La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Conseil national de la Principauté de Monaco conduite par son président, M. Laurent Nouvion.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le 26 décembre 2008, Hervé Falciani livrait à l’administration fiscale française un listing dans lequel figuraient près de 100 000 noms de détenteurs de comptes à la banque HSBC et dans ses filiales, comptes non déclarés à leur administration fiscale d’origine. Parmi ces 100 000 noms figuraient environ 3 000 noms de concitoyens français.
Plus de six ans plus tard, seules 62 de ces 3 000 personnes, soit à peine 2 %, ont fait l’objet de poursuites pénales, et la banque HSBC, coupable non seulement de complicité de fraude fiscale mais aussi d’incitation à la fraude fiscale, n’a fait l’objet d’aucune condamnation.
Cette situation scandaleuse découle d’une double anomalie dans le droit français.
La première réside dans le fait que seul le ministre des finances peut saisir la juridiction pénale en cas de fraude fiscale, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales. Il s’agit là d’un cas unique dans toutes les grandes démocraties. Aussi le groupe UDI a-t-il déposé à plusieurs reprises, et la dernière fois le 7 novembre 2014 dans le projet de loi de finances pour 2015, des amendements visant à mettre fin au monopole dont dispose le ministre des finances en matière de recours pénal ; ils ont tous été repoussés.
La seconde anomalie réside dans l’inadaptation des sanctions à l’encontre des banques coupables de complicité, voire d’incitation à la fraude fiscale : les montants des amendes fiscales ne sont absolument pas proportionnés aux pertes de recettes fiscales induites pour l’État français par ces comportements illégaux et aucune interdiction d’exercice n’a été prononcée. Dans le cas de l’UBS, la sanction prononcée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, n’a été que de 10 millions d’euros, et une caution de 1,1 milliard d’euros a été demandée dans le cadre d’un contentieux qui devrait être jugé le mois prochain.
La question du groupe UDI est double, monsieur le Premier ministre : le Gouvernement est-il favorable à des sanctions beaucoup plus importantes à l’encontre des banques reconnues coupables d’incitation et de complicité de fraude fiscale ? Et est-il favorable, en matière de fraude fiscale, à l’abandon du monopole du recours au pénal ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député, à la lumière des informations dont nous disposons sur le dossier dit « HSBC », il y a effectivement lieu de porter un regard attentif pour savoir comment ont fonctionné nos institutions, qu’elles soient administratives, judiciaires ou politiques.
Sur les quelque 2 500 noms que vous évoquez, toutes les enquêtes fiscales ont été réalisées par les services et près de 300 millions d’euros ont été réclamés aux contribuables concernés au titre de redressements, d’intérêts de retard ou de pénalités.
S’agissant de la transmission à la justice, permettez-moi de corriger le chiffre que vous avez donné : ce sont à ce jour, non pas 62, mais 103 dossiers qui ont été transmis aux services judiciaires après avis de la Commission des infractions fiscales. Les premiers procès ont d’ailleurs eu lieu ces jours-ci – la presse s’en est fait l’écho.
Enfin, la banque HSBC a été mise en examen au mois de novembre 2014, à la suite d’une information et d’une enquête judiciaires. Le procès aura lieu au rythme de la justice : nous savons que le temps judiciaire est nécessairement long.
Les sanctions ont été lourdement renforcées. Sur vingt-sept pays destinataires des informations de M. Falciani, seuls cinq ont à ce jour engagé des poursuites contre HSBC. La France a été la première à le faire.
Nous aurons, après un large débat parlementaire sur la question, l’occasion d’envisager des mesures complémentaires. Je vais d’ailleurs y revenir dans un instant.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, les scandales liés à l’évasion fiscale n’en finissent pas d’éclater. Swissleaks, avec HSBC, est aux particuliers ce que Luxleaks est aux multinationales. Ces fraudes massives riment avec effondrement des finances publiques et menaces démocratiques. Si les plus riches peuvent déroger aux lois, le vote extrême prospérera.
En France, l’évasion fiscale équivaut chaque année aux 50 milliards d’économies que nous réaliserons d’ici à 2017. Les conséquences pour l’économie et pour l’emploi sont sévères. En effet, cet argent détourné, c’est une perte de capacités d’investissement pour l’État et les collectivités locales, une concurrence déloyale au détriment des entreprises qui paient leurs impôts et une perte de pouvoir d’achat pour les ménages aux revenus modestes qui ont bien vu leurs impôts augmenter pour compenser ces fuites.
Nous ne pouvons pas l’accepter. Depuis le début de la législature, avec la majorité et le Gouvernement, les écologistes ont renforcé la transparence des activités bancaires et des sociétés écrans offshore, l’échange automatique d’informations fiscales, la répression des fraudes fiscales et la protection des lanceurs d’alerte. La volonté manifestée par le Gouvernement et les succès engrangés par la France auprès des particuliers – puisque c’est grâce à la loi contre la fraude que l’impôt va baisser en 2015 pour neuf millions de ménages, soit 20 % des Français – ne doivent pas masquer l’ampleur des dégâts et l’urgence à agir. L’Union européenne est au pied du mur. Plus de demi-mesures, plus d’échappatoires pour les États tricheurs ! La France et l’Union européenne n’ont qu’un choix, celui de l’efficacité.
Dans ces circonstances, monsieur le secrétaire d’État, la France est-elle prête à promouvoir un plan ambitieux d’extinction de l’évasion fiscale en France et en Europe ? Quelles premières mesures qui verront le jour en 2015 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
La France n’est pas seulement prête, monsieur le député Éric Alauzet, elle a commencé à agir, grâce à vous, grâce au Parlement, grâce à la mobilisation de nombreux parlementaires.
Nous avons pris 70 mesures pour donner des moyens supplémentaires à la lutte contre la fraude fiscale, y compris des outils d’investigation qu’il n’était, jusqu’alors, pas permis d’utiliser à cette fin –…
…je parle de perquisitions, d’écoutes téléphoniques et de tout autre moyen aujourd’hui utilisé par nos administrations. C’est un premier point.
Vous avez raison de rappeler ce qui a été fait. J’ai eu l’occasion, déjà, de donner les chiffres. Il y a aujourd’hui plus de 35 000 dossiers de régularisation de personnes qui sont venues déclarer des comptes à l’étranger, spontanément, si j’ose dire, parce que la menace se fait plus pressante. Le montant moyen est de 900 000 euros par titulaire de compte. Nos services engrangent aujourd’hui 2 milliards de recettes et de pénalités par an en raison de ces régularisations.
Mais vous avez raison aussi, monsieur le député, de dire que cela ne suffit pas, que, si le cas des particuliers, des personnes physiques, est plutôt bien appréhendé dans notre pays – certes, des améliorations sont toujours possibles –, celui des entreprises mérite d’être approfondi – vous avez d’ailleurs évoqué l’optimisation agressive de certaines multinationales. C’est pour cela que le ministre des finances, qui se trouve d’ailleurs aujourd’hui à Istanbul, en parle au G20 et que la France met en place, avec 51 pays, les échanges automatiques d’information, qui seront opérationnels à l’horizon 2016-2017. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen des différents textes financiers, d’approfondir encore…
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, lors des tragiques événements qu’a connus notre pays au mois de janvier, nos forces de l’ordre ont été exemplaires de courage et d’efficacité. Alors que la menace terroriste reste maximale, on sait que nos policiers et nos gendarmes sont des cibles particulièrement exposées. Au quotidien, la menace est permanente. Hier encore, un drôle d’accueil vous a été réservé à Marseille, où des policiers, où le directeur de la sécurité publique ont été pris pour cible. Aujourd’hui, les policiers ont besoin de reconnaissance, de gratitude, et les Français leur en ont donné ; mais ils ont besoin, aussi, de considération, de protection. Ils ont besoin que nous leur donnions des outils juridiques pour faire face à la menace.
Dans cet esprit, le groupe UMP et son président Christian Jacob ont déposé une proposition de loi pour améliorer la protection dont bénéficient les policiers et harmoniser les conditions de légitime défense applicables aux gendarmes, qui bénéficient des dispositions du code de la défense nationale, et celles applicables à nos policiers. Cette proposition de loi a été préparée et a fait l’objet d’une réflexion avec de nombreux policiers, avec leurs organisations syndicales, notamment avec le syndicat Alliance.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, il faut que la peur change de camp.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Nos policiers ont besoin d’être défendus. Vous avez beaucoup parlé ; aujourd’hui, ils attendent, les Français attendent des actes. Vous avez une occasion très claire de manifester votre soutien aux policiers, en exprimant votre soutien à la proposition de loi du groupe UMP, dont nous débattrons dans quelques semaines. Monsieur le Premier ministre, soutiendrez-vous cette proposition ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député Ciotti, vous connaissez bien ces questions, et je veux répondre de manière extrêmement précise à votre interrogation.
D’abord, il faut que la peur change de camp, dites-vous. Je rappelle que, lors des événements tragiques que vous évoquez, la République est restée debout et les forces de l’ordre ont montré leurs capacités à intervenir avec succès dans des contextes extrêmement difficiles – vous l’avez d’ailleurs vous-même souligné et salué, et vous avez eu raison de le faire. Je veux de nouveau leur rendre hommage. Les forces de l’ordre ont su, dans des circonstances extrêmement difficiles, donner le meilleur d’elles-mêmes.
Vous insistez ensuite sur la nécessité de faire des gestes. Vous avez raison, il faut faire des gestes. Les forces de l’ordre ont perdu de nombreux postes entre 2007 et 2012,
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
et notre premier geste est de créer – nous le faisons depuis le début du quinquennat – 500 postes par an dans la police et la gendarmerie. Pour faire un geste supplémentaire, qui garantisse que nous serons armés face au terrorisme, le Premier ministre a proposé qu’on crée 1 400 postes de plus dans la police et dans la gendarmerie, 500 dans le renseignement territorial, 500 au sein de la DGSI et plusieurs centaines dans les autres services, notamment la direction centrale de la police judiciaire. S’il fallait témoigner de notre volonté de reconnaître le travail des policiers en leur allouant des moyens significatifs en personnel, la démonstration est faite. J’ajoute à cela les 233 millions d’euros annoncés par le Premier ministre pour qu’ils disposent d’équipements qui leur permettent, face au risque terroriste, de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Vous parlez ensuite de la légitime défense, en proposant qu’on aligne le régime applicable aux policiers sur celui applicable aux gendarmes. Comme vous le savez, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales définit les conditions dans lesquelles on peut engager la force : proportionnalité, d’abord, et extrême nécessité, ensuite. Ainsi, les conditions d’usage de la force, telles qu’elles ressortent de la loi et de la jurisprudence, sont exactement identiques dans la police et dans la gendarmerie. Je pense donc que votre volonté est d’ores et déjà exaucée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
En lui souhaitant un bon retour parmi nous, je donne la parole à M. Frédéric Barbier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.
Monsieur le Premier ministre, la législative partielle qui s’est achevée dimanche 8 février porte des enseignements très forts, qui doivent interpeller tous les responsables publics de notre pays. Avant toute chose, je veux remercier les électeurs qui se sont mobilisés pour soutenir la démarche de notre équipe. Je resterai le porte-parole fidèle et consciencieux de leurs aspirations et de leurs attentes sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Chers collègues, la quatrième circonscription du Doubs est une petite France, qui concentre toutes les interrogations, toutes les angoisses, mais aussi tous les espoirs que peuvent éprouver les Français aujourd’hui. Mélange de zones rurales et de zones urbaines, creuset industriel historique et bassin d’emploi diversifié frappé par le chômage et les difficultés quotidiennes, cette partie du Doubs ressemble à ce qu’est notre pays. L’éducation des enfants est un défi quotidien toujours plus dur à relever ; les jeunes ont du mal à prendre leur place ; les anciens se demandent de quoi demain sera fait ; l’éloignement à l’égard des institutions s’accroît.
Nos concitoyens attendent beaucoup de nous : c’est le message du 11 janvier.
C’est plus que jamais l’aspiration de la majorité des Français, même si cette aspiration est trop souvent rentrée et silencieuse. Nos concitoyens attendent que nous tenions la promesse démocratique, c’est-à-dire la capacité d’un peuple à choisir son destin. Le volontarisme doit être au coeur de notre action pour imaginer des solutions fortes et être au rendez-vous de l’audace et de la réforme. C’est ce qu’a affirmé sans ambiguïté le Président de la République lors de sa conférence de presse du 5 février.
C’est ce que nous avons fait dès 2012 avec un plan de mobilisation industriel en faveur de l’automobile pour soutenir nos deux fleurons alors en difficulté : Renault et Peugeot. Alors que des jours meilleurs sont venus pour PSA, les syndicats demandent l’embauche de 700 personnes sur le site de Sochaux, dans ma circonscription.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Cette cohérence entre la parole est les actes est au coeur de notre action.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
Monsieur Frédéric Barbier, je suis heureux de vous retrouver ici non seulement à titre personnel, puisque vous retrouvez le siège que vous avez occupé dans cet hémicycle pendant deux ans, mais parce que si vous n’aviez pas remporté cette élection, c’est un député du Front national qui siégerait à votre place !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous vous êtes exprimé, quelques minutes après la proclamation de votre élection, avec une particulière gravité. Je tiens à vous le dire, avec la même gravité : quoi qu’il arrive, le Gouvernement et – je n’en doute pas – la majorité feront tout pour faire reculer le Front national,…
…et choisiront en permanence la République contre ceux qui lui tournent le dos !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Face à la montée des populismes, en France comme en Europe, il faut choisir. Quand il faudra choisir entre la République et l’extrême droite, monsieur Barbier, nous choisirons toujours la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je me félicite que vous ayez su rassembler, au-delà de la gauche, une majorité – certes étroite, d’où la gravité de votre ton – et vous représentez un territoire éprouvé depuis longtemps par la crise économique. Ce territoire est symbolique, et marqué par l’industrie automobile. Nous y avons visité ensemble les bâtiments de PSA Peugeot Citroën, entreprise qui, en effet, va mieux, et emploie 10 000 salariés sur ce territoire. Elle doit à présent embaucher des personnes, leur donner des emplois pérennes. Le fait que ce soit vous, un député élu par une majorité de républicains, qui représentiez ce territoire, est un signe non seulement pour votre circonscription, non seulement pour notre pays, mais également à l’extérieur de nos frontières ! Je sais que cela préoccupait de nombreux salariés.
Vous avez raison : priorité à la croissance et à l’emploi, priorité à l’école et à la jeunesse, car ce sont les fondements de la République.
Vous avez répété, ici, le message de vos électeurs : trop souvent, nos concitoyens perdent pied ; ils ont le sentiment que la République n’est qu’un discours, et pas une promesse. Ils ont l’impression que l’école n’aide pas leurs enfants ou leurs petits-enfants. Je vous l’assure : nous voulons rester fidèles non pas à un esprit, mais à l’exigence des Français, celle qu’ils ont exprimée le 11 janvier, et réaffirmée encore dimanche dernier. Oui, nous ferons tout pour répondre aux Français, à leurs angoisses, à leurs attentes, à leurs espoirs.
Je terminerai en revenant sur une chose très importante que vous avez dite, et qui vaut pour tout le monde : le 11 janvier dernier, les Français ont exprimé leur exigence. Je n’accepterai jamais que l’on tournât cette page ! Trop de gens, dans notre pays, souhaiteraient que l’on oublie ce qui s’est passé, que certains débats surgissent et que l’on ne réponde pas aux véritables questions.
Je pense, au contraire, que nous devons avoir un comportement exemplaire. Vous, monsieur Barbier, par la gravité de votre ton, vous avez donné dimanche soir un bel exemple au pays. L’action du Gouvernement est pénétrée de cette gravité, qu’elle n’abandonnera jamais : il en va, là aussi, de l’exigence des Français et de l’intérêt du pays.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, malgré la conclusion du protocole de Minsk en septembre dernier, les combats entre l’armée régulière ukrainienne et les séparatistes pro-russes ont repris depuis trois semaines. Les villes de Marioupol, Louhansk, Donetsk et Debaltseve ont été attaquées par des combattants qui affirment qu’il n’y aura plus de trêve avec Kiev, et que la ligne de front ne sera figée qu’une fois que l’ensemble de cette région sera aux mains des Russes.
L’action concertée du Président de la République, François Hollande, et de la chancelière Angela Merkel, à la fin de la semaine dernière, à Kiev puis à Moscou, afin de trouver une solution à ce qu’il convient désormais d’appeler une guerre, montre que c’est par la voie de la diplomatie et de la négociation que nous éviterons une escalade irrémédiable dans ce conflit, et non par des livraisons d’armes, même celles que l’on dit défensives ou non létales. La rencontre prévue demain à Minsk entre les présidents Porochenko, Poutine, Hollande, et la chancelière Merkel, doit permettre de conclure un cessez-le-feu et d’aboutir à une paix sur le terrain.
Monsieur le président, mes chers collègues, combien de morts, de réfugiés, de drames faudra-t-il encore pour que les parties au conflit comprennent qu’il ne s’agit pas que de géopolitique, de stratégie et de pouvoir, mais d’hommes, de femmes et d’enfants impliqués dans un conflit meurtrier, et poussés sur les routes parce qu’ils sont du mauvais côté d’une frontière invisible ?
Monsieur le ministre, nous savons à quel point vous êtes engagé, impliqué dans ce dossier. Alors que des milliers de soldats russes ont franchi la frontière ce week-end, que peut-on attendre du sommet de Minsk, afin que cesse cette guerre de conquête territoriale en Ukraine, et comment peut-on éviter que le sud-est de ce pays ne subisse un phénomène rampant de balkanisation ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, devant les risques de guerre à trois heures d’avion de Paris,…
…nous voulons donner toutes leurs chances à la diplomatie et à la paix. Vous l’avez rappelé, depuis quelques semaines, la situation sur le terrain s’est dégradée de façon très grave. Pour tenter de sortir de cette spirale, le Président de la République française et la chancelière Merkel ont pris une initiative diplomatique courageuse et absolument indispensable. Ils se sont rendus à Kiev, d’abord, puis, vendredi dernier, à Moscou. La conversation s’est prolongée dimanche ; aujourd’hui même, en ce moment, nos collaborateurs discutent. Ils arriveront dans quelques heures à Minsk. L’objectif est de réunir demain un sommet dans ce que l’on appelle le « format Normandie ». J’y travaille ; nous y travaillons tous.
Il faut rester prudent à ce stade, car rien n’est encore acquis, mais nous faisons le maximum pour que le sommet de demain ait lieu, et qu’il donne des résultats. Les principes que nous défendons sont les suivants : cessez-le-feu immédiat, retrait rapide des armes lourdes, contrôle effectif de la frontière, respect de la souveraineté de l’Ukraine, recherche d’un statut particulier pour les populations du Donbass, en restant le plus proche possible des accords de Minsk. Nous voulons que le droit et la raison l’emportent.
Avec l’Allemagne, nous allons continuer nos efforts, parce que c’est la sécurité de l’Europe qui est en cause. Ce que nous voulons, ce n’est pas simplement la paix sur le papier ; c’est la paix sur le terrain, en Ukraine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et j’y associe ma collègue Marie-Françoise Bechtel, députée de l’Aisne. L’emploi est la préoccupation majeure des Français et c’est également la nôtre. Ce sont les entreprises qui créent l’emploi.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Tout doit être mis en oeuvre pour soutenir nos PME, TPE, artisans, commerçants, professions libérales et ce dans tous les domaines d’activité – agriculture, tourisme, économie circulaire, sociale et solidaire, transition énergétique. La mobilisation doit être totale : pacte de responsabilité et simplification vont dans le bon sens, mais n’oublions pas nos industries. Monsieur le ministre, je connais votre attachement à nos entreprises. Je connais aussi l’engagement économique de certaines, comme Saint-Gobain, avec l’usine Eurokera à Chierry, qui fabrique de la vitrocéramique en alliant performance économique, environnementale et sociale.
Le groupe Saint-Gobain a annoncé qu’il se concentrerait sur son activité habitat et qu’il vendrait sa filiale Verallia, spécialisée dans le verre d’emballage au service des secteurs viticole et agroalimentaire. Celle-ci est le troisième producteur mondial dans son domaine et réalise 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Plusieurs unités de production se trouvent dans l’Aisne, à Cuffies, mais aussi à Rozet-Saint-Albin. Cette filiale compte 10 000 salariés, dont 2 300 en France. Cette acquisition pourrait être menée d’ici à l’été 2015. La vente à la découpe ne serait pas envisagée, ce qui est rassurant. Mais cette cession ne risque-t-elle pas d’affaiblir le secteur du verre d’emballage, ce qui laisserait craindre un nouveau déclin industriel ?
Certes, cette transaction est privée, et nous ne sommes pas dans une économie administrée. Mais alors, comment soutenir le patriotisme économique ? Monsieur le ministre, comment agir pour que le repreneur de Verallia s’engage dans un processus industriel et non financier, avec l’ambition de maintenir l’emploi sur notre territoire, déjà fortement affecté par le chômage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, je vous remercie d’abord d’avoir rappelé la cohérence de l’ensemble des politiques conduites par le Gouvernement en matière d’industrie et de restauration de la compétitivité de cette dernière, car c’est la clé pour toutes nos entreprises – les TPE, les PME, mais aussi les grands groupes. Vous avez mentionné à juste titre la décision prise par Saint-Gobain et officialisée en décembre dernier de s’engager dans un processus de vente de Verallia, qui est spécialisée dans l’activité de verre d’emballage.
Il ne s’agit pas d’une décision nouvelle. Vous l’avez rappelé, dès 2007, Saint-Gobain avait annoncé sa volonté de se recentrer sur l’habitat et de procéder à une telle cession. Je veux être rassurant à plusieurs égards : d’abord, parce que Saint-Gobain a pris plusieurs engagements et a pris le temps de préparer cette opération. Elle a garanti que cette opération se ferait en préservant l’intégralité de l’activité de verre d’emballage en Europe, au Maghreb ou encore en Amérique du Sud, ce qui est important pour la productivité de cet ensemble. Vous l’avez dit, il ne s’agit donc pas d’une vente à la découpe.
Ensuite, pendant ces dernières années, Saint-Gobain a continué à investir – ces dernières semaines l’ont encore montré – pour faire de Verallia un outil productif. Enfin, le processus engagé ne fait que commencer. Des consultations auront lieu et plusieurs offres seront proposées. Surtout, les salariés seront informés de façon permanente. Dans ce cadre, nous veillerons à la préservation de l’entité, au maintien de l’investissement et aux garanties sur le caractère productif de l’investissement décidé. L’État s’en porte garant. Mon cabinet et moi-même sommes à la disposition des élus et des syndicats. Nous aurons un rendez-vous dans les prochains jours pour garantir que ce processus s’inscrive dans la logique avec laquelle Saint-Gobain travaille depuis plusieurs mois et années.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, au lendemain des tragiques événements de janvier, vous avez tenu devant l’Assemblée nationale des propos justes et forts. À titre personnel, je ne doute pas de votre sincérité et de votre cohérence, tant pour lutter contre le fondamentalisme islamique que pour vouloir assurer la sécurité des Français. Ici même, vous nous avez déclaré vouloir apporter la plus forte des réponses au terrorisme, la fermeté implacable, et dit votre volonté d’écouter et d’examiner toutes les réponses, y compris législatives.
Les Français attendent donc désormais des mesures concrètes, notamment pour faire face à ces djihadistes qui, après être allés porter la barbarie en Irak ou en Syrie, s’en reviennent sur le territoire national. La vérité qu’il faut dire aux Français, monsieur le Premier ministre, c’est que notre arsenal législatif est incomplet. Ce n’est pas avec une garde à vue de quarante-huit heures, même prolongée à quatre-vingt-seize heures, que les services de police peuvent garantir que la personne ne représente aucun risque.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
L’affaire de Nice, sur laquelle vous a interpellé Christian Estrosi il y a huit jours, nous l’a dramatiquement rappelé. L’ignorer, monsieur le Premier ministre, c’est prendre un risque pour la sécurité des Français. Il ne faut plus attendre : même le Président Hollande en a conclu qu’il fallait accélérer le calendrier. Sur 3 000 personnes impliquées dans des filières djihadistes, 75 seulement ont été écrouées. Face à ces djihadistes, les Français attendent deux mesures fortes : s’ils sont binationaux, la déchéance de nationalité, car une telle haine de nos valeurs n’est pas compatible avec la qualité de citoyens français
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
; s’ils n’ont que la nationalité française, une mesure de rétention administrative, le temps d’obtenir une réponse claire sur la dangerosité de ces individus.
