Intervention de Agnès Benassy-Quéré

Réunion du 11 février 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Benassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, CAE, professeure à l'école d'économie de Paris :

Philippe Azkenazy est coauteur, avec Philippe Martin, de la note sur les territoires que j'évoquais précédemment. En l'absence de statistiques proprement territoriales, l'analyse s'est concentrée sur les bassins d'emploi correspondant à des grandes, moyennes et petites villes. Il ressort en effet de cette étude que l'emploi a crû de façon sensible dans les grandes métropoles autres que Paris, qui n'arrive qu'en deuxième position. À partir d'un certain seuil les effets de cogestion dominent, de sorte que l'activité se déplace dans des métropoles encore dynamiques.

La note suggère par ailleurs de ne pas lutter contre les effets d'agglomération, et même de les encourager à travers le développement des transports et des logements, lequel solvabilisera les politiques mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire. L'activité économique de Paris, par exemple, a un effet macroéconomique sur l'ensemble du PIB, et ce faisant tend à solvabiliser le système social. Or, les inégalités de revenu disponible entre les grandes régions vont diminuant, malgré la stagnation des inégalités de croissance. Une redistribution s'opère notamment via le tourisme, les retraites et les revenus du capital.

Cependant, l'agglomération ne doit pas être la règle partout : une petite localité hyperspécialisée dans un secteur serait à la merci d'une crise de ce dernier, alors qu'une grande métropole caractérisée par la diversité de son tissu économique, non seulement quant aux entreprises d'un même secteur, mais aussi en termes de développements sectoriels, a la capacité de résister. La ville de Toulouse, par exemple, ne dépend pas que de l'aéronautique, dont elle pourrait par conséquent surmonter la crise.

Au fond, monsieur Caresche, l'euro peut être vu comme un substitut, via l'intégration, à la coordination défaillante des politiques monétaires – la monnaie unique ayant d'ailleurs été créé après deux crises majeures en ce domaine, au début des années 1990 –, de même que l'union bancaire au regard de la coordination des politiques prudentielles. L'union budgétaire est l'étape suivante ; nous formulerons des propositions en ce sens, sans illusions néanmoins sur leur succès. Il s'agit de savoir si l'on entend vraiment traiter le problème par la création d'un étage budgétaire fédéral, lequel prendrait en charge des politiques contracycliques au niveau de la zone euro. Cela suppose bien entendu une capacité d'emprunt digne de ce nom, donc des décisions politiques fortes, car si cette capacité se limite à 2 % du PIB de la zone, elle est superflue : un tel dispositif n'a de sens qu'avec une capacité de s'endetter en phase basse et de rembourser en phase haute.

Une union budgétaire permettrait également le partage de risques macroéconomiques : c'est tout l'enjeu, par exemple, d'un pilier européen de l'assurance chômage, avec des transferts temporaires entre États, pour un jeu à somme nulle au bout du compte. Cela n'a bien entendu de sens que si les chocs sont asymétriques.

Troisième intérêt d'un tel système : l'investissement dans des projets susceptibles de doper la croissance et caractérisés par leur forte externalité, tels les interconnexions électriques ou les universités du futur. Cela dit, on peut douter qu'il soit possible de mener de front programmes d'investissements et politiques contracycliques. Le « plan Juncker » a d'abord été conçu pour soutenir la croissance dans une période difficile, avant de privilégier le rendement des dossiers, procédures d'étude à l'appui ; moyennant quoi, les mois passant, ces investissements arriveront sans doute quand la croissance sera revenue... Nous ne sommes plus dans une politique contracyclique. Il faut donc un débat au niveau européen sur l'usage d'un budget qui ne permet pas d'agir concomitamment sur les trois aspects que je viens d'évoquer.

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