Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombreux sont les sujets qui font différence entre nous au sein de cette assemblée. Nombreuses sont les convictions qui peuvent sembler inconciliables et ne pourront jamais nous donner l'occasion de nous rejoindre dans un consensus. Ainsi va la démocratie. Notre société se construit dans la diversité des opinions, conjugue une somme d'aspirations parfois contradictoires. Il appartient au législateur de chercher à concilier cet ensemble pour agir au mieux de ce qu'il considère être l'intérêt général.
Pourtant, la diversité des points de vue, des intérêts, des ambitions, peut laisser place au rassemblement lorsqu'il s'agit de l'essentiel. La défense des valeurs qui ont fondé notre démocratie et sur lesquelles s'est forgé notre pacte républicain fait partie de ce qui doit nous être commun. Parce qu'elles émancipent, parce qu'elles sont garantes de nos droits et de nos libertés, parce qu'elles sont porteuses de règles ayant vocation à nous permettre de vivre dans un climat de concorde et de sûreté, ces valeurs font la fierté des Français et de tous ceux qui se sont établis sur notre sol. Lorsqu'elles font l'objet d'attaques, lorsqu'une idéologie de haine est proférée à leur encontre, lorsqu'il y a une volonté claire de les déstabiliser, c'est alors la nation tout entière qui doit se dresser d'un seul bloc pour les défendre.
Après quinze années de répit relatif, le terrorisme, qui n'a jamais cessé de constituer une menace, a de nouveau frappé la France sur son territoire, en s'attaquant à des innocents, avec la lâcheté et l'extrême froideur qui le caractérise. Tous, nous avons été meurtris. Tous, nous avons pleuré les enfants de la République qui y ont laissé leur vie. Ensemble, nous avons exprimé le refus de laisser s'installer la terreur.
C'est dans cet esprit d'unité et de cohésion que nous devons aujourd'hui continuer de faire évoluer les instruments juridiques et de construire les nouveaux outils qui nous permettront de lutter plus efficacement contre une menace qui ne cesse de croître et qui s'est violemment rappelée à notre souvenir.
Comme dans toutes les démocraties, la défense de l'intérêt supérieur de la nation doit se traduire dans le droit, et la tâche dans ce domaine n'est pas aisée.
Elle n'est pas aisée, parce que la menace est diffuse. Le ministre l'a fort justement rappelé, notre pays doit faire face à un contexte de montée en charge du risque terroriste qui provient tout autant de l'extérieur que de l'intérieur. La France est devenue une cible pour nombre d'organisations qui veulent remettre en cause notre modèle de laïcité, s'en prendre à ses valeurs de liberté, contester son modèle de société. Dans le même temps, sur notre sol, l'idéologie de haine se cultive parfois sur les difficultés rencontrées par certains de nos compatriotes, notamment dans les quartiers populaires. Des groupes se saisissent de la fragilité de certains jeunes dépourvus de repères pour les conduire sur la voie de la radicalisation et les inciter au passage à l'acte. La réponse juridique que nous établissons pour combattre cette menace doit donc être à la hauteur de la situation.
La tâche n'est pas aisée ensuite parce que les organisations terroristes sont mobiles et insaisissables. Leurs méthodes évoluent à une vitesse justifiant que la réponse juridique que nous mettons en oeuvre pour les combattre s'adapte à ce rythme. Les nouvelles technologies ont largement changé la donne, constituant un outil de propagande et d'embrigadement en même temps qu'un moyen de faciliter les mises en relation entre groupes actifs et individus en voie de basculement. Dès 1986, la France a fait le choix de bâtir des dispositifs judiciaires spécifiques s'agissant de la lutte contre le terrorisme. Ces dispositifs se sont peu à peu étoffés pour s'adapter aux différents visages de la menace. Il nous faut aujourd'hui poursuivre cette évolution parce que, dans notre République, on combat le terrorisme par les moyens du droit.
La tâche n'est pas aisée parce que l'arsenal juridique sur lequel se fonde la lutte contre le terrorisme doit s'appuyer sur un point d'équilibre particulièrement étroit. Nous voulons améliorer et renforcer nos dispositifs de prévention active, de détection et de sanction, sans pour autant porter atteinte aux libertés publiques et individuelles qui constituent l'ADN de la République française. En ce sens, l'adaptation de notre appareil légal constitue une voie nécessaire, mais la seule surenchère législative ne saurait être un chemin acceptable. La ligne de crête dans ce domaine est donc particulièrement étroite.
Pour l'ensemble de ces raisons, je veux saluer le travail constructif et la grande qualité des débats qui ont été à l'oeuvre durant toutes les étapes d'examen du texte que nous nous apprêtons à voter. La défense des intérêts supérieurs de la nation appelle la mobilisation et le rassemblement de tous. C'est ainsi que nous pourrons être en situation d'établir des dispositifs efficaces et adaptés contre le terrorisme, alliant fermeté et détermination, sans tomber dans les travers et les écueils que ce type de loi pourrait porter, si nous n'y prenions garde. Il me semble que cet équilibre est aujourd'hui atteint. Voilà pourquoi je soutiens pour ma part sans réserve ce projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)