Monsieur le Premier ministre, ne donnez pas le sentiment aux Français que d’un côté il y a des discours, mais que de l’autre les mesures législatives ne suivent pas, car votre majorité n’arrive pas à renoncer à son éternel angélisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, le Premier ministre l’a indiqué dans le discours auquel vous venez de faire référence, le Gouvernement est déterminé à regarder la réalité du terrorisme en face et à agir pour y faire face. C’est la raison pour laquelle nous avons d’ores et déjà pris des dispositions législatives ; premièrement, la loi du 13 novembre dernier prévoit des mesures très fortes dans un certain nombre de domaines : interdiction administrative de sortie du territoire, possibilité pour les services d’intervenir sur internet sous pseudonyme, possibilité de blocage administratif des sites. Comme vous l’avez remarqué, nous avons pris dans les semaines suivant l’adoption de cette loi l’ensemble des décrets permettant son application effective.
Deuxièmement, nous avons décidé de donner des moyens très significatifs aux services, notamment aux services de renseignement. Dans le cadre du budget triennal, le Premier ministre, alors ministre de l’intérieur, avait annoncé la création de 432 emplois et une augmentation de 12 millions d’euros par an des moyens de la DGSI. Nous augmentons significativement l’effort car, pour être efficaces, les services doivent disposer de moyens : 1 400 recrutements dans les services de renseignement territoriaux et au sein de la DGSI, et la volonté d’abonder les efforts budgétaires de 233 millions d’euros pour qu’ils disposent de tous les moyens technologiques.
Vous nous demandez d’accélérer, mais c’est précisément ce que nous faisons. C’est la raison pour laquelle, sur la base du travail effectué par les députés MM. Verchère et Urvoas, nous allons présenter un projet de loi relatif au renseignement qui permettra de doter nos services des moyens dont ils ont besoin pour surveiller dans de bonnes conditions les terroristes qui doivent l’être.
Vous avez fait deux propositions : premièrement, la déchéance de la nationalité, qui existe déjà en droit. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité sur les conditions dans lesquelles on pourrait aller plus loin, en donnant raison au Gouvernement sur tous les points qu’il a évoqués à l’occasion de la discussion du mois de novembre. Deuxièmement, votre parti propose d’interdire le retour sur le territoire national des binationaux. Si nous le faisons, il serait impossible de les exposer à des poursuites judiciaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Joëlle Huillier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Depuis 2012, le Gouvernement et la majorité parlementaire sont pleinement mobilisés autour de la priorité des Français : l’emploi.
Avec les emplois d’avenir, les contrats de génération et la relance de l’apprentissage, nous nous sommes mobilisés pour l’emploi des jeunes et des seniors. Nous avons, grâce aux contrats aidés et à la sécurisation des parcours professionnels, maintenu dans l’emploi des centaines de milliers de personnes.
Nous avons réorienté les moyens de la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, les chômeurs, et, pour mieux accompagner ceux-ci, nous avons renforcé les moyens financiers et humains de Pôle emploi.
Nous avons redonné des marges de manoeuvre aux entreprises afin qu’elles aient les moyens d’embaucher. En outre, l’Assemblée nationale examine actuellement un projet de loi qui va lever les blocages économiques, favoriser l’investissement et permettre la création de milliers d’emplois.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il faut bien reconnaître que la situation économique difficile de l’Europe, ainsi que la faible croissance, empêchent, pour l’instant, ces efforts de se traduire dans une baisse durable du chômage.
C’est un drame pour la société et une menace pour la cohésion nationale. Il faut donc intensifier nos efforts. Lors de la dernière conférence sociale, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité renforcer l’action en faveur des chômeurs de longue durée. Ces personnes se trouvent dans un cercle vicieux : n’arrivant pas à retrouver un travail, elles perdent confiance en elles, s’isolent et s’éloignent durablement de l’emploi. Elles accumulent souvent les difficultés – en matière de logement, santé, garde d’enfant et mobilité – qui sont autant de freins au retour à l’emploi.
Monsieur le ministre, vous avez hier présenté un plan d’action comportant de nouvelles solutions. Pouvez-vous nous en détailler les principales mesures ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée Joëlle Huillier, vous avez raison : le plan que j’ai présenté hier est le fruit d’une longue concertation et d’une longue réflexion menées avec les partenaires sociaux, les conseils régionaux, les acteurs de l’insertion ainsi qu’avec Pôle emploi. Nous avons ainsi voulu appréhender tous les aspects du chômage de longue durée. C’est pourquoi nous avons, hier, arrêté ensemble vingt mesures
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP
qui correspondent à trois objectifs.
Le premier vise à augmenter les moyens d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Pour l’atteindre, nous allons doubler le nombre de personnes qui bénéficieront d’un suivi renforcé par Pôle emploi : 460 000 personnes seront concernées par ce dispositif. Nous allons aussi ouvrir – c’est une grande avancée – un droit réel à la formation qualifiante gratuite au bénéfice des demandeurs d’emploi, avec le compte personnel de formation.
Le deuxième objectif vise à aider les chômeurs de longue durée à surmonter les obstacles de la vie qu’ils rencontrent, que ce soit dans le domaine de l’hébergement, de la garde d’enfants, avec par exemple l’accès aux places en crèche, ou de la mobilité.
Le troisième objectif vise à aider les employeurs à s’engager pour recruter. C’est pourquoi j’ai, avec l’accord du Premier ministre, doublé le nombre de contrats aidés marchands : 100 000 seront ainsi mis à la disposition des employeurs et des chômeurs de longue durée. Nous mettrons également en place des périodes d’immersion en situation professionnelle. Enfin, nous accompagnerons les employeurs qui recruteront ainsi un chômeur de longue durée.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les cris n’y changeront rien : il s’agit d’un problème pour la société française. Nous portons ainsi, tous ensemble, la volonté de lutter contre le chômage de longue durée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a annoncé que notre jeunesse serait, enfin, sa priorité. Quand on sait que depuis trois ans, celle-ci a été totalement abandonnée, on ne peut que s’en réjouir. Mais, malheureusement, force est de constater que les faits disent, aujourd’hui, tout le contraire.
Permettez-moi de prendre un exemple concret : ma commune de Villiers-sur-Marne qui, en raison de la suppression, pour les années 2014 et 2015, de près de 4 millions d’euros de dotations, voit toutes les politiques d’intégration, d’insertion, de prévention et d’aide à l’emploi des jeunes, qu’elle menait à la place de l’État, réduites à néant. Faudra-il que, par manque de crédits, je supprime les quarante postes d’agents éducateurs et animateurs territoriaux qui avaient en charge ces missions sur le terrain ?
De même, les sommes affectées à la réforme des rythmes scolaires, très largement insuffisantes, accentuent un peu plus l’écart entre les élèves des villes riches, qui bénéficient d’un accompagnement périscolaire de luxe, et les enfants des villes pauvres de nos banlieues, qui n’auront droit qu’à une simple garderie. En outre, 74 % des enseignants considèrent que cette réforme a un impact négatif sur les élèves et sur leurs conditions de travail.
Mais, pis encore, la décision de mettre fin au statut de zone d’éducation prioritaire d’un quartier où les enfants sont issus de dix-sept ethnies différentes est – permettez-moi de le dire – la cerise sur le ghetto.
Aussi, madame la ministre, quand allez-vous cesser d’étrangler les collectivités locales pauvres et leur population ? Quand cesserez-vous de mener une politique d’accroissement des inégalités financières entre les territoires et leur population ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, toutes les collectivités locales qui connaissent une baisse de leurs dotations se trouvent dans la situation que vous décrivez.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une situation exceptionnelle, mais je vais y revenir. Nous sommes actuellement, sous l’autorité du Premier ministre, engagés dans une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d’euros. Certains, sur vos propres bancs, estiment que c’est peu et qu’il faudrait faire 150 milliards d’économies.
Je vous rappelle que l’ensemble des crédits de tous les ministères s’élève à 270 milliards d’euros. L’ensemble des sommes versées annuellement aux collectivités locales représente 67 milliards d’euros. Nous avons donc, dans un geste d’équilibre entre les dépenses des ministères et celles des collectivités locales, décidé une baisse de 11 milliards d’euros sur les trois prochaines années.
Je regarderai de très près, monsieur le député, la situation de votre commune : dommage que vous ne m’ayez pas prévenue avant ce débat, mais peu importe. Dans le même temps où nous décidions de cette baisse de dotations, nous avons augmenté, à hauteur de 200 millions d’euros, les dotations de solidarité urbaine, les dotations de solidarité rurale, ainsi que les péréquations, y compris d’ailleurs les dotations d’équipement des territoires ruraux. Nous avons augmenté toutes ces dotations de péréquation.
Vous devez donc, monsieur le député, vous engager avec nous sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement parce qu’il va falloir mettre en place une péréquation verticale. Nous en reparlerons bientôt : je vous donne rendez-vous dans quelques jours.
La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Hier matin, monsieur le Premier ministre, des tirs de kalachnikov ont résonné dans la cité de la Castellane, dans le nord de Marseille. Ce ne sont pas moins de soixante douilles qui ont été retrouvées sur le sol. La police a été prise pour cible.
De la maternelle au collège, des centaines d’enfants ont été confinés dans leurs classes, plongeant les parents dans le désarroi et l’inquiétude.
C’est dans ce contexte que vous êtes venu à Marseille présenter les chiffres de la délinquance, qui s’améliorent,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
et que vous avez promis la plus grande fermeté.
Jamais un gouvernement ne s’est autant soucié de Marseille et des Marseillais.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Entre 2002 et 2012, 400 postes de policiers avaient été supprimés. Dès votre arrivée place Beauvau, vous avez augmenté les effectifs. Sous votre conduite, des ZSP ont été créées dans les quartiers sensibles.
Cependant, le mal a eu le temps de s’enraciner. Je tiens ici à saluer l’action exceptionnelle des forces de police, du préfet de police M. Bonnetain, mais, sans la remettre en cause, force est pourtant de constater qu’il reste du travail pour chasser des rues de Marseille l’insécurité, les trafics et la peur.
Monsieur le Premier ministre, Marseille vaut mieux que cela, et je sais que vous partagez ma conviction. Cette ville d’une richesse inouïe, forte de ses diversités et de ses habitants, ne doit plus se réduire à ces scènes de guérilla comme en ont vécu les habitants de la Castellane, que je salue ici. Marseille mérite mieux que ces images horribles qui font l’ouverture des journaux télévisés.
Comment l’État et votre gouvernement comptent-ils agir pour garantir l’ordre républicain à Marseille ? Comment tolérer que quelques-uns terrorisent des quartiers entiers ? Il faut chasser les voyous de ces quartiers afin que les familles, les enfants et les habitants puissent les traverser sans avoir peur des balles perdues. Les Marseillais attendent de nous des réponses fortes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, il y a toujours beaucoup de passion dans la manière dont cette ville s’exprime lorsque l’essentiel est en jeu et, parfois, l’accueil ne correspond pas à la réalité de la situation.
Qu’a fait ce gouvernement depuis deux ans…
…sous l’impulsion de Manuel Valls lorsqu’il était ministre de l’intérieur ?
Nous avons d’abord créé 460 postes de plus dans les services de sécurité,
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
là où, mesdames, messieurs de l’opposition, vous en aviez supprimé un très grand nombre,…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…au grand dam des forces de sécurité qui se trouvaient à la peine à Marseille.
Nous avons aussi créé un poste de préfet de police, qui coordonne sous son autorité l’ensemble des forces de l’ordre.
Quels résultats avons-nous obtenus ?
Là où, pendant cinq ans, le nombre de règlements de comptes, de vols et de cambriolages n’avait cessé d’augmenter, les résultats vont vous ramener à une certaine lucidité. Le nombre d’atteintes à l’intégrité des personnes a diminué de 28 % en deux ans, celui des violences physiques crapuleuses de 46 %, alors que ces chiffres n’avaient cessé d’augmenter lorsque vous étiez aux responsabilités.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Il y a eu dix-huit règlements de comptes en 2012, dix en 2014, soit une diminution de 44 %, résultat que vous n’avez jamais réussi à obtenir.
Quant aux atteintes aux biens, le nombre de cambriolages a diminué de 11 %, résultat que vous n’avez jamais obtenu.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Concernant les trafics de drogue, nous avons démantelé des réseaux que vous n’aviez jamais réussi à démanteler, 2,5 tonnes de drogue ont été récupérées, 6 millions d’actifs sur les trafiquants.
C’est la raison pour laquelle nous poursuivrons ce travail en dépit de vos échecs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, s’il y a un résultat que vous n’avez jamais obtenu depuis que vous êtes au pouvoir, c’est la baisse du chômage.
Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Depuis que vous êtes arrivés aux affaires, il y a 600 000 chômeurs de plus et des Français ont noté que, dans sa dernière conférence de presse, le Président de la République avait parlé de terrorisme et d’international mais qu’il n’avait rien dit sur les mesures économiques, rien sur les mesures destinées à enrayer le chômage.
C’est la première préoccupation des Français que vous éludez. Alors que le chômage a commencé à baisser dans la zone euro, que la courbe s’est inversée en Italie et en Espagne,…
…le chômage en France continue à battre des records. L’inversion de la courbe du chômage n’est pas impossible, mais votre gouvernement n’en est simplement pas capable depuis deux ans.
Votre ministre du travail n’a cessé de mettre en avant jusqu’à présent la création des contrats de génération et des contrats d’avenir mais, en dépit des sommes dépensées, le chômage est toujours plus haut.
Vous allez nous répondre que vous avez une nouvelle arme, le plan de lutte contre le chômage de longue durée, que vient de nous présenter votre ministre, mais cela reste un coup de com, car, bien qu’il s’en défende, le ministre recycle des mesures qu’il nous avait déjà annoncées, vingt mesures catalogue désespérées pour lutter contre le chômage, qui restent un coup de com parce que chacun voit bien que cela ne va rien résoudre et que, comme d’habitude, le financement est hypothétique.
Monsieur le Premier ministre, les Français ont bien compris que le Président de la République avait capitulé. Les Français attendent des résultats. Après le « Je suis Charlie » et l’esprit du 11 janvier, que répondez-vous à nos compatriotes qui disent : « Je suis au chômage » ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Vous voulez lutter contre les extrêmes. C’est bien, les incantations lyriques dans cet hémicycle, mais, si vous faisiez vraiment baisser le chômage, vous contribueriez réellement à lutter contre les extrêmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Sans polémiquer, parce que le sujet est trop sérieux, je vais vous donner quelques éléments, monsieur le député.
Quand vous citez des chiffres, on croirait qu’il y a chez vous une certaine forme de satisfaction à constater l’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi
Protestations sur les bancs du groupe UMP
mais, pendant cinq ans, lorsque vous étiez au pouvoir, ce nombre a augmenté de 750 000. Cela devrait tout de même vous amener à faire preuve de plus de modestie.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Le plan que j’ai présenté hier, je l’ai élaboré avec les partenaires sociaux qui, tous, que ce soit le patronat ou les organisations syndicales, ont salué le travail que nous avons réalisé ensemble.
L’objectif est de trouver la solution pour que les demandeurs d’emploi de longue durée, ceux qui sont au chômage depuis très longtemps, soient aptes à retrouver un emploi quand la croissance repartira. Pour cela, il faut avoir une approche globale. C’est en tout cas ce que nous ont expliqué les partenaires sociaux.
Il faut bien sûr faire de la formation car, moins on est formé, plus on risque d’être au chômage de longue durée. C’est ainsi qu’il faut préparer les demandeurs d’emploi à la formation. Nous avons ouvert le compte personnel de formation,…
…doté par les partenaires sociaux de 220 millions d’euros. Il s’agit non pas de recycler de vieilles mesures, mais bien de prendre des nouvelles mesures permettant d’avoir demain accès à l’emploi.
Ce que je souhaite, c’est que, tous ensemble – et vous êtes convié, bien sûr – nous nous battions pour faire baisser le chômage de longue durée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Valérie Corre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, la loi handicap du 11 février 2005 fêtera demain ses dix ans. Particulièrement ambitieuse, elle s’articulait autour de trois axes : l’accessibilité des lieux publics et des transports, la compensation par la collectivité de dépenses liées au handicap, l’intégration scolaire et l’insertion professionnelle. Nous devons tirer un bilan de cette loi, mais celui-ci n’est malheureusement pas à la hauteur de nos attentes. À titre d’exemple, seulement 40 % des établissements recevant du public sont aujourd’hui accessibles à des personnes en situation de handicap. Le taux de chômage des personnes handicapées reste deux fois supérieur à la moyenne nationale. Être handicapé ne doit plus faire de vous un citoyen de seconde zone. Nous ne pouvons plus laisser de côté plusieurs millions de Français sans nous condamner nous-mêmes.
Madame la secrétaire d’État, en nous inspirant de l’esprit de la loi handicap de 2005, il nous faut nous attaquer aux problèmes quotidiens : l’accessibilité, d’abord, en poursuivant la mise aux normes des bâtiments recevant du public, selon un agenda contraignant ; la réflexion sur les projets de vie des personnes handicapées avec l’aide des maisons départementales, recentrées sur les missions originelles ; pour être encore plus concret, les difficultés financières causées par le handicap, l’achat d’un fauteuil roulant, par exemple – je salue l’annonce du Président de la République concernant l’application du tiers payant pour les aides techniques. Pouvez-vous nous dire quelles seront les étapes de la politique inclusive et mobilisatrice que vous entendez mener dans les mois à venir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la députée, vous m’interrogez sur la politique gouvernementale en matière de handicap, tout juste dix ans après la loi du 11 février 2005. Cette loi était une belle et grande loi…
…qui a incontestablement fait avancer les droits des personnes handicapées. C’est l’ensemble du Gouvernement qui est mobilisé pour améliorer le quotidien des personnes handicapées, car il s’agit bien d’une politique transversale, comme l’a précisé le Premier ministre, dans une circulaire, il y a quelques mois. Améliorer le quotidien des personnes handicapées, c’est d’abord permettre aux enfants handicapés d’être scolarisés au sein de l’éducation nationale avec les autres enfants, et c’est ce que nous faisons en recrutant de nouveaux auxiliaires de vie scolaire, dont nous avons déprécarisé le statut, et en transférant des classes entières d’instituts médico-éducatifs au sein de l’éducation nationale, précisément pour que ces enfants soient avec les autres enfants.
Améliorer le quotidien des personnes handicapées, c’est aussi, comme vous l’avez dit, permettre l’accessibilité universelle. C’est ce que nous faisons avec la mise en place des agendas d’accessibilité programmée qui vont rendre obligatoire la programmation des travaux d’accessibilité pour l’ensemble des établissements recevant du public d’ici à septembre prochain. Améliorer le quotidien des personnes handicapées, c’est aussi leur permettre un meilleur accès aux soins : c’est pourquoi nous lançons des programmes de prévention dans tous les établissements médico-sociaux et nous encourageons des consultations dédiées dans les maisons de santé pluriprofessionnelles et dans les établissements de santé.
Améliorer le quotidien des personnes handicapées, c’est aussi permettre un meilleur accès à l’emploi : c’est pourquoi notre priorité, c’est l’accompagnement des personnes handicapées vers l’emploi en milieu ordinaire. Vous le voyez, madame la députée, tout le Gouvernement participe à cette politique du handicap, dont l’objectif est que la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité soit une réalité pour tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Claude Sturni, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, permettez-moi de rebondir sur vos explications s’agissant de l’évolution du chômage de longue durée et de ce que vous avez appelé les grandes avancées, qui sont à mon avis tout à fait insatisfaisantes, et de vous interroger sur l’apprentissage et le chômage des jeunes, qui semblent bien éloignés des priorités du Gouvernement. À l’exception d’une « séquence », comme disent les communicants, en septembre et en octobre derniers, l’apprentissage, et le chômage des jeunes en particulier, est sorti de vos radars.
Vous l’avez vous-même admis, dans un courrier du 22 janvier, et les chiffres publiés la semaine dernière le confirment : l’entrée dans l’apprentissage a chuté de 8 % en 2013 et de 3 % supplémentaires en 2014. Aujourd’hui, moins de 265 000 jeunes entrent en apprentissage, au lieu de 300 000 jusqu’en 2012, quand le précédent gouvernement en avait fait une véritable priorité. Depuis mai 2012, vous ne cessez de défaire puis de refaire en urgence ce qui marchait avant votre arrivée. Comment voulez-vous que les jeunes et leurs familles, les chefs d’entreprise, les maîtres formateurs et les enseignants aient confiance en votre politique ? Qu’avez-vous fait depuis mai 2012 ?
Vous avez supprimé 500 millions d’euros en 2013 sur le crédit d’impôt aux entreprises ainsi que l’indemnité compensatrice forfaitaire, avant de rajouter 200 millions en urgence en 2014 pour rétablir cette aide à l’embauche. Vous avez donc envoyé à tous les acteurs, y compris aux jeunes, un très mauvais signal : celui de considérer l’apprentissage et l’entrée des jeunes dans l’emploi comme une variable d’ajustement budgétaire. Tous les acteurs ont besoin d’avoir confiance dans une politique solide et pérenne de l’apprentissage et de l’emploi des jeunes. Vous vous accrochez à votre objectif de 500 000 contrats en 2017, soit à un doublement en moins de trois ans, mais par quel miracle comptez-vous inverser la tendance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, vous avez raison de dire que l’apprentissage est un sujet très important.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il rassemble l’ensemble de la classe politique et des partenaires sociaux. Quand le Président de la République a tenu une grande conférence sur l’apprentissage, nous sommes convenus ensemble de mesures et de dispositions, afin d’assurer la stabilité financière en la matière. C’est ainsi qu’a été rétablie et doublée la prime pour les employeurs qui vont embaucher un apprenti dans les entreprises de moins de 250 salariés : elle s’élèvera à 1 000 euros pour tout nouvel apprenti – et à 2 000 euros dans les entreprises de moins de dix salariés. Ce sont surtout ces dernières d’ailleurs qui recherchent et embauchent aujourd’hui des apprentis.
Vous confondez être en apprentissage et être en contrat d’alternance. En effet, le nombre de contrats a diminué : il est aujourd’hui de l’ordre de 270 000. Mais cette baisse a été stoppée depuis la rentrée et, aujourd’hui, plus de 400 000 jeunes sont en apprentissage. Le problème, bien souvent, que vous connaissez si vous vous intéressez à ce sujet, c’est que les jeunes en apprentissage ne trouvent pas d’entreprise pour y faire leur stage,…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…malgré les nombreux courriers qu’ils envoient. Dans notre pays, les entrepreneurs aiment l’apprentissage, mais ils ont du mal à prendre des apprentis.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous devriez y réfléchir ! Combien de courriers les jeunes des quartiers de la politique de la ville envoient-ils, sans même recevoir un accusé de réception ? Cela n’est pas normal. Vous devez lutter avec nous contre la discrimination faite à ces jeunes. Enfin, la situation s’étant stabilisée, je vais, dans les semaines qui viennent, sortir un décret, que vous attendez comme moi, pour lever les obstacles à l’apprentissage.
La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Vous présentez la loi Macron comme une loi de relance de la croissance. Pensez-vous que l’article 48, que nous avons examiné hier soir et pour lequel nous avons à nouveau évoqué l’éventuelle privatisation de l’Établissement français du sang, soit réellement de nature à relancer la croissance ?
