Intervention de Leïla Shahid

Réunion du 4 février 2015 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Leïla Shahid, ambassadeur, chef de mission de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg :

Si les mouvements israéliens ont demandé aux parlements nationaux et au Parlement européen de reconnaître l'État palestinien, monsieur Amirshahi, c'est parce qu'ils savent, Élie Barnavi l'a dit, que c'est seul moyen d'assurer la vie d'un État d'Israël démocratique et juif. Ils ne le font pas pour nous : ils le font pour leur avenir et pour celui de leurs enfants.

Et si les Palestiniens vous l'ont demandé aussi, ce n'est pas parce qu'ils croient que vous mettrez fin à l'occupation militaire d'un claquement de doigts. Nous savons bien que la reconnaissance ne suffira pas. Mais elle protège l'espace que l'actuel gouvernement israélien est en train de grignoter par la colonisation. Si l'on regarde bien la carte, on voit qu'il n'y a plus d'espoir pour installer cet État palestinien. Jérusalem est annexée. On a complètement séparé la bande de Gaza de la Cisjordanie pour en faire – M. Rochebloine a mentionné l'expression – une prison à ciel ouvert, et même pire puisque le territoire est désormais assiégé.

La reconnaissance de l'État palestinien est une manière d'améliorer les paramètres de la solution en compensant un tant soit peu le déséquilibre des forces. Rappelons qu'Israël est la quatrième puissance militaire au monde, une puissance nucléaire de surcroît, et qu'elle possède une économie très forte – d'où la réticence de l'Union européenne à prendre des décisions courageuses à l'égard de son gouvernement –, tandis que, de l'autre côté, un territoire est en train de disparaître.

Si nous voulions rejoindre Daech, nous ne vous attendrions pas, nous le déclarerions ! Mais mon président a le courage de continuer à chercher des méthodes non-violentes après que nous eûmes renoncé à la lutte armée en 1993. Notre objectif était la négociation et nous avions trouvé en Rabin un partenaire. Malheureusement, nous avons eu depuis huit premiers ministres israéliens, dont cinq ou six ne voulaient ni mettre en oeuvre les accords d'Oslo ni trouver une solution à deux États.

Le conflit qui a frappé Gaza pendant cinquante jours a ramené ce territoire vingt ans en arrière. Malgré votre mobilisation, vos communiqués, rien n'a changé. La situation a même empiré. Plus de 100 000 personnes n'ont plus de logements. Les écoles sont occupées par les personnes déplacées. Il n'y a plus d'argent, plus d'électricité, plus d'essence pour faire fonctionner les groupes électrogènes des hôpitaux. N'allez pas me dire que cela ne peut pas exploser ! Si vous ne voulez pas regarder la réalité en face, cela relève de votre responsabilité d'élus. Mais il est de mon devoir de vous dire que c'est une bombe à retardement et que, dans le nouveau contexte que je vous ai décrit, la violence n'a pas de frontières. Le soldat jordanien brûlé vif par Daech était musulman et Arabe. Ce sont d'autres musulmans et Arabes qui l'ont tué.

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