Intervention de Agnès Benassy-Quéré

Réunion du 11 février 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Benassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, CAE, professeure à l'école d'économie de Paris :

J'approuve tout à fait votre dernière remarque : présidente déléguée du CAE, je ne cesse de « faire la guerre » aux anglicismes, même si je navigue très souvent entre les deux langues lors de mes interventions.

Le CAE a publié une note sur la coordination fiscale, en faveur de laquelle nous plaidons. Nous soutenons ainsi le principe de l'ACCIS, l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. En ce domaine la France, nous semble-t-il, prend le débat par le mauvais côté en mettant en avant des questions de justice : nos partenaires sont bien plus réceptifs à l'idée du marché unique. L'un des enjeux, pour les années à venir, est la création de banques paneuropéennes, qui puissent continuer à injecter du crédit dans des pays en crise. Nous en sommes encore loin, l'union bancaire tendant au contraire à fermer les barrières nationales sur ce plan. Elle a en tout cas unifié la régulation et la surveillance : pourquoi, dès lors, exclure la fiscalité ? Le CAE est pour « l'union bancaire TTC », c'est-à-dire pour un transfert de la fiscalité bancaire – hors cotisations sociales, bien sûr – au niveau de la zone euro. Par le fait, les taxes sur les banques sont très hétérogènes : notre pays taxe les salaires, quand d'autres taxent les bonus ou des parts du bilan. Une coordination en ce domaine renforcerait l'union bancaire et, au passage, accélérerait sans doute l'abondement du fonds de résolution.

On a suggéré que l'ACCIS pourrait d'abord ne concerner que la France et l'Allemagne – même si, outre-Rhin, l'organisation en Länder rend la chose difficilement applicable. À quoi nos partenaires objectent souvent que les entreprises se délocaliseraient dans les paradis fiscaux, en Irlande ou ailleurs. Mais une littérature récente semble démentir cette idée reçue, mettant en évidence l'intérêt d'une coordination au sein d'un sous-groupe, non seulement pour les pays membres mais aussi pour les autres : la concurrence fiscale imposée par les seconds est une garantie que les impôts n'augmenteront pas au sein du sous-groupe, et, pour les pays qui en sont membres, la coordination génèrerait des gains d'efficacité, y compris pour les entreprises – gains qui, selon la Commission européenne, avoisineraient les 2 % pour les grands groupes.

La coordination fiscale, à nos yeux justifiée pour l'impôt sur les sociétés, l'est en revanche beaucoup moins pour l'impôt sur le revenu, car l'existence d'une concurrence en ce domaine est loin d'être avérée. L'absence de taxation de la richesse peut avoir de tout autres raisons que la concurrence : la volonté d'un basculement de la production vers la consommation, par exemple, ou tout simplement le vieillissement de la population, donc de l'électeur médian, qui dès lors appartient à une classe d'âge généralement hostile à une taxation du patrimoine et des richesses.

Quant à la coordination industrielle, je ne crois pas en avoir parlé.

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