La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures et trente-trois minutes pour le groupe SRC, dont 144 amendements sont en discussion, une heure et sept minutes pour le groupe UMP, dont 246 amendements sont en discussion, une heure et cinquante-trois minutes pour le groupe UDI, dont 42 amendements sont en discussion, une heure et cinquante-sept minutes pour le groupe RRDP, dont 16 amendements sont en discussion, trente-deux minutes pour le groupe écologiste, dont 18 amendements sont en discussion, quarante-huit minutes pour le groupe GDR, dont 26 amendements sont en discussion et trois minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 3007 à l’article 72.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 3007 .
Cet amendement, monsieur le ministre de l’économie, tire les conséquences du caractère très exceptionnel, très dérogatoire du droit commun de ces fameuses zones touristiques internationales. L’exposé des motifs faisant référence à l’affluence exceptionnelle et au tourisme international, nous proposons que les salariés des commerces qui ouvriront cinquante-deux dimanches par an, et sept jours sur sept jusqu’à minuit, soient rémunérés en conséquence. Si l’on crée ces zones touristiques internationales, c’est parce qu’elles correspondent à des secteurs très particuliers, qui sont extraordinairement profitables.
La première bonne nouvelle, c’est que je note une évolution tout à fait sensible de l’exécutif. Il y a quelques mois, il paraissait tout à fait hors de propos de réclamer une augmentation de la taxe de séjour de dix centimes par nuitée à des touristes internationaux allant dans des palaces. Désormais, on compte sur la capacité à consommer sept jours sur sept, de neuf heures du matin à minuit, de ces mêmes touristes. On a donc enfin pris en compte l’éventualité que leur pouvoir d’achat important pourrait profiter au plus grand nombre et pas seulement aux actionnaires des chaînes des magasins dans lesquels ils sont censés consommer.
C’est pourquoi cet amendement accorde des contreparties particulières aux salariés des commerces des zones touristiques internationales, susceptibles d’ouvrir quasiment tous les dimanches et tous les soirs de la semaine, avec un plancher pour la rémunération et un repos compensateur.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Madame la députée, vous prévoyez une rémunération au moins égale au triple de la rémunération normale. Je comprends tout à fait l’intention, qui est louable, mais la différence de traitement entre les ZTI, les zones commerciales et les zones touristiques qui existent aujourd’hui ne nous paraît pas justifiée. La commission est donc défavorable à votre amendement.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Comme je m’y suis engagé, je veux profiter de cet amendement pour répondre à plusieurs de vos questions, madame Mazetier.
D’abord, je suis défavorable à votre amendement pour les mêmes raisons que le rapporteur. Le travail en soirée, avec l’extension de vingt et une heures à vingt-quatre heures, n’est pas une obligation, c’est une possibilité. Quand on consulte les acteurs, on sait bien qu’ils n’ouvriront sans doute pas aussi tard tous les jours de la semaine. Pour ce travail en soirée, le doublement a été acté en commission spéciale, c’est un point important.
Le principe qui a été partout défini, c’est que s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture, et c’est l’accord qui définit la compensation. Si nous n’avons pas retenu de seuil minimal, monsieur Hamon, c’est parce que toutes les négociations iraient mécaniquement vers ce seuil minimal. C’est ce qui nous a été dit par les acteurs, cela affaiblirait la négociation alors que, sur certains territoires comme Saint-Malo, qui a été cité en commission spéciale, le doublement a été obtenu après un accord alors que ce n’était pas une obligation légale. Si nous prévoyions dans la loi un seuil fixé à 1,2 ou 1,3 fois la rémunération normalement due, il y a fort à parier que peu de négociations aboutiraient spontanément à un doublement.
Pour les dimanches du maire, de zéro à douze, le doublement restera la règle puisque les salariés ne sont pas forcément volontaires et que, compte tenu du caractère non prévisible, il est difficile d’anticiper. Pour tous les autres, on a homogénéisé la règle et posé dans la loi le principe d’une indemnisation définie par l’accord. Je voulais juste repréciser ce point.
Dans les ZTI, il y a un doublement de la rémunération pour l’extension du travail en soirée de vingt et une heures à vingt-quatre heures mais, pour le reste, on s’inscrit dans le cadre de l’accord, qu’il soit de branche, de territoire ou d’entreprise. Voilà pourquoi je suis défavorable à votre amendement, madame Mazetier.
Par cohérence, je vais répondre avec précision aux différents points que vous avez soulevés, comme je m’y étais engagé d’ailleurs en commission spéciale.
Pour les zones touristiques internationales, nous souhaitons retenir trois critères, et, nous y reviendrons, je serai favorable à un amendement du rapporteur qui permet d’enrichir le texte.
Vous avez rappelé, madame Fraysse, l’engagement que j’avais pris en commission spéciale d’avoir des objectifs qualitatifs et non pas chiffrés compte tenu de la difficulté même à avoir ex ante des chiffres précis. C’est pourquoi je serai défavorable à votre amendement, qui est beaucoup plus précis.
Le premier critère, c’est le rayonnement international, et l’on se place d’un point de vue commercial, sur la base de quatre éléments : d’abord, le prestige des zones, connues pour certaines depuis leur création et synonymes d’excellence à la française mais aussi, plus largement, de haut de gamme, voire de luxe. Paris et certaines villes balnéaires sont dans ce cas. Je vous rassure tout de suite, madame Doucet, Bordeaux ne figure pas dans la liste, et cela n’a rien d’offensant. Autres éléments, une offre commerciale caractérisée par un ensemble cohérent de commerces, une offre de services structurée et adaptée, avec hôtellerie, restauration, etc., et une infrastructure de transport adaptée.
Le deuxième critère, c’est l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers, en prenant en compte le nombre de touristes fréquentant une artère ou une zone de façon générale, mais également la fréquentation des magasins, des infrastructures de transport ou de toute activité payante. C’est mesurable par le décompte des cartes bancaires étrangères par exemple, et par des enquêtes auprès de commerçants.
Enfin, le troisième critère, c’est l’importance des achats, en volume et en pourcentage des achats réalisés par des étrangers dans les magasins bénéficiaires de la zone par rapport au reste de la ville où se situent ces zones. Là aussi, c’est mesurable par la détaxe ou par les cartes bancaires.
C’est ce faisceau d’indices fondé sur le constat de la présence de tout ou partie de ces caractéristiques davantage que le strict caractère cumulatif de ces derniers qui permettra de définir lesdites zones.
Je vais maintenant vous détailler les zones étudiées par le Gouvernement à ce stade, comme je m’y étais engagé. Nous avons d’ailleurs eu des échanges très constructifs avec la maire de Paris sur ce point.
Il s’agit des Champs-Élysées, la zone touristique actuelle, et de l’avenue Montaigne, avec le haut de l’avenue George-V, de la rue du faubourg-Saint-Honoré, de la rue de la Paix, de la place Vendôme, de la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue Royale.
Rires.
Il faut choisir. Soit on est très précis, soit on ne l’est pas. Cela peut être défini par décret. C’est normalement assez cohérent avec le critère que vous citez, madame Buffet. En croisant les critères, on retrouve à peu près les zones que vous évoquez.
Il y a l’extrémité du boulevard Malesherbes et la rue Chauveau-Lagarde et devant l’Opéra. Il y a ce qui se trouve entre le Bon Marché et le marché Saint-Germain, avec, au nord, le boulevard Saint-Germain et, au sud, la rue de Sèvres, la rue de Grenelle jusqu’à Raspail et les parties incluses de la rue des Saints-Pères puis du Vieux-Colombier et la place Saint-Sulpice.
Rires.
Je ne les ai pas encore.
Sourires.
Il y a le boulevard Haussmann et l’arrière de l’Opéra, la rue de Caumartin et le passage du Havre.
À Paris, il y a d’autres zones touristiques et commerciales, les Halles, le BHV, Montmartre, Beaugrenelle et bien d’autres. Un dialogue va donc s’engager, qu’il appartient à la Ville de Paris de mener, et des choix seront faits. Ce sera un travail de co-construction. Moi, je voulais simplement préciser ce que le Gouvernement avait en tête aujourd’hui, parce que je m’étais engagé à le faire de manière très précise.
Cela ne veut pas dire que ce soit exclusif.
Quand on croise les différents critères mentionnés, on retrouve en effet dans d’autres villes balnéaires certains quartiers qui correspondent à ces critères. J’ose à peine le dire ici après nos débats d’hier, mais il y a, à Nice, le départ de l’avenue de Verdun et la rue de Paradis. Il y a aussi certains quartiers de Deauville et de Cannes. Je précise qu’il est prévu une concertation et un avis préalable.
Il y a donc des critères objectifs qui ont été croisés, dans la transparence. Il ne faut pas penser qu’il y aurait déjà eu une concertation préalable. Dans l’esprit du texte, il y aura une concertation avec les collectivités que j’ai évoquées, un échange avec les exécutifs locaux et un avis sera demandé.
Mais je veux conclure sur ce point. Dans quelle philosophie sommes-nous s’agissant des zones touristiques internationales ? Ce sont des zones où il est avéré que l’ouverture en soirée et le dimanche crée de l’emploi et de l’activité. M. le député Cherki a fait référence à la mission qui a été demandée par la Ville de Paris, en faisant essentiellement allusion au phénomène chinois. Mais ce document avait bien d’autres apports, y compris le constat, partagé par d’autres études objectives, que cela créerait de l’emploi et de l’activité. Ce document a aussi permis, sur la base de sondages faits auprès de la population, notamment parisienne, de montrer l’adhésion des Parisiens à l’ouverture le dimanche et même d’une majorité pour travailler le dimanche, ce qui est un fait nouveau. C’est un point important qui convient d’être mentionné.
Néanmoins, je voulais aussi, par rapport à certaines conclusions de cette mission demandée par la Ville, bien délimiter l’approche qui est celle du Gouvernement. Ce n’est en aucun cas une approche d’ouverture par arrondissement ou de manière large dans Paris. Les exemples très précis que je vous ai donnés sont l’état de l’art de notre réflexion et de la discussion avec la maire de Paris. Ils sont très différents de l’approche par blocs ou par arrondissements qui avait pu être adoptée par certains dans le cadre de cette discussion. En effet, quand on croise ces critères, qui sont le fruit de notre discussion et qui répondent à la volonté du Gouvernement, nous n’avons pas, ni de manière directe ni par capillarité, une ouverture massive de la capitale, ni même des villes que j’ai mentionnées. C’est à chaque fois extrêmement spécifique, puisqu’il s’agit des zones où travailler en soirée et le dimanche crée de l’activité et de l’emploi. Il est de notre devoir de les considérer comme telles.
Nous reviendrons à ce débat, puisque je présenterai bientôt un amendement et que je ne veux pas anticiper sur ce que je vous dirai tout à l’heure. Je suis extrêmement surpris d’apprendre comme ça, à la volée, au Parlement, quelles seraient les zones retenues alors que l’on ne connaît pas encore les critères de définition.
Je voudrais revenir à l’amendement de notre collègue Mazetier, plus particulièrement sur l’une des zones que vous avez citées, monsieur le ministre, celle de la rue Royale et de la rue de la Paix, où le commerce de proximité est essentiellement, avec la place Vendôme, celui de la joaillerie. L’amendement de Mme Mazetier est un amendement de gauche, monsieur le ministre, qu’un gouvernement de gauche normalement constitué pourrait reprendre. Les salariés de Chaumet, de Van Cleef
Franchement, vu les bénéfices que vont faire ces maisons de luxe, sans parler de ceux de Deauville ou de Cannes – à Paris, c’est la clientèle chinoise, mais à Cannes ou Deauville, il y aura une clientèle russe qui va dépenser de l’argent –, est-ce qu’il serait scandaleux, monsieur le ministre, au prix où ces salariés seront payés, de tripler leur salaire horaire ? Dans les arbitrages politiques que vous rendez, monsieur le ministre, est-ce que vous pensez que les salariés de Chaumet et de Van Cleef
Quand vous nous faites, monsieur le ministre, la liste des rues concernées par ces zones, j’ai évoqué les plus grandes recettes du Monopoly, mais cela dit, sur ces avenues, on le sait, nous avons des grandes enseignes,…
…pas des petites boutiques isolées. Ces enseignes font des bénéfices records, et on va leur apporter du tourisme en plus ! Face à cela, on demande à des salariés de travailler sans limite, le dimanche et la nuit. Il faut quand même accorder à ces salariés un minimum de compensation. On me répond « volontariat », mais nous savons bien, et vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, que c’est une notion qui s’inscrit dans un rapport de subordination et qui est quand même très sujette à caution. Vous parlez d’accords, mais lorsque l’on a une telle pression à cause du chômage, il ne sera pas difficile pour ces grandes marques et ces enseignes de les obtenir à bas prix, ces accords.
