Monsieur le président Schwartzenberg, avant la révision constitutionnelle de juillet 2008, la procédure d’urgence n’avait qu’un seul objectif : permettre la réunion de la commission mixte paritaire après une seule lecture dans chaque assemblée. La révision de 2008, en mettant en place un délai minimal entre le dépôt d’un texte, sa transmission et son examen en séance publique a donné un nouvel objectif à la procédure accélérée : donner au Gouvernement la possibilité de déroger à ces délais minimaux.
C’est cette situation juridique nouvelle qui explique que la procédure accélérée soit plus souvent déclenchée que l’urgence ne l’était avant 2008.
Pour autant, nous ne nous en tenons pas à cette explication et nous tentons de limiter les effets négatifs de la procédure accélérée de deux manières.
Tout d’abord, nous tentons de maintenir les délais proches de ceux qui sont fixés par la Constitution en procédure normale. Pour ne prendre qu’un exemple, le projet de loi relatif à la transition énergétique a été examiné en séance publique deux mois après son dépôt, soit un délai supérieur au délai minimal de six semaines hors procédure accélérée. De plus, lorsque cela est possible, nous préservons les deux lectures dans chaque assemblée avant la convocation de la commission mixte paritaire. Nous l’avons notamment fait pour le projet de loi portant délimitation des régions.
Je vous rappelle également que notre Constitution prévoit depuis 2008 que les deux conférences des présidents peuvent s’opposer conjointement au déclenchement de la procédure accélérée. Il s’agit d’une garantie importante pour le Parlement qui, par cette procédure, estime que le texte visé ne présente aucun caractère d’urgence ou qu’il est trop complexe pour être examiné dans des délais resserrés. Il me semble d’ailleurs que cette possibilité a déjà été utilisée.
J’en viens plus précisément à votre question. Lors de la dernière réforme du règlement de l’Assemblée, vous avez adopté un amendement prévoyant que même en procédure accélérée, le texte de la commission devait être diffusé au moins sept jours avant la séance publique. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition en rappelant qu’aucun délai minimal ne pouvait être imposé en cas d’engagement de la procédure accélérée. À l’inverse, le Conseil a validé la nouvelle règle selon laquelle l’Assemblée nationale doit être informée de l’engagement de la procédure accélérée, en principe lors du dépôt du projet de loi. Cette rédaction, inspirée du règlement du Sénat, est parfaitement conforme à la Constitution. Il va de soi que le Gouvernement fera tout son possible pour respecter cette règle, même si comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, elle n’a aucune valeur impérative.