Intervention de Leïla Shahid

Réunion du 4 février 2015 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Leïla Shahid, ambassadeur, chef de mission de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg :

Je respecte énormément votre commission. Je connais beaucoup de ses membres et de ses anciens présidents. Il ne m'est pas possible d'entrer dans une polémique. M. Bénisti refait l'histoire du conflit en choisissant ce qui l'arrange, en mélangeant les citoyens israéliens et les Palestiniens qui vivent sous l'occupation. Chacun a le droit d'avoir sa sensibilité, mais je ne veux pas répondre à tout cela.

Vous disiez tout à l'heure, monsieur Myard, que les diasporas font de la surenchère par rapport aux personnes qui sont sur place. En effet, certains ne parlent pas seulement à la Palestine et à Israël, ils parlent aussi à leurs électeurs !

Élie Barnavi et moi-même avons beaucoup à faire. Si nous sommes venus vous voir, ce n'est pas pour enregistrer une réunion de plus à notre compteur. C'est parce que nous pensons que vous, Français, Européens, que vous le vouliez ou non, vous avez un rôle à jouer. Nous ne vous avons pas attendus : nous faisons partie des gens qui ont eu le courage de parler entre eux avant même que les gouvernements ne se parlent.

Nous avons sans doute failli, monsieur Amirshahi, à mieux mettre en valeur les ONG, les citoyens, les intellectuels, les parlementaires israéliens et palestiniens qui encouragent la poursuite du dialogue. Il n'empêche : ceux-ci ne pourront apporter de solution. Pourquoi tourner autour du pot ? Vous qui êtes des hommes et des femmes politiques, pouvez-vous donner un exemple de conflit aussi grave dans le monde – en Afrique, en Amérique latine, ou bien chez vous, dans le Balkans – qui ait trouvé sa solution dans un tête-à-tête entre l'agresseur et l'agressé, entre l'occupant et l'occupé, et avec un tel déséquilibre entre les forces ? Dans les Balkans, vous avez envoyé vos armées. Lorsque Poutine annexe la Crimée, vous mobilisez tous vos moyens diplomatiques, vous adoptez des sanctions économiques. Et lorsqu'il s'agit d'Israël et de la Palestine, vous nous dites de nous débrouiller tout seuls, comme si ce n'était pas votre affaire !

Si ce n'est pas votre affaire, vous en subirez les conséquences ! Ce conflit ne disparaîtra pas tout seul. Les Palestiniens ne vont pas s'évaporer gentiment. Les Israéliens ne vont pas se mettre à élire des gens qui veulent la paix.

Que vous le vouliez ou non, l'Europe, dont vous êtes partie intégrante, a pour frontière un espace méditerranéen dont tout l'est est occupé par ce conflit. Vous ne pourrez imaginer d'autres frontières ou construire des murs pour empêcher ce conflit de déborder. Cela ne concerne pas seulement les diasporas : cela concerne aussi ceux qui ne sont ni juifs ni Arabes.

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