venons de traverser. Le navire Europe est à l'arrêt, donnons lui un nouveau cap et reprenons la mer, mais sans laisser personne à quai. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)