S’il y a un domaine qu’il faudrait sanctuariser plutôt que de le livrer au marché, c’est bien celui de la santé !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je vous rappelle que l’article 51 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a prévu de transformer l’Établissement français du sang en opérateur sous-traitant de la multinationale Octapharma. De ce fait, l’EFS devra distribuer des médicaments dérivés du sang issus de collectes organisées par des sociétés privées.
Or ces collectes proviennent de pays étrangers aux critères sanitaires laxistes et où les donneurs seront rémunérés.
Vous le savez, monsieur le Premier ministre : en France, les donneurs de sang sont profondément attachés aux règles d’éthique, tout particulièrement au principe fondamental du bénévolat
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et SRC.
Pour eux, il est impensable que l’on puisse considérer des éléments du corps humain, tels que le sang ou le plasma, comme de simples marchandises.
Si le Gouvernement persiste à remettre en cause le principe du bénévolat, il va rebuter des dizaines de milliers de donneurs de sang pour lesquels c’est une règle de base.
Dans ma circonscription, j’ai été alertée à ce sujet par de très nombreuses associations locales de donneurs de sang. Il faut protéger ces donneurs ! Monsieur le Premier ministre, il faut sanctuariser l’EFS !
De tels sacrifices sont-ils vraiment pertinents, tant sur le plan sanitaire que sur le plan éthique ? Vont-ils seulement entraîner des économies budgétaires et, surtout, ne risquent-ils pas de déstabiliser les fondements de notre politique de sécurité sanitaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes UDI, SRC et GDR.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée, vous marquez à travers cette question votre attachement à la spécificité de la collecte et à la filière française du sang. Cette filière est très particulière en ce qu’elle repose sur ce qu’on appelle « les principes du don éthique », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de marchandisation du corps humain, y compris du sang. Je tiens à le dire devant l’Assemblée de la manière la plus ferme et forte qu’il soit : il n’est en aucun cas question de revenir sur cette spécificité française et alors même que nous sommes confrontés à un environnement international qui bouscule nos règles de droit.
C’est la raison pour laquelle, à l’occasion du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale, a été adopté un article qui permet de renforcer et de conforter cette filière française ainsi que le caractère éthique du don auquel les donneurs sont à juste titre attachés, et ce malgré la volonté des institutions communautaires et une décision de la Cour de justice européenne qui fait pression sur notre droit.
Et puis il y a l’article 48 du projet de loi d’Emmanuel Macron, dont vous avez débattu hier. Le ministre de l’économie l’a répété à plusieurs reprises, je le réaffirme ici à mon tour : le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies reste public, son statut ne changera pas. Il s’agit simplement de permettre à cet établissement d’être, le cas échéant, conforté par des capitaux publics.
Je souligne à nouveau, parce que c’est le coeur de votre question, madame la députée, que nous avons pris tout un ensemble de mesures pour garantir aux donneurs et aux receveurs que le caractère éthique de la filière du sang en France restera préservé, le don gratuit et anonyme, ce à quoi nous sommes collectivement attachés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Depuis des mois, je n’ai eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme devant la situation explosive que connaît le logement en Guyane. J’ai mobilisé tous mes moyens pour attirer l’attention du Gouvernement : mes interventions lors de l’examen de la loi ALUR et des lois de finances, des questions écrites, des questions orales, des tribunes dans la presse nationale et même une requête directement adressée au Président de la République. Vous savez qu’en matière de mal logement, la Guyane cumule des records : sept habitants sur dix vivent dans une construction illégale, un sur six dans l’insalubrité, un sur trois dans un logement sur-occupé, sachant par ailleurs qu’un logement sur cinq n’a pas accès l’eau potable et qu’un sur six n’est pas connecté au réseau d’électricité… De ce mal logement découle une tension sociale palpable, engendrée notamment par des occupations illégales de terrain qui nous font craindre le pire pour les mois et les années à venir ; de ce mal logement découlent également de nombreuses externalités négatives qui gangrènent notre société, au premier titre desquelles la banalisation de la violence juvénile.
Certes, des efforts ont été réalisés, notamment une légère augmentation de la LBU – la ligne budgétaire unique –, qui finance le logement social. Mais, hélas ! face à une croissance démographique de plus de 3 % par an, cette augmentation n’est pas suffisante. Quid des projets d’opération d’intérêt national qui, au-delà de la relance du BTP, devraient insuffler un vrai bol d’oxygène à l’économie locale ? Aujourd’hui, faute d’avoir réagi alors qu’il était encore temps, c’est d’un véritable plan Marshall dont nous avons besoin pour le logement.
Je vous remercie donc de nous informer des moyens réglementaires et financiers qui vont être mis à disposition de la lutte contre le mal logement en Guyane.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur Gabriel Serville, je connais bien, évidemment, la situation difficile du logement en Guyane. Mais vous avez vous-même fait le constat suivant : nous avons beau augmenter significativement les crédits, le mal logement perdure. Pourtant, vous devez reconnaître qu’ils ont progressé de près de 50 % depuis 2012 ; cette année encore, la part de l’enveloppe ANRU sera en hausse en Guyane. Vous savez aussi que le Gouvernement met beaucoup d’énergie à sauvegarder les opérateurs importants, je pense à la Société Immobilière de Guyane, dont la situation financière est dramatique.
Mais vous savez aussi que quand la population augmente à une allure si rapide et qu’elle est malheureusement dans une situation financière extrêmement modeste, que les communes elles-mêmes sont en difficulté financière, il est presque impossible d’arriver à suivre la montée des besoins, besoins que nous ne contestons pas. Vous êtes obligé de reconnaître que ce gouvernement consacre un effort important au logement de la population. C’est pour nous une priorité. Ainsi, la défiscalisation en faveur du logement social été maintenue et nous avons amélioré le dispositif Pinel pour le logement intermédiaire de manière à pouvoir aussi répondre à cette catégorie de la population. De même, le crédit d’impôt pour la transition énergétique a été bonifié dans les outremer. Enfin, vous savez que l’ANRU a sélectionné cinq projets pour la Guyane.
Il est vrai que c’est difficile. Je sais que nous devons collationner dans le plan Logement tout ce que j’ai évoqué. Je vais travailler sur l’opération d’intérêt national dont je sais qu’elle vous tient à coeur.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a inscrit à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée du 9 mars 2015 la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Il n’y a pas d’opposition ?
Il en est ainsi décidé.
L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014.
La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons le président et rapporteur de la commission des lois, la présidente de la commission de la défense, les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses, la durée des questions et des réponses étant limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, c’est un débat original à de multiples titres qui nous réunit aujourd’hui. Tout d’abord, c’est la première fois depuis la création en 2008 de la délégation parlementaire au renseignement, structure commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, que la publication de son rapport annuel fait l’objet d’une inscription à l’ordre du jour de notre Assemblée, nous permettant ainsi d’en débattre publiquement. Je tiens donc à remercier le président Claude Bartolone et Bruno Le Roux d’avoir répondu favorablement à cette suggestion que je m’étais permis de leur soumettre.
Ensuite, il est rare – trop rare – dans cet hémicycle de parler de nos services de renseignement. De ce point de vue, nous illustrons parfaitement le rapport complexe que notre pays entretient avec le renseignement, ce « mystère connu de tous » comme l’écrit le préfet Rémy Pautrat qui, auprès de Michel Rocard, fit beaucoup pour réconcilier notre pays avec ses services.
La France n’aime pas « le renseignement », matière que les Anglais préfèrent d’ailleurs appeler l’« Intelligence ».
N’est-ce pas l’Académie française qui, dans l’édition 1879 de son dictionnaire, écrivait que l’espionnage est un « métier infâme », et Balzac qui, dans Splendeurs et misères des courtisanes, affirmait que « l’espion est un affreux métier » ?
Enfin, cet échange est en réalité préparatoire à un long débat que nous aurons dans quelques semaines, puisque le Président de la République, puis le Premier ministre, ont annoncé que l’Assemblée serait bientôt saisie d’un projet de loi relatif au cadre juridique des services de renseignement.
Cette perspective me permet de concentrer ces quelques mots au sens de l’exercice que j’ai eu l’honneur de piloter durant l’année 2014 au nom de la délégation parlementaire au renseignement.
Pour la première fois, en effet, le Parlement a enfin pu exercer « un contrôle de responsabilité » sur nos six services de renseignement.
J’invite tous ceux que ce sujet intéresse à consulter le rapport que nous avons rédigé et présenté au Président de la République le 18 décembre dernier.
Le contrôle des services de renseignement est un exercice vital, car de sa réalité dépend la légitimité des services aux yeux du public. C’est d’ailleurs pourquoi il est peu à peu devenu, dans les démocraties occidentales, un élément constitutif de la bonne gouvernance dans le domaine de la sécurité.
Selon les pays, il s’est structuré de manière diverse. Aux États-Unis, en Israël ou en Allemagne, il relève du Congrès, de la Knesset ou du Bundestag. En Grande-Bretagne, il s’agit d’un comité parlementaire, mais dont les membres sont choisis par le Premier ministre. Au Canada ou en Belgique, ce sont des comités indépendants, autonomes et apolitiques. En Australie ou en Suisse, le contrôle est exercé par un inspecteur général. Enfin, en Suède ou en Nouvelle-Zélande, il relève de l’institution judiciaire.
Notre pays a décidé de confier le contrôle des services au pouvoir législatif, heureuse initiative dont la réalisation a cependant pris un peu de temps.
Ce fut d’abord une initiative du Président Sarkozy qui créa, en 2007 puis en 2008, la délégation parlementaire au renseignement, formule apparue pour la première fois en 1985, dans une proposition de loi déposée par les députés communistes après l’épisode du Rainbow Warrior, et qu’Alain Marsaud, député UMP, a réactivée vingt ans plus tard, en 2005, lors de la discussion d’un texte relatif à la lutte contre le terrorisme.
L’outil était là, mais les compétences étaient restreintes, puisque la législature avait adopté un texte dans lequel cette délégation – Jacques Myard s’en rappelle mieux que personne – était chargée du suivi de l’activité générale des services.
C’est l’honneur du gouvernement de Jean-Marc Ayrault d’avoir décidé, à l’occasion de la loi de programmation militaire, de faire le pas décisif et de permettre à cette délégation d’exercer « le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement et d’évaluer la politique publique en ce domaine ».
Reste à définir ce qu’est le contrôle des services de renseignement. Notre mission est moins de surveiller les administrations elles-mêmes que de veiller à l’usage que peut en faire le pouvoir exécutif. Notre responsabilité n’est pas de vérifier qu’ils « travaillent bien », mais de s’assurer qu’ils ne se comportent pas mal, et, en cas d’anomalie, d’en imputer la responsabilité au Gouvernement, en mettant en oeuvre les mécanismes prévus par la Constitution en application de la séparation des pouvoirs.
Pour nous, en effet, les services de renseignement sont des administrations qui concrétisent une politique publique. La France ne fait donc pas partie de ces rares pays dans lesquels le contrôle parlementaire s’apparente à une forme de surveillance. On pourrait le regretter, mais il s’agit en réalité d’une heureuse précaution.
D’abord, parce que l’expérience des États-Unis a montré qu’un contrôle parlementaire globalisant est vite perçu comme une entrave dont s’émancipent les gouvernements, n’hésitant pas à extraterritorialiser leur action, par exemple sur la base de Guantanamo, ou à l’externaliser en faisant appel à des prestataires privés, comme l’a révélé l’affaire Snowden.
Ensuite, parce qu’une décision du Conseil constitutionnel de 2001 interdit au législateur de s’intéresser aux « opérations en cours », le Conseil ayant simplement oublié de préciser ce que recouvraient ces termes.
Sourires.
Notre mission est donc de tracer la perspective de ce contrôle parlementaire. Il appartient maintenant aux parlementaires de faire vivre celui-ci, pour que l’opinion puisse se réconcilier avec des outils devenus indispensables à la défense de nos intérêts nationaux et à la protection des libertés individuelles dont jouissent légitimement nos concitoyens. Puisse ce premier débat y contribuer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je me réjouis comme vous que se tienne enfin, pour la première fois, ce débat ou plutôt cette présentation de l’activité de la délégation parlementaire au renseignement. Je vais essayer de vous exposer, durant les cinq minutes qui me sont imparties, le point de vue qui est celui de la commission de la défense. Les différents débats sur les lois de programmation militaire ou budgétaire ont montré que cet organe parlementaire était méconnu, même au sein de cette assemblée. Il était donc plus que temps d’organiser ce débat.
Grâce à l’extension des prérogatives que lui a conférées la loi de programmation militaire en 2008, puis en 2013, la délégation parlementaire au renseignement a exercé pour la première fois, en 2014, sa pleine et entière mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Cet exercice a été très riche – son rapport d’activité en témoigne. Je remercie à ce titre Jean-Jacques Urvoas de nous avoir fait travailler, tambour battant, toute cette année.
Ce rapport a également permis de constater le chemin parcouru depuis 2008 pour doter nos services de renseignement de moyens budgétaires, humains et techniques en adéquation avec leurs besoins. La France présentait un gros retard dans ce domaine, alors que l’anticipation de menaces est la première des garanties de sécurité pour nos concitoyens et nos territoires.
En outre, l’exercice a permis de constater que, malgré les avancées législatives récentes, nos services ne disposaient pas encore de tous les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. C’est pour cela – et tous les membres de la délégation parlementaire au renseignement en sont convaincus – qu’il est indispensable de se doter rapidement d’un nouveau cadre juridique venant ainsi compléter l’action de nos services.
Le Gouvernement partage cette préoccupation : le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 avait bien érigé la fonction connaissance et anticipation au premier rang de ses priorités.
Les événements dramatiques de ces dernières semaines ont certainement fait prendre conscience à nos concitoyens, mais aussi aux parlementaires, de la menace djihadiste et du rôle que jouaient dans cette lutte nos services de renseignement, nos armées et les services de police et de gendarmerie, sur notre territoire et à l’extérieur – car c’est le même combat.
C’est pourquoi je voudrais souligner l’importance du continuum entre défense et sécurité nationale, tel qu’il a été réaffirmé dans le Livre blanc de 2013. En matière de renseignement, la nation a consenti ces dernières années un effort important pour renforcer ses capacités techniques de recueil et d’exploitation des données, que ce soit en matière de renseignement d’origine électromagnétique ou de renseignement d’origine image. Ces capacités techniques sont indispensables pour maintenir une autonomie d’appréciation à la hauteur des ambitions stratégiques qui sont les nôtres et au niveau de menace auquel nous sommes confrontés.
Il est donc fondamental de poursuivre la mutualisation de ces capacités de renseignement au profit de l’ensemble de la communauté du renseignement, en particulier de la Direction générale de la sécurité intérieure – DGSI. Comme l’a signalé Jean-Jacques Urvoas, nous aborderons prochainement ces questions dans un projet de loi.
Certes, il n’est pas possible, compte tenu des enjeux, que chaque service dispose de ses propres capacités techniques. C’est le rôle du coordonnateur national du renseignement de veiller à cette bonne mutualisation des outils de recueil et d’exploitation des informations. La délégation parlementaire au renseignement y est particulièrement attentive. Le Premier ministre a déjà décidé d’accélérer le processus de recrutement de personnels spécialisés au sein de la DGSI. Il s’agit là d’une excellente décision.
S’agissant de la future loi sur le renseignement, les trois moyens d’enquête aujourd’hui à disposition des services – interceptions de sécurité, réquisition des données techniques de connexion et accès à différents fichiers – sont insuffisants. Nous avons évoqué ce sujet tout au long de l’année avec les acteurs concernés. La future loi devra donc étendre à la communauté du renseignement les moyens d’investigation spéciaux, utilisés aujourd’hui uniquement dans le cadre judiciaire, et offrir ainsi aux services la possibilité de répondre aux nouvelles menaces par des moyens techniques adaptés et performants, dont notre pays a pu se doter grâce à l’excellence de la recherche technologique en ce domaine.
Il ne s’agit donc pas, à mon sens, d’élaborer une loi-cadre sur le renseignement, mais bien une loi pragmatique, opérationnelle, qui offre aux services les moyens d’action qu’exigent leurs missions. Les travaux au sein de la délégation parlementaire au renseignement ont montré que ces questions pouvaient faire l’objet d’un large consensus politique, raisonné, responsable et équilibré, qui assure la protection de nos intérêts vitaux et celle de nos citoyens et de nos territoires. J’espère que cet état d’esprit trouvera une traduction supplémentaire lors de l’examen de cette future loi sur le renseignement. En tout état de cause, les parlementaires de la délégation émettront un avis circonstancié sur le projet de loi et permettront ainsi, je l’espère, un débat éclairé et responsable au sein de notre assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, débattre du rapport 2014 de la délégation parlementaire au renseignement, un peu plus d’un mois après les attentats qui ont frappé notre pays, commande de nous interroger, ici et maintenant, sur les forces et les fragilités des services de renseignement français, ainsi que sur les moyens d’en améliorer l’efficience dans un cadre juridique sécurisé et respectueux des principes de notre droit.
Telle est la suite logique du travail engagé depuis un peu plus de deux années par Jean-Jacques Urvoas et les membres de cette délégation, à la fois si nouvelle – l’histoire vient d’en être rappelée – et si particulière.
De ce travail découle un constat qui semble unanime : nos services de renseignement ne disposent pas, en l’état actuel de notre droit, des capacités juridiques qui leur seraient nécessaires pour agir en toute sécurité. Par ailleurs, les moyens mis à leur disposition ont pris un tel retard, en particulier au cours de la dernière décennie, que ces outils ne sont plus dignes d’un pays comme la France.
Première anomalie : les six services qui constituent aujourd’hui la communauté française du renseignement ont été créés par de simples décrets. Le fait d’être dépourvus d’existence législative ne contribue pas, chacun en conviendra, à la meilleure configuration, tant pour la définition de leurs missions que pour l’attribution de moyens dédiés. Chaque jour, ces services sont donc contraints de s’exposer à des risques importants pour continuer de remplir leur mission, sans base légale, en dehors de tout contrôle autre que hiérarchique et interne, ce qui constitue un double facteur d’insécurité.
Insécurité pour les agents tout d’abord, puisque le deuxième alinéa de l’article 122-4 du code pénal dispose que : « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Concrètement, un agent travaillant pour le compte de la France qui pose une balise sous une voiture ou sonorise l’appartement d’un individu fomentant un attentat, peut, en l’état actuel de notre droit, être incriminé pénalement. Nous ne pouvons l’accepter plus longtemps.
Insécurité pour la France ensuite, puisque notre pays risque à tout moment de faire l’objet d’une condamnation internationale. Ainsi la Roumanie a-t-elle été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de l’imprécision de sa législation en matière de renseignement. Notre pays, lui, ne dispose d’aucune législation !
Comme l’a indiqué le Président de la République, comme le souhaite le Gouvernement, nous devons donc légiférer sans tarder. La loi devra, dans un premier temps, affirmer une évidence connue de tous, mais écrite nulle part : oui, la France dispose de services de renseignement pour contribuer à la défense de ses intérêts stratégiques et à la sécurité de ses ressortissants.
La loi devra, dans un deuxième temps, définir les missions de ces services, en encadrant strictement les actions dérogatoires au droit commun. Elle pourra s’inspirer, dans sa philosophie, du seul texte existant dans ce domaine : la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, qui concerne principalement ce qu’il est convenu d’appeler les écoutes téléphoniques ou interceptions de sécurité.
Dans un troisième temps, la loi devra donner aux services les moyens légaux de remplir les missions qu’elle leur assigne. La loi du 9 mars 2004 portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben 2, a donné aux services de police judiciaire de puissants moyens d’investigation. Il faut nous inspirer de cet arsenal, car les missions de nos services ne sont pas moins importantes. Or, aujourd’hui, on attend d’eux autant d’efficacité, sans leur confier les outils nécessaires !
Dans un quatrième temps, la loi doit prévoir avec force les contrôles indispensables. Les moyens que nous avons le devoir de donner à nos services de renseignement étant, disons-le avec clarté, potentiellement attentatoires aux principes qui fondent les libertés individuelles, leur emploi doit être contrôlé rigoureusement. Trouver l’équilibre entre sécurité et liberté, c’est ce qui fonde le caractère démocratique d’une nation. La création d’une autorité administrative indépendante chargée d’évaluer la légalité et la proportionnalité des moyens mis en oeuvre, est donc une nécessité absolue.
Enfin, dans un cinquième temps, la loi devra offrir aux agents un cadre juridique de protection, afin que les principaux acteurs du renseignement français puissent agir en toute sérénité et en toute sécurité du point de vue du droit, ce qui ne signifie nullement en toute impunité. Ce débat, souhaité par le groupe socialiste, républicain et citoyen, sur l’opportune suggestion du président Urvoas, témoigne que la réflexion que nous menons sur ces questions sensibles n’est pas récente. Elle est le prélude au travail de législateur que nous allons prochainement engager. C’est un rendez-vous que le Parlement ne peut manquer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut saluer cette première concernant l’activité de nos services. Aussi, je tiens tout d’abord, avec solennité, à rendre hommage, au nom de l’ensemble des députés UMP, à tous les agents des services qui, dans l’ombre, avec courage, avec une totale abnégation et, parfois, jusqu’au sacrifice suprême, servent la France afin d’assurer notre sécurité externe et interne. Nous leur devons, vous le savez, un soutien total, qui ne s’explique pas seulement par les événements tragiques que nous venons de vivre, mais qui s’inscrit aussi, comme l’a souligné à juste titre Jean-Jacques Urvoas, dans la durée d’une grande politique publique.
Oui, les agents des services agissent dans le cadre d’une politique publique consubstantielle à l’action d’un État démocratique, soucieux de la sécurité des Français et déterminé à oeuvrer pour la sécurité internationale. Il ne s’agit donc pas seulement d’une pétition de principe ; il s’agit aussi de tordre le cou aux billevesées et autres balivernes de quelques idiots utiles qui accusent, avec moult cris d’orfraie de vierges effarouchées, les services de la République de violer nos libertés publiques.
La première de nos libertés publiques, c’est la sécurité de chacun d’entre nous, c’est pouvoir aller et venir sans se faire assassiner à chaque coin de rue.
Depuis sa création par la loi du 9 octobre 2007, j’appartiens à la délégation parlementaire au renseignement – DPR, voulue par le président Sarkozy et soutenue par le gouvernement de François Fillon. Le gouvernement auquel vous participez, monsieur le ministre, a décidé, par la loi du 18 décembre 2013, de renforcer les missions de la DPR, qui, après avoir été mandatée par le législateur pour suivre l’activité générale et les moyens des services spéciaux, a désormais pour objectif d’exercer le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement.
La France, la République reconnaissent enfin, hélas tardivement, la nécessité d’un contrôle parlementaire sur le renseignement, mais aussi son rôle primordial, en tant que politique publique, dans un monde toujours chaotique, dangereux et imprévisible. L’imprévisibilité est justement ce qu’un gouvernement ne saurait trouver admissible, son rôle premier étant d’anticiper, d’être en capacité de faire face. Le Gouvernement doit savoir ce qui se passe, être renseigné sur toutes les menaces, qui sont autant de risques pour notre sécurité.
Nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours ! Le général de Gaulle nous le rappelait avec force : « Les États n’ont pas d’amis » ! Ce n’est pas une chose nouvelle, mais elle est trop souvent oubliée par les naïfs et les gogos. L’affaire Snowden, sur les capacités américaines, devait leur ouvrir les yeux. C’est, semble-t-il, peine perdue.
Au siècle dernier, le comte de Rémusat, ministre des affaires étrangères, eut ces mots pleins de sagesse : « Parce que leur mode de vie ou la forme de leur esprit plaisent volontiers aux étrangers, les Français en tirent la conclusion que la France est aimée. Voilà qui est faux. Aucune nation n’est aimée, et la France, pas plus que les autres. » Regardons la réalité en face et cessons d’être naïfs : ouvrons les yeux sur les menaces.
Elles sont nombreuses et multiformes, comme le montre le rapport auquel a conclu la délégation parlementaire au renseignement, sous l’autorité avisée du président Urvoas – transcourants.
Sourires.