Je trouve que l’amendement présenté par Mme Mazetier garantit aux salariés de ces enseignes un minimum de compensation par rapport à l’effort qu’on leur demande. Je vous rappelle qu’il s’agit là des zones où l’on autorise le travail tous les dimanches et toutes les soirées, avec des horaires qui ne sont pas conformes au droit du travail. On ne peut pas parler de manière vague de compensation ou d’accords : il faut voter pour cet amendement qui va garantir à ces salariés au moins une compensation salariale.
Tout à l’heure, vous avez dit, monsieur le ministre, que nous prenions le risque de faire confiance aux élus et aux partenaires sociaux. Permettez-moi de vous dire que ni vous, ni moi ne prenons aucun risque, et certainement pas le Gouvernement. Les seuls qui prendront des risques, ce sont les salariés si, effectivement, la compensation se limite à un euro en plus de leur salaire, au terme d’un accord qui ne leur serait pas favorable. Sans vouloir déflorer les débats à venir, je crois savoir que notre rapporteur, M. Travert, va défendre le principe d’un seuil pour un certain nombre de commerces – les commerces alimentaires – à partir d’une surface de 400 mètres carrés, seuil qui pourra aller jusqu’à 30 % en plus du salaire. Cela veut donc dire que dans certains cas l’on met en place un seuil, et pas dans d’autres.
J’ai entendu votre argument qui consiste à dire que le risque serait, si l’on fixe un seuil, de se rapprocher d’une forme de minimum. Ce serait le plancher au-delà duquel on peut penser que les négociations n’iraient pas. Peut-être. Mais, à tout le moins, ce serait déjà un minimum pour les salariés qui vont travailler le dimanche. Je partage votre souci que le dialogue social ait lieu et je pense que cet acte de confiance dans la négociation sociale est extrêmement important de la part du Gouvernement. Mais, en même temps, je prends acte du fait qu’une telle négociation sociale dans un contexte de plein emploi ne serait pas de même nature que dans un contexte de chômage de masse, sauf si vous me démontriez le contraire, mais c’est indémontrable.
Nous savons que dans une période de chômage de masse, le rapport de force n’est, hélas, pas favorable aux salariés. En l’occurrence, souvent, sauf dans des professions sous tension où l’on a peine à recruter, dans la plupart des branches, les négociations se font dans un contexte où les salariés n’ont pas d’autre choix que d’accepter des conditions qui ne leur sont pas favorables. Je le dis d’autant plus qu’il se pourrait qu’un certain nombre d’établissements passent par des accords d’entreprises ou des accords de bassins d’emploi. Quand deux établissements seront en concurrence sur la même zone, dès lors que l’un aura un accord pour travailler le dimanche, il sera très compliqué pour le second de ne pas déboucher sur un accord. Et les conditions de négociation ne seront pas les plus favorables aux intérêts des salariés.
Je vous redis que nous tenons là l’une des clés de nos discussions sur ce chapitre de votre loi. Il faut que l’on travaille, et il y a matière à le faire, à imaginer les formes d’un seuil minimum de compensation pour les salariés, sans tout miser sur la négociation sociale. Après tout, on peut aussi aller au-delà, voire en-deçà, puisqu’il existe bien des minimaux conventionnels en dessous du SMIC. En tout état de cause, cette question du seuil, du plancher, est l’une des bases à partir desquelles nous pourrions imaginer construire les formes d’un rassemblement plus large autour des dispositions de votre texte.
En matière de compensation, on ne part pas de rien, on ne part pas d’une page blanche, puisque, à Paris, au moins cinq dimanches par an, les grands magasins sont ouverts. Ils le sont grâce à un accord qui a d’ores et déjà été passé entre les directions et les salariés. Nous connaissons le contenu de cet accord : c’est le fait d’être payé double le dimanche et de bénéficier d’un jour de repos compensateur.
On peut considérer que c’est une bonne base de départ et que, à partir de là, il n’y a pas de raison de penser que ce qui est aujourd’hui valable dans ces grands magasins ne le serait pas demain. Je ne voudrais que l’on soit exagérément pessimiste.
Cela étant, ce n’est pas dans la loi. Mais est-ce que la loi a vocation à fixer les salaires dans une entreprise ? C’est une vraie question de fond. Personnellement, je ne le pense pas.
Je suis favorable à ce que la loi fixe les conditions d’une discussion et d’une négociation salariale, mais pas les montants.
Je vais vous donner une autre raison pour laquelle je suis contre cet amendement, ce qui me donnera l’occasion de répondre, ce faisant, à Mme Buffet. Dans les zones qui ont été citées par le ministre, il n’y a pas que des grands magasins. Dans certaines zones, il y a des petits magasins qui sont concernés, parce qu’il y a beaucoup de touristes, et l’on ne demandera pas à ces petits magasins – ce serait à mon sens une erreur – les mêmes efforts que ceux qui seront faits par les grandes enseignes et les grands magasins. Ils ne pourront pas les faire. À ce moment-là se produira un phénomène très simple, c’est que les grands magasins ouvriront, mais que les petits magasins ne pourront pas ouvrir.
C’est exactement ce qui se passera. Pour ces raisons-là, je ne suis pas favorable à ce que l’on instaure des seuils dans la loi.
J’en viens aux indications qui ont été données par le ministre. Je le remercie d’ailleurs de nous donner les éléments précis de ce que veut faire le Gouvernement. Il serait assez inquiétant que nous n’ayons pas, en tant que législateur, ces éléments au moment de nous prononcer. Je souhaite vraiment qu’il y ait une collaboration avec la mairie de Paris, et ce pour une raison simple : je pense qu’un certain nombre de secteurs devront être aussi concernés par l’ouverture du travail le dimanche, si l’on ne veut pas les pénaliser.
Je pense en particulier à deux secteurs : une partie de Montmartre, que je connais bien, mais aussi le Marais. Ces secteurs sont ouverts aujourd’hui le dimanche, et ce depuis très longtemps. Concernant le Marais, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, M. Gérard Filoche, qui était inspecteur du travail, avait mené un combat pour faire fermer les magasins dans le Marais. Trente ans plus tard, ces magasins sont ouverts. Des situations de fait se sont créées dans des territoires touristiques. Je souhaite que l’on essaie de trouver une solution pour eux.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez cité une enquête réalisée à la demande de la mairie de Paris, par l’IFOP, sur la perception de l’action municipale à Paris. Une partie de cette enquête portait sur l’adhésion à l’ouverture des magasins et au travail le dimanche. Sur l’ensemble des Parisiens qui ont répondu à l’enquête, 75 % sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche à Paris. Comme je dispose de la ventilation en fonction des préférences partisanes des personnes qui ont répondu, je vais vous la donner. Chez ceux qui se déclarent proches du Front de gauche, le taux est de 50 %. Chez ceux qui se déclarent proches du Parti socialiste, c’est 71 %. Chez ceux qui se disent proches d’Europe Écologie Les Verts, c’est 76 %.
Ils sont pour l’ouverture, ils ne sont pas pour travailler, eux, le dimanche. Ce n’est pas pareil !
À l’UMP, monsieur Lefebvre, sans surprise, c’est beaucoup plus ! Ce qui doit vous aller droit au coeur !
Je veux bien, mes chers collègues, que l’on donne des leçons pour montrer qu’on est plus à gauche qu’un autre, mais il faut tout de même voir parfois ce que pense son électorat et ne pas être forcément trop en porte-à-faux par rapport à lui.
La question de la compensation financière est difficile à résoudre parce que, comme l’a dit mon collègue Christophe Caresche, on compare la situation d’entreprises qui se trouveront dans un contexte très différent selon la zone où elles vont se trouver : certaines vont générer un surcroît de valeur ajoutée, tandis que d’autres vont être obligées d’ouvrir en raison du flux nouvellement créé mais sans avoir du tout le même modèle économique, la même création de valeur ajoutée ni les mêmes contraintes,…
…et vont se retrouver dans une situation extrêmement difficile. Par conséquent, vouloir systématiser un dispositif de majoration de salaire le dimanche dans une zone touristique internationale provoquerait inévitablement des distorsions à un niveau critique. Pour certaines, ce sera indispensable, pour d’autres superflu. Prévoir le même modèle pour tout le monde situé dans la zone n’a pas beaucoup de sens.
Une des idées pour résoudre cette question, dont nous reparlerons à l’occasion d’un de mes amendements, est de calculer le surplus de rémunération en fonction la valeur ajoutée. Il s’agirait d’obliger les entreprises qui font travailler leurs salariés le dimanche de passer avec eux un contrat d’intéressement prévoyant une surpondération assise sur la valeur ajoutée ainsi créée. Dès lors que ceux-ci auraient créé un surplus de valeur ajoutée en travaillant le dimanche, ils en bénéficieraient.
Ce serait aussi une manière de régler le problème des zones car les entreprises voisines des rues, des avenues ou des boulevards concernés vont inévitablement nous interpeller sur la naissance d’une concurrence déloyale du fait que l’ouverture le dimanche y sera facilitée. Je pourrais prendre le cas de la Porte Maillot, de la Samaritaine ou d’autres magasins qui seront créés en dehors des voies intégrées dans la zone : la compensation renforcée prévue dans l’amendement ne répondrait pas à leur appel légitime.
Je pense donc que construire un système de rémunérations assis sur la valeur ajoutée permettrait d’élargir le périmètre concerné par le dispositif – je pense par exemple à Paris – sans le risque de créer une situation délicate en désignant telle rue ou tel boulevard comme faisant partie de la zone et en excluant la voie d’à côté. Cela permettrait aussi d’avoir un véritable système de compensation grâce à une surpondération activée par l’intéressement aux surcroîts de bénéfices ce jour-là pour ceux qui seront appelés à travailler le dimanche.
Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le ministre, pour l’effort de clarté qui est le vôtre, mais il n’est malheureusement pas suffisant. Nous vous faisons pleinement confiance, mais nous, nous votons la loi, et celle-ci reste quand les ministres changent de portefeuille ou sont appelés à des responsabilités encore plus importantes que celles qu’ils exercent au moment où ils se trouvent devant nous.
L’extension infinie des zones demeurera donc possible.
Deuxièmement, j’ai noté que vous avez cité des périmètres très spécifiques, qui pourront évoluer du jour au lendemain sans que le législateur n’y puisse rien, mais qui sont tout de même très éloignés du petit commerce de proximité. Mon collègue Pascal Cherki a eu raison de rappeler quel type de commerce est concerné : pas l’épicerie… ou alors l’épicerie fine ; pas la cordonnerie… ou alors la cordonnerie Vaneau pour la chaussure vraiment très haut de gamme. Les sacs à main en vente dans ces rues, c’est souvent l’équivalent d’un an de minimum vieillesse ;…
…le prix d’une paire de lunettes de soleil, c’est une somme qui permettrait à des familles de vivre pendant un mois. Quand on est en capacité de vendre à ces prix et de faire de telles marges, et surtout d’acquitter des baux commerciaux aussi élevés que ceux pratiqués dans les artères que vous avez indiquées, je pense qu’on est alors en capacité de rémunérer décemment ces collaborateurs au titre du travail le dimanche.
J’entends que M. Fromantin souhaiterait que les salariés concernés soient intéressés aux résultats. C’est une vieille pratique dans le commerce, qui aboutit à de tout petits fixes et à une part de rémunération variable extrêmement importante, ce qui a des effets assez désagréables pour les salariés du secteur, avec des comportements assez fâcheux – il y a de multiples manières d’évincer un collègue d’une bonne vente, ceux qui connaissent savent ce qu’il en est.
Prenons plutôt acte que les commerces situés dans les zones touristiques internationales recherchent la profitabilité la plus élevée et des marges maximales et qu’il serait donc normal que les salariés qui travailleront de manière tout à fait hors norme dans ces zones approchent un tout petit peu du taux de profit des actionnaires des marques qu’ils vendent ou du revenu des clients qu’ils serviront avec plaisir.
Je ne reviendrai pas sur ce qu’a très clairement exprimé Mme Mazetier. Pour les raisons qu’elle a expliquées, et qui sont d’une telle évidence, nous voterons bien sûr cet amendement.
Mais je voudrais revenir sur la notion de seuil. On nous dit qu’il faut laisser la place à la négociation car, sinon, l’on tirerait les salaires vers le bas…Évidemment, avec de tels raisonnements, on peut même supprimer le SMIC, puisque c’est un salaire minimum ! Je le dis à certains collègues de gauche : attention, vous raisonnez d’une manière un peu particulière.
Je veux surtout souligner que dans un contexte de chômage, avec une pression terrible sur le marché du travail, si la loi fixe une rémunération minimum, c’est une protection réelle pour les salariés. Cela n’empêche évidemment pas le dialogue social de permettre d’aller au-delà. Mais je ne sais pas si vous avez vu, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel est le taux de syndicalisation dans le secteur du commerce : 2 %, toutes organisations syndicales confondues ! Vous voyez donc tout de suite quel sera le rapport de forces dans les négociations à venir.
