En matière d’industries de défense, peu importe l’enrobage juridique : la seule chose qui compte, ce sont les commandes publiques. Si vous avez des commandes publiques, que vous ayez des actionnaires comme Boeing, ou que vous n’en ayez pas comme en Russie, vous aurez de toute façon une industrie d’armement, mais s’il n’y a plus de commandes publiques, vous n’en aurez plus.
Or, le problème de notre malheureuse République – ce qui nous amènera tout à l’heure à parler de votre fameuse société de projets, à propos de laquelle, je vous le dis d’avance, je serai moins admiratif –, c’est de savoir comment entretenir une industrie de défense aéronautique, terrestre et navale, à quoi s’ajoute le nucléaire, avec le chiffre magique de 31,4 milliards d’euros. Comment présenter un budget de défense qui tienne la route, étant donné qu’il y a déjà 3,5 milliards d’euros de reports – c’est-à-dire de factures impayées –, 1,2 milliard de surcoûts à l’exportation et 2,3 milliards de recettes exceptionnelles qui ne sont pas au rendez-vous ? Avec de tels chiffres, bien sûr, on se trouve en position de demandeur pour rechercher des alliances.
Mais, monsieur le ministre, le danger, l’unique incertitude de cette alliance, c’est l’évolution du budget allemand. De fait, si l’on regarde attentivement les deux budgets de défense pour les années qui viennent, on observe que, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne aura un budget de défense supérieur à celui de la France.
Comme, en France, 25 % de notre budget sont consacrés aux armes nucléaires, cela signifie que le budget conventionnel de l’Allemagne sera supérieur au nôtre, y compris dans les secteurs où elle excelle, donc dans l’armement terrestre. La seule inconnue, monsieur le ministre, ce n’est pas le rapprochement – je suis pour –, ce n’est pas le partage des rôles, ce n’est même pas la politique à l’export, car elle découle d’un rapport de forces politiques entre nous et Berlin : ce sont les commandes publiques.
Allons-nous, monsieur le ministre, continuer à faire la guerre avec des VAB qui ont deux fois l’âge de leurs soldats, si ce n’est plus – ils ont entre quarante et cinquante ans –, comme je l’ai constaté à Gao ? Ils sont obligés d’aller en mission avec un remorqueur parce qu’ils tombent tout le temps en panne. Nous ne sommes pas capables de remplacer nos équipements – c’est cela, le sujet pour l’armée française, monsieur le ministre. Or vous êtes le ministre des finances !