Il y a eu beaucoup d’échanges sur les ZTI et sur ce l’on appelle les dimanches du maire. Pour ce qui me concerne, je concentrerai mon propos sur les zones commerciales, sujet sur lequel le texte se heurte à plusieurs limites. Je m’en suis ouvert auprès du rapporteur thématique, et je tiens à dire combien j’ai apprécié les échanges que j’ai pu avoir avec lui à ce sujet. On se trouve dans une situation particulière en ce qui concerne ces zones commerciales, qui vont prendre la place des périmètres d’usage de consommation exceptionnel – les PUCE – créés par la loi Mallié, qui présentent, je tiens à le dire, beaucoup de défauts. Ces zones commerciales doivent créer plus d’emplois grâce à un surcroît d’activité, avec la volonté d’apporter plus de bien-être collectif.
Première remarque : quand un commerce d’un certain type est ouvert dans une zone de chalandise, il ne peut entraîner un surcroît d’activité qu’à la condition que l’ensemble des autres commerces de la même zone de chalandise soient fermés. Dans le cas contraire, il ne peut y avoir d’activité supplémentaire. Si tous les commerces pratiquant la même activité, dans la même zone de chalandise, sont ouverts en même temps, en particulier le dimanche, il n’y a pas de raison que l’on achète plus sur sept jours que sur six jours.
J’ai entendu que nous étions tous opposés à la généralisation du travail le dimanche, sur quelque banc que l’on se trouve. Dès lors, comment empêche-t-on le développement, la généralisation par capillarité, dans une région entière, de ces zones commerciales ? De fait, cela n’amènerait pas d’activité supplémentaire.
Par ailleurs, on n’achète pas des biens de consommation – je pense en particulier à un certain nombre de commerces situés dans les PUCE actuels – en fonction de l’ouverture dominicale. On les achète en fonction de ses besoins, par exemple en ce qui concerne l’ameublement, et, bien entendu, de ses revenus.
Deuxième remarque : dans l’étude comparative et indépendante que vous avez demandée à France Stratégie, monsieur le ministre, faisant ainsi preuve d’une grande volonté de transparence, il est écrit qu’en Allemagne, la libéralisation du commerce le dimanche n’a pas créé plus d’activité, tandis qu’au Canada, ce n’est que dans les zones où l’ouverture a été finalement généralisée qu’il y a eu des effets sur l’emploi.
Ma troisième remarque découle de ce que je lis dans cette note de France Stratégie. Il y est écrit que le travail le dimanche n’a aucun effet sur les prix à la consommation. S’agissant de la question du bien-être, on y lit : « Le bien-être retiré par chacun du temps libre n’est pas indépendant de ce que font les autres. » Des études, est-il précisé, « ont montré que les couples adaptent leurs horaires de travail, quitte à supporter des pertes de pouvoir d’achat pour disposer de plages horaires leur permettant de passer du temps libre en commun. Il apparaît aussi que le degré d’implication dans des activités associatives est lui-même positivement influencé non seulement par le temps libre de chacun, mais aussi par le temps libre des autres » et « il est probable que la majorité des individus aient des difficultés à se coordonner pour prendre des loisirs en commun ou pratiquer des activités collectives » en cas de généralisation du travail le dimanche par l’extension de zones commerciales – ces derniers mots rejoignent ce que je disais précédemment.
Je vais un peu plus loin dans cette note qui dit très bien que, pour ce qui concerne les conséquences sur l’activité et sur l’emploi, l’assouplissement de la réglementation, qui s’est traduite par une extension importante du dimanche travaillé dans les zones concernées, fait craindre que la seule incidence des extensions aujourd’hui proposées soit d’ampleur limitée, parce qu’il faudrait vraiment une généralisation – c’est le point 3.4 de cette note – pour qu’il y ait des conséquences réelles sur l’activité et sur l’emploi.
Cette note indépendante destinée à nourrir le débat conduit à se poser la question suivante : qui demande l’ouverture supplémentaire de ces zones commerciales par rapport aux PUCE actuels ? Il faut rappeler que ces derniers ont été eux-mêmes – c’était tout le problème de la loi Mallié – une légalisation de pratiques auparavant illégales. Les questions qui se posent sont donc les suivantes : veut-on figer les zones commerciales des PUCE actuels, veut-on leur extension ou, si l’on ne veut pas de cette dernière, quels critères légaux définit-on ? Il s’agit encore une fois d’éviter que, parce qu’il existe, aujourd’hui, un PUCE, demain, une zone commerciale à dix, quinze, trente, cinquante kilomètres selon les territoires, soit les chefs d’entreprise, soit les gestionnaires de centres commerciaux, soit les salariés fassent pression sur les élus, qui doivent être les demandeurs de ces zones commerciales, pour pousser à leur ouverture. Ce n’est pas une petite question à ce stade du débat, alors qu’aucun critère ne permet de limiter leur extension.
Je voudrais terminer cette intervention liminaire sur l’article 74 en vous lisant un message que j’ai reçu, non pas d’un salarié qui travaille le dimanche – les uns et les autres, nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de faire état de tels témoignages – mais d’une gérante de société, qui habite la circonscription dont je suis l’élu : « gérante d’un commerce situé dans un gros centre commercial de la région parisienne, et employant dix-huit salariés, nous subissons déjà la loi des bailleurs » – je ne citerai pas le nom de son bailleur – « qui imposent, par des votes aux tantièmes et non enseigne par enseigne, l’ouverture tous les jours fériés, les cinq dimanches du maire, sans se soucier, ni de la qualité de vie de notre personnel, alors que nous restons déjà ouverts jusqu’à vingt et une heure tous les jours, ni de l’augmentation du coût salarial pour l’entreprise. Les ouvertures du dimanche créent seulement un déplacement du chiffre d’affaires, mais ne peuvent pas être un moteur de relance économique. Nous ne sommes pas libres de décider d’ouvrir ou non nos commerces, et nous devons payer de lourdes amendes si nous choisissons de fermer. Beaucoup d’enseignes ne respectent pas, par ailleurs, le volontariat des salariés. Ce diktat des bailleurs et cette réalité ne sont jamais évoqués dans le débat public. »
Voilà des cas concrets. Le débat, dans le cadre les centres commerciaux ou des zones commerciales, porte non pas sur les cinq, sept ou douze dimanches du maire, mais sur cinquante-deux dimanches par an. Par conséquent, si nous n’inscrivons pas de limites dans la loi, en réfléchissant sur l’aménagement du territoire et en prévoyant un rôle de régulation de l’État dans ce domaine, nous irons vers une généralisation du travail le dimanche.