La tentation d’être pour cet amendement est évidemment grande à sa lecture et quand on pense aux grands joailliers qu’a cités M. Cherki, on est tenté de se dire : « Triplons la rémunération ! » En somme, il faut faire payer les riches. C’est cela, l’idée de M. Cherki. Mais c’est une idée qui m’est sympathique.
Non, ce n’est pas du tout cela. L’idée, c’est simplement qu’il faut rémunérer les salariés comme il se doit.
Je rappelle tout d’abord que des accords de branche sur le repos dominical existent déjà aujourd’hui.
Par conséquent, si la loi fixait des minima ou d’autres normes supplémentaires, cela viendrait immédiatement percuter ce que les partenaires sociaux auront eux-mêmes conclu. On ne peut pas dire que l’on fait confiance au dialogue social et, en même temps, prendre une disposition légale qui mettrait en cause ce à quoi ce dialogue a abouti.
Par ailleurs, dans les rues que le ministre a signalées, à Paris ou dans d’autres communes, il peut y avoir simultanément des commerces à forte valeur ajoutée et des commerces infiniment plus modestes…
Mais non ! Vu le prix de l’immobilier dans ces quartiers-là, ce n’est pas possible !
…qui seraient immédiatement placés dans l’incapacité de faire face à cette obligation de compensation financière.
Enfin, vous oubliez l’essentiel, madame Mazetier, à savoir la règle qui a été fixée : pas d’accord, pas d’ouverture. Cela signifie que demain, y compris dans les rues qui ont été citées, s’il n’y a pas d’accord sur les compensations, un accord qui pourra d’ailleurs s’avérer peut-être plus ambitieux que votre amendement…
…– si cela vous semble impossible, c’est que vous le considérez excessif –, il n’y aura pas d’ouverture.
Ce n’est pas sérieux. Quand on voit le rapport de forces dans le monde du travail, ce que vous dites n’est tout simplement pas sérieux !
Si ces grandes enseignes ont un tel intérêt à ouvrir le dimanche puisque ce serait le nouvel Eldorado, cela pourrait démontrer deux choses : tout d’abord, que c’est une bonne idée de créer le régime des ZTI ; deuxièmement, que le nouveau dispositif va être si créateur de valeur ajoutée qu’elles devront signer un accord collectif pour en profiter.
On ne peut pas défendre, au fur et à mesure que le débat avance, tout et le contraire de tout. Si la création des ZTI est une bonne idée, les conséquences seront donc les suivantes : plus de création de valeur ajoutée le dimanche et, par conséquent, intérêt pour les entreprises à sceller un accord qui sera à l’avantage des salariés pour pouvoir ouvrir.
Je conclus en rappelant que si l’ensemble du dispositif est stupide, de toute façon personne n’ouvrira.
Je ne peux imaginer que la loi ne prévoie pas un dispositif qui permette de compenser systématiquement le désagrément que vont subir les salariés puisqu’il y aura rupture avec les règles du travail en soirée et avec les règles du travail dominical. Par conséquent, sur le principe, cela m’agrée.
Par contre, le dispositif pose une difficulté : la compensation pour ce type de zone est d’une autre nature que celles qui sont prévues ailleurs, y compris en cas d’ouverture systématique le dimanche. On crée donc une inégalité entre les salariés en fonction de la zone dont ils relèvent. Mais comme vous travaillez en bricolant et en superposant de nouvelles dispositions aux précédentes, tout cela est forcément un peu compliqué.
En outre, je suis surpris que vous nous parliez des zones elles-mêmes, monsieur le ministre : cela ressemble à un débat au Conseil de Paris. Je constate au passage que le zonage que vous venez d’indiquer vient, en quelques minutes, de changer la valeur d’un certain nombre de biens.
Il faut en être conscient. La valeur des fonds de commerce, des pas-de-porte et des biens immobiliers corporels a changé en quelques instants à la suite de votre propos !
En tout cas, votre propos change la donne.
Par ailleurs, comme dans tous les zonages, il y aura des exclus, les commerces situés dans les rues adjacentes, qui verront passer les Chinois, mais des Chinois qui ne s’arrêteront pas, si j’ai bien compris !
Sourires.
Il y aura aussi les zones que vous ne retiendrez pas – M. Caresche, qui connaît mieux Paris que moi, en citait certaines.
La réalité, c’est que le piège se referme. Vous devrez faire face à de multiples demandes reconventionnelles et serez obligé d’étendre le zonage, si bien que vous parviendrez à l’objectif qui, finalement, est le vôtre : faire de Paris une vaste zone obéissant à une dérogation. Une dérogation qui, du coup, n’en sera plus une puisqu’elle sera devenue la règle. Voilà la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : dès qu’il y a une exception, ceux qui n’en bénéficient pas font pression. C’est redoutable !
L’autre difficulté est que, dans les commerces qui ouvrent déjà le dimanche dans ces zones, comme les boulangeries-pâtisseries, les salariés continueront de travailler sans bénéficier des avantages que vous prévoyez.
Qu’en sera-t-il des commerces situés dans les rues adjacentes ? Comment atténuerez-vous les conséquences pour les commerces non concernés par le zonage ? Ceux qui travaillent déjà le dimanche bénéficieront-ils des garanties que vous promettez, même si vous n’envisagez pas d’aller jusqu’au triplement de la rémunération, ainsi que le prévoit notre collègue Mazetier ?
Monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous remercier d’avoir précisé les critères – le prestige, le nombre d’achats effectués par des touristes étrangers, entre autres – qui pourront permettre de définir les zones touristiques internationales. Si ces critères avaient figuré dans le texte, nous aurions évité une partie de la discussion.
Et cela m’aurait évité de dire, cet après-midi, que des quartiers de mon département pouvaient être concernés – il me paraît désormais évident que ce ne peut être le cas.
Peut-on penser que, dans le cadre d’une zone touristique internationale, délimitée par un arrêté ministériel après consultation des élus locaux, un commerce puisse continuer de rester fermé le dimanche ? Je ne le crois pas. Le commerce appelant le commerce, la pression qui pourra s’exercer en faveur de son ouverture sera forte.
Le débat qui vient d’opposer nos collègues porte sur la question de la compensation. Le résultat des derniers scrutins – les élections sont plus que des sondages – montre que les représentants des forces républicaines que nous sommes doivent penser en premier lieu à la France qui a mal et se détourne, et à la France qui a peur et se recroqueville. Et pour cela, c’est la loi qui doit protéger. C’est la loi qui doit fixer des cadres pour que les salariés ne soient pas soumis à la main invisible du marché et à des pressions devant lesquelles ils ne peuvent pas faire autre chose que subir.
La question qui se pose est celle de l’égalité des salariés. Les négociations ne s’effectueront pas de la même manière : il y aura des accords de branches, des accords territoriaux, des accords d’entreprise. Deux salariés qui travaillent à cinq mètres de distance ne bénéficieront pas forcément des mêmes compensations, la valeur ajoutée produite par leurs commerces n’étant pas la même, ainsi que l’a expliqué notre collègue Fromantin. L’existence même du dialogue social ne garantira pas l’égalité. Ce n’est pas une petite chose quand on a fait de la nécessité du dialogue social un argument majeur dans le débat sur les compensations !
Il faut se demander si l’ouverture dominicale crée ou non de l’emploi et de l’activité. Si, comme vous semblez être plusieurs à le penser – et je pense moi aussi que cela pourrait être le cas dans un certain nombre d’endroits –, il y aura plus d’activité en sept jours qu’en six jours dans les zones touristiques internationales, alors cela doit se répercuter dans la loi, laquelle doit prévoir des protections et un plancher de rémunération supplémentaire, car c’est à l’intérieur des limites de la loi que le contrat peut s’appliquer.
J’ai cité l’exemple des 60 ou 80 salariés d’un employeur unique, travaillant dans les boutiques situées autour de la Tour Eiffel, en grève au mois de décembre. Peut-on imaginer qu’ils auront la force, autour de cet établissement qui est le rayonnement principal de notre pays, de résister et de ne pas signer l’accord ? Je ne le crois pas. C’est pourquoi le travail que nous faisons ce soir doit les protéger, eux aussi.
Je veux d’abord vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps de répondre à la demande de transparence sur les zones touristiques internationales et d’avoir fixé cette géographie. Je veux aussi vous remercier de vous appuyer sur le dialogue social, qui est un marqueur de la politique du Gouvernement.
Il faut bien voir d’où l’on part. Pour les 600 zones touristiques qui existent dans notre pays, la loi Mallié ne prévoit ni volontariat ni compensation. L’inégalité devant la loi, elle est d’abord là.
Aujourd’hui, l’inégalité entre les salariés est grande, selon les secteurs et les territoires. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le travail mené dans le cadre de la mission Bailly. Cette situation conduit à ce que certains salariés connaissent des conditions plus favorables dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnels de banlieue – les PUCE – que dans les zones touristiques parisiennes, par exemple.
L’élément majeur, c’est le dialogue social. Comme vous l’avez rappelé, s’il n’y a pas accord, il n’y aura pas ouverture. Il s’agit de faire confiance au dialogue pour améliorer la situation inégalitaire des salariés et permettre, dans ces zones bien particulières, une augmentation de l’emploi. Cela demeure aujourd’hui notre cap : plus d’activité, pour plus d’emploi.
Je commencerai par le dernier argument. Dans le contexte de concurrence internationale que nous connaissons, pouvons-nous tirer notre épingle du jeu ? Cela signifie gagner des parts de marché supplémentaires, donc créer de l’activité, donc créer des emplois. Aujourd’hui, vu la situation économique de notre pays, il nous faut aller chercher les niches les unes après les autres !
Le second point, sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, consiste à affirmer que ceux qui acceptent de travailler le dimanche, le soir ou les jours fériés méritent un peu plus de considération, de reconnaissance et de rémunération.
Le troisième point porte sur la compensation. Comme l’a très bien dit notre collègue Fromantin, nous ne sommes pas opposés à l’idée de Sandrine Mazetier de tripler le salaire – nous présenterons, par la voix de Francis Vercamer, un amendement prévoyant le doublement de la rémunération –, car nous sommes attachés à l’idée que le dimanche n’est pas un jour comme les autres. Mais la disparité des entreprises est telle que cette compensation ne sera pas supportable pour certaines activités. Certains commerces verront leur équilibre économique fragilisé ; ils se trouveront alors contraints de fermer le dimanche et de subir une concurrence déloyale.
Monsieur le ministre, vous avez fait oeuvre de pédagogie en décrivant les critères qui permettront de délimiter les zones touristiques internationales, en expliquant que vous avez engagé un dialogue constructif avec la maire de Paris. Il n’est pas inutile de se souvenir que, lorsque nous avons mis en place les zones franches urbaines, il s’est trouvé des rues où, sur le trottoir d’en face, les entreprises ne pouvaient pas bénéficier des exonérations fiscales et sociales. Il se pourrait donc que certains commerces situés en limite des zones touristiques internationales, ne puissent ouvrir que douze dimanches par an, au bon vouloir du maire, voient la valeur de leurs actifs minorée et se trouvent confrontés à une situation de concurrence déloyale.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à bien réfléchir à la délimitation des zones et aux critères que vous choisirez. En ce sens, l’idée de la surpondération est bonne. Il s’agit, pour répondre à ce qu’a dit Pascal Cherki, de faire en sorte que, là où il y a le plus de valeur ajoutée, on puisse apporter une vraie réponse aux salariés. Cela éviterait les disparités au sein même d’un quartier. L’idéal serait d’ailleurs d’étendre la zone touristique à toute la ville, dès le moment où existerait pour les salariés une vraie pondération. À ce sujet, je veux dire à Sandrine Mazetier qu’un accord d’intéressement couvre tous les salariés d’une entreprise – c’est là son avantage.
Si on s’appuyait sur cette idée simple qui consiste à dire que la surpondération est liée directement à la valeur ajoutée de chacune des entreprises, il reviendrait aux entreprises de décider, parce qu’elles ont du business à faire ou de l’activité à capter, si elles veulent bénéficier de ce nouveau dispositif.
Pour conclure, je ne peux m’empêcher de penser, en écoutant ce débat, au chemin parcouru depuis la loi Mallié : quelle conversion, quelle évolution ! Le dogmatisme absolu ne sert à rien. Il faut instiller un peu de souplesse et d’oxygène. Reconnaissons que les salariés méritent un encouragement de rémunération, laissons de la place aux accords de branche et aux accords salariaux, donnons aux élus locaux la capacité de décider. Mais, comme l’a dit Marc Le Fur, prenons garde aux disparités au sein d’un même zonage, qui risqueraient de mettre des entreprises en difficulté.
Au risque de me répéter, je dis que lorsqu’on laisse aux élus locaux la capacité de décider, ils peuvent trouver des solutions qui assurent une juste rémunération à tous les salariés. J’invite Mme Fourneyron, qui est très proche de Saint-Malo, de Dinard et de Cancale, à venir visiter les zones touristiques de ces villes. Elle constatera que, dans la plupart des cas – je reconnais que c’est n’est pas vrai dans tous les cas –, les salariés bénéficient d’une compensation pleine et entière, voulue par les maires comme préalable à la signature des accords.
