Intervention de Meyer Habib

Réunion du 4 février 2015 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Je crains d'apporter un peu de grisaille après les paroles très belles de mon ami Jean-Paul Bacquet.

Je ne suis pas optimiste, madame la présidente, mesdames et monsieur les ambassadeurs. Comment ne voyons-nous pas que ce conflit n'est pas territorial ? Israël, sous des gouvernements de droite comme de gauche, est sorti de la bande de Gaza, a évacué jusqu'au dernier centimètre carré envers et contre tout. On a détruit des cimetières et des synagogues, on a transféré des personnes alors que beaucoup ne le voulaient pas. Israël est sorti du Liban. Il est prêt encore à sortir d'une partie de la Judée et de la Samarie pour peu que la paix en dépende vraiment. Cependant, au moment où Rabin et Arafat devaient se serrer la main, Arafat a refusé, comme il a refusé à Barak.

Le conflit actuel est, hélas, un conflit global de religions : 250 000 morts en Syrie, des dizaines de milliers de morts en Irak, des morts aussi en Libye, au Liban ; les chrétiens sont en train de disparaître de cette région du monde dans l'indifférence la plus totale.

Israël est un État minuscule de 24 000 km2. Le peuple juif est un peuple minuscule : 13 millions de personnes à travers le monde, dont 6 millions en Israël. Il rêve de paix, il est prêt à des concessions. Mais ce peuple, je le connais bien : il n'est pas prêt à faire toutes les concessions pour aller au suicide !

Or le monde a une seule chose, une seule équation en tête : sortez des territoires et vous aurez la paix. Cette équation est fausse. Le fondement de ce conflit est religieux. Les quelque 1,8 milliard de musulmans à travers le monde disposent de millions de kilomètres carrés. Qui peut croire que quelques milliers de kilomètres carrés seraient la source de tous les conflits dans le monde ?

Israël est un État démocratique prêt à faire des concessions immenses mais ne veut en aucune manière aller au suicide. Il faut ouvrir les yeux !

Non, madame Shahid, vous n'avez pas le droit de donner des raisons au terrorisme en expliquant que les attentats en France vengeraient ce qui se passe dans la bande de Gaza. Lorsque l'on brûle vif un malheureux pilote jordanien dans une cage, lorsque l'on tue les Yézidis, les chrétiens, et bien sûr les musulmans qui sont les premières victimes de l'islamisme radical, cela n'a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien.

D'ailleurs, toutes les élections organisées par l'autorité palestinienne se sont soldées par des victoires du Hamas. À chaque fois que le peuple s'est exprimé, il a donné un blanc-seing à un mouvement djihadiste semblable à Boko Haram, à Daech, au Hezbollah, qui tous veulent appliquer la charia. Je sais bien que ce n'est pas votre idéologie, mais le Hamas, hélas, a remporté toutes vos élections. Les Israéliens et leur minuscule État sont obligés de prendre cela en considération.

Non, madame Shahid, vous n'avez pas le droit de dire que l'État d'Israël existe à cause de l'Holocauste. Cela fait trois mille ans que Jérusalem est la capitale du peuple juif. Chaque mot de la Bible le rappelle. Le peuple juif a subi l'exil pendant deux mille ans. Le nouveau sionisme remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle. La Shoah a tout au plus accéléré un peu le processus. Quoi qu'il en soit, mon intime conviction est qu'elle ne se serait jamais produite si l'État d'Israël avait existé. Aujourd'hui, cet État est le certificat d'assurance de tout le peuple juif pour qu'il n'y ait jamais de seconde Shoah.

J'écoute bien sûr vos propos, monsieur Barnavi, mais je crois qu'il faut avant tout écouter la démocratie israélienne. La démocratie, pour moi, a toujours raison. Les résultats des élections, quels qu'ils soient, auront raison. On ne peut approuver ou condamner le résultat d'une élection selon que l'on est d'accord ou non. Ce n'est pas une bonne chose de venir dire aux Français, aux Européens, au monde, qu'ils doivent pousser votre pays à faire des concessions et à aller, le cas échéant, au suicide. C'est aller contre les intérêts de votre peuple et de la majorité des citoyens. Vous-mêmes appartenez à une frange qui est représentée à la Knesset. Vos positions sont peu ou prou celle du Meretz. Et la force d'un État démocratique, c'est que chacun a le droit de penser ce qu'il veut, y compris en ayant douze ou treize députés arabes au sein de la Knesset. En fin de compte, c'est la majorité qui décide, comme chez nous en France. Israël serait-il le seul État au monde où, quand la démocratie et la majorité décident, elles auraient tort ?

Vous pardonnerez ma passion. Ces mots, je les dis avec tout mon coeur.

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