On peut en discuter. À mon avis, cette entreprise a longtemps été liée au domaine régalien. Eutelsat, comme je le disais, y est liée, de même que STX ; pourtant, c’est la BPI qui est présente au capital de ces entreprises. Il y a donc un principe de substitution entre les deux portefeuilles. La question s’est posée au moment de l’affaire PSA. Les deux portefeuilles sont ainsi utilisés de manière équivalente ; il est donc faux de dire qu’ils sont séparés par une frontière étanche. L’APE ne s’occupe pas que du régalien : elle détient beaucoup de participations au capital d’entreprises non régaliennes, comme, là aussi, Orange – pour reprendre cet exemple, monsieur Paul. Ce que nous avons fait avec PSA, en jouant sur les deux portefeuilles, montre que la séparation stricte dont vous parlez n’a pas de sens. Qui plus est, la BPI investit dans des entreprises liées au domaine régalien au sens où vous l’entendez.
Je le répète : rien dans le portefeuille de l’APE n’est comparable au LFB. La prise de participation au capital du LFB représente d’ailleurs un tout petit montant, rapporté au portefeuille de l’APE.
Au total, rien ne justifie le distinguo que vous faites. Honnêtement, ce n’est pas une distinction pertinente. Avec cet article, nous voulons que le développement de cette entreprise puisse être accompagné. Plus précisément, nous voulons que la sphère publique – à la fois l’État-actionnaire, à travers l’APE, et la BPI – puisse investir pour accompagner le développement du LFB.
L’exposé des motifs du projet de loi, qui vous a été transmis avant même le début des travaux de la commission spéciale, précise : « L’article 48 permet des reclassements au sein du secteur public, des titres du LFB ou de ses filiales. Il n’autorise pas le transfert au secteur privé de la société. » Je ne vois pas comment on pourrait être plus explicite !
De plus, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, en adoptant un amendement modifiant l’article 22 de l’ordonnance du 20 août 2014, vous avez encadré les possibilités du Gouvernement en la matière.
C’est pourquoi je trouve, madame Fraysse, que vous avez été un peu excessive en estimant que nous avons des intentions cachées. Si nous en avions eu, nous n’aurions pas présenté de mesures au législateur : nous aurions agi subrepticement, par la Caisse des dépôts et consignations. Non, nous n’avons pas d’intention cachée, et l’ordonnance du 20 août 2014 – dont vous avez voté la ratification – le garantit : il n’y a pas d’ouverture possible vers le privé par ce moyen. J’ai même accepté, en commission spéciale, que l’on répète, dans ce texte, par amendement, les garanties qui ont déjà un niveau législatif. C’est vous dire à quel point nous n’avons pas d’intention cachée !
Pour conclure, je comprends que ce débat soit passionnel. Il touche à un épisode très douloureux de l’histoire de la santé publique en France. Mais il ne s’agit en rien, ici, du sort du plasma français ; il s’agit d’une entreprise, le LFB, qui a besoin de l’accompagnement de son actionnaire public pour se développer. Je le répète, nous voulons qu’il reste à 100 % public.
Oui, cet article a bien sa place dans un projet de loi sur la croissance, car il permettra à cette entreprise d’investir sur le territoire français, pour l’emploi et la croissance, tout en garantissant son maintien à 100 % dans le périmètre public. Simplement, la rédaction du code de la santé, parce qu’elle était devenue un peu surannée, ne permettait pas de le faire ; elle n’autorisait pas le passage de l’APE à la BPI. Cet article vise à autoriser cela, ni plus, ni moins.
Je regrette que le débat se soit déroulé sur le plan des principes, et ait pris un tour presque philosophique. Le Gouvernement n’avait pas l’intention de se placer sur ce plan. Il s’agit simplement de pouvoir aider les entreprises de la sphère publique – même petites – à se développer. L’APE et la BPI servent à cela. La BPI détient d’ailleurs un portefeuille dans le secteur des biotechnologies ; la participation qu’elle prendra au capital du LFB pour l’aider à investir, en particulier près de Nantes, sera tout à fait cohérente dans ce portefeuille.
Le Gouvernement préconise donc le retrait de ces amendements de suppression. À défaut, il émettrait un avis défavorable.