La plus évidente d’entre elles est bien sûr la menace terroriste, prégnante, diffuse, aveugle. Elle durera, car il existe un ennemi intérieur qui avance masqué et se régénère sur la scène internationale. Il n’est en rien empêché par des frontières qui se révèlent inexistantes, qu’elles soient physiques ou, a fortiori, numériques.
Il est urgent de mettre en place le dispositif PNR – passenger name record –, monsieur le ministre, et de passer outre les réticences proprement criminelles – je le dis avec force – d’un Parlement européen décalé par rapport aux réalités du monde. Il est vrai qu’il n’y a pas que dans ce domaine que le Parlement européen est décalé ; il fait malheureusement preuve de cécité. Nous avons perdu trop de temps : s’il y a refus ou blocage, agissons comme nous le faisons maintenant sur le plan national, et créons un réseau multi-bilatéral, totalement informatisé, qui permette aux utilisateurs d’être connectés en temps réel, sans passer par une requête administrative.
De plus, ne nous trompons pas d’ennemis. C’est là où, en matière de renseignement, la politique étrangère est importante. Je le dis comme je le pense : la Russie est un allié incontournable et précieux dans la lutte contre les djihadistes.
Au-delà du terrorisme, il existe d’autres menaces bien réelles. Les attaques cyber peuvent être redoutables et désorganiser, voire bloquer le fonctionnement de services publics, d’entreprises publiques ou d’hôpitaux en quelques instants. Nous devons en être conscients : nos sociétés sont devenues hyperfragiles.
Les menaces économiques sont tout aussi réelles. L’espionnage économique est une constante, dont les acteurs sont parfois nos chers alliés, voire nos partenaires européens. Face à ces réalités, ouvrons les yeux et donnons-nous les moyens de relever ces défis.
Il faut bien sûr renforcer les services en moyens humains. Le gouvernement Fillon avait déjà fortement augmenté les effectifs de la direction générale de la sécurité extérieure – DGSE – et procédé à la fusion de la direction de la surveillance du territoire – DST – et d’une partie des renseignements généraux dans la direction centrale du renseignement intérieur – DCRI. Votre gouvernement, monsieur le ministre, a élevé à juste titre la DCRI au rang de direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et renforcé le service central du renseignement territorial – SCRT – qui était trop faible, comme l’a montré l’affaire Merah.
Au-delà des moyens, nous avons aussi l’obligation de protéger nos agents et de leur garantir les moyens juridiques de leur action, sans pour autant négliger le contrôle.
Nous examinerons attentivement votre projet de loi, avec la volonté forte de doter nos services du cadre juridique nécessaire pour assurer à leurs missions l’efficacité maximale, dans le respect des libertés et du contrôle nécessaire.
À ce titre, je ne peux que marquer mon étonnement, monsieur le ministre, devant la reculade du Gouvernement sur le secret des affaires…
… alors que nombre de nos entreprises sont littéralement pillées par les services étrangers et les multinationales. C’est d’autant moins acceptable que cette décision semble avoir été prise sous la pression de prétendus défenseurs de la liberté d’expression, véritables idiots utiles des services étrangers, qui lisent à livre ouvert dans les comptes de nos entreprises pour piller leurs secrets, et parfois même les racheter à vil prix !
Je souhaite savoir si votre gouvernement compte abandonner définitivement ce projet sur le secret des affaires, monsieur le ministre.
Au-delà des nécessaires mesures gouvernementales et législatives, je désire insister sur la vigilance de chacun d’entre nous. Les Anglais disent que tout sujet britannique est un agent de Sa Majesté en puissance. Il est regrettable que des cadres de nos entreprises négligent de prendre des précautions minimales, laissant des informations sensibles sur leur entreprise dans leur ordinateur au passage des frontières, ou dans leur chambre d’hôtel, qu’ils pensent sécurisée.
Je ne saurais oublier l’amateurisme de certaines administrations, dont la naïveté et le laxisme frisent l’inconscience.
À ce titre, je ne peux que vous recommander la lecture du rapport de la délégation, rédigé sous la présidence avisée de Jean-Jacques Urvoas, qui met le doigt là où cela fait mal, certes, mais dans l’intérêt de la nation. Je suis en plein accord avec cette mise en garde.
Cette vigilance vaut aussi pour tous les citoyens, qui doivent rapporter les signaux faibles de radicalisation aux autorités de police et de gendarmerie. Une fois de plus, notre destin est entre nos mains. Nous avons certes des alliés pour lutter contre le terrorisme djihadiste, mais parfois – ne soyons pas naïfs – ce sont ces mêmes alliés qui ne font aucune concession en matière commerciale et économique.
C’est grâce à la crédibilité de nos services que nous pourrons relever l’ensemble de ces défis. Au nom de l’intérêt général, au nom de l’indépendance nationale, au nom de notre liberté, de notre sécurité, soutenons leur action et donnons-leur les moyens d’assurer leurs missions !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, devant la réalité d’une menace terroriste qui pèse tant en dehors qu’à l’intérieur de nos frontières, il est de notre devoir d’assurer au mieux la sécurité et la protection de nos concitoyens.
Pour que les événements tragiques que nous avons vécus sur notre sol ne se reproduisent pas, aucun outil, aucun moyen de détection, d’identification, de prévention ou de répression ne doit manquer à ceux qui sont en charge de combattre le terrorisme.
Les services de renseignement sont l’une des composantes essentielles de notre démocratie, indispensables pour mener la lutte engagée par notre pays contre terrorisme.
C’est dans ce contexte bien particulier et d’une exceptionnelle gravité, au lendemain des annonces faites par le Premier ministre en la matière, que nous débattons du rapport de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014. Ce rapport comporte un certain nombre de préconisations intéressantes, qui mériteraient d’être prises en compte dans le futur projet de loi sur le renseignement.
Au-delà du renforcement des moyens humains et matériels et de la création de 1 100 emplois supplémentaires annoncée par le Premier ministre, nous devons donner à l’action des services de renseignement un véritable cadre juridique et mettre en place une gestion moderne des ressources humaines.
Nos services de renseignement doivent être réorganisés pour faire face à la mutation des menaces qui pèsent sur notre pays. Les outils existants, comme Tracfin, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – DNRED, la DGSI et la DGSE, et leurs capacités d’action, doivent être renforcés.
Le rapport pointe du doigt certaines limites : à titre d’exemple, les agents, s’ils ont accès aux fichiers, ne peuvent en extraire des informations et les interconnecter avec les données des fichiers propres aux services.
S’agissant des fichiers, nous rejoignons les préconisations du rapport, comme la systématisation des contrôles de titres de voyage à l’occasion d’une première entrée dans l’espace Schengen pour les ressortissants de cet espace. À l’évidence, le code frontière Schengen, qui ne prévoit qu’une « vérification minimale », est insuffisant.
La mise en place d’un système PNR, un fichier de données passagers à l’échelon national, préconisée par le rapport, avait été prévue par l’article 17 de la loi de programmation militaire, mais n’a toujours pas été réalisée. Cette mesure a de nouveau été évoquée par le Premier ministre le 21 janvier dernier. Sera-t-elle mise en oeuvre prochainement ?
Quoi qu’il en soit, la surveillance des déplacements internationaux des djihadistes doit constituer l’une des priorités de l’action des services de renseignement. À ce jour, près de 1 300 personnes, françaises ou étrangères résidant en France, seraient impliquées dans les filières terroristes en Syrie et en Irak. Si l’on y ajoute les personnes concernées par les filières plus anciennes ou agissant dans d’autres pays, ainsi que les principaux animateurs actifs dans la sphère djihadiste francophone, près de 3 000 personnes seraient à surveiller.
La loi du 13 novembre 2014 a certes prévu une interdiction de sortie du territoire des ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l’étranger, mais elle n’aborde pas la question du retour de ces ressortissants, qui doit également être prise en compte.
En outre, le rapport de la délégation parlementaire au renseignement fait état du défi que constitue le renseignement économique et financier. Nous devons effectivement nous prémunir tant contre l’espionnage économique que contre la montée en puissance de la grande criminalité organisée et de la grande délinquance financière internationales, en dotant la France d’un arsenal normatif plus protecteur.
Par ailleurs, la radicalisation est nourrie, encouragée, parfois née sur internet. Le décret d’application qui permet le blocage des sites provoquant à des actes de terrorisme a été publié le 4 février. Or ce blocage, difficilement réalisable au seul échelon national, pourrait nécessiter des actions communes au niveau européen.
Seule une réponse globale et cohérente au niveau européen peut nous permettre de lutter efficacement contre ce fléau, par une meilleure coordination concernant le partage de renseignement, à travers des agences dédiées, afin de lutter plus efficacement contre le fractionnement et la dispersion de l’information.
Le Conseil européen des 12 et 13 février sera consacré à la lutte antiterroriste. La France et l’Europe devront mettre en place une politique coordonnée, seule à même de répondre à ce nouveau défi du XXIe siècle.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, alors que la loi de 2007 créant la délégation parlementaire au renseignement lui fixait comme mission de suivre l’activité et les moyens des services, la loi de programmation militaire de 2013 lui donne pour vocation de contrôler l’activité du Gouvernement en matière de renseignement et d’évaluer la politique publique en ce domaine.
C’est un tournant. D’abord, parce que le mode opératoire est requalifié : il s’agit désormais de « contrôle », et non plus de « suivi » ; les champs d’investigation sont déplacés vers le haut – on parle de « gouvernement » et non plus de « services » – ; le renseignement devient une politique publique. Un tournant, ensuite, car la délégation, de ce fait, se trouve désormais hissée à un niveau de légitimité politique et démocratique qui la situe à un rang comparable à celui de ses homologues européens ou américain.
Tournant justifié, car les services de renseignement sont un grand service public. Les événements tragiques que nous avons connus récemment nous ont rappelé combien ils sont indispensables à notre sécurité, face à la multiplicité des menaces dont la France et les Français sont la cible.
Ainsi, après de nombreuses auditions et investigations, cette délégation, renforcée dans ses prérogatives, a rendu, pour 2014, un rapport d’activité de grande qualité. En témoignent les constats et propositions qu’il contient.
Tout d’abord, en se penchant sur le renseignement économique et financier, la délégation a levé le voile sur des activités et des domaines d’intérêt peu connus, alors qu’ils représentent des enjeux considérables. Ainsi, le renseignement financier collecte des informations concernant la détection de réseaux financiers clandestins, les opérations de blanchiment, la détection des risques et menaces contre des entreprises françaises, ou encore l’identification d’investissements étrangers pouvant porter atteinte aux intérêts français.
Le renseignement économique, quant à lui, contribue à la protection des entreprises et du patrimoine scientifique face aux menaces extérieures, à la sécurisation des approvisionnements stratégiques et à l’identification des stratégies des investisseurs.
Or, en s’interrogeant sur une série de sujets, notamment l’existence réelle d’un renseignement économique et financier français et les entreprises qui doivent en bénéficier, la délégation est parvenue à un constat négatif : le potentiel des services concernés est trop peu exploité.
Aussi faudrait-il dans un premier temps, comme le recommande le rapport, consolider l’existant en renforçant les moyens et les compétences de Tracfin et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, mieux écouter certains services comme la DGSI, la direction de la protection et de la sécurité de la défense – DPSD – et la DGSE, dont les travaux restent souvent sans écho, et surtout réorganiser le ministère de l’économie et des finances dans cette perspective, tant le peu d’intérêt qu’il porte aux questions de renseignement – ce que ce rapport met bien en évidence – est criant.
Cette contribution a donc le mérite d’inciter à faire du renseignement économique et financier un outil à part entière de définition et de mise en oeuvre de la politique économique, et de l’intégrer au sein de la communauté du renseignement.
Selon la délégation, le renforcement de cette communauté du renseignement passe par l’amélioration du dispositif juridique d’encadrement et de contrôle des services. La France, en effet, ne peut plus demeurer la seule démocratie occidentale à ne pas bénéficier d’un cadre juridique, dont l’instauration présenterait plusieurs avantages majeurs. Il permettrait en premier lieu de mieux protéger les libertés individuelles, en précisant sous quelles conditions les services pourraient mettre en oeuvre « des techniques spéciales de collecte du renseignement », car si l’État doit disposer du monopole légitime du renseignement, ce privilège ne doit pas pour autant conduire à un espionnage massif des citoyens. Il y va de leur confiance dans l’action des services de renseignement ; il y va de la démocratie.
Un cadre juridique rénové permettrait, de ce fait, de reconnaître la contribution décisive des services de renseignement à la défense des intérêts fondamentaux de la nation, souvent trop peu connus et connotés péjorativement. Enfin, il permettrait de protéger les agents de ces administrations, qui se trouvent dans une situation d’insécurité juridique.
À ce titre, il est indispensable de renforcer la protection de leur anonymat, souvent malmené, mais aussi de transposer aux services de renseignement les privilèges octroyés par la loi à la police administrative : la sonorisation de locaux, l’infiltration, l’irresponsabilité pénale pour certaines infractions commises dans le cadre d’une opération ou encore l’identité d’emprunt, par exemple.
Le renforcement de la communauté du renseignement passe également par l’instauration de ressources humaines fiables. Depuis que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 en a fait la première des priorités, elles restent un sujet de préoccupation récurrent, que la délégation a repris à juste titre.
En effet, la communauté du renseignement est avant tout une communauté de femmes et d’hommes qui partagent une culture professionnelle, avec en ligne de mire la préservation des intérêts vitaux de la nation. Elle est à préserver, car l’évolution des menaces comme celle des moyens à mettre en oeuvre rendent nécessaire le recrutement d’agents très spécialisés, notamment dans les domaines linguistique et technologique. Cela peut uniquement se concevoir grâce à un flux permanent et maîtrisé de recrutements et de départs. Il est donc crucial d’imaginer une politique de ressources humaines rénovée.
En effet, si de réels progrès ont été enregistrés – comme la création de l’Académie du renseignement, par exemple –, la délégation a observé au sujet des mutations inter-services d’agents que le substrat juridique est trop faible pour inscrire les échanges dans la durée. Dès lors, la série de propositions techniques qu’elle émet a le mérite d’ouvrir une recherche concrète de solutions pour fixer de bonnes pratiques de gestion des ressources humaines.
D’autre part, la proposition d’ouverture des services de renseignement au monde de la recherche en sciences humaines et sociales va dans le bon sens. Nos services sont aujourd’hui étrangers à ce mode de fonctionnement, alors que dans la plupart des pays occidentaux, le rapprochement avec le monde de la recherche académique est depuis longtemps un acquis, que ce soit au moyen de partenariats ou de recrutements. Il est ainsi suggéré de financer des thèses, de commander des expertises, de signer des partenariats entre l’Académie du renseignement et des écoles doctorales : c’est tout à fait à propos.
Enfin, pour renforcer la communauté du renseignement, la délégation doit exercer sa vigilance concernant l’articulation entre les missions et les moyens du renseignement intérieur, récemment réformé. En effet, la transformation de la direction centrale du renseignement intérieur en direction générale de la sécurité intérieure est la traduction salutaire de la nouvelle impulsion donnée à la lutte contre le terrorisme. Les événements dramatiques de janvier dernier ne font qu’en confirmer l’impérieuse nécessité. De même, il est nécessaire de disposer d’un réseau territorial pour une surveillance optimale de proximité.
À ce titre, la création en mai 2014 du service de contrôle du renseignement territorial comble le vide résultant de la suppression des renseignements généraux, que le service départemental d’information générale n’aurait pu pallier, en raison de la faiblesse de ses effectifs. Pour ces deux nouveaux services, la délégation, après un suivi constant, encourage à poursuivre cette réforme qui porte déjà ses fruits.
Forte de toutes ces propositions, c’est à juste titre que la délégation milite en faveur de l’élaboration d’une loi spécifique au renseignement, pour lui donner force exécutoire. Cette dernière pourrait ainsi préciser tant les missions des services que les techniques spéciales pouvant être mises en oeuvre pour assurer ces missions, les contrôles induits, la protection juridique des fonctionnaires du renseignement et les voies de recours pour nos concitoyens.
Par conséquent, le groupe RRDP apporte tout son soutien à ces propositions, car elles contribuent à préserver l’autonomie stratégique de notre pays et, par ce biais, les intérêts fondamentaux de la nation.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui prend évidemment un sens particulier à la lumière des événements tragiques que nous avons vécus au début du mois de janvier. En préambule à cette intervention, je tiens à redire ici que le groupe écologiste salue l’attitude dont le chef de l’État et le Gouvernement ont fait preuve dans la conduite des opérations et dans la réponse qui a été apportée à cette terrible épreuve des attentats. Nous nous félicitons que la communication du Gouvernement, monsieur le ministre, n’ait jamais cédé à la moindre tentation de surenchère verbale ou d’affichage de mesures précipitées qui relèvent le plus souvent davantage du symbole que de l’efficacité.
Je tiens aussi à saluer votre action, monsieur le ministre de l’intérieur, et, à travers vous, les policiers et les gendarmes qui constituent la chaîne de sécurité et qui agissent le plus souvent dans l’ombre. Certes, leur action a pu se manifester de manière très visible à certains moments mais, en règle générale, c’est dans l’ombre qu’ils assurent la sécurité des Français, y compris en déjouant un certain nombre de tentatives d’attentat. Il me semble, monsieur le ministre, qu’il est important – sans donner trop de détails, cela va de soi – d’indiquer que des tentatives d’attentat n’aboutissent pas grâce à l’action que conduisent les services de police et de gendarmerie sous votre autorité.
À l’évidence, nous sommes confrontés à une évolution du phénomène terroriste qui appelle des adaptations de notre législation et de nos moyens d’action. Pourtant, dans ce contexte d’extrême tension, nous devons plus que jamais continuer de faire preuve de sang-froid et de lucidité.
De ce point de vue, le rapport de la délégation parlementaire au renseignement constitue une source de réflexion particulièrement riche. Tout d’abord, il permet de replacer au coeur du débat la question du contrôle parlementaire des missions de renseignement, alors même que leur caractère nécessairement discret, voire secret, pourrait conduire à soustraire l’activité des services à tout contrôle parlementaire.
Ensuite, ce rapport a été rédigé en décembre 2014, soit quelques semaines avant les attentats qui ont visé Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Précisément, le fait qu’il soit paru avant le met en quelque sorte à l’abri de toute considération de circonstance. Il montre que fort heureusement, ni le Gouvernement ni le Parlement n’ont attendu les attentats pour vouloir renforcer les moyens humains, financiers et juridiques des services de renseignement.
Enfin, ce rapport esquisse le chantier de la réforme du renseignement que le Gouvernement a, depuis, décidé d’accélérer, ce qui est tout à fait logique.
S’agissant de l’action de la délégation parlementaire au renseignement, je veux rappeler que les écologistes souscrivent pleinement à l’idée selon laquelle les missions de renseignement relèvent de l’action publique et doivent donc, à ce titre, faire l’objet d’un contrôle parlementaire.
Aussi, nous nous félicitons que la loi de programmation militaire ait permis à la fois d’élargir et de clarifier les compétences de la délégation parlementaire au renseignement. Désormais, la délégation exerce « le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine ». Dans ce cadre, elle se voit confier deux types d’informations : des informations d’ordre stratégique d’une part, à l’instar de la stratégie nationale du renseignement, qui lui est communiquée, ou du plan national d’orientation du renseignement, qu’elle peut consulter, et des informations d’ordre budgétaire d’autre part, telles que le rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement, qui permet d’évaluer le coût global de la fonction renseignement. Je salue l’arrivée dans l’hémicycle de M. le ministre de la défense, au moment même où j’évoque la loi de programmation militaire.
De plus, la loi de programmation militaire a élargi les capacités d’audition de la délégation, qui peut désormais interroger le directeur de l’Académie du renseignement et les directeurs d’administrations centrales exerçant des fonctions de renseignement. À l’avenir, la délégation pourrait solliciter des agents issus d’autres services concourant aux activités de renseignement, tels que la gendarmerie et l’administration pénitentiaire, ou les présidents des autorités administratives indépendantes que sont la Commission consultative du secret de la défense nationale et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
Pour les écologistes, l’élargissement des pouvoirs de contrôle et d’évaluation de la délégation doit être encouragé. Je pense notamment à la précision des documents budgétaires – le rapport indique qu’aucune information n’a été transmise pour 2015, et que les autorisations d’engagement, qui permettent de mesurer l’investissement dans la durée, ne sont pas précisées – ou encore à la facilitation de l’audition de personnalités issues des services de renseignement.
Enfin, la question de la représentativité de la délégation demeure posée, et vous ne vous étonnerez pas que le coprésident du groupe écologiste que je suis la soulève à nouveau, puisqu’à ce jour, seuls deux groupes parlementaires y sont représentés : le groupe majoritaire et le principal groupe d’opposition. Nous pensons que le pluralisme est le meilleur garant de la qualité des travaux d’une délégation et du contrôle parlementaire.
Le deuxième intérêt du rapport de la délégation réside dans le bilan qu’il dresse de la réforme du renseignement intérieur. En effet, à la lecture du quatrième chapitre de ce rapport, nous apprenons notamment que la structuration de la direction générale de la sécurité intérieure est en bonne voie, que le principal chantier de la réforme réside dans la fixation d’un nouveau cadre légal pour les services, et que la coordination de la DGSI avec les autres services de renseignement évolue très favorablement, notamment avec le service central du renseignement territorial, avec la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie – qui permet d’intégrer une approche « gendarmerie » dans la réforme du renseignement intérieur – ainsi qu’avec la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris ou le bureau du renseignement pénitentiaire.
D’autre part, l’analyse de la délégation parlementaire met en lumière un certain nombre de défis pour nos services, qu’il s’agisse de la multiplication des interactions entre les agences, de la création d’une culture commune du renseignement, de l’harmonisation des formations ou encore du renforcement de certains budgets et effectifs.
Enfin, ce chapitre pose la question cruciale de l’accès des différents services aux sources d’information, notamment aux différents types de fichiers. Depuis la publication de ce rapport, le Gouvernement a décidé d’accélérer la réforme du renseignement et a d’ores et déjà annoncé les grands principes qui présideront à ce chantier.
Premièrement, les moyens humains et matériels du renseignement seront accrus. En tout, 736 millions d’euros seront débloqués, et 1 400 postes seront créés dans les trois ans, dont 1 100 dès cette année.
Deuxième principe : un nouveau cadre légal sera fixé. Sur ce point, monsieur le ministre, les orientations du Gouvernement semblent encore floues, mais sans doute ce débat vous offrira-t-il l’occasion de les préciser.
Troisième principe : une attention particulière sera portée à la question de la radicalisation. L’activité du renseignement pénitentiaire sera intensifiée – à cet égard, je veux dire notre étonnement lorsque nous avons découvert, à en croire votre rapport, que le bureau du renseignement pénitentiaire ne comptait que treize agents ! En outre, un fichier recensant les personnes condamnées pour des faits de terrorisme devrait être créé.
Pour notre groupe, les récents événements ont rappelé l’impérieuse nécessité de consolider le volet prévention de la lutte contre le terrorisme et, par conséquent, de conduire efficacement cette réforme du renseignement. Pour ce faire, le respect de certains principes nous semble indispensable. Tout d’abord, le principe d’encadrement du pouvoir administratif par le pouvoir judiciaire doit prévaloir. Si le recours à certains moyens administratifs doit naturellement être envisagé dans des circonstances d’urgence, le contrôle du juge doit intervenir dans les délais les plus courts pour garantir les droits et les libertés du citoyen.
Ensuite, la lutte contre la radicalisation sur internet ne doit pas nous conduire à casser le thermomètre au lieu de traiter la fièvre et les causes de la fièvre.
Enfin, nous considérons que l’accès aux données personnelles et aux fichiers doit également être réglementé par le pouvoir judiciaire. À cet égard, je souligne l’aberration de la situation dans laquelle nous nous trouvons, que j’avais d’ailleurs dénoncée lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire : nos données personnelles peuvent être détenues par des entreprises privées, notamment des compagnies aériennes, à des fins mercantiles, mais elles ne peuvent l’être par des agences publiques à des fins de sécurité !
