J’ai par exemple été désolé de voir que le rapprochement entre EADS et British Aerospace n’a pas pu être mené à bien. Je ne veux entrer dans les détails, et nous n’avons pas le temps de chercher qui avait tort, mais c’est un ratage de dimension historique, car BAE aurait permis à EADS de faire son entrée sur le marché américain de l’armement, ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui.
Le marché mondial de l’armement est donc totalement déséquilibré au profit des États-Unis – c’est vrai en matière navale, en matière aéronautique et plus encore en matière terrestre.
Permettez-moi une petite remarque historique sur l’armement terrestre. Ceux qui s’intéressent à l’histoire militaire savent que l’histoire du char franco-allemand remonte à Chaban-Delmas et Franz-Josef Strauß, tous les deux ministres de la défense en 1957. C’était l’époque du début de la coopération militaire franco-allemande. On venait de signer les accords de Paris qui avaient donné naissance à l’OTAN, puis à l’UEO.
Jusqu’à présent, les Allemands n’ont pas voulu fabriquer ce char avec la France ; ils ont choisi le char Leopard – qui a d’ailleurs été un grand succès – et nous le char Leclerc. La raison en est simple : les Allemands conservaient leur supériorité technologique en matière de véhicules blindés – on en sait quelque chose si l’on se souvient de ce qui s’était passé, à cet égard, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, nous avons deux principaux groupes en Europe : Nexter côté français et Krauss-Maffei Wegmann – KMW – côté allemand, même s’il ne faut pas oublier Rheinmetall. L’un, KFW, est totalement privé et familial, l’autre est un groupe public. Il est temps de les unir si nous ne voulons pas être totalement balayés par l’industrie américaine. Voilà la raison pour laquelle je milite en faveur de cet accord.
Toutefois, trois conditions essentielles doivent être respectées, et je suis sûr, monsieur le ministre, que vous y veillerez.
Tout d’abord, le partage des responsabilités entre les dirigeants. Dans l’affaire EADS, nous avons peut-être été un petit peu généreux sur le partage des tâches ; nous avons beaucoup donné à nos partenaires allemands. Il n’empêche que la société marche et que c’est un dirigeant allemand qui a installé son quartier général à Toulouse, et non à Berlin comme l’exigeait la Chancelière allemande. Nous pouvons donc avoir confiance dans les unions franco-allemandes.
Il faudra également faire très attention aux conditions économiques de ce rapprochement. À cet égard, la due diligence va permettre d’en savoir plus. Faut-il une soulte, à quelle hauteur et dans quelles conditions ?
La troisième condition est celle à propos de laquelle j’éprouve, pour l’instant, le plus de gêne. Elle tient à la position de votre ami politique, monsieur le ministre, le vice-chancelier actuel, Sigmar Gabriel, qui a récemment posé un certain nombre de conditions aux exportations d’armes allemandes. Il ne faudrait pas que cette union aille à l’encontre de nos objectifs en matière de politique étrangère et qu’elle compromette nos marchés d’armement à l’exportation.
Si nous arrivons à régler ces trois points, nous avancerons et nous aurons sauvegardé une base industrielle européenne en matière d’armement terrestre. C’est la raison pour laquelle – et je regrette que mon groupe ait pris une position différente – j’approuve totalement cette initiative, que je soutiendrai de toutes mes forces.