Intervention de Agnès Benassy-Quéré

Réunion du 11 février 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Benassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, CAE, professeure à l'école d'économie de Paris :

Je vois effectivement passer mille étudiants par an dans mes cours : si ceux-ci sont mauvais, ma productivité est donc très négative... L'université française fait beaucoup d'abattage, ce qui est d'ailleurs son problème.

Le ciblage sur les 15-29 ans n'est guère adapté aux pays développés, j'en conviens, mais il correspond aux standards internationaux sur lesquels chacun s'aligne, y compris l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE. La comparaison entre la France et l'Allemagne nous est d'ailleurs d'autant plus défavorable que les études, outre-Rhin, sont plus longues.

Notre note sur la croissance mentionne les points forts de la France, au premier rang desquels les innovations qui, toutefois, restent modestes quant à leur ampleur, pour une reconnaissance internationale limitée. Qui plus est, la transition entre les découvertes scientifiques et leur mise sur le marché reste problématique.

Même si l'on me taxe parfois d'élitisme lorsque je le dis, la France forme par ailleurs des élites d'une très grande qualité : les jeunes issus de nos écoles d'ingénieurs s'arrachent à l'international. À nous, donc, de savoir les attirer en France et de leur offrir les conditions d'une productivité et d'un rayonnement optimaux. Cette élite demeure néanmoins trop retreinte : il faudrait l'élargir.

Je m'élève bien entendu contre l'idée selon laquelle seul le secteur privé serait productif : il va de soi que le secteur public peut l'être aussi. Le rapport de France Stratégie Quelle France dans dix ans ? a été enterré trop vite : il comportait des idées intéressantes, s'agissant notamment du basculement de secteurs non échangeables vers les échangeables, y compris dans le secteur public. On peut penser, par exemple, aux services de santé, que leur renommée rendrait facilement exportables – même s'il faudrait alors en revoir l'organisation –, ainsi qu'à l'enseignement supérieur. Il est un peu stupéfiant d'observer, au vu des conditions d'accueil, le nombre d'étudiants étrangers qui continuent d'affluer dans nos universités : si l'accueil s'améliorait, notre pays serait en quelque sorte le roi en ce domaine. Étudier à la Sorbonne demeure le rêve de beaucoup de personnes à travers le monde ; cela justifierait des frais de scolarité élevés, moyennant bien sûr un accueil à la hauteur. Le secteur public est tout à fait capable de mettre en oeuvre de tels projets, sous réserve d'être accompagné.

Les universitaires sont accablés de contraintes diverses ; personnellement, je dois assurer mon propre secrétariat, classer mes 650 copies à la fin de l'année, enregistrer les notes et transporter lesdites copies, dont l'anonymat n'est évidemment pas respecté, dans une valise à roulettes jusqu'à Lognes avant de les rapporter à l'université... Les enseignants du supérieur n'ont à se plaindre ni de leur vie ni de leurs salaires, mais leurs conditions de travail brident assurément leurs capacités à innover ou à mettre en place des formations nouvelles : ouvrir les portes de l'université à des entrepreneurs, surtout s'ils sont intéressés aux résultats, serait bénéfique de ce point de vue.

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