Intervention de Agnès Benassy-Quéré

Réunion du 11 février 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Benassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, CAE, professeure à l'école d'économie de Paris :

L'idée générale du CAE est d'abattre la frontière entre formation initiale et continue, qui ne correspond plus aux réalités du monde actuel, dans lequel une personne peut avoir besoin, pour le dire ainsi, d'une seconde formation initiale. On pourrait fusionner les contrats de qualification et l'apprentissage, et imaginer un mécanisme plus fluide que l'apprentissage, encore très encadré. Nous avons longuement débattu aussi du contenu des enseignements dispensés au niveau du certificat d'aptitude professionnelle – CAP – : ils incluent très légitimement les matières académiques, comme le français, mais celles-ci sont enseignées de la même façon qu'au collège. Outre-Rhin, par exemple, l'allemand est enseigné dans ces filières à travers une mise en condition : plutôt que d'étudier un poème, on étudie le mode d'emploi d'une machine... Les méthodes pédagogiques sont donc sans doute à revoir en profondeur.

Nous suggérons aussi de valoriser les initiatives locales. Un groupe d'entrepreneurs pourrait définir un programme, chercher des financements le cas échéant, puis déposer une demande d'agrément auprès d'une commission nationale, laquelle désignerait, au cas par cas – afin d'éviter toute collusion –, une agence de certification, par exemple un organisme paritaire collecteur agréé – OPCA – nouvelle génération. Cette agence examinerait les dossiers sur la base du cahier des charges et en fonction de critères très locaux. La formation serait soumise, à des fins d'évaluation, à une nouvelle certification au bout de quatre ou cinq ans. Une fois l'agrément obtenu, le dossier serait bouclé et les subventions débloquées. On pourrait alors se consacrer à l'essentiel : la pédagogie.

Beaucoup d'initiatives « hyperlocales », prises entre différentes gouvernances, ont en effet du mal à prospérer. Qui connaît mieux le tissu local que les entrepreneurs et les élus de proximité ? La région est le bon échelon pour des plans de développement universitaire mais, pour les qualifications plus basses, c'est l'environnement le plus local qui l'est. Il faudrait aussi favoriser la mobilité des jeunes n'ayant pas trouvé de formation conforme à leurs aspirations au sein de leur commune. Beaucoup de remontées font état de cas de jeunes placés ici ou là contre leur gré. Des rapports de l'inspection générale sur la formation professionnelle, dont la lecture laisse ébahi, il ressort que l'accès à l'emploi n'est pas du tout envisagé comme un objectif : il faut assurément revoir ce système. L'emploi, pas seulement à court terme mais aussi tout au long de la vie, doit être au coeur des préoccupations. Pour ce faire, les formations doivent rester suffisamment qualifiantes : si on les abandonnait aux seules entreprises, celles-ci seraient tentées de les orienter en fonction de leurs besoins immédiats. La vigilance s'impose donc sur la qualité des formations initiales, mais un rééquilibrage est souhaitable pour donner aux entreprises davantage de poids dans la définition des programmes.

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