L’amendement no 3007 n’est pas adopté.
Je pense que le Gouvernement aura à coeur de donner un avis favorable à cet amendement extrêmement important. Le ministre n’a-t-il pas, en effet, prononcé cette parole d’évangile : « Il faut renvoyer aux élus la liberté de ce qui est bon pour eux ». C’est peut-être la phrase la plus importante que vous ayez dite au long de ce débat relatif au travail dominical et aux zones touristiques internationales, monsieur le ministre. Je suis totalement d’accord avec vous.
Je regrette d’ailleurs l’absence de M. Lamour qui déplorait que l’inaction, ces cinq dernières années, de Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo ait conduit l’État à intervenir. Est-ce que cette « inaction » nous a si mal réussi ? Nous parlons beaucoup des touristes mais n’oublions pas que nous sommes élus de la nation, choisis par nos concitoyens dans nos circonscriptions pour représenter les intérêts de la nation et de ceux qui nous font confiance. Nous ne sommes pas là pour les accabler. Est-ce que l’extrême prudence dont nous avons fait preuve ne nous a pas réussi ? Que je sache, malgré des circonstances nationales sur lesquelles nous n’avons pas pu peser suffisamment, nous avons tout de même réussi à conserver Paris à gauche, tout comme beaucoup d’autres villes. Si nous avions adopté les idées libérales qu’on nous propose, comme la généralisation du travail du dimanche, peut-être le résultat aurait-il été différent.
Je voudrais dire à tous ces conseilleurs qui ne sont pas les payeurs qu’un élu local doit arbitrer en permanence entre l’intérêt général et les intérêts économiques. Nous souhaitons être le coeur d’une grande métropole économique et dynamique tout en respectant les aspirations de nos habitants à une certaine qualité de vie. Monsieur le ministre, laisser les élus décider, c’est les laisser prendre leurs responsabilités. Notre collègue Christophe Caresche, qui est l’un de vos plus ardents supporters, n’a-t-il pas lui-même rappelé que Paris était la première destination touristique du monde pour les courts séjours ? A-t-il été prouvé que nous étions à ce point incapables de développer le tourisme et s’attacher la confiance des habitants pour que, par un privilège régalien, un fait du prince, vous décidiez, au XXIe siècle de nous retirer cette responsabilité ?
Cet amendement tend à ce que les zones touristiques internationales soient créées à l’initiative du maire de la ville ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale. C’est à nous de prendre la responsabilité de les créer ou non. Il est évident qu’ensuite, elles pourront être délimitées ou modifiées par le préfet de région, car la position de l’État nous importe énormément, mais l’initiative doit en revenir au maire ou au président de l’EPCI, et le préfet doit délimiter ou modifier ces zones après avis. Et qui doit donner cet avis ? En premier lieu, le conseil municipal, parce qu’il est normal que l’assemblée municipale du territoire où sera créée cette zone puisse se prononcer.
Il faut également solliciter l’avis des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés. Pourquoi ? Parce que, et je vous le dis avec beaucoup d’émotion, monsieur le ministre, la gauche, jusqu’à présent, a toujours eu pour principe de discuter avec toutes les forces vives économiques. Si nous avons réalisé des avancées sociales, c’est parce que nous avons pris le temps de discuter avec les forces politiques qui composent la majorité parlementaire mais aussi avec les organisations syndicales. À ma connaissance, les grandes lois du Front populaire n’ont pas été faites contre les syndicats mais en accompagnement de la dynamique sociale, portée aussi par les syndicats. En 1981, les grandes lois sociales de la gauche n’ont pas été faites contre les syndicats mais portées aussi par les organisations syndicales dont je n’ai pas entendu dire qu’elles étaient contre la retraite à 60 ans et à 65 ans à taux plein, ni contre la cinquième semaine de congés payés. Les 35 heures, même si elles ont pu soulever des débats quant à leurs modalités, ont été décidées, sur le principe, par une majorité parlementaire de gauche, avec l’accord et l’encouragement des syndicats.
Malheureusement, avec qui le Gouvernement discute-t-il depuis le début ? Avec les patrons des grandes enseignes !
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
Non !
Avec Sephora, les Galeries Lafayette, LVMH !
Nous, à Paris, nous discutons avec les organisations syndicales ! Sur les grands boulevards, les salariés et leurs organisations se battent contre l’extension du travail dominical ! Sur les Champs-Élysées, ils se battent contre l’extension du travail de nuit ! Si vous voulez que la création d’une ZTI soit le fruit d’un progrès social, laissez les élus des territoires concernés appuyer les salariés dans leur rapport de forces pour obliger les employeurs à signer un compromis qui ne se traduise pas par une régression mais par un réel progrès social. En agissant ainsi, vous resterez fidèle à la philosophie d’un Gouvernement de gauche et vous éviterez de vous éloigner vers un rivage qui pour le moment nous surprend beaucoup.
Vous proposez, monsieur le député, de soumettre les ZTI au même régime de délimitation et de modification que les zones touristiques ou les zones commerciales. Or, aujourd’hui, les tentatives amorcées à Paris se sont soldées par un échec et ce n’est pas faute, sans doute, d’avoir entamé de dialogue avec les organisations syndicales. De même, je ne crois pas que le Gouvernement prendra son décret sans consulter au préalable la mairie de Paris.
La Ville de Paris a un statut particulier, celui de ville capitale, dont le rayonnement international attire un flux exceptionnel de touristes étrangers. Vous connaissez la liste des différents critères cités par le ministre. Nous souhaitons que la délimitation des ZTI soit portée par un décret ministériel. Avis défavorable.
Même avis mais je voudrais souligner une confusion dans les propos de M. Cherki. Les organisations syndicales ne sont pas les élus locaux, me semble-t-il. Vous avez fait un raccourci désobligeant pour le Gouvernement, monsieur le député, en laissant entendre qu’il discuterait avec les patrons d’enseigne et les élus locaux avec les salariés ! Rassurez-vous, nous discutons avec tout le monde ! Monsieur le député, vous n’avez sans doute pas encore saisi tous les éléments de ce texte, que je m’évertue pourtant à répéter depuis tout à l’heure. Pour la première fois, nous imposons la signature d’un accord préalablement à l’ouverture. Aujourd’hui, comme le soulignait M. Goldberg, des établissements peuvent ouvrir dans certaines zones sans accord des salariés, parfois sans compensation. Ce ne sera plus possible demain grâce à ce texte. Le Gouvernement l’assume et le porte, monsieur le député. Ne laissez pas croire que nous essayons d’arranger les grandes enseignes ! Je lis moi aussi les journaux et j’y lis les protestations des mêmes grandes enseignes qui se plaignent de ce que nous accordions trop d’importance aux syndicats.
Là encore, je vous invite à faire preuve de plus de modération. Ce texte prévoit une concertation et un avis de l’exécutif local. Il sera pris, je m’y suis engagé. J’ai d’ailleurs entamé cet échange, notamment avec la maire de Paris, particulièrement concernée. Cet échange est important et il se poursuivra, ce qui me permet de répondre aux différents points soulevés par MM. Le Fur et Vigier, en particulier quant au risque que poserait l’articulation entre les différentes zones que nous allons ainsi créer et les raisons pour lesquelles il ne faut pas imposer un triplement des salaires dans les ZTI. Les ZTI, en effet, s’intriquent, dans la géographie parisienne, la plupart du temps avec des zones touristiques déjà existantes, mais pas forcément. Comment justifier un triplement des salaires au seul prétexte qu’une ZTI a été créée selon des critères objectivement déterminés alors que sur le trottoir d’en face, les salaires auront été définis par l’accord des conventions ? Nous avons obtenu que, jusqu’à minuit, les salaires soient doublés. Le point dérogatoire du travail en soirée a justifié un doublement. C’est différent. Vous ne retrouverez pas une telle disposition en zone touristique mais vous pourrez voir des commerces y ouvrir cinquante-deux dimanches. Il serait anormal que les salaires soient triplés d’un côté de la rue mais pas de l’autre. Là encore, l’accord, de territoire, de branche ou d’entreprise, permettra de définir la règle la plus intelligente. Nous devons être cohérents jusqu’au bout. Puisque nous décidons d’armer le dispositif de manière pleinement social-démocrate, en conditionnant l’ouverture à l’existence d’un accord, nous acceptons ce risque et vous verrez que certains établissements n’ouvriront pas dans certaines zones. C’est bien au niveau du territoire, de la branche de l’entreprise, que la compensation est la plus intelligemment définie car il est des zones où le doublement ne sera pas supportable et d’autres où la majoration de 30 % ne sera pas suffisante. La discussion l’a montré.
Parce que je fais confiance au dialogue social jusqu’au bout, j’accepte qu’il puisse bloquer des ouvertures en l’absence de consensus des organisations syndicales et des salariés car le dialogue social, en permettant de mieux définir les règles de compensation, favorise l’articulation de ces différentes zones et évite de tomber dans les travers que vous décrivez et que nous avons pu connaître lorsque l’on a voulu tout fixer dans la loi. Ce n’est pas la démarche du Gouvernement. Avis défavorable pour toutes ces raisons.
L’amendement suivant va dans le même sens. J’aurai le même avis défavorable. Je souhaite qu’il y ait un avis des collectivités, avec les critères que j’ai précisés, mais en sachant que l’on se situe dans le cadre d’une zone particulière compte tenu de son importance économique pour la nation et pas dans le cadre d’une zone touristique simple.
Monsieur le ministre, vous exprimez depuis le début de ce débat une haute idée du dialogue social et de la démocratie sociale en général. Pourriez-vous rendre compte à la représentation nationale des échanges que vous avez eus avec les principaux syndicats de salariés et nous dire l’avis qu’ils ont émis sur ces questions de compensation et de rémunération ? En effet, le groupe majoritaire n’a pas eu la chance de pouvoir auditionner en séance plénière les principaux syndicats de salariés, contrairement à ce que nous avions fait lors de la réforme des retraites ou à l’occasion de la préparation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Au moins pourrions-nous connaître, par la voix du Gouvernement, la position des principaux syndicats de salariés, ce qui n’est pas rien puisque ce sont aussi des adhérents de ces syndicats qui devront faire vivre les accords que vous souhaitez au niveau des branches ou des entreprises elles-mêmes. Il est essentiel pour nous de savoir s’il y a sur ce sujet le début d’un accord des principales centrales syndicales.
Il y a une chose que je ne comprends pas. Le rapporteur dit à juste titre, et vous le soutenez, monsieur le ministre, qu’il n’y aura pas d’ouverture sans accord. Nous partageons tous ce point de vue. S’il y a accord, c’est qu’il y a contrepartie, sinon il n’y a pas de compensation au travail le dimanche. Si on ne fixe pas un seuil, cette contrepartie peut se limiter à un euro en plus sur le salaire, dans un certain nombre de branches où le rapport de forces n’est pas favorable aux salariés. Nous le constaterons.
Quiconque connaît la réalité des entreprises, et notamment des commerces, sait qu’un accord d’entreprise peut déboucher sur une telle disposition. Si un seul d’entre nous peut m’affirmer sérieusement le contraire, qu’il le dise tout de suite. Ce n’est pas crédible une seconde au regard de la manière dont se déroule le dialogue social dans ce pays. Je retiens l’argumentation de M. Vigier et du ministre qui nous disent qu’il ne faut pas monter trop haut le seuil parce que dans un certain nombre de branches où la valeur ajoutée est plus faible, il serait beaucoup plus difficile de parvenir à un accord. Soit.
Entre cette position et celle du rapporteur, où se trouve le juste milieu ? Il pourrait consister à ce que nous, législateur, nous accordions ici même sur le principe selon lequel le travail du dimanche doit, dans toutes les branches – textile, commerce alimentaire ou autres – donner lieu à une compensation minimale, quitte à ce que les partenaires sociaux se concertent davantage par la suite. Je ne veux pas donner d’indications plus précises quant à cette compensation : il peut s’agir de 1,2 salaire, ou 1,3 voire 1,4, mais au moins faut-il fixer un seuil minimum. Pas d’ouverture sans accord, mais pas d’accord sans compensation réelle.
C’est même le sens de la proposition que M. Travert s’apprête à nous faire concernant les commerces alimentaires de plus de 400 mètres carrés, pour lesquels il proposera une compensation de 30 %.
Peu importe que nous fixions un seuil supérieur ou inférieur à cela. Je le répète : l’absence de seuil est un seuil.
Prétendre que l’absence de seuil sert à éviter la convergence à la baisse des compensations revient en réalité à fixer le seuil à zéro, ou zéro plus epsilon.
Nous abordons les principes relatifs à l’extension des exceptions au repos dominical. Nous y travaillons, notamment sur la question des compensations. Or, même dans les branches les plus tendues, cette compensation ne saurait équivaloir au montant du salaire plus 1 euro. C’est inacceptable, surtout dans les cas où le salarié serait conduit à signer au motif que l’entreprise concurrente située en face aurait déjà signé.
