Intervention de Alain Marsaud

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 21h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Marsaud :

…certains de ses membres la trouvant imprécise, « portant en germes des dangers pour la liberté des personnes ».

Si je le rappelle, monsieur le ministre, c'est parce que la majorité de l'époque devenue opposition évitera aujourd'hui un positionnement purement politicien et se ralliera à votre défense de l'intérêt général tel que vous semblez le concevoir.

Nombre de nos collègues auront l'occasion de décrire le dispositif que vous nous proposez de mettre en place. Certains tenteront de l'améliorer, nous en discuterons tout au long des débats afin que notre législation en sorte renforcée par rapport à une menace qui apparaît comme bien réelle et évolutive.

Vous nous proposez notamment d'instituer une nouvelle incrimination à l'article 2 ayant pour objet de réprimer les actes de terrorisme commis par un Français à l'étranger. Il s'agit, en gros, de permettre de s'informer et de punir les porteurs de kalachnikov de tout poil qui vont s'instruire et apprendre les « mauvaises manières » dans quelques pays d'Asie et, plus particulièrement, dans certains pays d'Afrique subsaharienne.

Je m'interroge, je l'avoue, sur l'intérêt de ce texte, et je ne souhaite pas qu'il soit simplement d'affichage législatif comme une réponse à l'affaire Merah et aux pérégrinations de celui-ci. Je pense, mais peut-être à tort, que l'excellente loi de 1986 sur l'association de malfaiteurs terroristes, permet déjà de réprimer ces actions dangereuses pour la sécurité nationale. Je vous rappelle que c'est ce texte – et lui seul – sur l'association de malfaiteurs qui a été utilisé pour les Français interpellés en Afghanistan en 2002 et incarcérés par la justice américaine à Guantanamo.

Bref, cela ne mérite pas un débat académique et nous voterons ce projet tel que vous le proposez, ou plutôt tel que l'a amendé la commission des lois, même si j'estime qu'il peut faire éventuellement double emploi.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais profiter de cette occasion pour dépasser le strict cadre du texte et vous proposer d'avoir une vision plus large de la lutte antiterroriste. J'aurais d'ailleurs souhaité m'en entretenir avec vous avant de débattre de l'amendement que je présente après l'article 2.

Il s'agit, en tirant un bilan des récentes actualités terroristes, que ce soit l'affaire Merah ou celle du réseau dit de Sarcelles-Strasbourg, de se pencher plus globalement sur le fonctionnement, ou plutôt sur les dysfonctionnements de nos services de renseignement. Il ne s'agit pas ici de revenir sur le passé et de mettre en évidence telle ou telle erreur, vraie ou supposée, dans la manière dont les opérations de la DCRI ou de tout autre service ont été menées. Vous avez pour cela saisi un certain nombre de services administratifs et d'enquêtes qui vous ont dit ou qui nous diront ce qu'il aurait fallu faire ou ne pas faire et, tout simplement, si la loi a été violée.

On peut d'ailleurs s'interroger sur le fait de savoir si les nouvelles dispositions que vous nous proposez concernant notamment le « tourisme terroriste » auraient empêché les drames de Toulouse et de Montauban. Merah aurait-il pu faire l'objet de poursuite dans le cadre de l'article 2 que vous nous proposez, en l'état des informations que possédait la DCRI sur son compte ?

Profitons donc de cette occasion législative pour établir un vrai débat auquel je ne voudrais pas que l'on échappe par facilité : c'est tout simplement celui du contrôle démocratique et donc politique des services de renseignement. Depuis soixante-dix ans, le pouvoir politique – les pouvoirs politiques, devrais-je dire – se désintéresse presque totalement du fonctionnement des services de renseignements, qu'ils soient intérieurs ou extérieurs.

Il y a pour cela deux grandes raisons : la première, c'est que l'activité de renseignement dans notre pays n'est pas considérée comme noble, loin de là, mais comme utilisant de mauvaises moeurs, il faut donc s'en défier ; la seconde consiste à penser qu'en cas de coup dur dans le monde du renseignement, comme cela se produit parfois, il vaut mieux rester à l'écart d'une activité susceptible de contrarier la bonne conscience du politique et de la République.

C'est ainsi que nos responsables politiques, toutes tendances confondues, ont rarement la culture du renseignement, à la différence d'autres pays, et préfèrent laisser la bride sur le cou et l'initiative à leurs chefs de service pour décider en leur lieux et place. Cela s'appelle tout simplement de la démission politique ; au motif que l'activité de renseignement serait considérée, bien sûr à tort, comme étant un domaine très technique, on l'abandonne aux techniciens. Cela aura sans doute entraîné les incidents et dysfonctionnements que nous avons connus au cours des dernières années. Bien sûr, aucun retour d'expérience n'a été proposé ou réalisé à l'issue de ces affaires souvent bien symboliques.

Il existe bien une délégation parlementaire au renseignement, créée par le Parlement en 2007. Ses membres se réunissent, rencontrent quelques responsables, s'informent du budget et des moyens et tout le monde rentre à la maison persuadé d'avoir « fait le job » ; cela jusqu'au prochain « pépin » dû à l'absence de contrôle de nos services. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous proposerai un amendement visant à contrôler et non à suivre l'activité de nos services de renseignement.

J'espère, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'à l'issue de ces observations, vous serez convaincus. Sachez, quoi qu'il en soit, que le groupe UMP, qui a toujours été moteur dans l'accompagnement de la lutte antiterroriste vous accompagnera aussi dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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