Pour autant, la durée de conservation de ces données, et surtout l’accès à ces fichiers, doivent faire l’objet du plus strict encadrement, afin que les principes élémentaires de notre droit demeurent respectés.
Je ne doute pas que les échanges que nous aurons dans quelques minutes vous permettront, messieurs les ministres, de nous donner davantage de précisions sur les orientations de cette réforme du renseignement et de nous rassurer en ce qui concerne les impératifs de contrôle que je viens de rappeler.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe RRDP.
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’ensemble de nos services de renseignement qui, sous la houlette du ministre de l’intérieur, effectuent un travail remarquable en cette période de vive émotion qui met notre République à l’épreuve.
Ces services d’une grande compétence associent le respect de nos valeurs républicaines et l’exigence des missions qu’ils mènent dans des conditions difficiles et rigoureuses.
Avant de commencer mon exposé sur le fond de ce débat, et puisque nous évoquons aujourd’hui un sujet touchant de près aux libertés publiques, j’émettrai quelques réserves sur les propositions qui ont été développées à la droite de cet hémicycle suite aux tragiques événements que notre pays a connus en janvier 2015 en matière de sécurité intérieure, qui concernent les services de renseignement.
Il ne s’agit pas de remettre en question l’existence de ces services, qui sont indispensables pour garantir la sécurité dans notre pays et permettent à diverses autorités de bénéficier d’une information incontournable.
Cependant, notre groupe sera toujours attaché à la préservation des libertés publiques de façon générale, qu’elles concernent l’expression, la communication des informations ou leur libre accès.
La délégation parlementaire au renseignement a été créée par la loi du 9 octobre 2007, à l’initiative du Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy. Elle était le fruit d’un travail plus ancien, engagé depuis 2002, qui avait abouti à la création d’une commission composée de parlementaires et de magistrats, chargée d’examiner a posteriori l’utilisation des fonds spéciaux dédiés aux services de renseignement. En 2007, la DPR avait pour vocation de « suivre l’activité générale et les moyens des services de renseignement ».
La loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, promulguée le 18 décembre 2013, a permis, à la demande du Président François Hollande, d’élargir les compétences de la délégation parlementaire. Elle est désormais chargée du « contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière de renseignement » et de l’évaluation de la politique publique en ce domaine. Ses compétences très étendues permettent de collecter des informations précieuses pour la représentation nationale.
Concrètement, les membres de la délégation, députés et sénateurs, élaborent des rapports sur les activités des services du renseignement et formulent de nombreuses recommandations et propositions sur la politique publique dans ce domaine et la manière de la réformer.
Ils peuvent auditionner le Premier ministre ainsi que les ministres compétents, les directeurs des services de la communauté du renseignement, mais également le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ou encore le coordonnateur national du renseignement.
La spécialisation due aux fonctions particulières des intervenants permet à la délégation de mener un travail de fond sur la stratégie nationale du renseignement ou sur le plan national d’orientation du renseignement.
La délégation consacre chaque année un rapport aux crédits relatifs à la mission du renseignement d’une part, ainsi qu’à ses services spécialisés d’autre part. Le 18 décembre 2014, elle a rendu son premier rapport de contrôle, son sixième rapport annuel, qui s’inscrit, selon ses propres termes, « dans une volonté de rupture avec les pratiques antérieures », puisqu’il ambitionne de « retracer le plus précisément possible la totalité des actions de la DPR ».
Une rupture, en effet, puisqu’en octobre 2013, le sénateur Jean-Pierre Sueur indiquait avoir choisi de s’en tenir, dans son rapport public, à « des indications minimales et très générales sur son organisation et ses activités ».
J’ai naturellement lu avec attention les 185 pages de ce rapport, et pris connaissance de ses 105 préconisations, regroupées autour de cinq thèmes, même si je regrette que les travaux n’aient concerné que quelques parlementaires.
Le 26 juillet 2007, intervenant au nom de mon groupe à cette tribune à l’occasion de la création d’une délégation parlementaire au renseignement, je soulignais qu’il s’agissait d’une avancée notable, non sans quelques réserves.
La France permettait aux parlementaires de prendre connaissance d’un domaine méconnu qui occupe certains agents de l’État, à savoir le renseignement, tout aussi méconnu pour bon nombre de nos concitoyens.
Même si, pour des raisons évidentes, les informations collectées sont frappées du secret défense, des services comme la DST, la direction de la surveillance du territoire, ou la DCRG, la direction centrale des renseignements généraux, n’étaient plus que de simples bras armés au service du pouvoir, sans aucun contrôle.
J’avais également souligné une anomalie, qui n’a toujours pas été corrigée et qui porte sur la représentation parlementaire au sein de la délégation.
Comme le disait un spécialiste de la question qui nous intéresse aujourd’hui, M. Pierre de Bousquet de Florian, directeur de la DST entre 2002 et 2007 : « Dans toute démocratie moderne, la confiance accordée aux services dépend de la capacité des autorités publiques à contrôler leur activité ».
Il est regrettable que cette instance de travail, de réflexion et de proposition soit limitée à un cercle restreint de parlementaires. Seuls deux groupes politiques, l’UMP et le PS, dont les membres sont issus de l’Assemblée nationale et du Sénat, se partagent les postes et siègent au sein de cette délégation. Il s’agit d’une atteinte au pluralisme qui devrait pourtant animer les travaux de nos assemblées parlementaires.
Le Président de la République, le Gouvernement et la représentation nationale ont l’occasion de traduire enfin en actes les nombreuses incantations sur le soi-disant « esprit du 11 janvier ». Il est anormal que le bipartisme continue de gérer des questions aussi essentielles pour notre démocratie et notre République.
Dans la logique d’un amendement que j’avais déposé en novembre 2013 lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire pour 2014-2019, je réitère solennellement ma demande que soit mis en place un véritable pluralisme au sein de la DPR.
Il serait judicieux, lorsque nous nous prononcerons prochainement sur la révision de la loi de programmation militaire, de prendre en compte ce problème. Certains sujets de discussion et d’action sont bien trop graves pour n’être discutés que par deux composantes politiques. Cette manière de travailler traduit un consensus mou et prive la représentation nationale d’un débat sérieux sur le fond.
Est-il normal que les services de renseignement soient privés de moyens humains pour mener des enquêtes sur des affaires économiques extérieures ?
Comment serait menée la réforme du renseignement intérieur préconisée par la DPR, et quels seraient les contenus de cette réforme ?
Certains acteurs spécialistes du sujet nous informent régulièrement de l’obsolescence des structures du renseignement dans notre pays. Comment le Gouvernement compte-t-il engager la modernisation de ces services, en lien avec la loi relative à la lutte contre le terrorisme adoptée en 2014 ?
Quelles seraient les nouvelles prérogatives dévolues aux services du renseignement ?
Enfin, sur un autre sujet, de quelle façon sera traitée la question du secret des affaires ?
Plusieurs députés proposent d’encadrer très sévèrement le secret des affaires, ce qui serait en réalité une entrave à la transparence des transactions, mais aussi à la liberté de l’information dont tout citoyen est en droit de bénéficier dans notre pays.
Voilà quelques exemples de sujets qui mériteraient de longs débats intéressants, mais que l’actuelle composition de la DPR nous empêche de mener à bien.
Il y a donc urgence à démocratiser cette structure, en instaurant une réserve pour les affaires les plus sensibles, ce qui relève du bon sens.
Les députés communistes et du Front de gauche espèrent que ce débat organisé à la demande du groupe SRC nous donne l’occasion de réfléchir aux garanties de représentation des groupes politiques ainsi qu’aux thèmes abordés au sein de la DPR.
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites sur la délégation parlementaire au renseignement proprement dite, mon propos sera essentiellement consacré à la commission de vérification des fonds spéciaux, la CVFS.
La DPR a été profondément modifiée par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013. Elle a reçu une mission générale de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement en matière de renseignement, en lieu et place du simple suivi de l’activité générale des services de renseignement dont elle était chargée jusque-là.
Jusqu’à cette date, la CVFS était considérée comme un organisme extraparlementaire, composée de parlementaires et de deux membres de la Cour des comptes qui, depuis 2007, ne souhaitaient pas participer au contrôle. Elle était donc devenue de facto un organe de contrôle parlementaire.
La loi de 2013 en a tiré toutes les conséquences, et la CVFS est devenue une formation spécialisée de la DPR.
Le contrôle exercé par la CVFS est un contrôle budgétaire et comptable. Ses pouvoirs – accès à tous les documents, pièces et rapport relatifs aux activités opérationnelles dans la limite définie par le Conseil constitutionnel, audition des agents sur des opérations terminées – lui offrent une perspective d’ensemble sur des opérations ayant mobilisé des financements sur fonds spéciaux, lesquels sont soumis à un régime de gestion et de contrôle dérogatoire justifié.
Compte tenu de la diversité des menaces, il est nécessaire de permettre à l’État de conduire des opérations confidentielles liées à la protection de la sécurité nationale, intérieure ou extérieure, justifiant pour les fonds spéciaux l’existence d’un régime dérogatoire au regard du droit commun des finances publiques.
Les dépenses effectuées sur ces fonds ne font pas l’objet des contrôles a priori normalement applicables aux dépenses publiques. L’usage de ces fonds par les services n’est pas non plus soumis aux contrôles ordinaires a posteriori.
En contrepartie, l’existence d’un dispositif spécifique de contrôle externe, confié à la commission de vérification des fonds spéciaux, est indispensable. Les informations relatives à ces fonds font en effet partie des « sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État » pour lesquels, aux termes de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement est dispensé de l’obligation générale de fournir aux commissions des finances des assemblées parlementaires tous les renseignements qu’elles demandent.
La commission de vérification des fonds spéciaux assure ainsi l’information du Parlement sur la réalité de l’emploi des fonds spéciaux, ainsi que sur d’éventuelles anomalies dans leur utilisation. Elle établit, pour chaque exercice budgétaire, un rapport sur les conditions d’emploi de ces crédits inscrits au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » placée sous la responsabilité directe du Premier ministre.
Ce rapport, non publié, est remis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il est désormais présenté aux autres membres de la délégation parlementaire au renseignement. La commission établit également un procès-verbal constatant que les dépenses réalisées sont couvertes par des pièces justificatives d’un montant égal. En l’absence de contrôle direct de la Cour des comptes sur l’emploi des fonds spéciaux, ce procès-verbal donne quitus de cet emploi aux services attributaires.
La CVFS a pour mission de s’assurer que les fonds spéciaux ont bien été utilisés « conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ». Il lui appartient donc de vérifier que les fonds ont servi à financer des dépenses qui, en raison de leur nature particulière, ne sauraient être couvertes au moyen de fonds normaux. Par exemple, les dépenses liées à la rémunération des agents de ces services sont couvertes par les fonds normaux.
Au cours des contrôles qu’elle effectue dans les différents services, la commission s’est attachée à contrôler la bonne application de la « doctrine » d’emploi des fonds. Le recours à ces fonds spéciaux doit être réservé à deux circonstances : lorsque le secret des opérations concernées nécessite une procédure de confidentialité renforcée, ou lorsque aucune autre procédure ne permet le financement en urgence d’une mission.
En premier ressort, il existe des procédures de suivi budgétaire et comptable internes aux services.
Ceux-ci ont tous élaboré des instructions encadrant les règles de recours à ces fonds. Avec notre collègue Jacques Myard, nous avons pu le constater : je peux donc en témoigner.
Je conclurai par un constat, une question et une suggestion.
Le constat : la CVFS « nouvelle formule » est aujourd’hui en phase de démarrage. Elle exerce concrètement un contrôle sur pièces et sur place, en procédant par sondages, et a axé son contrôle sur l’évaluation des procédures internes mises en oeuvre.
Au-delà du domaine de compétence de la CVFS, la question cruciale est celle du périmètre de la communauté du renseignement, réunie autour du coordonnateur national du renseignement, et de l’inclusion totale ou partielle dans cette communauté des services qui contribuent à la collecte et à l’exploitation du renseignement – je veux parler des renseignements territoriaux, de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie, du renseignement pénitentiaire et des services de la préfecture de police de Paris.
Enfin, une suggestion : le fonctionnement de la délégation parlementaire au renseignement est aujourd’hui subordonné aux moyens dont dispose le président de la commission de l’Assemblée nationale ou du Sénat, qui assure sa présidence. À mon sens, cela ne permet pas d’assurer un fonctionnement continu de cette délégation. Il conviendra donc que les deux assemblées se saisissent de la question d’un fonctionnement pérenne de la DPR et de la CVFS.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission de la défense, mesdames et messieurs les députés, je veux d’abord remercier la délégation parlementaire au renseignement d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat et d’avoir souhaité qu’au terme de ses travaux, nous puissions discuter avec elle des orientations que nous devons fixer ensemble en matière de renseignement.
Je salue le travail de la délégation et de l’ensemble de ses membres. Je veux dire également au président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, à quel point le Gouvernement est sensible aux travaux qu’il a engagés sur ces questions depuis de nombreux mois, en liaison avec M. Verchère, mais pas seulement. Bien entendu, nous tiendrons le plus grand compte des conclusions des travaux qui ont été conduits, lorsqu’il s’agira à la fois de conforter nos services et de définir le contenu du projet de loi sur le renseignement, dont le Premier ministre a annoncé qu’il serait déposé au Parlement sans tarder.
Après avoir écouté avec beaucoup d’attention l’ensemble des orateurs, j’apporterai quelques éléments de réflexion sur les défis auxquels nous sommes confrontés, notamment en matière de lutte contre le terrorisme.
Je veux d’abord souligner la légitimité de la demande exprimée par les députés de voir le Parlement pouvoir exercer un contrôle plus sérieux sur les activités des services de renseignement. J’approuve parfaitement les propos du président de la commission des lois : les services de renseignement sont des services publics à part entière davantage qu’ils ne sont entièrement à part. À ce titre, conduisant des politiques publiques, ils doivent faire l’objet d’un contrôle tout à fait légitime de la part du Parlement. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les travaux de la délégation parlementaire au renseignement. Je confirme que nous sommes tout à fait disposés à faire en sorte que le Parlement dispose de tous les renseignements sur l’activité de ces services qu’il est en droit d’attendre, au regard de ses prérogatives de contrôle de l’activité du Gouvernement et de l’administration.
Je veux aussi insister sur la nécessité de compléter les dispositifs existants pour permettre à ces services d’agir. Le président Urvoas, Patricia Adam et l’ensemble des orateurs des groupes qui se sont exprimés à cette tribune ont indiqué que la loi définissant les conditions de mise en oeuvre des interceptions de sécurité avait été adoptée en 1991, dans un contexte technologique très différent de celui qui prévaut aujourd’hui. En 1991, on n’observait pas le développement du numérique que nous constatons actuellement, avec toutes les contraintes que cela peut d’ailleurs comporter dans la lutte contre le terrorisme. Il n’existait pas non plus de système de télécommunication fondé sur l’utilisation de téléphones portables, avec la possibilité d’utiliser les technologies de télécommunication pour échapper à la surveillance que les services exerçaient jusqu’alors de façon efficace.
Compte tenu de ces évolutions, nous devons adopter de nouvelles dispositions législatives qui nous permettront d’être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. À travers le projet de loi que j’ai évoqué, le Gouvernement poursuit un objectif assez simple : permettre à nos services d’être plus efficaces, dans le cadre d’un contrôle accru de leur activité – plus d’efficacité, plus de moyens, c’est aussi plus de contrôles. Il s’agit aussi de donner un cadre légal à l’activité de ces services, de sorte que les agents ne se trouvent pas exposés à des risques à caractère pénal. C’est aussi une bonne manière de garantir que les services pourront être efficients : le respect systématique de la règle de droit est, pour eux, une manière d’être efficaces.
Enfin, je veux insister sur des sujets très stratégiques qui ont été évoqués par l’ensemble des orateurs et qui concernent la lutte contre le terrorisme. Je ne dirai rien de plus sur le projet de loi sur le renseignement, parce qu’une réflexion est en cours et qu’elle doit aussi être conduite en liaison avec le Parlement. Par-delà ce projet de loi, je veux vous présenter les moyens dont nous entendons doter les services pour faire face au risque terroriste tel qu’il se présente à nous.
Ce risque est très différent de celui auquel nous avons dû faire face au cours des dernières décennies. Dans les années 1990, les terroristes appartenaient à des cercles extraordinairement fermés. Ils intervenaient en nombre limité, à partir de pays identifiés ; ils frappaient le territoire national ou européen avant de le quitter. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une tout autre réalité.
Toutes les enquêtes réalisées par les services dépendant du ministère de l’intérieur montrent qu’internet est à l’origine de 90 % des cas de basculement d’un individu dans des activités terroristes. C’est dire l’importance du vecteur numérique dans le fait terroriste ! C’est un phénomène très important, qui nous a conduits à prendre des décisions au mois de novembre et nécessite de compléter l’arsenal de mesures dont nous disposons pour être plus efficaces.
Au-delà de ces éléments numériques, on observe une porosité de plus en plus grande entre la petite délinquance et le grand terrorisme. Il suffit d’examiner le cas d’Amedy Coulibaly, l’auteur de l’attentat de l’épicerie Hyper Cacher. Parmi la douzaine de complices interpellés, mis en garde à vue et, pour un certain nombre d’entre eux, mis en examen voire placés en détention, un très grand nombre d’individus ne savaient pas à quoi ils collaboraient, mais étaient des acteurs de la petite délinquance. Ils ont procédé à l’acquisition et à la revente de véhicules, puis, avec le produit de cette revente, à l’achat d’armes à l’extérieur de nos frontières, le tout en voulant participer à une opération à caractère criminel dont ils ne connaissaient pas nécessairement l’objectif final.
Il existe donc une porosité entre la petite délinquance et le grand terrorisme. Cette porosité résulte des réseaux qui se constituent au sein de la délinquance de banlieue, mais aussi de la fréquentation en prison d’un certain nombre de personnes radicalisées, qui peut conduire au basculement de la petite délinquance vers le terrorisme. Coulibaly et les frères Kouachi sont emblématiques de ce phénomène, puisqu’ils ont fréquenté en prison un certain nombre de grands terroristes, comme Smaïn Ait Ali Belkacem, ce qui a entraîné leur radicalisation et leur basculement de la petite délinquance au terrorisme.
Enfin, la croissance du nombre d’acteurs concernés est exponentielle. Le nombre d’individus liés à des opérations terroristes, notamment en Irak et en Syrie, a augmenté de plus de 120 %. La catégorie des combattants étrangers est constituée de près de 1 280 personnes et se décompose de la manière suivante : 580 individus se sont rendus sur le théâtre des opérations ou en sont revenus ; environ 380 individus se trouvent encore en Irak ou en Syrie, tandis que 200 en sont revenus. 200 personnes ont exprimé le souhait de s’y rendre. Environ 185 personnes se trouvent quelque part entre la France et la Syrie, dans des pays de l’Union européenne. À ces individus, il faut ajouter 430 cibles dormantes liées à des grandes organisations internationales terroristes comme Al-Qaida et un millier de petits délinquants ou d’internautes provoquant au terrorisme ou appelant à la haine raciale.
Au total, nous comptons donc environ 3 000 cibles, d’intensité différente, qui ne sont pas toutes susceptibles de passer à l’acte, mais appartiennent toutes à un réseau d’acteurs radicalisés, appelant ou provoquant au terrorisme. Or la direction générale de la sécurité intérieure compte 3 100 agents, tandis que le nombre d’agents au sein du service central du renseignement territorial a fortement diminué.
Ces trois facteurs – la puissance du vecteur numérique, la porosité entre petite délinquance et grand terrorisme, l’augmentation exponentielle du nombre d’individus concernés – nous appellent à relever de nouveaux défis concernant l’organisation de nos services de renseignement, que je veux évoquer rapidement.
Le premier défi est humain. Comme l’ont indiqué le Premier ministre et le Président de la République, si nous n’armons pas nos services pour leur permettre d’effectuer le travail qui leur incombe, nous aurons beaucoup de mal à être efficaces dans la lutte contre le terrorisme. La suppression de 6 000 postes dans la gendarmerie et de 7 000 postes dans la police entre 2007 et 2012 a contribué au désarmement important des collecteurs du renseignement dans les territoires. Malgré les efforts accomplis au sein de la direction générale de la sécurité intérieure pour créer 432 postes dans le cadre du budget triennal 2013-2016, malgré la volonté réaffirmée par le Premier ministre et concrétisée par l’affectation, dans ce même budget triennal, de 12 millions d’euros par an à la direction générale de la sécurité intérieure, nous aurons des difficultés en l’absence d’effort supplémentaire.
Nous avons décidé de faire cet effort. Jacques Myard ou François de Rugy a demandé comment il allait être décliné. Je veux vous répondre précisément. Parmi les 1 400 agents supplémentaires affectés aux services de renseignement, 500 iront à la direction générale de la sécurité intérieure et 500 seront affectés au renseignement territorial – 150 pour la gendarmerie, 350 pour la police. Par ailleurs, 100 emplois supplémentaires seront créés au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris. Au sein de la direction centrale de la police judiciaire, 106 nouveaux emplois seront consacrés à la lutte contre la cybercriminalité, ainsi qu’à la surveillance et à la lutte contre un certain nombre d’organisations du crime parfois liées au terrorisme. Enfin, nous augmenterons de plusieurs dizaines d’unités les effectifs de la police de l’air et des frontières, afin d’absorber l’effet PNR, ainsi que ceux du service de protection des personnalités, car un certain nombre de cibles particulièrement vulnérables ou susceptibles d’être atteintes justifient la mise en place d’une protection particulière. Voilà donc comment se répartissent les 1 400 emplois que j’ai évoqués.
À ces 1 400 emplois s’ajouteront des moyens budgétaires supplémentaires. Le Premier ministre a décidé de réaliser un effort de 233 millions d’euros en faveur des services du ministère de l’intérieur. Cet effort permettra d’investir dans des moyens dont les services de renseignement ont absolument besoin pour faire leur travail correctement.
S’agissant d’abord des infrastructures et applications informatiques qui existent déjà dans le respect des dispositifs législatifs et réglementaires en vigueur, nous devons disposer de fichiers qui fonctionnent et de systèmes de connexion des fichiers efficaces. Je pense notamment au système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, CHEOPS, mais aussi à toutes les infrastructures et applications du ministère de l’intérieur qui ont pâti d’un sous-investissement. Sur les 233 millions d’euros que j’ai évoqués, 89 millions seront investis pour moderniser les infrastructures et applications du ministère de l’intérieur, afin d’être efficaces dans la lutte contre le terrorisme.
Par ailleurs, nous avons décidé d’acquérir des véhicules supplémentaires, qui viendront s’ajouter aux 2 000 véhicules par an par force.
Enfin, de nouveaux moyens numériques permettront aux services de police et de gendarmerie, y compris aux services du renseignement territorial, d’être outillés pour faire face à la réalité nouvelle.
Je terminerai mon intervention par quelques mots sur le Conseil européen de Riga, qui sera consacré à la lutte contre le terrorisme. Nous aurons à traiter d’un certain nombre de questions qui concernent directement les sujets dont nous parlons aujourd’hui, car des décisions prises à Riga dépendront l’efficacité et les résultats des services de renseignement. Je veux essentiellement aborder trois sujets.
Le premier concerne le PNR européen. Je sais que ce sujet fait l’objet de nombreuses divergences d’appréciation entre les différents groupes de cette assemblée, et c’est bien normal, dans la mesure où l’objectif poursuivi par le PNR dans le cadre de la lutte contre le terrorisme peut susciter des questions relatives à la protection des données personnelles. Ce débat n’est pas mauvais : nous devons l’ouvrir et répondre aux questions posées. Je veux apporter deux éléments de réponse.
Premier élément : sans PNR, nous sommes désarmés. Il est faux de dire que le PNR réglera tout, puisqu’il ne permettra pas de procéder à des opérations de prévention de la radicalisation, de déradicalisation en prison ou de surveillance sur le terrain, dans nos villes et nos campagnes, où un certain nombre de signaux faibles doivent être détectés.
