Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 9 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 47

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Monsieur Lamour, permettez-moi d’apporter une précision qui, en outre, fera peut-être écho aux propos de M. Chassaigne : pour ce qui concerne les munitions, nous devons tous avoir présent à l’esprit que, depuis 2006, une loi de privatisation a permis d’ouvrir le capital de SNPE – je vous apprends peut-être là, et je le regrette, ce qui sera pour vous une mauvaise nouvelle. Il ne s’agit donc, j’y insiste, en aucune façon d’une privatisation de GIAT, car sa filiale SNPE a déjà été privatisée. Nous ne faisons ici que demander l’autorisation d’ouvrir l’autre filiale, Nexter, en vue d’un rapprochement. L’article de loi que nous examinons ne concerne donc que Nexter, et en aucun cas SNPE.

Pour ce qui est des programmes, Scorpion, que plusieurs d’entre vous ont cité, est en effet important pour Nexter mais, si nous parlons en toute franchise, ce programme n’est pas suffisant pour le développement de l’entreprise. Se pose donc la question, que vous avez évoquée et que M. Morin a également soulevée, de la complémentarité des produits fabriqués par les deux structures.

Au-delà des complémentarités évidentes et de la non-superposition entre une artillerie chenillée et une artillerie à roues, que vous avez vous-même évoquée, la complémentarité géographique que nous examinons aujourd’hui dans le cadre de la préparation de l’opération par les deux sociétés montre bien que les VBCI et les Boxer ne relèvent pas des mêmes marchés internationaux, ni des mêmes doctrines d’emploi. Ainsi, le VBCI équipe le Qatar, les Émirats arabes unis et le Danemark – et hier le Canada –, qui ne sont pas les marchés vers lesquels s’oriente le Boxer. L’analyse que font aujourd’hui M. Jean-Yves Le Drian et la société est donc qu’il n’y a pas de risque de cannibalisation d’une entreprise par l’autre en termes de capacité à l’export, mais plutôt une complémentarité – je tiens à vous rassurer à ce propos.

Quant aux conditions du rapprochement, il est prévu de poursuivre durant trois mois les expertises techniques, qui seront suivies de trois à cinq mois de négociations, puis de trois à quatre mois devant le régulateur. Il s’agit, je le répète, d’un rapprochement au niveau de la holding, assorti pendant cinq ans d’une stabilité de l’actionnariat.

À propos de l’engagement allemand de conserver à KMW son importance et de ne pas lui préférer notamment Rheinmetall, je rappellerai d’abord que l’État allemand vient de confirmer un contrat Boxer qui manifeste cet engagement et que M. Le Drian et moi-même nous sommes assurés auprès de nos homologues de l’engagement plein et entier de l’actuelle coalition derrière KMW en tant qu’acteur structurant pour la filière allemande, assurance qui nous a été renouvelée. Ces éléments répondent aussi, me semble-t-il, à la question soulevée par M. Bridey.

Monsieur Poisson, vous avez déjà fait part, lors des travaux de la commission spéciale, de votre embarras ; j’espère avoir apporté des éléments de réponse techniques, même si je ne suis pas sûr de l’avoir pleinement dissipé, car une fusion comporte toujours une part d’inconnu. Reste que ce rapprochement a du sens de part et d’autre et je me suis efforcé d’expliquer qu’il n’y avait pas d’autre choix raisonnable.

Pour ce qui est de l’actionnariat, je répète que les deux parties s’engagent à une stabilité de cinq ans, qui permettra aussi de voir comment fonctionne – ou non – cette première phase. Il nous faudra alors être très pragmatiques : si la première phase, qui consiste à mettre au niveau de la holding la stratégie commerciale et la stratégie de lancement, devait conduire à des impasses ou à un échec, l’intégralité des décisions opérationnelles et structurantes et de la production restant au niveau des filiales, et donc dans chaque pays, il serait possible, à l’issue de ces cinq ans et avant une décision qui viserait éventuellement à regrouper davantage d’actifs au niveau de la holding commune, de revenir en arrière.

Madame Zimmermann, je réitère l’assurance que nous utiliserons l’action spécifique telle qu’elle a été votée précédemment dans ce texte de loi, ce qui garantit la préservation des intérêts de souveraineté de l’État français au sein de l’entreprise, indépendamment du fait que notre pays conservera 50 % du capital de l’entité ainsi fusionnée. Le siège sera aux Pays-Bas, comme c’est le cas pour la holding commune Renault-Nissan ou pour Airbus Group, avec exactement les mêmes garanties que celles que je viens d’évoquer en matière fiscale comme en matière de gouvernance.

Cette opération n’a pas d’impact sur le budget de la défense – au contraire. Monsieur Chassaigne, si nous avions la chance que le budget de la défense permette de passer des commandes et d’assurer la stabilité de Nexter, peut-être pourrions-nous nous offrir le luxe d’une réflexion différente, mais si vous privez aujourd’hui Nexter de ses capacités à exporter, vous le tuez – il faut être parfaitement lucide à ce propos. La question dont nous débattons est donc, je le répète, totalement neutre au regard du budget de la défense.

Je crois avoir traité les principaux points évoqués par M. de Rugy et par M. Chassaigne, à l’exception toutefois du statut des personnels concernés, à propos duquel je vous renverrais volontiers à l’alinéa 4 de l’article 47, qui dispose : « À la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société mentionnée à l’article 1er ou de ses filiales, les fonctionnaires et les militaires en fonction sont maintenus sur leur demande dans la position statutaire qui était là leur à cette date. » Ce texte me semble assez explicite pour répondre à votre préoccupation.

Je rappelle encore qu’il ne s’agit en aucune façon d’une alliance financière, mais bien industrielle qui, si elle visait à empêcher tout export, serait la mort assurée de ces deux entreprises qui, de part et d’autre du Rhin, exportent déjà et ont besoin d’exporter, mais qui feront l’objet de la même procédure de contrôle que celle qui existe aujourd’hui. Nous disposons d’une commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, réunie auprès du Premier ministre et destinée à soumettre à la décision de celui-ci chaque contrat à l’export, sur la base d’une instruction formulée par le ministère de la défense. Nous ne faisons donc pas n’importe quoi et une préoccupation stratégique, politique et militaire sous-tend chacun de ces contrats. L’équivalent existe en Allemagne et c’est sur cette base que nous continuerons très légitimement à opérer.

J’espère avoir répondu aux principales questions et espère que les amendements de suppression seront retirés, à défaut de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.

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