Nous avons la possibilité d’avancer. Nous nous sommes tous trouvés comme vous, monsieur le ministre, dans une situation où il était nécessaire de bâtir des compromis politiques. Il me semble qu’en l’occurrence, nous pouvons nous retrouver pour fixer un plancher – sans qu’il atteigne nécessairement le double ou le triple du salaire – qui permette aux salariés, quelle que soit leur branche d’activité, de percevoir une compensation.
Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC et sur les bancs du groupe écologiste.
Comme toujours, je répondrai, en toute transparence, aux questions qui me sont posées.
L’intégralité des organisations syndicales et patronales ont été reçues par le Gouvernement, en particulier par mon collègue François Rebsamen. Certaines d’entre elles – Force ouvrière et la CGT – sont hostiles à toute réforme, comme elles l’ont été à l’occasion de nombreux projets déjà défendus par le Gouvernement. La CFDT, en revanche, a défendu le principe de l’accord, ce qui montre qu’elle est à l’aise avec le dispositif proposé par le Gouvernement. C’est d’ailleurs pour respecter la parole donnée par le Gouvernement à la CFDT que ce principe se retrouve dans le texte.
Dans sa copie initiale, le Gouvernement avait proposé de fixer un seuil sans accord. C’est lorsque nous avons étudié la faisabilité concrète de cette mesure qu’elle ne nous est plus apparue souhaitable, car les premières victimes du seuil sont les petits commerces.
Quel est en effet le dispositif actuel ? Vous avez tort, monsieur Hamon, de prétendre que l’absence de seuil revient à fixer la compensation à zéro. Dans le système actuel, un seuil de référence est donné en cas de décision unilatérale de l’employeur, c’est-à-dire lorsque l’accord échoue. Tel est le régime actuel, en particulier dans les PUCE, et il fonctionne. Ailleurs, il n’existe ni seuil ni même compensation obligatoire. Pourtant, dans certaines zones, des discussions de branche, d’entreprise ou de territoire ont abouti à des compensations nettement supérieures à tous les seuils que nous pourrions envisager – notamment dans des zones touristiques où cela se justifie.
Le dispositif que nous proposons ici est bien plus radical, et la CFDT ne s’y est pas trompée : nous ouvrons une possibilité. Le Conseil d’État, dont l’avis a été rendu public par une fuite – nous pouvons donc le commenter, d’autant plus que le président du Conseil a indiqué qu’il souhaitait rendre publics les avis suivants – a lui-même estimé que le fait de donner un tel pouvoir aux partenaires sociaux constituait une avancée tout à fait substantielle.
Je le répète : dans la situation actuelle, il ne peut y avoir d’ouverture sans accord. Si l’on cherche à définir un seuil dans la loi, alors, comme l’ont bien montré les discussions que nous avons eues avec les partenaires sociaux, de deux choses l’une : soit le seuil en question sera trop bas, ce qui empêchera les syndicats, placés en position de faiblesse, de négocier un doublement du salaire dès lors que le seuil de référence fixé dans la loi ne dépassera pas 1,2 ou 1,3, soit ce même seuil sera excessif dans certaines zones, y compris dans les zones touristiques où les commerces ouvrent tous les dimanches sans compensation et où ils ne parviendront pas à accorder des compensations pouvant atteindre 30 % ou 40 %, contraints qu’ils seront de se limiter à 15 % ou 20 % de compensation avec un jour de repos supplémentaire. Dans ces zones, en effet, les commerces peuvent avoir besoin d’ouvrir tous les dimanches, car c’est le jour le plus fréquenté, tandis que les mardis, mercredis et jeudis le sont beaucoup moins – et peuvent donc faire office de jour de repos. Il s’y trouve même des familles pour apprécier le fait de ne pas travailler en milieu de semaine, car elles profitent de ces journées pour resynchroniser le temps familial.
C’est aussi cela, la vie de nos territoires ! Dès lors, si l’on définit par la loi – erreur que nous savons souvent faite et qui a eu pour effet de tout bloquer – un système qui vaut partout, alors ce sont les plus petits qui en seront les victimes.
Je le répète : soit le seuil sera trop bas dans les zones qui justifieraient un accord ouvrant droit au doublement du salaire, soit il sera trop élevé pour celles et ceux qui, ne compensant pas monétairement aujourd’hui, ne pourront compenser qu’à hauteur de 15 % ou 20 % du salaire en complétant par des jours de repos supplémentaires.
Nous avons tourné et retourné cette question dans tous les sens avant de vous proposer ce texte. J’insiste d’ailleurs sur un point : depuis le début de nos échanges, j’ai beaucoup valorisé la coproduction et je salue une nouvelle fois le travail qui a été accompli en commission spéciale par le rapporteur général, le président et les rapporteurs thématiques sur l’ensemble du texte, et sur ce volet en particulier. Cela étant, le principe selon lequel il ne saurait y avoir d’ouverture sans accord a été défendu et assumé par le Gouvernement dès le début, car il était précisément le fruit des échanges tenus avec les organisations syndicales. N’enlevez donc pas cela au Gouvernement : il l’a assumé d’emblée !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
L’amendement no 2431 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 3068 rectifié .
Cet amendement va dans le même sens que le précédent – le sens de l’égalité. Il n’y a aucune raison – je dis bien aucune – pour que la possibilité d’ouverture douze, cinq ou trois dimanches dans les zones touristiques et les zones commerciales soit soumise à l’avis du maire partout sur le territoire sauf à Paris. Le principe dit « pas d’accord, pas d’ouverture » vaudrait-il donc partout, sauf pour les élus parisiens ? Le problème se posait déjà dans la loi Mallié, et le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré la disposition.
Non, les Parisiens ne sont pas des citoyens de seconde zone, capables de rémunérer les services rendus à tous ceux qui fréquentent leur ville – touristes, travailleurs ou consommateurs – tout en étant empêchés d’émettre par la voix de leurs représentants un avis sur la manière dont les commerces ouvrent ou non et contre quel type de compensation.
Voulez-vous prendre la parole, madame la députée de Paris ? Vous parlez de mines de sel…
Je ne suis pas sûre qu’il se trouve des mines de sel à Paris, mais je suis sûre que Paris a une maire et des élus, et qu’il est normal que le ou la maire de Paris dispose des mêmes pouvoirs que les maires de toutes les autres communes de France. Je suis sûre aussi qu’il ou elle exercerait demain ces pouvoirs avec les mêmes précautions et le même souci de concertation, en posant des questions pour trouver des solutions intelligentes, bâtir le consensus et organiser les services de la ville de sorte que soient respectés l’équité entre commerces et entre quartiers et l’équilibre des dynamiques économiques du territoire.
C’est tout le sens de cet amendement, qui tend à ce que le maire de Paris décide de la délimitation des zones touristiques internationales – ce qui ne signifie pas qu’il n’y en aura aucune.
Permettez-moi de revenir sur le débat que nous venons d’avoir. Les zones touristiques internationales sont une innovation du présent texte. Elles sont très spécifiques, de sorte que si elles sont créées, elles devraient être assorties de contreparties tout aussi spécifiques qui diffèrent de celles des zones touristiques et commerciales ordinaires.
En tout état de cause, on ne saurait se passer de l’avis et de l’association pleine et entière des élus partout sur le territoire français, ni plus ni moins à Paris qu’ailleurs !
Comme pour l’amendement précédent qui, bien que rédigé différemment, avait le même objet, l’avis est défavorable.
Il est exact que nous créons un nouveau dispositif et j’entends vos arguments, madame la députée. À votre demande, nous avons prévu des critères aussi précis que possible et nous sommes en train d’avancer. Le texte prévoit un avis, même s’il ne s’agit pas de l’avis conforme que vous demandez, en quelque sorte.
Toutefois, nous nous heurtions à une situation de blocage – qui n’a rien à voir avec la question des douze dimanches – dans bon nombre de ces zones importantes pour l’activité et la croissance françaises.
Continuons donc à travailler. J’entends la volonté que vous exprimez de reconnaître le rôle de la maire de Paris – j’ai cité d’autres villes qui peuvent aussi être concernées. Je m’engage à ce que le Gouvernement poursuive son action avec les exécutifs concernés, en particulier la maire de Paris, avec laquelle nous avons déjà eu des échanges que je considère fructueux. Les avancées qui en ont résulté m’ont conduit à préciser les contours de ces zones.
Nous allons trouver un chemin, même si ce n’est pas encore fait. En tout état de cause, je ne veux pas qu’il puisse être dit qu’il y aurait selon le Gouvernement des élus de seconde zone dont le rôle ne serait pas reconnu.
Il s’agit de zones qui possèdent un intérêt économique et touristique tout à fait particulier, et c’est ce qui justifie leur constitution en ZTI. Dans le même temps, ces zones s’imbriquent dans le reste du maillage urbain, d’où les propos que j’ai tenus en matière de compensation – sauf concernant le travail en soirée, qui n’est pas comparable et pour lequel nous avons accepté votre judicieuse proposition de doublement.
Encore une fois, je m’engage donc à travailler avec l’ensemble des élus que j’ai cités dans mon propos indicatif sur les zones afin d’avancer dans le bon sens. Les choses ne sont pas encore mûres ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Vous avez compris, monsieur le ministre, que je suis opposé aux ZTI puisque j’ai demandé leur suppression. J’ai néanmoins cosigné l’amendement de Mme Mazetier pour vous dire ceci : vous ne pouvez pas vous comporter ainsi à l’égard de la maire de la capitale de la France,
Murmures sur certains bancs du groupe SRC
qui a été élue par ses concitoyens. Vous ne pouvez pas nous dire que vous allez continuer de travailler tout en refusant l’avis conforme.
Pas d’accord, pas d’ouverture, dites-vous au sujet de la relation entre salariés et patrons. Je vous prends au mot : pas d’accord, pas d’ouverture. Or, l’accord ne se limite pas aux échanges que nous avons ; il doit prendre la forme d’un avis conforme. Évitons la parlote : nous ne sommes pas au souk !
Murmures.
Il faut donc recueillir l’avis conforme du conseil municipal ou de la maire de Paris. C’est une question de dignité pour les élus parisiens. Vous ne pouvez pas imposer votre décision, même après concertation, car la concertation n’est pas la décision. Ce qui compte, c’est qui décide in fine. Vous ne pouvez pas imposer cette zone sans accord des élus. Il faut donc matérialiser cet accord par un avis conforme.
Vous placerez ainsi les élus devant leurs responsabilités. Nous soutenons en effet les salariés dans leurs luttes – je pense en particulier aux salariés du Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris, le Clic-P, qui ont lutté contre les modalités d’ouverture des grands magasins le dimanche. Nous avons aussi soutenu les syndicats concernant Sephora. En l’occurrence, nous, élus parisiens, nous serons au pied du mur.
Quoi qu’il en soit, vous ne pouvez pas prévoir d’ouverture sans accord. Ce gouvernement de gauche, monsieur le ministre, ne peut pas se comporter à l’égard de la Ville de Paris – mairie de gauche – d’une manière que même les précédents gouvernements de gauche n’ont jamais adoptée lorsque le maire de Paris s’appelait Jacques Chirac.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Le ministre, après avoir posé un principe, poursuit la discussion dans un esprit d’ouverture. Il est clair que nous ne pouvons nous enfermer dans un dogme : lorsqu’il s’agit de zones très larges, l’intérêt général doit prévaloir sans que nous ayons à respecter un avis conforme.
Monsieur Cherki, je me bats aujourd’hui, avec de nombreux élus parisiens, pour la présence d’un grand hôpital qui trouverait sa place dans le nord de Paris, bénéficiant ainsi aux habitants de la région capitale, à ceux de la ville de Paris et de toute la banlieue nord. Il se trouve que le lieu le mieux situé, de l’avis de tous, ne recueille pas l’avis conforme des élus locaux. Il s’agit pourtant d’un projet d’intérêt général. Le respect des élus est important, mais lorsqu’il s’agit de projets d’une certaine dimension, l’intérêt général doit prévaloir. Il est bon qu’une discussion ait lieu et que les élus soient amenés à donner leur avis, mais le rôle du ministre consiste à trouver un accord. S’il faut faire en sorte de respecter la volonté de chacun, il n’en demeure pas moins qu’il faut aussi finir par aboutir.
L’exemple que je viens de vous donner n’a rien à voir avec ce dont nous discutons, j’en conviens, mais il renvoie au même raisonnement que celui qui nous guide ce soir s’agissant du respect de la volonté et de l’expression des élus. Certaines discussions doivent être conduites dans un cadre plus large. L’engagement de l’État doit permettre de prendre en compte une zone plus large qu’une simple ville, fût-elle la capitale, pour aboutir et trouver un accord.
L’amendement no 3068 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 1777 .