Mais si nous n’avons pas de PNR, nous laisserons passer à travers les mailles du filet un certain nombre de grands terroristes, qui peuvent frapper à tout moment. Je vais prendre un exemple très concret : Mehdi Nemmouche a quitté la France, après être sorti de prison, pour s’engager sur le théâtre d’opérations terroristes en Irak et en Syrie, puis est revenu par Francfort, après être passé par l’Asie du sud-est. Il est évident que, compte tenu des règles de Schengen – c’est-à-dire de l’existence de contrôles non systématiques dans les aéroports de l’Union européenne – et en l’absence d’un PNR qui permettrait un signalement – en l’occurrence, les réservations de billets avaient eu lieu très en amont de son parcours – aux différentes polices et aux différents services le long du trajet emprunté, il est très difficile pour les services de justice d’enclencher des mandats d’arrêt internationaux, et pour les services de police de procéder à l’arrestation au moment du franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne.
Les données de l’Advanced Passengers Information System, pas plus que le système d’information Schengen, ne permettront à eux seuls d’atteindre l’objectif assigné en l’absence de PNR. J’insiste sur le fait que le PNR n’est pas un outil permettant de tout régler ; mais c’est un instrument qui nous manque dès lors que l’on veut être totalement efficient dans le rétablissement de la traçabilité du parcours des terroristes susceptibles de franchir à plusieurs reprises les frontières extérieures de l’Union européenne.
La deuxième chose que je voudrais dire à propos du PNR est qu’il est possible d’en retirer le bénéfice tout en étant protecteur des données individuelles. Comment faire ? Premièrement, je pense qu’il est important de consacrer cet outil simplement à ce pour quoi nous en avons le plus besoin, c’est-à-dire à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Deuxièmement, il est possible d’établir ce que l’on appelle une « liste blanche » des personnes qui ont été contrôlées indûment au moyen de cet outil, de manière à ce qu’elles ne le soient pas une seconde fois. Troisièmement, il est très possible que le service à compétence nationale qui aura en charge la gestion des données personnelles qu’il aura récoltées dans le cadre du PNR se voie soumis à des règles déontologiques solides, concernant tant le recrutement des personnes y travaillant et le dirigeant que ses règles de fonctionnement.
Pour convaincre les députés européens, j’ai remis ces propositions – neuf en tout – à la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, après avoir rencontré la délégation française. J’espère que, par ce biais, nous trouverons un chemin permettant de concilier sécurité et protection des données.
Deuxième sujet : Schengen. Aujourd’hui, le code Schengen permet à chaque pays d’effectuer des contrôles sur son territoire, mais il n’impose pas de contrôle obligatoire dans chacun des pays de l’Union européenne au moment du franchissement des frontières extérieures. Il est évident que si un pays se livre seul à des contrôles en interrogeant le système d’information Schengen au moment du franchissement des frontières extérieures dans les aéroports, les terroristes, qui sont malins, iront prendre l’avion ailleurs et arriveront dans d’autres aéroports que ceux dans lesquels ces contrôles sont systématiquement opérés. Il est donc indispensable que ces contrôles s’effectuent de façon obligatoire, ou, à défaut, systématique et coordonnée, entre les pays de l’Union européenne. Telle est la deuxième demande qui a été formulée à l’occasion du Conseil européen, et qui a déjà été actée par la déclaration des ministres de l’intérieur du conseil « justice et affaires intérieures ».
Troisième sujet : internet. Nous avons eu de nombreux débats avec les parlementaires au moment du vote de la loi du 13 novembre 2014. Le principal débat portait sur la question suivante : pourquoi ne bloque-t-on pas les sites internet après décision du juge judiciaire ? Pourquoi le fait-on dans le cadre des pouvoirs de police administrative ? Et pourquoi ne consacre-t-on pas la neutralité d’internet, qui est, aux yeux de certains, un espace de liberté d’expression absolue, principe auquel on ne pourrait souffrir aucune concession ni aucun manquement ? J’apporterai plusieurs éléments de réponse.
Premièrement, quand 90 % de ceux qui basculent le font par internet, la question de savoir comment on réagit face aux blogs et aux sites qui appellent et provoquent au terrorisme est, à l’évidence, un sujet majeur.
Deuxièmement, s’agissant de la pédopornographie, nous avons pris les mesures réglementaires nécessaires : je ne vois pas au nom de quoi nous ne le ferions pas contre le terrorisme, compte tenu des crimes extrêmes et de la barbarie d’un certain nombre d’images qui sont diffusées.
Enfin, la communication sur internet fait l’objet d’une sophistication de plus en plus importante, notamment par la cryptologie, ce qui place nos services devant des difficultés croissantes pour savoir ce qu’il se passe sur le darknet, autrement dit l’internet que l’on ne voit pas. C’est la raison pour laquelle nous avons autorisé nos services, dans le cadre de la loi du 13 novembre 2014, à intervenir sur internet sous pseudonyme, de manière à pouvoir gérer les comportements d’un certain nombre de terroristes.
À mon avis, il faut que nous ayons, au plan européen, la même directive que celle dont nous disposons sur la pédopornographie, de manière à avoir un cadre législatif européen permettant aux États de l’Union européenne, en liaison avec les États-Unis, d’engager un dialogue équilibré avec les grandes majors d’internet. Si nous avons tout cela, nous aurons fait oeuvre utile contre le terrorisme. Mais vous verrez que, pour avoir tout cela, il faudra débattre longtemps, que cela n’ira pas de soi, que nous aurons de sains débats démocratiques.
Je souhaite que ces débats soient pour nous tous l’occasion de trouver la bonne articulation entre le principe de sécurité et de protection que l’on doit aux Français et le principe de responsabilité dans l’affirmation des libertés individuelles et collectives, auxquelles je sais le Parlement très attaché.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, en ma qualité de ministre de la défense, je suis en charge, comme vous le savez, du renseignement extérieur, du renseignement d’intérêt militaire et du renseignement de protection des ressources humaines et matérielles de la défense. C’est à ce titre que j’exerce la tutelle de trois services – la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire – DRM – et la direction de la protection et de la sécurité de la défense – et que je m’exprime dans le cadre de ce débat utile, sans précédent, à la suite du ministre de l’intérieur.
Je voudrais d’abord vous rappeler, mais cela a déjà été évoqué, que la loi de programmation militaire, votée fin 2013, a fait du renseignement une priorité inédite par son ampleur. En effet, l’évolution de notre environnement stratégique, qui s’est durci par un niveau de menaces et de complexité rarement atteint, nous a conduits à faire un certain nombre de choix structurants, qui visent tous à accroître les moyens techniques, humains, mais aussi juridiques de nos services. Je pense à notre politique d’acquisition d’équipements, dont les satellites d’observation MUSIS, le satellite d’écoute CERES, les drones d’observation MALE, les drones tactiques, les capacités embarquées sur avions et les capacités techniques de la DGSE. La loi de programmation militaire a aussi engagé un effort de renforcement des ressources humaines, concrétisé par 360 recrutements supplémentaires prévus pour nos services. Je pense également à la plus forte articulation du renseignement avec le domaine cyber, d’une part, et les forces spéciales, d’autre part, qui ont également fait l’objet de précisions et d’orientations dans la loi de programmation militaire.
Cette loi repose sur un équilibre – évoqué par le ministre de l’intérieur –, qui dicte en permanence la conduite du Gouvernement, entre accroissement des capacités et renforcement du contrôle des activités des services de renseignement. Cet équilibre passe d’abord par une compétence accrue reconnue au Parlement : la délégation parlementaire au renseignement s’est vue charger par la loi de programmation militaire, pour la première fois, de contrôler l’activité du Gouvernement en matière de renseignement et d’évaluer la politique publique dans ce domaine. Plusieurs intervenants ont d’ailleurs salué cette avancée. Par ailleurs, le débat très ouvert qui nous réunit aujourd’hui s’inscrit lui-même dans cette dynamique.
Je veux dire, devant la représentation nationale, que les nouveaux développements que nous avons connus, depuis 2013, dans notre environnement stratégique sont venus confirmer les choix que nous avions faits. De fait, nous avons employé des drones d’observation et de reconnaissance au Sahel, et nous développons un ensemble important de moyens techniques et humains au Levant – des stations d’interception, des bâtiments navals, des avions d’observation et de l’imagerie satellitaire, en appui de l’opération Chammal. Cet ensemble découle des choix que nous avons effectués dans la loi de programmation militaire. Je voudrais aussi signaler que nous avons mis en place, en particulier pour l’opération Chammal, une cellule interagences de fusion du renseignement en interne. Il s’agit de s’assurer en permanence du partage d’informations entre les différents services, de leur décloisonnement et de la mise à disposition de l’ensemble des renseignements disponibles au profit des responsables des opérations. Cette dynamique de fusion du renseignement dépasse même le ministère de la défense, puisque la fusion a aussi été opérée avec les services dépendant du ministère de l’intérieur et du ministère des finances, uniquement s’agissant de ce type d’opérations.
Les choix que vous avez actés dans la loi de programmation militaire sont donc confortés, mais il était nécessaire d’actualiser ce texte. Le renseignement, qui s’affirme comme un facteur clé de notre autonomie stratégique et comme le déterminant de l’action militaire, sera au coeur des travaux qui nous attendent. Des mesures de renforcement ont d’ores et déjà été annoncées par le Président de la République et le Premier ministre. Ainsi, pour ce qui concerne la défense, les effectifs de la DGSE vont augmenter de 185 postes – en plus de ceux que j’ai indiqués tout à l’heure –, ceux de la DPSD, de 65, et les programmes de renseignement technique seront menés à bien, voire même amplifiés. Nous allons accroître – c’est une des priorités que je me suis fixées – nos capacités de détection, de suivi et d’entrave des menaces terroristes, y compris dans le champ cyber et informatique. Ce domaine est en effet essentiel. La crise dramatique que nous avons connue en janvier a une nouvelle fois démontré les dimensions nouvelles du champ d’action de la guerre cyber. La loi de programmation militaire trace d’ores et déjà un cadre ambitieux en la matière : elle accorde des moyens humains et techniques et confère pour la première fois – on se souvient des débats qui ont eu lieu sur ce point et on mesure à présent combien ils étaient d’actualité – le droit de riposte à la cyberdéfense en réaction aux attaques sur internet, ce qui constitue une avancée significative. Ce volet de notre défense sera encore amplifié lors de l’examen du projet de loi actualisant la loi de programmation militaire, que je vous présenterai avant l’été.
Si nous regardons l’ensemble des situations stratégiques actuelles, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient, qu’il s’agisse de la prolifération ou des attaques cybernétiques, nous constatons, dans tous les domaines, pour l’ensemble des opérations, que la priorité doit être donnée au renseignement, qui est un outil majeur de notre souveraineté. C’est dans cet esprit que nous allons engager une modification de la loi de 1991, conformément à l’engagement pris lors de l’examen de la loi de programmation militaire. Nous sommes maintenant au rendez-vous.
Bernard Cazeneuve rappelait tout à l’heure que le dispositif normatif de 1991 avait été pensé dans un autre contexte, qu’il était adapté à d’autres formes de communication que celles qui existent aujourd’hui. Devant les nouveaux moyens de communication massifs et invisibles, qui offrent de nouvelles opportunités aux menaces, nous devons nous-mêmes adapter notre arsenal juridique et permettre – cela a été rappelé par le ministre de l’intérieur – aux agents de nos services de ne pas courir de risque pénal lorsqu’ils mettent en oeuvre les outils de surveillance indispensables et adaptés à ces nouveaux risques et à ces nouvelles menaces. Les dispositions qui vous seront proposées à ce sujet s’inscrivent dans le droit fil de celles sur le statut des agents que vous avez approuvées lors de l’examen de la loi de programmation militaire.
La loi sur le renseignement aura donc un double objectif : apporter aux services un certain nombre de moyens nouveaux et mettre en place les moyens d’un contrôle renforcé, qui passera notamment par la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante. Celle-ci, prenant appui sur l’expérience de l’actuelle Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité – CNCIS, verra son champ d’intervention, ses prérogatives juridiques et ses moyens techniques étendus. La nouvelle autorité continuera bien sûr d’associer des membres du Parlement, ce principe ayant fait ses preuves depuis 1991. Elle donnera un avis préalable à la mise en oeuvre des techniques de renseignement et contrôlera le respect par les services des autorisations délivrées par le pouvoir politique au vu de ces avis. La loi offrira aussi aux administrés une nouvelle voie de recours leur permettant de s’assurer de la régularité de l’usage des techniques de renseignement.
Ce dispositif législatif moderne devra être adapté à nos besoins en matière de renseignement tout en permettant – tel est l’enjeu auquel nous sommes confrontés – de protéger les Français et de sauvegarder nos libertés fondamentales. Nous sommes convaincus que les deux sont intimement liés. Je puis vous assurer que les libertés publiques seront protégées avec cette loi autant qu’elles le sont aujourd’hui. Encore faut-il l’adapter pour assurer en même temps notre propre sécurité. C’est dans cet esprit que nous travaillons ensemble, Bernard Cazeneuve et moi-même, pour parvenir à un texte d’équilibre, qui réponde aussi aux préoccupations majeures du moment et aux menaces nouvelles que nous affrontons.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Nous en venons aux questions.
Je vous en rappelle le principe, mes chers collègues : deux minutes pour la question, deux minutes pour la réponse sans droit de réplique.
Nous commençons par les questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Corinne Erhel.
Messieurs les ministres, face à la situation complexe et évolutive dans laquelle nous nous trouvons, nous ne pouvons que partager vos objectifs de lutte contre le terrorisme et de recherche des pratiques de renseignement les plus efficaces possible.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre de l’intérieur, le chemin est étroit pour le législateur, qui doit rechercher l’équilibre entre impératifs de sécurité – même si la sécurité absolue est une utopie –, préservation des libertés publiques et efficacité, dans un contexte évolutif de vulnérabilité croissante.
J’utilise souvent la phrase suivante : « on ne se connecte plus, on est connecté ». En effet, le nombre de personnes connectées connaît une croissance exponentielle ; les plateformes, les acteurs de l’Internet se multiplient. Dès lors, comment éviter de se disperser ? Comment définir des mesures efficaces et proportionnées qui tiennent compte de l’architecture décentralisée d’Internet et des vulnérabilités existantes sans brider l’innovation ? C’est d’autant plus difficile que les nouvelles applications et les usages se renouvelleront toujours plus vite que notre arsenal législatif ; on constate d’ailleurs la multiplication des méthodes de cryptage, d’anonymisation et de contournement.
Une autre question porte sur la transparence, qui est une composante essentielle de nos sociétés et un principe de base de la culture numérique. La transparence concerne ici non pas les détails opérationnels mais les modalités de fonctionnement du renseignement – périmètre, durée –, et le débat d’aujourd’hui est à ce titre extrêmement important.
Comment traiter ce sujet alors que la confiance est également une des valeurs fondatrices du numérique pour les individus et les acteurs économiques et que la compréhension par tous et l’acceptabilité sociétale sont des prérequis dans notre État de droit ?
Cette confiance repose également sur un contrôle indépendant et continu. Je salue à ce titre le travail fait par la délégation parlementaire au renseignement. Comment l’approfondir et, éventuellement, mieux le diffuser ?
Dernière question, que vous avez abordée, messieurs les ministres : les principaux acteurs du numérique ayant tous une envergure internationale, ces enjeux appellent un traitement concerté avec nos alliés européens et internationaux. Comment s’organise concrètement cette coopération internationale ? Avec quels moyens ? Ainsi que vous l’avez également souligné, il faudra du temps compte tenu de l’extrême rapidité de l’évolution technologique et des cycles d’innovation, un rythme que le législateur, souvent, peine à suivre.
Je rappelle que vous disposez de deux minutes pour poser votre question, mes chers collègues.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la liberté d’expression est une de nos racines républicaines. Sa défense fait honneur à nos traditions et soutient le rayonnement international de notre nation. Chacun a d’ailleurs pu saluer ces dernières semaines la justesse de la réaction de M. le ministre de l’intérieur, qui entend faire preuve de fermeté face aux agressions terroristes malheureusement répétées.
Vous avez en effet pris le parti de la fermeté, monsieur le ministre, et refusé de céder à la peur. Face à une situation complexe, vous avez écarté les solutions simplistes.
Dans ce contexte si particulier, je souhaite vous interroger sur la défense des libertés publiques fondamentales. Vous avez la difficile mission de veiller à ce que toutes et tous puissent en jouir, tout en édifiant les remparts nécessaires afin que leurs ennemis ne se retranchent pas derrière elles pour tuer, blesser et meurtrir. Je pense que nul ne tolérera ici que ce qui doit servir le plus grand nombre de nos concitoyens soit détourné par celles et ceux qui n’ont pour ambition que leurs larmes et leur souffrance.
Nous sommes à une heure cruciale, monsieur le ministre, une heure où les violences prennent des formes diffuses, subites, où l’action d’une seule personne peut provoquer des drames insoupçonnés voilà encore quelques années ; une heure aussi peut-être où certains de nos concitoyens redécouvrent la vertu de la force publique. Cette heure cruciale ne doit cependant pas s’accompagner du recul de nos libertés fondamentales, qui constituent l’un des piliers de notre démocratie.
Aussi, monsieur le ministre, à l’approche de l’examen du projet de loi sur le renseignement, sur lequel le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, s’est mobilisé avec l’exigence de qualité qu’on lui connaît, vous est-il possible de nous présenter la méthode que vous déploierez pour maintenir cet équilibre entre prévention, répression et préservation des libertés publiques, une exigence au fondement de notre démocratie ?
Mesdames les députés, vous posez deux questions qui sont étroitement liées : comment maintenir la confiance dans l’espace numérique, d’une part, et, d’autre part, préserver les libertés publiques auxquelles nous tenons tout en luttant contre le terrorisme ?
La confiance, tout d’abord, suppose que l’espace numérique, qui est un espace de liberté, de libre expression, de développement d’activités économiques, ne devienne pas, de ce fait, un espace de non-droit non régulé. Personne ne considère que, sur Internet, la confiance croît avec le nombre de délits ne faisant l’objet d’aucune intervention.
Généralement, on oppose à cet argument que le juge judiciaire peut tout à fait constater les délits et y mettre fin. C’est vrai, mais cela peut parfaitement se conjuguer avec la possibilité pour ceux qui ont un pouvoir de police administrative de prévenir, compte tenu de sa gravité, la survenue d’un délit sous le contrôle du juge administratif, qui est un juge des libertés. Nous n’avons pas remis en cause la possibilité pour le juge judiciaire de constater un délit ; nous avons simplement créé la possibilité pour l’administration de prévenir celui-ci, sous l’autorité du juge administratif, qui est un juge des libertés.
La confiance est donc cruciale, certes, mais elle suppose une certaine régulation, des principes. Elle suppose que l’on prévienne les délits et, dès lors qu’ils sont constatés, qu’on puisse déclencher l’action publique.
C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place le blocage administratif des sites et leur déréférencement, qui n’intervient, j’y insiste, que dès lors que les opérateurs internet sollicités par nos soins ne disposent pas du délai qui leur est imparti pour procéder par eux-mêmes à la régulation qu’on leur demande. En réalité, la disposition législative que nous avons prise est une disposition préventive et de sensibilisation qui doit permettre d’instaurer la confiance et d’établir la responsabilité.
Parce que nous voulions atteindre ce dernier résultat, nous avons pris très vite les textes d’application – le dernier décret a été pris le 6 février dernier – et engageons une action européenne, de façon que ces mesures soient partagées par nos partenaires, et internationale, pour continuer à sensibiliser les grands acteurs de l’Internet. À cet égard, je serai aux États-Unis la semaine prochaine pour rencontrer mes homologues, ainsi que ceux qui sont en charge de la sécurité et de la justice, et les grands opérateurs Internet pour les sensibiliser.
Madame Chapdelaine, vous m’avez ensuite interrogé sur les libertés publiques. Or, comme l’ont montré les événements du mois de janvier dernier, ce qui porte atteinte aux libertés publiques, c’est l’extrême violence perpétrée à l’encontre de ceux qui, au sein de notre République, garantissent la liberté ou l’incarnent : les journalistes, qui l’exercent jusqu’à l’impertinence, les policiers et les gendarmes, qui incarnent l’État de droit, et tous ceux qui ont fait le choix d’exercer librement leur culte et qui se trouvent visés en raison de la religion qu’ils ont choisie ; je pense aux Français de confession juive.
Ce sont donc non pas les dispositions que prennent les États démocratiques imprégnés des valeurs républicaines pour protéger leurs concitoyens de l’atteinte faite aux libertés publiques qui menacent celles-ci, mais ceux qui se chargent de détruire tous ceux qui les incarnent dans la démocratie, parce qu’ils haïssent la liberté et les valeurs de la République.
Cela ne doit pas nous empêcher de combattre le terrorisme dans le respect rigoureux des principes du droit. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu des mesures exceptionnelles qui ne soient pas des mesures d’exception. C’est la raison pour laquelle cette majorité, ce gouvernement se sont opposés à des amendements qui avaient un caractère symbolique mais qui étaient totalement anticonstitutionnels ; je pense notamment aux propositions sur la déchéance de la nationalité. Nous avons d’ailleurs bien fait d’agir de la sorte car, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité examinée la semaine dernière, le Conseil constitutionnel a bien délimité le périmètre de notre capacité d’intervention en la matière.
Enfin, nous devons le faire dans le respect des dispositions conventionnelles – Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – et des principes généraux du droit. C’est en respectant la Constitution, les principes généraux du droit et le droit international, notamment les conventions, telles que la Convention européenne des droits de l’homme, que la lutte contre le terrorisme atteindra une efficacité maximale sans qu’à aucun moment les libertés publiques ne s’en trouvent obérées.
Nous passons à présent aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Patrice Verchère pour la première question.
Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail de la délégation parlementaire au renseignement et des propositions contenues dans le rapport d’activité pour l’année 2014 présenté par Jean-Jacques Urvoas.
Cependant, au regard des événements tragiques que nous venons de connaître, je souhaite vous interroger, messieurs les ministres, vous en particulier, monsieur le ministre de l’intérieur, sur un sujet qui pose, comme beaucoup d’autres, des problèmes de sécurité intérieure.
En effet, à l’heure actuelle, près de dix personnes, principalement des islamistes d’origine algérienne, seraient assignées à résidence. Condamnées à une interdiction définitive du territoire français, elles ne peuvent être expulsées car la Cour européenne des droits de l’homme, qu’elles ont saisie, fait barrage à une extradition vers leur pays en évoquant des risques de torture. D’une certaine manière, en refusant l’expulsion de terroristes, la CEDH fait de nos pays des sanctuaires pour ces djihadistes et met donc nos compatriotes en danger.
Dès lors, nous sommes contraints d’héberger à nos frais ces dangereux individus par des mesures d’assignation à résidence. Généralement, ces terroristes sont placés dans des petites communes rurales et vivent parmi la population qui, pas plus que les élus locaux, n’a eu son mot à dire.
À l’heure d’Internet, vous l’avez rappelé, il serait bien naïf de croire que ces terroristes se retrouvent isolés. Le cas de Djamel Beghal nous a montré que ces individus conservent une vie sociale en maintenant le contact avec la nébuleuse terroriste, voire en recevant dans leur nouvel environnement leurs camarades djihadistes. Le cas de Saïd Arif nous a quant à lui montré la facilité avec laquelle ces individus reconnus coupables d’entreprises terroristes pouvaient déjouer de telles mesures de surveillance et retourner dans la clandestinité.
Les gendarmes, peu nombreux dans ces bourgs ruraux, n’ont pas les moyens de surveiller correctement ces individus et les personnes qu’ils reçoivent. Convenons également qu’à l’heure où nos agents des services de renseignement ont à surveiller un nombre exponentiellement croissant de terroristes potentiels, ils ont bien d’autres choses à faire que de surveiller des assignés à résidence qui ne devraient même plus se trouver sur le territoire.
