Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 21h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, assurer la sécurité de nos concitoyens, et de manière continue sur l'ensemble du territoire, constitue pour l'État l'une de ses prérogatives les plus fondamentales. Il est des enjeux trop importants pour que nous laissions nos convictions partisanes prendre le pas sur l'intérêt et la sécurité de nos concitoyens. C'est dans cet esprit que le Sénat a adopté à une large majorité le présent texte et les débats qui ont précédé cette séance en commission laissent à penser que l'Assemblée suivra la même voie.

Qu'elles concernent le territoire national ou les ressortissants français à l'étranger, les menaces qui pèsent sur la France sont bien réelles. C'est la raison pour laquelle nous devons aborder ce sujet avec sérieux, dans un esprit de responsabilité, en étant pleinement conscients de la nécessité de renforcer l'un des piliers de notre pacte républicain.

La France dispose aujourd'hui d'une législation adaptée, construite autour de la notion d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. Cet arsenal juridique, reconnu pour sa pertinence, et à cet égard imité par le droit européen à travers la décision-cadre du 28 novembre 2008, permet à la fois de prévenir et de mieux réprimer les actes de terrorisme. Ce dispositif, nous le devons aux gouvernements successifs qui, durant trente ans, ont su mesurer toute l'importance de ce fléau et anticiper les menaces qu'il fait peser sur notre pays.

Ainsi que l'a malheureusement démontré l'affaire Merah, le terrorisme, ses caractéristiques et ses causes évoluent. Notre législation a donc besoin d'être complétée pour donner à l'État, à nos forces de police et de gendarmerie et à nos magistrats, toutes les armes et tous les moyens de détection, d'identification et de répression dont ils ont besoin pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Le terrorisme d'aujourd'hui résulte essentiellement du djihadisme, de l'embrigadement d'individus, pour la plupart des jeunes, qui, à l'issue de parcours de radicalisation souvent liés à des passages en prison ou à des séjours à l'étranger dans des camps d'entraînement, décident de passer à l'acte. Ces caractéristiques se retrouvent dans le parcours de Mohamed Merah : ayant commis plus jeune des actes de délinquance, il s'est radicalisé en prison. Il a ensuite fait des séjours au Pakistan et en Afghanistan sans être pour autant connecté à une filière terroriste puis, une fois de retour en France, il consultait régulièrement des sites islamistes appelant au djihad. Nous devons en tirer les leçons qui s'imposent.

Ces évolutions justifient la nécessité d'adapter notre législation aux mutations du terrorisme, à savoir, d'une part, la multiplication des comportements de transition entre l'intégrisme et le terrorisme actif et, d'autre part, le développement d'internet, facteur important de multiplication de ces mêmes comportements.

En soumettant le présent texte à notre examen, le Gouvernement démontre qu'il partage les mêmes préoccupations que les Gouvernements précédents en matière de terrorisme. Rappelons que l'ancien garde des sceaux, Michel Mercier, avait préparé en avril dernier un projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme qui, s'il n'était pas exactement identique au présent texte, puisqu'il contenait notamment des dispositions relatives à la consultation régulière de sites internet faisant l'apologie du terrorisme, en est néanmoins très proche.

La disposition majeure du présent projet de loi concerne l'élargissement de la compétence de la justice française aux actes de terrorisme de nature délictuelle commis à l'étranger par des ressortissants français. Cette disposition, étendue par le Sénat et la commission des lois de l'Assemblée, aux personnes résidant habituellement en France, est nécessaire car elle devrait permettre de poursuivre et de condamner tous les Français qui se rendraient à l'étranger, notamment pour participer à des camps d'entraînement terroristes, alors même qu'aucun acte n'a été commis sur le territoire français. Des poursuites pourront donc être engagées pour des actes qui auraient été commis dans des pays qui soutiennent ou tolèrent l'existence de ces camps d'entraînement.

Ensuite, il paraît important d'évoquer la nécessaire dimension européenne de la lutte contre le terrorisme. Elle fait partie, au même titre que la lutte contre la cybercriminalité, des nouveaux défis du XXIe siècle qui nécessitent des politiques européennes coordonnées. Le terrorisme n'a pas de frontières. Seule une réponse globale et cohérente au niveau européen, favorisant l'échange de renseignements et la coopération policière et judiciaire peut nous permettre de lutter efficacement contre ce fléau. Il y aurait une certaine contradiction à vouloir lutter efficacement contre le terrorisme en faisant abstraction du droit communautaire.

Notre commission des lois a permis de transposer l'une des dispositions de cette directive dans le présent texte afin d'inscrire le chantage dans la liste des infractions constituant un acte de terrorisme. Notre collègue sénateur Michel Mercier avait défendu cette disposition, qui figurait d'ailleurs dans le projet de loi préparé sous la précédente législature. En revanche, la commission a supprimé la disposition qui visait elle aussi à mettre en oeuvre ladite directive en créant une incrimination de recrutement en vue de participer à un groupement terroriste ou de commettre un acte terroriste. Nous devrions examiner ce point avec attention lors des débats qui vont suivre.

Enfin, le groupe UDI vous proposera d'apporter au texte une autre amélioration, au sujet du délit d'apologie d'actes de terrorisme, même si j'ai noté, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pas favorable et que vous souhaitez ouvrir un débat plus large sur cette question, puisqu'elle relève de la loi du 29 juillet 1881.

Nous suggérons de transférer cette infraction, qui figure actuellement dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, vers le droit commun, en l'aménageant de telle façon que les dispositions visant à la réprimer puissent garder toute leur efficacité. Ainsi, il serait possible d'appliquer, pour la répression de l'incitation aux actes de terrorisme ou de l'apologie de ces actes, les règles de poursuite et de procédure de droit commun, exclues en matière de presse, comme la possibilité de saisies ou la possibilité de recourir au contrôle judiciaire, à la détention provisoire ou à la procédure de comparution immédiate.

Au-delà de ces réserves, le présent projet de loi nous semble comporter toutes les dispositions nécessaires à la défense de la démocratie et de la République, à travers sa lutte légitime contre tous les actes de terrorisme. Parce qu'il est de notre devoir de législateur de faire en sorte qu'il ne manque aucun outil législatif à toutes celles et à tous ceux qui sont chargés, dans notre pays, de la lutte antiterroriste, les députés du groupe UDI voteront le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, avec l'espoir, cependant, que les améliorations qu'ils proposeront seront acceptées, ou au moins écoutées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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