Cet amendement vise à simplifier la procédure de création des ZTI. À cet égard je trouve très intéressante la discussion qui vient de se dérouler. Je considère, comme le ministre et un certain nombre de nos collègues, dont le président du groupe socialiste, que ces zones relèvent de l’intérêt général. Pour avoir été ministre du tourisme, je sais combien il est essentiel, dans certaines situations, de laisser à l’État la possibilité de faire prévaloir l’intérêt général. Notre collègue Bruno Le Roux a parfaitement illustré cette nécessité.
Il en va de même du Grand Paris. Ce projet est essentiel pour la France, son avenir touristique, mais également pour l’emploi et la croissance. Peut-on accepter que la Ville de Paris ait le pouvoir de bloquer des processus absolument essentiels pour le développement des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, de l’Essonne et des autres départements ?
S’agissant de la délimitation des zones touristiques internationales, je voudrais rebondir sur les propos de nos collègues Fromantin et Caresche. Faut-il raisonner en termes de rues ? Ces questions méritent des discussions approfondies. Pour le Marais, des décisions devront être prises, mais, monsieur Caresche, quid du BHV ? Devons-nous le considérer comme faisant partie du Marais ? Qu’en est-il de la Samaritaine et du projet de la rue de Rivoli ?
Si vous le permettez, monsieur le président, j’en profite pour défendre par avance l’amendement no 35 rectifié .
Cet amendement vise à reprendre le dispositif mis en place dans la ville de Londres. L’ouverture des magasins le dimanche y étant acquise, seule l’amplitude des horaires est encadrée en fonction de la surface du commerce. Ce dispositif réglerait un grand nombre des difficultés évoquées tout à l’heure. Cette amplitude est libre pour les commerces de moins de 280 mètres carrés, mais elle est limitée à six heures consécutives, entre dix heures et dix-huit heures, pour les commerces dont la surface est plus importante. Voilà une suggestion sur laquelle il pourrait être intéressant de réfléchir pour éviter toutes les questions qui ont été posées à de multiples reprises par les uns et les autres, par exemple à propos des rues adjacentes. Aux Abbesses, dans le quartier de Montmartre, que mon collègue Caresche connaît bien, la situation est ubuesque. Il faudra bien que nous sortions des situations de ce type.
Je ne souhaite pas allonger les débats – c’est d’ailleurs pour cela que j’ai voulu défendre ces deux amendements en même temps –, mais je répète que c’est le rôle de l’État et sa responsabilité que de prendre une décision quand l’intérêt, la croissance, l’emploi et le développement touristique de la France sont en jeu. On ne peut accepter qu’une ville, fût-elle la capitale, bloque une politique nationale.
Monsieur Lefebvre, votre amendement vise à faire en sorte de ne plus saisir le maire dans le cadre des consultations en vue de la création et de la délimitation des ZTI. Nous pensons, au contraire, que la concertation doit comporter trois niveaux : les organisations syndicales et les partenaires sociaux, le maire de la ville concernée, et enfin, s’il y en a un, le président de l’EPCI.
Pour nous, le fait de ne pas consulter le maire n’est pas envisageable, même si nous ne souhaitons pas nécessairement un avis conforme, en particulier à Paris, où un décret ministériel fixera le périmètre des zones. Il n’empêche, la concertation avec les élus, notamment le maire de la ville concernée, doit avoir lieu. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.
L’amendement no 1777 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2659 .
C’est un amendement de précision qui concerne la consultation des EPCI à fiscalité propre.
L’amendement no 2659 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 2972 rectifié .
Il s’agit de rédiger la fin de l’alinéa 6 de façon à mettre l’accent sur l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et sur l’importance de leurs achats.
L’objet de cet amendement est de préciser les critères présidant à la délimitation des ZTI, qui ont fait l’objet de longs débats en commission spéciale. Ils peuvent en effet apparaître comme étant trop flous, bien que le ministre les ait précisés tout à l’heure. Il nous a semblé important d’affiner les critères de la ZTI en ajoutant à ceux prévus par le texte le rayonnement international de la France, l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et l’importance de leurs achats.
L’amendement redéfinit également le critère de l’affluence touristique pour ne tenir compte que des touristes étrangers, cela afin de bien marquer la différence entre les zones touristiques internationales et les zones touristiques classiques. Avis favorable.
L’amendement no 2972 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 3012 rectifié .
Cet amendement vise à insérer des critères objectifs pour la définition des zones touristiques internationales.
L’amendement déposé à l’initiative du groupe socialiste que nous venons d’adopter apporte un certain nombre de précisions, mais je souhaite que nous allions plus loin, précisément parce que les zones touristiques internationales sont très exceptionnelles. Vous avez parlé de prestige, monsieur le ministre, mais vous avez indiqué tout à l’heure que la ville de Bordeaux ne ferait pas partie des ZTI. Pourtant Bordeaux est une marque mondialement connue !
Pourquoi, à ce titre, ne serait-elle pas une zone touristique internationale ?
J’aimerais que nous indiquions dans la loi des critères incontestables, qui s’appliqueraient à l’occasion de la création de nouvelles zones, attestant qu’une zone est non seulement touristique mais qu’elle connaît un afflux exceptionnel de touristes étrangers, provenant de l’Union européenne ou d’ailleurs.
Ces critères objectifs nous permettraient de dépasser le caractère qualitatif de nos appréciations, fondé sur les impressions des uns et autres. Ils s’imposeraient à tous et ne seraient pas modifiables par tel ou tel pouvoir discrétionnaire.
Je propose d’ajouter des critères cumulatifs : un pourcentage du chiffre d’affaires mensuel réalisé grâce à des acheteurs non résidents, comprenant un minimum d’articles détaxés, ce qui indique que la clientèle vient d’un pays extérieur à l’Union européenne, un ratio entre bureaux et résidences, ce qui indique la part de l’activité commerciale du quartier et la fonction urbaine, et enfin la densité commerciale, calculée en fonction de la longueur de voie.
Je propose également que la demande de délimitation ou de modification soit transmise au Parlement. En effet, comme vient de l’indiquer le président du groupe SRC, les zones touristiques internationales ne dépendent pas des élus locaux ; c’est une question d’intérêt national. Or qui peut mieux juger l’intérêt national que la représentation nationale ? Je propose donc que cette demande transmise au Parlement soit motivée, comme c’est le cas pour une zone commerciale ou touristique standard, et qu’elle s’accompagne d’une étude d’impact qui justifie l’opportunité de cette création ou de cette évolution.
L’ajout de ces critères permettrait de sortir des impressions et des convictions des uns et des autres et de prendre une décision sur des bases objectives et sereines.
Votre amendement est double, chère collègue. Il vise d’abord à fixer comme critère de délimitation des ZTI une proportion de 60 % du chiffre d’affaires réalisé avec des non-résidents, dont 20 % exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, et ensuite à transmettre la demande et les critères afférents au Parlement, tout en prévoyant une réévaluation annuelle des données.
Cela pose un problème de faisabilité. En effet, la délimitation des ZTI ne fait pas à proprement parler l’objet d’une demande car elle est réalisée par l’autorité ministérielle sur la base des critères énoncés tout à l’heure par M. le ministre, sans saisine initiale. En outre, une réévaluation annuelle nous semble difficilement envisageable. Si le critère fondé sur le chiffre d’affaires réalisé avec les non-résidents va dans le bon sens, il est sans doute fixé à un niveau excessivement élevé. Quoi qu’il en soit, ce sont bien des critères de cet ordre qui présideront à la délimitation des ZTI. C’est précisément pour cela que l’amendement que nous venons d’adopter précise qu’il convient de tenir compte de la part des achats réalisés par des touristes étrangers. Votre amendement a été repoussé par la commission spéciale et j’émets de nouveau un avis défavorable.
J’ai déjà précisé quels seraient les critères et évoqué certaines zones en mettant en avant un aspect qualitatif. Les critères que vous indiquez dans votre amendement, madame la députée, sont très précis et me semblent relever davantage du champ réglementaire que législatif. En outre, nous serions incapables de vérifier le respect des seuils que vous proposez, qui sont d’ailleurs extrêmement élevés et très réducteurs au regard des zones que j’ai évoquées, en particulier le critère de 60 % du chiffre d’affaires faisant l’objet d’une détaxe.
Pour ces deux raisons et comme nous voulons introduire un critère qualitatif, déjà évoqué, mon avis sur le fond est défavorable. L’amendement précédent est certes qualitatif, mais les précisions relatives à la nature des critères fixés par décret et aux zones couvertes relèvent bel et bien de la loi. De toute évidence, les critères ne sauraient consister uniquement en des seuils quantitatifs.
Vous souhaite qu’une demande soit transmise au Parlement et qu’un rapport annuel lui soit rendu. Je souscris pleinement à cet objectif. Un amendement du groupe socialiste, que nous examinerons un peu plus tard, prévoit une évaluation économique et sociale des critères de définition des zones, ce qui permettra de mesurer l’intégralité des conséquences économiques et sociales de la réforme. Cette partie de votre amendement sera satisfaite par un amendement qui va même au-delà de ce que vous proposez. Quant à sa première partie, l’amendement précédemment voté et les engagements que j’ai pris s’agissant des critères et des zones la satisfont également en grande partie. Je vous invite donc à retirer l’amendement. À défaut, j’émettrais défaut un avis défavorable, mais nous sommes d’accord sur l’essentiel.
Je propose de retenir le critère de 60 % du chiffre d’affaires mensuel réalisé avec des acheteurs non-résidents, dont simplement 20 % faisant l’objet d’une détaxe et non 60 % du chiffre d’affaires faisant l’objet d’une détaxe. Quoi qu’il en soit, le seuil était parfaitement négociable, comme dans le commerce, et mon amendement aurait pu faire l’objet d’un sous-amendement. Sa deuxième partie est satisfaite, mais en partie seulement, par un amendement ultérieur. Je retire donc l’amendement en me réservant tout de même la possibilité de donner mon avis sur celui-ci.
L’amendement no 3012 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 3025 .
Les signataires de l’amendement proposent de dresser un état des lieux au moment de la création des zones afin d’évaluer après trois ans de fonctionnement si les objectifs ayant justifié leur création ont été atteints dans la zone et hors de la zone. En effet, ouvrir le dimanche et le soir a normalement la vertu de créer des emplois, c’est d’ailleurs pourquoi un texte consacré à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques le prévoit, mais c’est un pari. N’étant pas pascalienne, je préfère que l’on évalue d’abord le niveau de salaire, le nombre d’emplois dans la zone et hors de la zone, la répartition par sexe des employés du commerce de détail et la pyramide des âges. Les points de vue sur le sujet peuvent diverger, mais il existe un risque d’éviction des jeunes femmes dont on constate sur le marché du travail qu’elles sont moins rémunérées car on les accuse d’être de futures femmes enceintes et de futures mères qui s’occuperont de leurs enfants. Il sera donc très simple pour une chaîne ou un employeur de se simplifier la vie dans les ZTI en ne recrutant que des hommes.
De même, les salariés seniors seront peut-être évincés car travailler le soir est fatigant, avec le risque d’avoir des zones dont les salariés seront particulièrement jeunes, d’où disparaîtraient les salariés plus âgés, lesquels ont pourtant besoin de travailler. Par ailleurs, la création d’emplois en coeur de zone n’exclut pas la destruction d’emplois dans le secteur du commerce indépendant en périphérie lointaine de la zone, comme le suggérait notre collègue Jean-Luc Laurent tout à l’heure en évoquant une vision un peu datée des équilibres commerciaux à l’échelle d’une métropole.
On peut se tromper en imaginant le pire, mais le fait de dresser un état des lieux au moment de la création d’une zone fournirait des bases de comparaison au bout de trois, quatre ou cinq ans – à vous d’en décider, monsieur le ministre. On saurait ainsi si les objectifs ayant justifié la création des zones ont été atteints, voire dépassés, ou si au contraire les désastreux effets collatéraux de l’ouverture le dimanche et du travail le soir que certains redoutent se sont avérés. Il s’agit donc de légiférer en objectivant les choses, car en légiférant, nous sommes tout autant législateurs que chargés d’évaluer et de contrôler l’impact des lois votées, soit par nous-mêmes soit par nos prédécesseurs.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
J’ai écouté avec attention les arguments développés par Mme Mazetier. Elle a raison, tout n’est pas dans tout. L’inscription d’un principe dans une loi n’implique pas que la manière dont elle est déclinée par la suite correspond rigoureusement au principe adopté. Pour autant, la loi ne doit pas écrire les décrets, sinon on ne s’en sort plus. Nous savons bien que si la loi écrit les décrets et s’il s’avère qu’on s’est trompé, justement, on n’a plus de marge de manoeuvre et il faut en repasser par la loi, ce qui devient insupportable.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, comme nous l’avons fait à plusieurs reprises pour des ordonnances ou d’autres textes, de bien vouloir présenter, avant sa parution, le décret relatif aux périmètres dont nous discutons devant la commission des affaires économiques,…
…car, si la commission spéciale cessera d’exister après promulgation de la loi, le commerce relève de la commission des affaires économiques que je préside.