Monsieur le ministre, l’article 15 de la CEDH prévoit un régime dérogatoire à la Convention en cas de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation. Les plus hautes autorités de l’État n’ont-elles pas prononcé le mot de guerre, monsieur le ministre ? Le déploiement sans précédent, et je vous en félicite, des forces de police et des forces armées n’est-il pas suffisant pour plaider un régime dérogatoire auprès de la CEDH ?
Monsieur le ministre, le Gouvernement va-t-il faire jouer l’article 15 de la CEDH ? De même, seriez-vous prêt à faire voter, comme la Grande-Bretagne envisage de le faire, une interdiction de retour des djihadistes ressortissants, ce qui soulagerait nos services de renseignement, dont la charge de travail risque d’engendrer des défaillances ? Enfin, monsieur le ministre, soutiendrez-vous la création d’un centre de rétention spécifique ?
Monsieur le député Verchère, sachez tout d’abord que les Britanniques n’envisagent pas de faire ce que vous dites, fort heureusement d’ailleurs, car si c’était le cas, cela poserait un énorme problème d’efficacité en matière de lutte contre le terrorisme.
Imaginez que chaque pays de l’Union européenne interdise le retour sur son territoire de ses ressortissants engagés sur un théâtre d’opération terroriste : sur tous les territoires des autres pays de l’Union, à l’exception du nôtre, se trouveraient ainsi nos ressortissants et vice-versa. Nous serions ainsi dans l’incapacité absolue de juger tous ceux qui reviennent. Alors qu’ils représentent un danger absolu dans tous les pays de l’Union européenne, il ne serait pas possible de les mettre hors d’état de nuire.
Une telle idée est totalement absurde.
Si des Britanniques se trouvent en France parce qu’on leur a interdit le retour sur leur territoire, si des Français sont en Grande-Bretagne ou des Allemands aux Pays-Bas sans qu’il soit possible de les juger, nous aurons contribué à ce que des terroristes dangereux ne soient pas inquiétés par la justice, ce qui pourrait les inciter davantage à frapper sur le territoire de l’Union européenne.
Par conséquent, nous récusons cette idée : elle est totalement absurde et inefficace en matière de lutte contre le terrorisme et, de plus, absolument contraire aux règles du droit international, qui prohibe totalement la faculté pour un pays de ne pas accueillir sur son territoire ses propres ressortissants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Britanniques n’adopteront pas une telle disposition.
Ce que souhaitent les Britanniques, et je me suis beaucoup entretenu de ce sujet avec mon homologue, c’est que nous leur communiquions des informations quant au passage de ressortissants britanniques sur nos territoires au sein de l’Union de manière à ce que ceux-ci puissent être jugés dans les meilleurs délais. Telle est exactement la position des autorités britanniques.
Quant à l’assignation à résidence, ma position sur le sujet est claire et très ferme : les étrangers qui ont été impliqués dans des affaires terroristes sur le territoire français, ou ailleurs, et qui résident sur le territoire français doivent être expulsés.
Voilà la politique que nous menons, et je peux vous assurer qu’elle est davantage appliquée que par le passé : alors qu’il y avait quatre personnes expulsées par an à ce titre entre 2008 et 2012, il y en a près de douze désormais. Et à chaque fois que je pourrai le faire, je le ferai sans états d’âme, avec la plus grande fermeté.
Il reste que, parfois, le renvoi de ces personnes dans leur pays n’est pas possible, notamment au regard des règles conventionnelles – mais pas uniquement : c’est aussi qu’elles pourraient y être victimes de persécutions. Dans ce cas, nous les plaçons sous assignation à résidence, ce qui nous permet de couper leurs relations avec d’éventuels réseaux. C’est aujourd’hui le cas pour dix personnes.
Cela nous demande beaucoup d’énergie,…
…car il faut procéder à leur surveillance, mais nous le faisons. Les personnes assignées à résidence sont soumises à de fortes contraintes : quatre pointages en commissariat ou gendarmerie par jour, interdiction de quitter le territoire de la commune d’assignation et, depuis 2014, interdiction d’avoir des contacts avec certaines personnes. Si ces règles ne sont pas respectées, il y a judiciarisation, pénalisation et, dans la plupart des cas, incarcération.
Voilà ce que nous pouvons faire dans le cadre du droit en vigueur, et nous continuerons à le faire systématiquement, avec la plus grande fermeté. Pour vous en convaincre, je suis prêt à rendre compte au Parlement sur le sujet et à informer ce dernier des chiffres, des cas – anonymisés, bien entendu – et des conditions de la judiciarisation.
Messieurs les ministres – et j’associe mon collègue Alain Marsaud à cette question –, nos services ne seraient-ils pas borgnes, voire aveugles ?
Qu’entends-je par là ? On peut se demander, avec le recul, si la réforme de 2008 – même si je sais qu’elle a été conduite sous la précédente majorité – n’était pas une fausse bonne idée. En fusionnant la direction de la surveillance du territoire avec les Renseignements généraux pour créer la direction centrale du renseignement intérieur, on s’est peut-être privé d’un certain nombre de renseignements sur le terrain.
Vous étiez cette semaine à Lunel, monsieur le ministre de l’intérieur – ce dont je félicite ; si nous avions disposé encore d’une présence sur le terrain, n’aurions-nous pas pu détecter plus tôt ce genre de situation ?
Vous avez créé, au début de l’année dernière, le service central du renseignement territorial,…
…mais cet outil est-il à la hauteur ?
Nos services sont donc borgnes, parce qu’ils manquent d’informations à l’intérieur ; et ils sont même aveugles, puisqu’ils manquent aussi d’informations à l’extérieur. Quand j’étais représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan, nous avions des contacts avec les services étrangers présents sur place. Or faisons le bilan aujourd’hui : nos rapports ont été coupés pendant un an avec le Maroc, à la suite d’une brouille.
Ils viennent d’être rétablis, mais je ne pense pas que c’était le meilleur moyen pour obtenir des renseignements sur les binationaux impliqués dans ces affaires !
Quant à la Syrie, inutile d’insister : c’est plus qu’une brouille ! D’après les informations qui ont filtré dans la presse, la France aurait envoyé une mission, il y a quelques semaines, pour obtenir des renseignements ; la contrepartie exigée par les Syriens était la réouverture de notre ambassade, ce qui a été refusé. Si ces informations sont exactes, nous n’aurions donc aucune information en provenance de la Syrie – ce qui paraît logique.
Enfin, pour les raisons d’actualité que chacun connaît, nos rapports avec les services russes ne sont pas meilleurs.
Pour résumer : à l’intérieur, le travail de collecte de renseignements sur le terrain ne devrait-il pas être renouvelé et, à l’extérieur, ne faudrait-il pas réactiver notre collaboration avec les services étrangers ?
Il s’agit, monsieur Mariani, d’une très bonne question et vous avez raison de la poser de façon aussi directe et en utilisant de telles images : borgne, aveugle, et j’ajouterai même anémié – ce qui fait beaucoup pour un même organisme. Le fait de perdre 13 000 emplois dans la police et la gendarmerie ne pouvait pas être sans conséquences sur le renseignement territorial ; et, de fait, nous avons perdu énormément de moyens pour la collecte.
Je ne reviendrai pas sur la réorganisation des services de renseignement : elle a eu lieu, dont acte. La question est de savoir comment être efficace dans la collecte, mais aussi dans l’analyse des renseignements : on peut toujours avoir des données, si l’on est incapable de les analyser afin de hiérarchiser les priorités et mettre l’accent sur les dangers les plus grands, c’est un problème.
Si l’on veut répondre à la préoccupation qui est la vôtre, il faut d’abord avoir des collecteurs de renseignements sur le territoire national ; voilà pourquoi il a été décidé de déployer des policiers et des gendarmes sur le terrain, de manière à récupérer des informations – 500 en tout : 150 dans la gendarmerie et 350 dans la police. C’est particulièrement nécessaire dans les territoires où des signaux faibles peuvent être détectés. Ainsi à Lunel, j’ai passé samedi matin deux heures avec les gendarmes et le service du renseignement territorial ; sans révéler le contenu de nos conversations, je puis vous dire que la gendarmerie détecte énormément de signaux faibles pouvant être utiles au renseignement territorial, à la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et à la judiciarisation.
Ensuite, il faut du matériel. Il ne suffit pas que des personnes soient présentes sur le terrain ; encore faut-il qu’elles soient équipées pour pouvoir collecter efficacement les renseignements. Je parle de choses très concrètes : des véhicules, des appareils photo, des moyens de télécommunication. Tout cela manque. Nous avons donc débloqué 233 millions d’euros sur trois ans pour en équiper nos services.
Troisièmement, ce n’est pas parce que les services sont efficaces et bien équipés qu’ils vont nécessairement communiquer entre eux. Or il existe au ministère de l’intérieur une vieille tradition du travail en tuyau d’orgue : chacun réalise des choses excellentes dans son domaine, mais lorsqu’il s’agit de les harmoniser et d’établir une communication entre les services, il faut énormément de volonté politique. Nous allons y remédier. Nous avons déjà fait un pas en ce sens en mettant en place à la fin du mois d’avril un dispositif qui, via la plate-forme de signalement, permet aux préfets et aux procureurs de faire travailler tous les services ensemble. Nous allons intensifier cet effort en renforçant l’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste. Cela devrait permettre de donner une plus grande efficacité à notre action.
S’agissant maintenant de nos relations avec les services de renseignement étrangers, nous travaillons à les renforcer. Nous sommes allés en Turquie pour remédier à de très anciens dysfonctionnements ; avec le Maroc, c’est parti…
Je m’y rendrai prochainement pour traiter de sujets relevant de ma compétence. Nous collaborons avec les services européens et ceux d’autres pays avec qui il est stratégique d’échanger des informations.
Vous le voyez : vos préoccupations sont aussi les nôtres et nous faisons en sorte d’atteindre ce but.
Nous en venons à deux questions du groupe UDI.
La parole est à M. Michel Zumkeller. Souhaitez-vous les poser l’une après l’autre ou en même temps, cher collègue ?
En même temps, si vous le permettez, madame la présidente, ce sera plus simple.
Ma première question concerne l’analyse des renseignements.
Le renseignement français semble avoir concentré ses efforts sur la jeune génération d’apprentis djihadistes partis en Syrie, peut-être au détriment des filières islamistes recensées depuis le début de l’année 2000, dont étaient issus les tristement célèbres frères Kouachi. C’est donc l’analyse, plutôt que la collecte du renseignement, qui ferait défaut. Dans ses annonces du 21 janvier, le Premier ministre a évoqué le recrutement d’analystes aux profils variés et la possibilité pour les bureaux de liaison et de coordination de bénéficier de ces ressources analytiques. D’autres mesures seront-elles prises afin d’améliorer les techniques d’analyse du renseignement ?
Ma deuxième question porte sur la radicalisation en prison.
La prévention de celle-ci doit être au coeur de la politique de lutte contre le terrorisme. Or le rapport de la délégation parlementaire au renseignement constate une insuffisance des moyens à la disposition du bureau du renseignement pénitentiaire, le BRP. Il préconise une meilleure formation des agents de ce dernier, ainsi qu’une meilleure collaboration avec les services de renseignement. Le futur projet de loi sur le renseignement contiendra-t-il des dispositions relatives au BRP et à la lutte contre la radicalisation dans les prisons ?
En outre, une meilleure coordination serait nécessaire au plan européen, en ce qui concerne tant les alertes précoces et l’acquisition du renseignement que les réponses judiciaires et l’effort de déradicalisation. Ne pourrait-on pas envisager la création d’une mission d’évaluation visant à l’harmonisation des réponses pénales et carcérales au phénomène djihadiste, ainsi que la création d’un observatoire européen de recherche et d’étude sur le terrorisme ?
Votre première question a fait l’objet de beaucoup de commentaires de presse et d’interrogations, parfois au sein même du Parlement.
Il y a tout d’abord des actions que l’on ne voit pas, tout simplement parce qu’elles ont été couronnées de succès. Tous les jours, nous procédons à des arrestations, à la mise hors d’état de nuire de terroristes qui, pour l’essentiel, appartiennent aux filières de combattants étrangers. Depuis le 25 janvier, nous avons ainsi procédé à l’arrestation de vingt personnes, en tout point du territoire national ; elles étaient engagées dans des filières organisées, détenaient des armes et des munitions pouvant occasionner des dégâts importants, communiquaient entre elles par Internet, envisageaient de commettre des attentats. Ces vingt arrestations ont abouti, en l’espace de treize jours, à une dizaine de mises en examen, à sept incarcérations et à une mise sous contrôle judiciaire. Du démantèlement de ces filières et de la judiciarisation de la situation de leurs membres – essentiellement des combattants étrangers, mais pas seulement –, on n’en parle jamais !
Cette action continue, quotidienne, a pourtant conduit à la mise hors d’état de nuire d’un grand nombre d’acteurs et permis d’éviter beaucoup d’attentats. Alors, quand j’entends dire que l’on a privilégié telle filière plutôt que telle autre pour des raisons qui tiendraient à un défaut d’analyse, je voudrais que l’on réalise la masse de sujets à traiter et l’extrême mobilisation des services malgré un contexte de pénurie de moyens humains et technologiques – que nous nous employons, de façon très volontariste, à corriger. Voilà ce qu’est la réalité !
Deuxièmement, je le répète, ce n’est pas parce qu’on collecte des informations qu’on les analyse bien. En matière de lutte contre le terrorisme, il faut procéder à une analyse fine, c’est-à-dire croiser les approches : l’expertise, excellente, de la DGSI, avec les retours du renseignement territorial, tout en procédant au recrutement d’analystes et de traducteurs – pour analyser les interceptions. Il convient de le faire rapidement en recrutant sur titres plutôt que par voie de concours, de manière à être opérationnels le plus vite possible ; c’est ce à quoi je m’emploie. Il faut aussi recourir à d’autres compétences – des universitaires, des intellectuels, des diplomates – afin d’affiner, par leurs regards croisés, les analyses de manière à définir les cibles à surveiller plus attentivement.
Voilà ce que nous souhaitons faire : accroître les moyens, procéder à des recrutements, ouvrir nos services à d’autres compétences et à d’autres disciplines, tout en valorisant les actions de démantèlement des filières existantes.
S’agissant du milieu pénitentiaire, le Premier ministre a annoncé la création de 950 postes, qui se répartiront entre l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions. L’objectif est de mieux armer les juridictions, notamment le parquet antiterroriste, de faire en sorte que la protection judiciaire de la jeunesse puisse prévenir le passage à l’acte et de donner à l’administration pénitentiaire les moyens de faire face à la radicalisation en prison. Il importe aussi de renforcer le renseignement pénitentiaire, actuellement composé de quelques unités seulement, pour faire face à un phénomène en rapide expansion du fait de la judiciarisation des personnes susceptibles de commettre des aces terroristes. Nous avons intégré au sein de l’UCLAT certaines de ces compétences, de manière qu’elle puisse disposer d’une vision transversale de la question terroriste, incluant les informations obtenues en prison. Cet effort sera encore intensifié grâce au plan annoncé le 22 janvier par le Premier ministre.
Nous en venons à deux questions du groupe RRDP.
La parole est à M. Jacques Moignard. Souhaitez-vous également poser vos deux questions en même temps ?
Ma première question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, la suivante à M. le ministre de la défense. Mais je veux au préalable les féliciter tous deux pour leurs exposés liminaires, qui ont embrassé largement le sujet.
Monsieur le ministre de l’intérieur, en 2008, l’intégration de la majorité des effectifs de la direction centrale des renseignements généraux au sein de la direction centrale du renseignement intérieur a conduit à la création de la sous-direction de l’information générale, la SDIG. Cette dernière a peiné à trouver sa place, en raison d’une part de moyens réduits et d’objectifs vagues, d’autre part d’un manque de coordination entre les services. Le Premier ministre, Manuel Valls, a donc envisagé une réorganisation du renseignement, qui a abouti en 2014 à la création de la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et du service central de renseignement territorial – SCRT –, qui ont remplacé respectivement la DCRI et la SDIG. Cette réorganisation s’est révélée parfaitement appropriée et, comme s’en félicite dans son rapport la délégation parlementaire au renseignement, elle a déjà porté ses premiers fruits, notamment pour ce qui concerne le SCRT.
En effet, les missions de ce dernier ont été redéfinies par la circulaire du 21 mars dernier et élargies. Figure parmi elles le développement du cyber-renseignement, dont vous avez parlé. Pouvez-vous nous préciser les finalités visées à cet égard, monsieur le ministre, et les méthodes d’investigation locales du service, même si vous avez déjà largement abordé la question tout à l’heure ?
Par ailleurs, le SCRT permet une surveillance optimale de proximité puisque, implanté dans chaque département, il est composé de 1 900 fonctionnaires de police et de quelques dizaines de gendarmes, auxquels s’ajoutent 700 policiers de la préfecture de police de Paris, également chargés du renseignement. Cependant, compte tenu de l’évolution préoccupante de la menace terroriste, estimez-vous, monsieur le ministre, que ces fonctionnaires sont suffisamment nombreux ? Si tel n’est pas le cas, envisagez-vous de prochaines augmentations d’effectifs ?
J’en viens donc, puisque vous me le permettez, madame la présidente, à ma question au ministre de la défense.
Monsieur le ministre, une dizaine d’anciens militaires français seraient actuellement en Syrie et en Irak pour mener le djihad dans les rangs d’organisations terroristes comme l’État islamique. Ainsi, l’un installé dans la région de Deir Ez-Zor, en Syrie, aurait mis ses compétences militaires, acquises sous le drapeau français, au service de l’encadrement de jeunes djihadistes français qu’il a formés au combat. D’autres, âgés seulement d’une vingtaine d’années, anciens de la Légion étrangère ou anciens parachutistes, experts en explosifs, grossiraient les rangs desdites organisations terroristes. Cette situation est on ne peut plus préoccupante : formés en France, ces anciens militaires ou les militaires radicalisés au sein de l’armée pourraient se révéler de redoutables terroristes puisqu’ils connaissent l’organisation et les secrets de l’armée. Ils pourraient aussi apporter leur expertise en maniement des armes et explosifs à d’autres candidats potentiels au djihad.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer ces informations ? Le cas échéant, avec quels moyens envisagez-vous de prévenir les phénomènes de radicalisation dans nos armées ? À ce titre, la direction de la protection et de la sécurité de la défense, service placé sous votre autorité et notamment chargé d’examiner les dossiers de recrutement et de mener des enquêtes en interne en liaison avec le renseignement intérieur, verra-t-elle son effectif augmenter consécutivement à la récente actualisation de la loi de programmation militaire ?
Oui, monsieur le député, le phénomène que vous décrivez est réel, d’anciens militaires ont rejoint les rangs des combattants djihadistes, mais il est extrêmement réduit. En outre, je pense que vous avez bien fait de n’évoquer qu’au conditionnel les informations qui sont données ici ou là. Je peux simplement vous dire que les services de la DPSD, dont c’est l’une des missions, suivent de près ces anciens militaires, pour certains depuis plusieurs années, afin que puissent être prises, en bonne collaboration avec l’ensemble des autres services du ministère de la défense et du ministère de l’intérieur, les mesures nécessaires, évoquées à plusieurs reprises par Bernard Cazeneuve.
Nous suivons aussi d’anciens candidats au métier des armes, qui peuvent éventuellement être retrouvés dans ces réseaux, mais leur nombre est très limité, et les armes que vous avez citées ne sont pas particulièrement concernées : d’autres sont également concernées, mais il ne s’agit toujours que d’un nombre limité de personnes. Je veux aussi vous le dire : nous les suivons là où ils sont et quand ils reviennent. Nous suivons aussi tout particulièrement certains militaires en activité qui pourraient être susceptibles de connaître ce genre de destin. C’est aussi le rôle de la DPSD.
Dernier point, qui est souvent passé sous silence, la mission de la DPSD est aussi d’aider le commandement à anticiper ces phénomènes de radicalisation, à les identifier, à les percevoir et à partager ses interrogations auprès des cadres de l’armée. Enfin, puisque vous avez bien voulu rappeler la décision du Premier ministre d’augmenter les effectifs des services de renseignement, la DPSD est aussi concernée, et les soixante-dix postes créés seront précisément affectés à cette mission.
J’ai répondu à la question que vous avez posée, monsieur le député Moignard, en répondant tout à l’heure à M. Mariani, mais j’ajoute volontiers quelques compléments. Nous avons besoin de réarmer le renseignement territorial, en lui donnant les moyens humains, technologiques et budgétaires dont il a été privé jusqu’à présent. C’est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de créer 500 emplois supplémentaires dans les services du renseignement territorial. Cela permettra notamment à la gendarmerie de s’impliquer dans le renseignement territorial en collectant des informations au plus près du terrain. L’objectif est de mettre des gendarmes dans les brigades, au plus près du terrain, au plus près des lieux où peuvent être décelés des signaux faibles, de manière à permettre à ce renseignement d’être collecté. Nous ferons de même avec les policiers, puisque 250 postes sont créés dans la police.
Nous avons besoin d’augmenter les moyens de ces équipes qui détectent les signaux faibles sur le terrain en leur donnant des matériels qu’elles n’avaient pas, jusqu’à présent, la possibilité d’utiliser. Nous avons ainsi décidé de consacrer 40 millions d’euros par force de sécurité à l’acquisition de véhicules. Au total les crédits seront abondés de 233 millions d’euros.
Nous avons besoin également de moyens de télécommunication et de moyens numériques. La gendarmerie a commencé, dans la région Nord-Pas-de-Calais, à équiper ses troupes de ces moyens ; nous allons généraliser leur diffusion pour permettre une plus grande efficacité de nos forces. Nous allons ensuite organiser les relations, au niveau des territoires mais aussi en administration centrale, entre le renseignement territorial et la sécurité intérieure, de manière à permettre un croisement des analyses après que le renseignement a été collecté.
Enfin, nous allons ouvrir l’analyse du renseignement territorial et la DGSI à des universitaires, à des intellectuels, de manière à améliorer le traitement du renseignement collecté, quoiqu’il soit déjà remarquablement assuré – je tiens à le dire – par la DGSI. Je tiens à rendre hommage à celle-ci et à saluer les performances qui sont les siennes en dépit d’une charge qui ne cesse d’augmenter et de moyens jusqu’à présent contingentés.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à M. François de Rugy.
Ma question s’adresse plus particulièrement au ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, le 21 janvier dernier, le Premier ministre Manuel Valls a présenté une série de mesures destinées à renforcer les moyens humains, juridiques, financiers et matériels de notre dispositif de renseignement. Il a notamment évoqué la création d’un fichier spécial, placé sous le contrôle d’un magistrat et recensant toutes les personnes déjà condamnées pour des actes de terrorisme, sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui pour les délinquants sexuels.
Je profite de ce débat pour demander au Gouvernement de préciser les caractéristiques de ce nouveau fichier. La Commission nationale informatique et libertés se plaint en effet régulièrement de la gestion de nos fichiers de police, dont tous ne sont pas prévus par un texte législatif ou réglementaire, et le Conseil d’État a d’ailleurs récemment formulé des propositions en la matière.
Quelle sera la particularité de ce fichier spécial par rapport aux fichiers qui existent déjà ? S’agira-t-il d’un fichier administratif, comme le fichier Gestion du terrorisme et des extrémistes à potentialité violente, ou d’un fichier judiciaire, à l’image du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ? Qui sera concerné par ce fichage ? Les faits d’apologie ou de provocation seront-ils considérés comme des actes relevant du terrorisme ? Qui contrôlera ce fichier ? L’autorité judiciaire ou une autorité administrative indépendante ? Enfin, quelle sera la nature du contrôle exercé sur les personnes fichées ? Doit-on s’attendre, par exemple, à ce qu’elles soient soumises, comme les personnes inscrites dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, à des obligations d’enregistrement ? Enfin, quelle sera la durée de conservation des données ?
Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre.
