Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l'approfondissement de l'intégration européenne a conduit à un élargissement croissant des compétences communautaires en matière législative, conformément à la logique d'intégration fonctionnelle dite des « petits pas ». De nombreuses tranches de souveraineté nationale relèvent désormais de la compétence exclusive de l'Union ou de compétences partagées entre l'Union et les États membres.
D'autre part, il n'a peut-être jamais été aussi nécessaire d'accroître la légitimité démocratique de l'Europe, alors qu'elle est jusqu'ici essentiellement passée par le renforcement des institutions de l'Union : je veux évidemment parler de l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
Au stade d'intégration actuel, l'insertion accrue des Parlements nationaux dans le système communautaire apparaît inévitable et indispensable, notamment dans le cadre de l'institutionnalisation des sommets de la zone euro où les décisions sont pour l'instant prises en l'absence de toute forme de légitimation démocratique. Un contrôle est devenu non seulement nécessaire, mais aussi urgent. C'est en partie l'objet de la Conférence interparlementaire, qui permettra d'associer la légitimité du Parlement européen et celle des Parlements nationaux. Je salue l'initiative de Christophe Caresche, soutenue par la présidente et par l'ensemble des membres de la commission des affaires européennes.
À l'heure de la gouvernance économique européenne, il est plus que jamais nécessaire que les citoyens européens s'approprient les débats économiques, financiers et budgétaires qui les concernent. Cette appropriation doit se faire notamment par l'intermédiaire de leurs représentants nationaux. C'est tout l'enjeu de la participation de notre assemblée à la procédure du semestre européen, qu'elle doit influencer au lieu de subir, notamment en anticipant les décisions des institutions communautaires par le biais de prises de position précoces, tant au niveau national qu'au niveau européen au sein de la Conférence interparlementaire. Des réunions sont prévues à ce titre, au printemps et à l'automne, par la proposition de résolution.
L'objectif n'est en aucun cas de remettre en cause la légitimité démocratique du Parlement européen, par ailleurs certaine depuis son élection au suffrage universel. Son éventuel renforcement passerait notamment par son pouvoir d'initiative, et non par sa remise en cause du fait de l'existence de ce cadre interparlementaire. Notre objectif est d'ancrer bien plus encore la légitimité démocratique de l'ensemble du système. À travers leurs députés nationaux, bien plus proches d'eux que les députés européens, les citoyens européens pourront développer une véritable culture européenne.
Je ne pourrais pas conclure mon intervention sans évoquer, en miroir de notre réflexion sur la trajectoire budgétaire et la possibilité de contrôle et de discussion avec les Parlements nationaux, l'actualité toute récente du Parlement européen, du budget européen et des avis de la Commission et du Conseil. Dans les tribunes, des jeunes gens nous regardent et scrutent nos débats. La situation en Europe est exceptionnelle : nous ne devons pas nous empêcher de réfléchir à des solutions exceptionnelles.
J'espère que la résolution dont nous discutons sera votée par tous, en tout cas soutenue par tous, y compris par les absents.
En guise de conclusion, je m'interrogerai sur la manière dont nous sommes capables de nous approprier le budget européen. Ma question est simple. Est-il normal que nous validions un budget européen pour plusieurs années lorsque nous savons que le Parlement européen sera élu quelques mois plus tard ? Est-il normal de discuter aujourd'hui d'un budget européen sans que les Parlements nationaux soient plus impliqués que cela dans la nécessaire légitimation des orientations qu'il doit porter ? Si nous voulons réconcilier les peuples d'Europe avec l'Europe elle-même, est-il normal de ne concevoir malheureusement ce débat sur le budget européen qu'au travers des intérêts nationaux ?
La réorientation de l'Europe portée par le Président de la République dans le cadre de ses engagements va dans ce sens, et je salue les efforts de notre ministre chargé des affaires européennes, Bernard Cazeneuve. L'objectif n'est pas de défendre l'intérêt particulier et la voix au chapitre des Parlements nationaux – de même que les discussions sur le budget européen n'ont pas pour objectif de défendre les intérêts égoïstes nationaux –, mais bien un intérêt général européen qui se confond avec justice, efficacité et démocratie, pour la période actuelle mais aussi pour les générations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)