Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, « si vous ne décidez pas vous-mêmes de votre sort, quelqu'un s'en chargera, soyez-en sûrs, mais ce ne sera pas forcément la meilleure solution ». Ces paroles prémonitoires furent prononcées devant le Conseil de l'Europe par François Mitterrand il y a près de vingt ans.
Aujourd'hui, nous traversons une crise de notre modèle de développement économique et social, qui menace et détruit nos emplois et jette des milliers d'Européens dans le chômage et la précarité. Dans ma circonscription des Ardennes, les salariés d'Electrolux à Revin et de Forge France à Nouzonville vivent la cruelle réalité de cette situation. Cette crise démontre de fait l'impuissance actuelle du politique face au monde de la finance, capable à lui seul de bafouer l'expression démocratique des peuples et, pire, de les faire taire en usant méthodiquement du chantage aux délocalisations.
Cette crise est la résultante d'un long processus où la notion même d'intérêt général a totalement disparu. Il faut bien le dire : si la crise frappe aussi durement en Europe, c'est que l'Europe a oublié ses ambitions et ses promesses. Le rêve européen s'est évaporé dans les méandres d'une technocratie peu soucieuse des fondamentaux de la construction européenne.
Le traité instituant la Communauté économique européenne posait pourtant les principes d'un « développement harmonieux et équilibré des activités économiques, une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement, un haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres ». Or, aujourd'hui, force est de constater que l'harmonisation sociale, fiscale et environnementale européenne reste un horizon lointain, et que l'absence d'une véritable politique industrielle à l'échelle de l'Europe ne semble déranger personne. Au contraire, le chômage de masse et le dumping social intra-européen semblent être regardés comme une fatalité nécessaire au maintien du château de cartes.
À cet égard, l'impulsion donnée par le Président de la République pour réorienter l'Europe vers plus de croissance et d'emploi est salutaire. Je connais par ailleurs la détermination de Bernard Cazeneuve à lui donner suite, en sa qualité de ministre chargé des affaires européennes. Néanmoins, l'échec du sommet européen du week-end dernier montre à quel point il est difficile de s'entendre lorsque la voix du repli national rend inaudible celle de l'intérêt commun.
C'est pourquoi j'ai la conviction que la réorientation attendue doit s'effectuer démocratiquement, dans le respect des peuples et de leurs organes représentatifs. Le déficit démocratique des institutions européennes est en effet l'une des raisons majeures de la défiance des citoyens envers la construction européenne, malgré leur attachement au projet européen.
À ce titre, la proposition de résolution européenne sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen portée par Christophe Caresche et soutenue par l'ensemble des membres de la commission des affaires européennes est un premier pas vers une confiance retrouvée. Elle fonde le succès de la nécessaire réorientation de l'Europe vers la pleine participation des Parlements nationaux, rendant ainsi leurs voix aux peuples d'Europe.
En proposant de réunir collégialement les représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux, elle poursuit l'objectif d'une plus grande concertation, permettant ainsi à l'Europe de se tenir au plus près des besoins des peuples. Ainsi sera-t-il possible d'orienter les politiques budgétaires de l'Union européenne en respectant chacun, dans le but de servir l'intérêt général européen. En rapprochant les citoyens européens des décisions qui les concernent, cette Conférence des Parlements nationaux et européen sera un élément déterminant dans la lutte contre les replis sur soi, les populismes et les peurs – celles-là mêmes que redoutaient les pères fondateurs de l'Europe, et contre lesquelles cette dernière devait être le rempart.
C'est dans cet esprit que je salue cette résolution en la considérant comme un premier pas vers encore plus de démocratie en Europe. Cet objectif constitue le seul moyen de rendre la confiance et de lutter efficacement contre la crise en appuyant l'Union économique et monétaire sur la volonté du peuple. Elle participe de la nécessité impérieuse de replacer l'humain avant l'économie.
Je conclurai en faisant mienne cette autre citation de François Mitterrand : « Plus il y aura d'Europe, plus cette Europe doit être démocratique, plus elle doit être parlementaire. Alors, travaillons-y ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)