Merci, monsieur le député, de cette question, qui est importante, puisqu’elle concerne aussi cet équilibre dont nous parlions tout à l’heure, entre la nécessité de protéger les Français grâce à des outils nouveaux et celle de préserver les libertés publiques.
Vous l’avez rappelé, le Premier ministre a annoncé le 21 janvier dernier, lors de la présentation du plan gouvernemental de renforcement des moyens des services de renseignement, qu’un nouveau fichier serait créé. Nous devons en effet pouvoir connaître en permanence l’ensemble des terroristes condamnés, leur lieu de vie, nous devons pouvoir contrôler leur présence et leurs absences ; cela vise à assurer l’efficacité du travail de nos services de renseignement. Vous avez d’ailleurs remarqué, à la suite des attentats du début du mois de janvier, que des terroristes qui ont pu, à un moment donné, être engagés dans des tentatives d’évasion d’autres terroristes, emprisonnés, pouvaient de nombreuses années plus tard passer à l’acte. Ce processus de suivi au long cours est donc nécessaire
Sur le modèle du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, que vous avez évoqué, régi par des dispositions du code de procédure pénale, ce fichier fonctionnera sous l’autorité du magistrat directeur du casier judiciaire national, ce qui est déjà une première garantie. Les personnes impliquées condamnées, même non définitivement, ou mises en examen, pour des faits de nature terroriste, auront vocation à y figurer. Elles seront tenues, sous peine de commettre un délit, de justifier d’une adresse, de signaler leurs changements de domicile et certains déplacements, notamment à l’étranger.
Le délai de conservation des données dans le FIJAIS est de trente ans en cas de condamnation pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement et de vingt ans dans les autres cas. Le fichier est accessible, dans des conditions strictes, prévues par la loi, et pour certaines finalités, aux magistrats officiers de policier judiciaire ainsi qu’aux préfets et aux agents de l’administration pénitentiaire. Les discussions sont en cours avec la chancellerie afin d’adapter ces règles à la prévention du terrorisme et à la lutte contre celui-ci. Lorsque ces travaux auront abouti, bien entendu, la garde des sceaux pourra en rendre compte devant le Parlement.
Monsieur le ministre de la défense, face à la menace majeure que constitue aujourd’hui le terrorisme international, djihadiste en particulier, il est essentiel de pouvoir identifier les interactions entre les différents groupes terroristes au Sahel et au Moyen-Orient, et les éventuels projets d’attentats sur le territoire national qui présenteraient des liens avec ces deux zones géographiques. Notre protection au plus près passe par la détection au plus loin du risque terroriste – on ne peut en effet prétendre tout connaître à partir de Paris.
Cela doit notamment se concrétiser par un recueil de l’information auprès des groupes locaux combattant les terroristes djihadistes. Au Sahel, je pense au travail qui s’est effectué avec certains mouvements touaregs, qui a permis de sécuriser un processus de stabilisation dans le Nord-Mali. Au Moyen-Orient, nous pouvons faire référence au mouvement kurde. Ces organisations locales ont une connaissance fine des territoires, des équilibres et des ennemis qui leur sont opposés. La libération de Kobané en Syrie n’a pu se faire que par un travail de coordination tactique entre les troupes kurdes au sol et les aviations de la coalition, essentiellement les aviations américaine et française. En effet, à partir du moment où la coalition a pris ses renseignements au sol directement auprès des Kurdes, les bombardements ont atteint leur cible.
La lutte contre les combattants djihadistes à l’étranger et la détection de l’exportation de cette menace terroriste sur le sol national requièrent un même travail de renseignement de haute qualité. Pour le mener, monsieur le ministre de la défense, nous disposons de trois services de renseignement : la direction générale de la sécurité extérieure, la direction de la protection de la sécurité et de la défense et la direction du renseignement militaire. Pouvez-vous nous préciser le rôle de chacun de ces services ? Par ailleurs, pourriez-vous nous expliquer la coordination entre ces services, notamment dans les phases de recueil et de traitement ? Chacun sait bien que les règles doivent être celles d’une étroite coopération interservices et d’une totale transparence dans l’échange de renseignements afin d’assurer une efficacité maximale de notre lutte antiterroriste.
J’ai indiqué tout à l’heure, monsieur le député, que le ministère de la défense avait la responsabilité à la fois du renseignement extérieur, confié à la DGSE, du renseignement d’intérêt militaire, confié à la DRM, et du renseignement de protection des installations et ressources humaines de la défense, assuré par la DPSD – j’y ai également fait référence tout à l’heure en répondant à M. Moignard.
Je voudrais vous repréciser les choses.
La DGSE, ce sont 6 000 agents. Elle est plus particulièrement chargée du renseignement d’ordre géopolitique, du volet extérieur du contre-espionnage, du renseignement de crise, du contre-terrorisme, de la contre-prolifération et de la criminalité internationale. Elle opère essentiellement à l’extérieur de nos frontières et est spécialisée dans le recours aux méthodes clandestines de renseignement. Vous me permettrez donc de ne pas réagir sur la première partie de votre question.
La DRM regroupe, quant à elle, un peu moins de 1 600 personnes. Elle fournit du renseignement d’ordre militaire aux autorités politiques et au commandement militaire afin de les guider dans leurs choix d’intervention et leurs décisions. Son champ d’investigation est le renseignement nécessaire aux forces en opération. Elle est par exemple très engagée au Sahel, contre Boko Haram, ou au Levant. Elle veille aussi activement sur les potentiels des pays susceptibles de faire usage de leur puissance militaire contre nos intérêts.
Elle bénéficie aussi d’un très gros effort dans le cadre de la LPM, en particulier grâce aux programmes de satellites MUSIS et CERES, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. Des drones d’observation ont également été acquis, ainsi que des pod de reconnaissance. Elle dispose donc d’outils très techniques.
Enfin, la DPSD – dont j’ai parlé tout à l’heure – remplit des missions de protection et de contre-ingérence au profit du ministère de la défense.
Je suis très attaché au fait que ces services mettent en commun leurs informations pour des opérations particulières ; cela permet de rendre leur action aussi efficace que possible. Cette mutualisation améliore leurs performances. C’est notamment le cas dans l’opération Chammal, pour laquelle une cellule de fusion d’informations permanente a été mise en place ; c’est aussi le cas pour le Sahel. Cette fusion d’informations donne de très bons résultats.
La coordination générale de l’ensemble des services est effectuée par le coordonnateur national du renseignement, placé auprès du Président de la République, qui coordonne l’ensemble de la communauté du renseignement – laquelle comprend des services relevant du ministère de la défense, du ministère de l’intérieur, et du ministère des finances.
J’espère avoir répondu à votre question sur l’ensemble de ces services. Au passage, je m’aperçois que j’ai omis de citer les effectifs de la DRM et de la DPSD, comme je l’ai fait pour la DGSE. La DRM compte environ 1 600 personnes, et la DPSD un peu moins de 1 200 personnes.
Nous arivons aux questions du groupe GDR.
Monsieur Candelier, vous avez deux questions à présenter. Voulez-vous les poser en même temps, ou l’une après l’autre ?
Mes questions sont courtes : je les poserai ensemble.
Messieurs les ministres, chers collègues, il est nécessaire que la représentation au sein de cette Assemblée, comme au sein des délégations parlementaires communes à l’Assemblée nationale et au Sénat, soit la plus démocratique possible. C’est essentiel pour le bon déroulement de nos travaux. En 2007, nous avons salué, malgré certaines réserves, la création de la délégation parlementaire au renseignement, dont les compétences ont été élargies par la loi de programmation militaire de décembre 2013. Les députés communistes et du Front de gauche regrettent que tous les groupes politiques ne soient pas représentés au sein de cette délégation.
La loi de programmation militaire doit être révisée prochainement. Ma première question est très simple, monsieur le ministre de la défense : dans le cadre de la révision de la LPM, le Gouvernement permettra-t-il à chaque composante politique de cette assemblée de participer aux travaux de la DPR ? Je vous remercie d’avance pour votre réponse !
La deuxième question est encore plus courte. Le rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014, rendu le 18 décembre 2014, contient, en annexe, une proposition de loi concernant le secret des affaires. Je me demande sérieusement si une telle proposition de loi ne limiterait pas l’information de nos concitoyens, ou ne briderait pas le travail de nos journalistes, qui doivent mener leurs investigations sans en être empêchés, dans le respect de la législation en vigueur. Voici ma question : quel serait l’impact d’une telle proposition de loi en termes de restriction aux libertés publiques ?
Monsieur le député, la réponse à votre première question est simple. Les dispositions de l’ordonnance du 17 novembre 1958 répondent déjà à votre préoccupation. Cette ordonnance prévoit en effet que la DPR compte quatre membres de droit, et quatre autres membres « désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste ». Ce format, comportant quatre membres de droit et quatre membres désignés, a de nouveau été débattu il y a un an et demi, à l’occasion de l’examen de la loi de programmation militaire. Il nous est apparu qu’il préservait un bon équilibre entre la recherche du pluralisme – objectif que je partage – et le souci de conserver à la DPR un format suffisamment restreint pour tenir compte de l’extrême sensibilité des informations et des documents accessibles à ses membres. Il n’est donc pas dans nos intentions de modifier ce dispositif.
En revanche, le Gouvernement est conscient de l’apport que représentent les parlementaires dans ce domaine régalien. C’est pourquoi, dans le travail préparatoire à la loi sur le renseignement, nous envisageons d’accroître le nombre de parlementaires au sein de l’autorité administrative indépendante qui sera appelée à se substituer à la CNCIS – la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité – pour contrôler l’ensemble des techniques intrusives de renseignement. Nous parlerons de cela au moment de l’examen des dispositions modifiant la loi du 10 juillet 1991.
Nous revenons aux questions du groupe SRC. La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je souhaite vous interroger sur la question du renseignement pénitentiaire, même si j’ai bien conscience que celui-ci est sous la responsabilité de Mme la garde des sceaux. Le lien entre le renseignement pénitentiaire et les autres services de renseignement est une question majeure, qui nous préoccupe tous.
En effet, les événements récents nous poussent à nous interroger sur la place de la prison dans le processus de radicalisation. Ce phénomène n’est pas nouveau : depuis longtemps, de jeunes prisonniers sont endoctrinés au contact de détenus déjà radicalisés. La détection des individus radicalisés se fait simplement par l’observation et l’analyse de leur comportement ; elle doit être améliorée. La radicalisation se fait d’ailleurs de plus en plus discrètement, souvent sans signes extérieurs. L’administration pénitentiaire possède un dispositif de renseignement, qui a été renforcé en 2003 par la création d’un bureau du renseignement pénitentiaire appelé EMS-3.
Ce service est toutefois bien modeste : il ne compte qu’une douzaine de personnes en administration centrale, et autant au niveau des régions, pour suivre près de 1 000 individus. Mme Isabelle Gorce, directrice de l’administration pénitentiaire, nous a informés lundi, dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, que sur ce millier d’individus, 170 personnes étaient surveillés en raison de leurs liens avec le terroriste ou avec la mouvance islamiste radicale. Les autres individus surveillés étaient en lien avec des organisations séparatistes.
Le Premier ministre a annoncé des moyens supplémentaires, humains et financiers, pour les services de renseignement, notamment l’EMS-3, afin de lutter contre le terrorisme. Ma question, monsieur le ministre de l’intérieur, porte sur la coordination des services. Il est absolument nécessaire de renforcer la coordination de l’action de l’EMS-3 avec celle des autres services de renseignement. Comme vous le savez, le service de renseignement pénitentiaire ne fait pas partie de ce que l’on appelle la « communauté du renseignement », composée de six autres services.
Envisagez-vous d’intégrer l’EMS-3 dans un second cercle de la communauté du renseignement ? De manière plus générale, comment envisagez-vous l’évolution de la communauté du renseignement ?
Vous connaissez bien ces questions, monsieur le député, puisque vous avez été rapporteur de la loi du 13 novembre 2014, et c’est à juste titre que vous avez indiqué que la radicalisation se développe – en partie – en prison. L’administration pénitentiaire, qui relève de Mme la garde des sceaux, a renforcé l’action de ses services de renseignement, en lien étroit avec le ministère de l’intérieur. Il faut, là aussi, accroître ensemble nos efforts.
Vous évoquez la nécessité de renforcer la coordination de l’action de l’EMS-3 avec celle des autres services de renseignement. Je partage totalement cette préoccupation, et je tiens à vous exposer les initiatives que nous avons d’ores et déjà prises pour renforcer la coordination entre les services. D’abord, la direction de l’administration pénitentiaire est, depuis l’été dernier, systématiquement associée aux réunions hebdomadaires de l’UCLAT, l’unité de coordination de la lutte antiterroriste. Les processus d’échange d’informations ont été fluidifiés, et le renseignement circule désormais beaucoup mieux, au sein de l’UCLAT, entre les directions concernées.
Le bureau du renseignement pénitentiaire de l’état-major de sécurité de l’administration pénitentiaire aura accès au futur système de traitement automatisé des signalements liés à la radicalisation, lequel sera géré par l’UCLAT. Depuis le 5 janvier 2014, un directeur des services pénitentiaires est détaché à temps plein à l’UCLAT au sein du département de lutte contre la radicalisation. La coordination avec le BRP est l’une de ses principales missions.
Par ailleurs, des échanges opérationnels entre la direction de l’administration pénitentiaire et les services du ministère de l’intérieur ont lieu. Un protocole de coopération et d’échange de renseignement au niveau interrégional, à l’image du protocole associant la DGSI et la direction de l’administration pénitentiaire depuis 2012, a été validé par le directeur général de la police nationale ; il doit maintenant être validé par le ministère de la justice.
Enfin, troisième point, nous améliorons les capacités de détection de la direction de l’administration pénitentiaire. À mon initiative, le coordinateur national du renseignement a accepté le principe de l’accès des effectifs du bureau du renseignement pénitentiaire à certaines formations dispensées par l’académie du renseignement. Ce rapprochement est appelé de ses voeux par la délégation parlementaire au renseignement – je parle là sous le contrôle de Jean-Jacques Urvoas. De même, le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance a noué des contacts avec la direction de l’administration pénitentiaire et l’école nationale d’administration pénitentiaire afin de former son personnel, ainsi que celui des services d’insertion et de probation, à la détection de la radicalisation, aussi bien en milieu ouvert qu’en milieu fermé.
Monsieur le ministre de l’intérieur, j’associe à cette question mon collègue Patrick Vignal. Permettez-moi de vous remercier pour les paroles justes et fortes que vous avez prononcées samedi dernier à Lunel.
Au risque d’être redondant, je souhaite à mon tour vous interroger à propos du renseignement territorial. Le renseignement général, et le renseignement intérieur en particulier, a fortement évolué ces dernières années en France – nous l’avons dit. La réforme de 2008 devait répondre à des années d’interrogations sur les services de renseignement français. Elle concernait plus particulièrement les renseignements généraux, victimes de raccourcis, de stéréotypes, et objets de critiques. Cette réforme, si elle a tenté de structurer la filière nationale du renseignement, de mettre fin à certaines rivalités ou incohérences apparues au fil du temps, n’a pas répondu au défi qu’elle devait relever. Des erreurs ont même été commises, à cause d’une certaine précipitation. De l’aveu même de notre collègue Mariani, les agents concernés ont eu le sentiment d’être traités avec brutalité.
Cela ressort des évaluations qui ont été réalisées à la suite de cette réforme. Cela ressort également des interrogations qui sont apparues et ont gagné en force après les tueries de Montauban et de Toulouse. Après cette affaire, dite « affaire Merah », deux inspecteurs généraux de la police nationale ont rédigé un rapport présentant des pistes pour une nouvelle réforme. C’est sur la base de ces différentes évaluations, et du travail de la commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés, qu’une nouvelle réforme a été menée. La DCRI est devenue la DGSI, et un service central du renseignement territorial a été créé. Il assure une veille, au plus près des territoires ; ses effectifs progressent pour répondre au mieux aux missions qui lui sont confiées.
Tous ces changements visent à structurer une filière de renseignement territorial, et à créer davantage de liens entre les différents services intervenant dans le domaine du renseignement. À l’aune des attentats des 7, 8 et 9 janvier, ayant conscience des menaces qui pèsent partout dans notre pays, je voudrais savoir comment vous évaluez la restructuration du renseignement français, plus particulièrement le renseignement territorial. Je voudrais également connaître les évolutions envisagées pour continuer d’améliorer la filière du renseignement en France.
J’ai déjà répondu à cette question à plusieurs reprises, mais je vais vous donner des éléments que je n’ai pas encore communiqués à la représentation nationale – si j’en trouve !
Le service de renseignement territorial est chargé de détecter ce que l’on appelle les « signaux faibles » : il intervient en bas du spectre. La DGSI, elle, intervient plutôt en haut du spectre, et analyse des phénomènes plus amples, concernant des filières plus organisées. Tout cela, bien entendu, est en lien. Il est absolument indispensable que les services soient organisés de telle sorte que les informations qui remontent du terrain soient croisées avec celles dont dispose la direction générale de la sécurité intérieure. Il s’agit, grâce à l’analyse des éléments dont on dispose, de mieux prioriser les cibles à suivre.
Je tiens à le dire clairement à la représentation nationale : nous ne pouvons pas suivre tout le monde. J’entends dire, à chaque événement lié au terrorisme, qu’il y a eu une « faille des services. » Ce n’est pas une faille des services, mais des commentateurs ! Il faut bien comprendre la réalité à laquelle les services sont confrontés. Pour prendre un exemple très concret, l’enquête d’environnement réalisée par la DGSI à Nice sur la personne qui a attaqué les militaires ne pouvait être réalisée qu’à distance. Si un agent suivait toute la journée la personne surveillée, sans s’en éloigner de plus deux mètres, cette personne – quel que soit son état – finirait par s’en rendre compte !
La surveillance d’environnement s’est faite à distance ; dès lors, penser que l’on aurait pu intervenir immédiatement pour neutraliser cette personne est totalement illusoire – ce d’autant plus qu’elle a attaqué avec une grande violence, comme Jean-Yves Le Drian et moi l’avons vu sur les vidéos de surveillance. Ce que l’on appelle « faille des services » est donc souvent, en réalité, une faille dans l’analyse de la situation, du travail des services, de leur rôle et des conditions dans lesquelles ils interviennent, au regard du but qu’ils poursuivent.
Par ailleurs, chacun sait qu’il faut plus d’un membre des services pour suivre une personne. Par conséquent, compte tenu de l’augmentation exponentielle du nombre de personnes que nous devons suivre, il faudrait augmenter très significativement les effectifs ! L’efficacité de notre action dépend donc de la finesse de nos analyses pour ce qui concerne les cibles à atteindre. Il s’agit de créer les conditions de la judiciarisation de ces cibles. Si les services de renseignement parviennent à récolter assez d’éléments témoignant du risque d’un attentat, alors il est possible d’intervenir de manière pré-judiciaire pour l’éviter.
Pour cela, il faut des moyens pour le service central du renseignement territorial, une bonne communication entre ce dernier et la DGSI et des analyses croisées et partagées. C’est précisément ce que nous faisons : augmentation des moyens humains, budgétaires et matériels et ouverture des services à d’autres disciplines pour permettre ces analyses croisées et tenter d’être plus efficaces encore que nous le sommes, car le nombre des personnes concernées par ces activités nous expose à un risque sans précédent. Voilà ce que nous allons faire partout, y compris à Lunel, où j’étais samedi. Ce travail y est déjà fait par la gendarmerie mais elle sera renforcée par les 150 postes qui seront affectés là où ils seront le plus utiles compte tenu des caractéristiques du territoire au regard du risque terroriste. Cela implique bien entendu de pré-judiciariser le maximum de situations.
Pour la dernière question du groupe UMP, la parole est à M. Yves Foulon.
La protection et la défense des systèmes d’information dans le cyberespace, qualifié de cinquième champ de bataille, sont un enjeu fondamental et une priorité stratégique pour notre souveraineté nationale. Les moyens que nous utilisons quotidiennement – ordinateurs, téléphones portables, tablettes – sont évidemment connectés à Internet. Cette ouverture est bien sûr une force, mais aussi une fragilité. Nous devons protéger nos savoir-faire, nos inventions, nos coopérations scientifiques, nos collaborations publiques-privées et rester attentif à l’intelligence économique de la Défense, dans un contexte de lutte contre la prolifération du terrorisme. Pénétration des réseaux à des fins d’espionnage, prise de contrôle à distance, destructions d’infrastructures vitales, les types de menaces sont nombreux et difficiles à anticiper. Les attaques Internet qui ont suivi les attentats de janvier, d’ailleurs revendiquées par l’État islamique, démontrent bien l’importance de cet aspect dans la lutte contre le terrorisme.
J’ai deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Premièrement, le pacte cyberdéfense, lancé il y a tout juste un an, prévoyait cinquante actions disposant de crédits renforcés. Quel bilan pouvez-vous en faire à ce jour ? Deuxièmement, les cybermenaces ne connaissent aucune frontière, ni étatique, ni organisationnelle. La France collabore donc avec ses partenaires de l’OTAN pour renforcer la sécurité internationale. Quelle est la place de la France à l’échelle mondiale ?
Monsieur le député, je vous remercie de cette question. La cybersécurité est devenue un enjeu de souveraineté aussi important pour nous que d’autres enjeux de souveraineté, car les attaques se multiplient : par exemple, les attaques sur le seul ministère de la défense doublent tous les ans depuis que je suis ministre de la défense – cela ne fait quand même pas très longtemps. Nous y faisons face en nous protégeant, mais cela montre bien l’ampleur du sujet. Il faudra nous habituer à travailler en permanence sous agression informatique et cela concerne, non pas seulement le ministère de la défense, mais les grands opérateurs d’infrastructures vitales ainsi que les bombes logicielles, qui peuvent partout remettre en cause le fonctionnement même de l’économie nationale.
Il importe donc de se protéger contre ces cyberattaques et ces cybermenaces. C’est l’ambition du pacte cyberdéfense, que j’ai lancé il y a un an. Il prévoit cinquante mesures – je ne les détaillerai pas ici. Au total, la loi de programmation militaire prévoit 1 milliard d’euros et des emplois supplémentaires, qui sont en train d’être pourvus. Les effectifs seront d’ailleurs renforcés dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, à la suite des annonces du Premier ministre.
Le sujet principal est celui de la formation, de la qualification et de l’identification des compétences qui nous manquent. Les armées et les opérateurs de grandes infrastructures vitales confirment qu’il n’existe pas suffisamment de personnes qualifiées pour faire face à l’accroissement de la demande et à notre besoin de protection. Je veux qu’il y ait une culture de la cybersécurité dans le ministère de la défense. J’ai eu l’occasion d’évoquer l’expression symbolique de « quatrième armée », aux côtés de l’armée de terre, de l’armée de mer et de l’armée de l’air, qui disposeraient de compétences partagées. Cela doit être une préoccupation permanente de l’ensemble du ministère de la défense et de l’état-major, qui partagent déjà largement le constat de l’importance de cet outil.
Nous avons mis en place un pôle d’excellence de cyberdéfense à Bruz, près de Rennes, car le site regroupe déjà l’école des transmissions, l’école de Saint-Cyr et le centre de la DGA. Ce pôle est en train de devenir un pôle de référence européen en la matière. Sans vouloir trop s’en enorgueillir, nous sommes, avec l’Estonie – pour des raisons historiques – quasiment à la pointe sur ces questions de sécurité et de défense, y compris au sein de l’OTAN, où des programmes de cybersécurité mutualisés sont en train d’être développés. Nous participons activement à l’ensemble de ces scénarios. C’est une préoccupation constante, majeure, déterminante.
Le sujet n’avait pas été abordé dans le livre blanc élaboré par la précédente majorité, en 2008, car la situation n’était pas aussi préoccupante. L’importance du sujet croît année après année, ce qui rend nécessaire la mobilisation de l’ensemble des moyens militaires et le soutien aux grands opérateurs d’infrastructures vitales. Il en va de la sécurité de notre pays.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Questions sur la politique budgétaire.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly