Intervention de Philippe Nauche

Séance en hémicycle du 10 février 2015 à 15h00
Débat sur le rapport relatif à l'activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites sur la délégation parlementaire au renseignement proprement dite, mon propos sera essentiellement consacré à la commission de vérification des fonds spéciaux, la CVFS.

La DPR a été profondément modifiée par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013. Elle a reçu une mission générale de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement en matière de renseignement, en lieu et place du simple suivi de l’activité générale des services de renseignement dont elle était chargée jusque-là.

Jusqu’à cette date, la CVFS était considérée comme un organisme extraparlementaire, composée de parlementaires et de deux membres de la Cour des comptes qui, depuis 2007, ne souhaitaient pas participer au contrôle. Elle était donc devenue de facto un organe de contrôle parlementaire.

La loi de 2013 en a tiré toutes les conséquences, et la CVFS est devenue une formation spécialisée de la DPR.

Le contrôle exercé par la CVFS est un contrôle budgétaire et comptable. Ses pouvoirs – accès à tous les documents, pièces et rapport relatifs aux activités opérationnelles dans la limite définie par le Conseil constitutionnel, audition des agents sur des opérations terminées – lui offrent une perspective d’ensemble sur des opérations ayant mobilisé des financements sur fonds spéciaux, lesquels sont soumis à un régime de gestion et de contrôle dérogatoire justifié.

Compte tenu de la diversité des menaces, il est nécessaire de permettre à l’État de conduire des opérations confidentielles liées à la protection de la sécurité nationale, intérieure ou extérieure, justifiant pour les fonds spéciaux l’existence d’un régime dérogatoire au regard du droit commun des finances publiques.

Les dépenses effectuées sur ces fonds ne font pas l’objet des contrôles a priori normalement applicables aux dépenses publiques. L’usage de ces fonds par les services n’est pas non plus soumis aux contrôles ordinaires a posteriori.

En contrepartie, l’existence d’un dispositif spécifique de contrôle externe, confié à la commission de vérification des fonds spéciaux, est indispensable. Les informations relatives à ces fonds font en effet partie des « sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État » pour lesquels, aux termes de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement est dispensé de l’obligation générale de fournir aux commissions des finances des assemblées parlementaires tous les renseignements qu’elles demandent.

La commission de vérification des fonds spéciaux assure ainsi l’information du Parlement sur la réalité de l’emploi des fonds spéciaux, ainsi que sur d’éventuelles anomalies dans leur utilisation. Elle établit, pour chaque exercice budgétaire, un rapport sur les conditions d’emploi de ces crédits inscrits au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » placée sous la responsabilité directe du Premier ministre.

Ce rapport, non publié, est remis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il est désormais présenté aux autres membres de la délégation parlementaire au renseignement. La commission établit également un procès-verbal constatant que les dépenses réalisées sont couvertes par des pièces justificatives d’un montant égal. En l’absence de contrôle direct de la Cour des comptes sur l’emploi des fonds spéciaux, ce procès-verbal donne quitus de cet emploi aux services attributaires.

La CVFS a pour mission de s’assurer que les fonds spéciaux ont bien été utilisés « conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ». Il lui appartient donc de vérifier que les fonds ont servi à financer des dépenses qui, en raison de leur nature particulière, ne sauraient être couvertes au moyen de fonds normaux. Par exemple, les dépenses liées à la rémunération des agents de ces services sont couvertes par les fonds normaux.

Au cours des contrôles qu’elle effectue dans les différents services, la commission s’est attachée à contrôler la bonne application de la « doctrine » d’emploi des fonds. Le recours à ces fonds spéciaux doit être réservé à deux circonstances : lorsque le secret des opérations concernées nécessite une procédure de confidentialité renforcée, ou lorsque aucune autre procédure ne permet le financement en urgence d’une mission.

En premier ressort, il existe des procédures de suivi budgétaire et comptable internes aux services.

Ceux-ci ont tous élaboré des instructions encadrant les règles de recours à ces fonds. Avec notre collègue Jacques Myard, nous avons pu le constater : je peux donc en témoigner.

Je conclurai par un constat, une question et une suggestion.

Le constat : la CVFS « nouvelle formule » est aujourd’hui en phase de démarrage. Elle exerce concrètement un contrôle sur pièces et sur place, en procédant par sondages, et a axé son contrôle sur l’évaluation des procédures internes mises en oeuvre.

Au-delà du domaine de compétence de la CVFS, la question cruciale est celle du périmètre de la communauté du renseignement, réunie autour du coordonnateur national du renseignement, et de l’inclusion totale ou partielle dans cette communauté des services qui contribuent à la collecte et à l’exploitation du renseignement – je veux parler des renseignements territoriaux, de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie, du renseignement pénitentiaire et des services de la préfecture de police de Paris.

Enfin, une suggestion : le fonctionnement de la délégation parlementaire au renseignement est aujourd’hui subordonné aux moyens dont dispose le président de la commission de l’Assemblée nationale ou du Sénat, qui assure sa présidence. À mon sens, cela ne permet pas d’assurer un fonctionnement continu de cette délégation. Il conviendra donc que les deux assemblées se saisissent de la question d’un fonctionnement pérenne de la DPR et de la CVFS.

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