Un échange avec nos collègues parlementaires pourrait alors avoir lieu. Bien évidemment, en pareil cas, tous les députés sont les bienvenus, dont Mme Mazetier, qui n’est pas membre de la commission des affaires économiques ! Cela ne résout pas forcément tous les problèmes mais constitue une façon de montrer qu’un échange sur ce point est possible juste avant la publication du décret. C’est là, monsieur le ministre, une demande expresse du président de la commission !
Le dispositif prévu par l’amendement est peut-être un peu lourd et compliqué, en particulier la nomenclature préalable. En revanche, comme je le disais il y a un instant, l’évaluation économique et sociale après trois ans satisfait le reste du dispositif. Il y aura bien évidemment une évaluation – c’est notre souhait et c’est, en effet, la bonne manière de légiférer, car on peut se tromper, mais aussi améliorer les choses après avoir constaté les pratiques qui ne manqueront pas d’émerger et d’éclairer ce dont nous débattons aujourd’hui. En effet, nous cherchons collectivement à définir un point d’équilibre, sur la base de l’appréciation la plus juste et la plus honnête possible de ce qui se passera, mais il est impossible d’y parvenir a priori, car nous ne savons pas exactement ce qui se passera en réalité.
Je vous propose de retirer votre amendement, madame la députée, en m’engageant, comme j’ai commencé à le faire devant la représentation nationale, à présenter les décrets quand ils seront prêts, non pas à la commission spéciale, dont on m’a dit qu’elle sera dissoute à l’issue de la discussion, mais à la commission des affaires économiques – et toute autre qui en fera la demande –, qui est compétente en la matière et sera ouverte à tous les députés, comme le propose le président Brottes. Nous aurons alors un débat. D’ici là, nous aurons amélioré et clarifié le modus operandi, comme je le disais précédemment. Pour cette raison, et en vous renvoyant une fois encore à l’amendement qui vise à réaliser une évaluation après trois ans, je vous invite à retirer cet amendement.
Je retire l’amendement, tout en proposant à M. le ministre de fonder tout de même l’évaluation sur des critères intégrant toutes les dimensions évoquées et pas simplement le chiffre d’affaires réalisé dans la zone et les créations d’emplois, afin de tordre le cou une bonne fois pour toutes aux objections formulées à l’encontre de l’activité le dimanche et le soir. Si on analyse la situation à un instant T selon tous les critères que j’ai évoqués, l’évaluation que vous produirez dans quelques années se fondera sur des indicateurs effectivement suivis, dans la zone et hors de la zone, en matière sociale, salariale, de création d’emplois et – ce qui est aussi extrêmement important – de pyramide des âges.
L’amendement no 3025 est retiré.
Il s’agit d’inscrire dans la loi le principe d’une évaluation trois années après la création de la zone, et cela même si nous savons bien que les pratiques seront regardées de près, en particulier les accords dont nous parlions tout à l’heure. Il faut tout de même prévoir dans la loi une évaluation des pratiques économiques et sociales, incluant tous les éléments relatifs à la création de valeur et à la qualité de l’emploi créé. En effet, dans ces zones touristiques internationales, l’objectif est bien d’encourager la création d’activités supplémentaires, qui n’existent pas aujourd’hui, et susceptibles de créer de la richesse, de la valeur et de l’emploi de qualité. Certes, le dispositif sera scruté, par les élus locaux en particulier, mais il n’en est pas moins souhaitable de disposer, au bout de trois ans, d’un rapport déposé sur le bureau du Parlement et fournissant des données comptables objectives sur l’année N + 1, une fois les commerces installés, afin de vérifier la bonne réalisation des objectifs arrêtés aujourd’hui dans le cadre du débat.
Il est proposé que le dispositif des ZTI fasse l’objet d’une évaluation au bout de trois ans, ce qu’a confirmé le ministre.
Cela permettra à la fois d’évaluer l’impact de la création des ZTI en matière d’ouverture des commerces, ses effets économiques, en particulier sur le chiffre d’affaires des commerces concernés, et enfin l’impact social sur les salariés, c’est-à-dire sur celles et ceux qui seront amenés à travailler le dimanche – le nombre de salariés concernés, le rythme du travail dominical, le régime social des contreparties et le travail de soirée. Cela permettra de gagner en lisibilité mais aussi d’éprouver la légitimité du dispositif que nous sommes en train de mettre en place. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.
L’amendement no 2971 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous en arrivons à l’amendement no 35 rectifié .
Monsieur Lefebvre, je crois que vous l’avez déjà défendu tout à l’heure.
En effet, monsieur le président, mais j’aimerais que le rapporteur me fasse connaître l’avis de la commission. Cet amendement s’inspire du modèle londonien – je ne dis pas qu’il faille le copier en tout point, mais il pourrait nous inspirer.
Votre amendement vise à instaurer un régime spécifique d’ouverture dominicale des commerces…
…propre à la capitale. Vous souhaitez clairement aller au-delà des dispositions du texte, s’agissant des zones touristiques internationales. Si le rayonnement international de la capitale est incontestable, on ne peut pas nier que de nombreux quartiers parisiens ne sont que peu, voire pas fréquentés par les touristes. Il n’y a donc pas lieu de prévoir un régime spécifique d’ouverture généralisée sur l’ensemble de la ville, pour l’ensemble des commerces parisiens, tout au long de l’année.
Cet amendement va au-delà de l’élargissement mis en place par le texte. Je rappelle que nous souhaitons conserver le caractère exceptionnel de l’ouverture dominicale des commerces. Il n’est pas question ici d’en faire la règle, ne serait-ce que sur la totalité du territoire de la ville de Paris. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
L’amendement no 35 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 72, amendé, est adopté.
L’article 73 remplace la notion de « communes touristiques » par celle de « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes » et institue le principe d’un roulement des personnels.
Je ne comprends pas tout à fait cet article. J’y vois un instrument de banalisation du travail le dimanche, ce que j’ai dénoncé, et donc de rupture avec notre tradition, qui est celle du repos dominical, mais je ne comprends pas pourquoi est évoquée cette question du roulement, lequel, à ma connaissance, existe déjà. Par ailleurs, je ne vois pas l’intérêt de modifier la notion de « commune touristique ».
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1032 .
Là encore, nous considérons que les critères sont extrêmement flous, puisqu’il s’agit de zones « caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ». Une fois de plus, il n’y a aucun critère objectif. Comme pour les ZTI, nous craignons que l’absence d’éléments d’appréciation objectifs et chiffrés nuise à la pertinence des délimitations. Telle est la raison pour laquelle nous voulons supprimer cet article.
Nous corrigeons les effets de la loi Mallié, qui n’a pas prévu de compensation au moment de la création des zones touristiques.
Pour votre part, vous entendez supprimer la refonte, proposée par le texte, de la modalité d’ouverture dominicale des commerces situés en zone touristique. Vous souhaitez donc en rester au régime actuel, lequel n’offre aucune garantie aux salariés. Or le présent projet de loi comporte des avancées notables à ce titre : demain, les salariés des zones touristiques pourront bénéficier de contreparties salariales – le mot « salariales » est bien employé dans le texte –, de la garantie du volontariat et de toutes les protections qui s’appliquent obligatoirement aujourd’hui.
Vous vous inscrivez aussi, les uns et les autres, dans le cadre d’une opposition à l’élargissement du recours au travail dominical. Or, comme je l’ai dit tout à l’heure, ce projet de loi ne revient pas sur le caractère exceptionnel que doit revêtir l’ouverture dominicale des commerces.
Aujourd’hui, nous améliorons ce qui était consacré par la loi Mallié. Il y a 648 zones touristiques sur le territoire français. Au plus tard dans les deux jours qui viennent, nous déciderons de ce que nous devons faire sur les dimanches du maire. Le fait de passer de zéro à douze dimanches peut également permettre d’éviter de créer des zones touristiques ; en effet, vous le savez, un certain nombre d’élus ont demandé à pouvoir créer sur leur territoire de telles zones, les cinq dimanches n’étant pas suffisants au regard de la densité de population et de l’afflux de touristes.
Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que nous considérons que les zones touristiques constituent un progrès social, dans la mesure où nous apportons des contreparties, des garanties et de la réversibilité, j’émets un avis défavorable à vos amendements de suppression.
Même avis.
L’article 73 est adopté.
Il y a eu beaucoup d’échanges sur les ZTI et sur ce l’on appelle les dimanches du maire. Pour ce qui me concerne, je concentrerai mon propos sur les zones commerciales, sujet sur lequel le texte se heurte à plusieurs limites. Je m’en suis ouvert auprès du rapporteur thématique, et je tiens à dire combien j’ai apprécié les échanges que j’ai pu avoir avec lui à ce sujet. On se trouve dans une situation particulière en ce qui concerne ces zones commerciales, qui vont prendre la place des périmètres d’usage de consommation exceptionnel – les PUCE – créés par la loi Mallié, qui présentent, je tiens à le dire, beaucoup de défauts. Ces zones commerciales doivent créer plus d’emplois grâce à un surcroît d’activité, avec la volonté d’apporter plus de bien-être collectif.
Première remarque : quand un commerce d’un certain type est ouvert dans une zone de chalandise, il ne peut entraîner un surcroît d’activité qu’à la condition que l’ensemble des autres commerces de la même zone de chalandise soient fermés. Dans le cas contraire, il ne peut y avoir d’activité supplémentaire. Si tous les commerces pratiquant la même activité, dans la même zone de chalandise, sont ouverts en même temps, en particulier le dimanche, il n’y a pas de raison que l’on achète plus sur sept jours que sur six jours.
J’ai entendu que nous étions tous opposés à la généralisation du travail le dimanche, sur quelque banc que l’on se trouve. Dès lors, comment empêche-t-on le développement, la généralisation par capillarité, dans une région entière, de ces zones commerciales ? De fait, cela n’amènerait pas d’activité supplémentaire.
Par ailleurs, on n’achète pas des biens de consommation – je pense en particulier à un certain nombre de commerces situés dans les PUCE actuels – en fonction de l’ouverture dominicale. On les achète en fonction de ses besoins, par exemple en ce qui concerne l’ameublement, et, bien entendu, de ses revenus.
Deuxième remarque : dans l’étude comparative et indépendante que vous avez demandée à France Stratégie, monsieur le ministre, faisant ainsi preuve d’une grande volonté de transparence, il est écrit qu’en Allemagne, la libéralisation du commerce le dimanche n’a pas créé plus d’activité, tandis qu’au Canada, ce n’est que dans les zones où l’ouverture a été finalement généralisée qu’il y a eu des effets sur l’emploi.
Ma troisième remarque découle de ce que je lis dans cette note de France Stratégie. Il y est écrit que le travail le dimanche n’a aucun effet sur les prix à la consommation. S’agissant de la question du bien-être, on y lit : « Le bien-être retiré par chacun du temps libre n’est pas indépendant de ce que font les autres. » Des études, est-il précisé, « ont montré que les couples adaptent leurs horaires de travail, quitte à supporter des pertes de pouvoir d’achat pour disposer de plages horaires leur permettant de passer du temps libre en commun. Il apparaît aussi que le degré d’implication dans des activités associatives est lui-même positivement influencé non seulement par le temps libre de chacun, mais aussi par le temps libre des autres » et « il est probable que la majorité des individus aient des difficultés à se coordonner pour prendre des loisirs en commun ou pratiquer des activités collectives » en cas de généralisation du travail le dimanche par l’extension de zones commerciales – ces derniers mots rejoignent ce que je disais précédemment.
Je vais un peu plus loin dans cette note qui dit très bien que, pour ce qui concerne les conséquences sur l’activité et sur l’emploi, l’assouplissement de la réglementation, qui s’est traduite par une extension importante du dimanche travaillé dans les zones concernées, fait craindre que la seule incidence des extensions aujourd’hui proposées soit d’ampleur limitée, parce qu’il faudrait vraiment une généralisation – c’est le point 3.4 de cette note – pour qu’il y ait des conséquences réelles sur l’activité et sur l’emploi.
Cette note indépendante destinée à nourrir le débat conduit à se poser la question suivante : qui demande l’ouverture supplémentaire de ces zones commerciales par rapport aux PUCE actuels ? Il faut rappeler que ces derniers ont été eux-mêmes – c’était tout le problème de la loi Mallié – une légalisation de pratiques auparavant illégales. Les questions qui se posent sont donc les suivantes : veut-on figer les zones commerciales des PUCE actuels, veut-on leur extension ou, si l’on ne veut pas de cette dernière, quels critères légaux définit-on ? Il s’agit encore une fois d’éviter que, parce qu’il existe, aujourd’hui, un PUCE, demain, une zone commerciale à dix, quinze, trente, cinquante kilomètres selon les territoires, soit les chefs d’entreprise, soit les gestionnaires de centres commerciaux, soit les salariés fassent pression sur les élus, qui doivent être les demandeurs de ces zones commerciales, pour pousser à leur ouverture. Ce n’est pas une petite question à ce stade du débat, alors qu’aucun critère ne permet de limiter leur extension.
Je voudrais terminer cette intervention liminaire sur l’article 74 en vous lisant un message que j’ai reçu, non pas d’un salarié qui travaille le dimanche – les uns et les autres, nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de faire état de tels témoignages – mais d’une gérante de société, qui habite la circonscription dont je suis l’élu : « gérante d’un commerce situé dans un gros centre commercial de la région parisienne, et employant dix-huit salariés, nous subissons déjà la loi des bailleurs » – je ne citerai pas le nom de son bailleur – « qui imposent, par des votes aux tantièmes et non enseigne par enseigne, l’ouverture tous les jours fériés, les cinq dimanches du maire, sans se soucier, ni de la qualité de vie de notre personnel, alors que nous restons déjà ouverts jusqu’à vingt et une heure tous les jours, ni de l’augmentation du coût salarial pour l’entreprise. Les ouvertures du dimanche créent seulement un déplacement du chiffre d’affaires, mais ne peuvent pas être un moteur de relance économique. Nous ne sommes pas libres de décider d’ouvrir ou non nos commerces, et nous devons payer de lourdes amendes si nous choisissons de fermer. Beaucoup d’enseignes ne respectent pas, par ailleurs, le volontariat des salariés. Ce diktat des bailleurs et cette réalité ne sont jamais évoqués dans le débat public. »
Voilà des cas concrets. Le débat, dans le cadre les centres commerciaux ou des zones commerciales, porte non pas sur les cinq, sept ou douze dimanches du maire, mais sur cinquante-deux dimanches par an. Par conséquent, si nous n’inscrivons pas de limites dans la loi, en réfléchissant sur l’aménagement du territoire et en prévoyant un rôle de régulation de l’État dans ce domaine, nous irons vers une généralisation du travail le dimanche.
Je considère l’article 74 comme extrêmement dangereux et je souscris aux propos que vient de développer notre collègue Goldberg.
En 2008-2009, votre famille politique, chers collègues, la gauche, a beaucoup critiqué les PUCE, mais leur délimitation obéissait à un certain nombre de contraintes très exigeantes, notamment la taille de l’agglomération dans laquelle on les mettait en place. Or, vous souhaitez aujourd’hui remplacer le PUCE par la zone commerciale, dont la création est autrement plus facile à obtenir.
Je vais en rappeler les critères. Les PUCE devaient être situés dans des unités urbaines où étaient observés un « usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation dominicale, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre », et comptant plus de un million d’habitants. Ce dernier critère disparaît pour les zones commerciales : elles pourront donc être créées dans des villes moyennes. Vous procédez ainsi à la banalisation du travail dominical dans les villes de taille moyenne.
Les zones commerciales sont quant à elles définies par « une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes ». D’un caractère « exceptionnel » de la consommation, on est passé à une offre et à une demande « particulièrement importantes » ; le critère s’est assoupli. Quant à la taille des aires urbaines, elle ne constitue plus un critère. C’est donc un mouvement de banalisation. Comme le disait notre collègue Goldberg, il s’agit non pas de quinze dimanches, mais de l’ensemble des dimanches de l’année.
Par conséquent, je considère cet article comme l’un des plus dangereux de votre texte. Pour le coup, il ne concerne pas seulement Paris, comme c’était le cas des dispositions dont nous avons discuté tout à l’heure, mais l’ensemble de notre pays. En tout état de cause, je souhaite que cet article ne soit pas adopté ou que, à tout le moins, il soit verrouillé de façon qu’il n’aboutisse pas à une généralisation du travail du dimanche. Certes, on garde quelques principes mais, de fait, on banalise.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1033 .
Pour ma part, je suis également très préoccupée par le périmètre et les critères des futures zones commerciales.
L’article 74 crée des zones commerciales qui vont se substituer aux PUCE, dont le principal critère de délimitation était celui des « habitudes de consommation dominicale ». On peut discuter de cette définition mais, franchement, le nouveau critère de délimitation des zones commerciales, être caractérisées « par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes », n’est pas radicalement différent de celui qui servait à délimiter les PUCE ; il n’est en tout cas pas beaucoup plus précis.
Et, j’allais le dire, cher collègue, il est même plutôt moins précis, puisque les critères de définition des PUCE ne peuvent s’appliquer qu’aux unités urbaines de plus de un million d’habitants et ne concernent donc aujourd’hui que quatre zones en France : Paris, Lille, Aix-Marseille et Lyon. Avec les critères que vous nous proposez, la porte est complètement ouverte à bien davantage de zones commerciales, c’est-à-dire de dérogations au repos dominical ou d’extensions du travail du dimanche.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que vous demander de supprimer cet article.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 1320 .
Je suis en proie aux mêmes inquiétudes que celles qui ont été exprimées par mes collègues. Les zones commerciales que vous proposez de créer par cet article ont des contours particulièrement flous. Les critères relatifs à une offre et à une demande potentielles sont trop larges pour permettre une interprétation à même de nous rassurer.
Nous avons eu l’occasion d’exprimer notre opposition à l’extension du travail du dimanche sur l’article précédent. Au sujet de l’article 74, deux points nous paraissent particulièrement importants et ont déjà été développés par mes collègues.
Tout d’abord, avec ces nouvelles zones, vous ne prenez pas en compte le danger pour les commerçants indépendants, qui sont particulièrement inquiets. Vous ne prenez pas davantage en considération la défense des commerces de centre-ville alors que les centres commerciaux continuent de fleurir dans les périphéries ; la définition que vous retenez pour les zones commerciales leur permettra désormais d’ouvrir le dimanche.
Ensuite, alors que dans les zones touristiques internationales vous misez sur l’afflux de touristes, qui seraient, dites-vous, frustrés par la législation actuelle, quelle consommation supplémentaire attendez-vous de l’ouverture dans les zones commerciales le dimanche ? Quelle consommation anticipez-vous et avec quel pouvoir d’achat ? Aujourd’hui, nous n’avons pas l’assurance que ces ouvertures permettront une quelconque augmentation du chiffre d’affaires des commerces. C’est une vraie question, et c’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article, qui nous semble pernicieux.
Que faisons-nous lorsque nous créons les zones commerciales ? Elles se substitueront aux PUCE, qui ont été créés par la loi Mallié et qui sont essentiellement situés dans les zones périurbaines, principalement en région parisienne. Il existe aujourd’hui quarante et un PUCE sur le territoire national, dont trente-huit se situent en Île-de-France.
Nous avons estimé que cette concentration instaurait des inégalités généralisées – entre les salariés, entre les commerces et entre les territoires. Les garanties sont meilleures aujourd’hui dans un PUCE en banlieue que dans une zone touristique à Paris. Nous avons donc souhaité rétablir un certain équilibre.
Que faisons-nous ? Nous apportons la compensation pour tous, le volontariat pour tous. Nous permettons à chaque territoire de se développer en fonction de ses atouts touristiques, internationaux ou nationaux, commerciaux ou non, et de ses infrastructures de transport. Avec la procédure de délimitation que nous prévoyons dans cet article pour les zones commerciales, nous n’aurions pas eu l’affaire des magasins de bricolage, il y aurait eu beaucoup moins de concurrence déloyale entre les territoires.
Comme nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, nous souhaitons que l’accord devienne à l’avenir obligatoire. Nous solliciterons les partenaires pour qu’ils se mettent autour de la table afin de négocier. La logique voudrait que chaque branche concernée – elles sont une dizaine – négocie des accords pour toutes les entreprises ou que soient conclus des accords territoriaux ou des accords d’entreprise. Des amendements qui seront examinés dans la suite de la discussion visent à introduire une exception particulière aux très petites entreprises, dans lesquelles l’approbation des salariés sera requise.
Par ailleurs, dans les zones commerciales, et c’est un point sur lequel nous avons pu échanger avec Daniel Goldberg, les PUCE avaient des effets de bord. J’aimerais apaiser les craintes sur l’effet de capillarité qui ferait que les zones commerciales tendraient à gagner du terrain. La création d’une zone commerciale fera en effet toujours l’objet de la part du maire d’une demande adressée aux autorités préfectorales. Nous posons donc des freins à l’ouverture et à la création de ces zones commerciales, qui pourraient créer des situations de concurrence déloyale sur le territoire et des inégalités entre les salariés.
Par conséquent, sur ces amendements de suppression, dont les auteurs ont rappelé qu’ils étaient essentiellement motivés par le caractère flou des critères retenus, l’avis de la commission est défavorable.
Tout d’abord, vous vous êtes référé à l’étude d’impact de France Stratégie sur le travail du dimanche, monsieur Goldberg. Il ne faut pas en isoler des extraits, car le rapport établit un lien très clair entre l’ouverture dominicale et la création d’activité et d’emplois.
On peut avoir une approche relativement circulaire : avec l’ouverture dominicale, il y a de la création d’activité et d’emplois, sans ouverture, il n’y en a pas. C’est à peu près ce qui est écrit.
Quant à la lettre que vous avez citée, elle me trouble sur un point, mais peut-être n’ai-je pas bien entendu : à aucun moment une enseigne ou un commerçant ne peuvent se voir infliger une pénalité ou une amende parce qu’ils refusent d’ouvrir le dimanche ; l’ouverture dominicale n’est pas une obligation.
Si c’est le fait des bailleurs, alors il s’agit de pratiques abusives, car ce n’est pas prévu dans la loi.
Les contrats des bailleurs sont également contrôlés, en particulier lorsqu’ils contiennent des clauses abusives, par la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Je m’emploierai donc à examiner le cas d’espèce qui a été rapporté pour détecter les éventuels excès.
Ces zones commerciales ont pour objet, et je veux insister sur ce point, d’appliquer les recommandations du rapport Bailly. L’auteur de ce rapport constatait en effet que les PUCE, en venant sanctuariser des zones d’activité préexistantes, avaient créé des effets de bord, lesquels ont conduit à des discussions sectorielles ; c’est le cas Bricorama, que le rapporteur a rappelé et que j’ai évoqué tout à l’heure.
L’analyse réalisée par Jean-Paul Bailly – je vous renvoie à cet égard à la cartographie qu’il a établie dans son rapport – montre que c’est à proximité des PUCE existants qu’on aura des extensions et des ajustements, c’est-à-dire là où cela a du sens.
Rappelons en effet le cadre de départ et le point d’arrivée. Ces zones commerciales seront créées sur l’initiative et à la demande des élus locaux. Là où il n’y a pas de potentiel d’activité, vous avez raison de le souligner, il peut y avoir un effet de transfert. Dans ce cas-là, il n’y a pas de création de valeur suffisante, donc pas d’ouverture. En revanche, on a pu constater que dans les PUCE où il y avait eu une réelle création d’activité, l’ouverture dominicale avait été décidée. L’ouverture et la création de valeur ont justifié ou l’obligation d’un accord ou une décision unilatérale avec application de la double paie ; c’est le point que j’évoquais tout à l’heure. De nombreux salariés de ces zones se sont d’ailleurs habitués à être payés double – je tiens à le répéter pour bien cerner le contexte.
Les zones seront créées sur l’initiative des élus, et je ne pense pas qu’un élu demandera la création d’une zone commerciale à cinquante-deux dimanches si cela n’a pas de sens sur le plan économique et social dans la zone concernée, a fortiori quand nous lui aurons donné la possibilité d’accorder la suppression du repos dominical douze dimanches dans l’année. Toutefois, si c’était le cas, je rappelle ici que l’accord de l’entreprise, du territoire ou de la branche constitueront un préalable, ce qui n’est pas le cas dans le droit en vigueur, qui prévalait au moment où les PUCE ont régularisé les quarante et une zones qui préexistaient à la loi Mallié. En d’autres termes, sans la demande de l’élu ni ledit accord, déjà plusieurs fois évoqué, il n’y a pas d’ouverture possible.
Il n’y a donc pas de risque d’ouverture massive. Dans les zones concernées, l’attente des salariés sera d’ailleurs plutôt importante pour obtenir la double paie, compte tenu de la pratique de l’accord unilatéral prévue par la loi, qui s’est développée. L’exigence salariale sera donc importante. C’est pourquoi vous avez pu lire les déclarations de nombre d’enseignes qui disent que le dispositif ne les intéresse pas, parce qu’elles ne veulent pas accorder de compensations.
Ces enseignes n’ouvriront donc pas. Au demeurant, je le répète, les élus ne demanderont pas l’ouverture dominicale quand cela n’a pas de sens. Pourquoi, sur ce point, ne pas faire confiance aux élus, aux partenaires sociaux et à la dynamique économique du territoire ? Il me semble que toutes les garanties sont apportées. C’est d’ailleurs l’analyse que faisait M. Bailly dans son rapport, analyse qui l’a conduit à proposer le dispositif ici présenté par le Gouvernement.
Cet article permet d’ajuster aux marges les PUCE existants pour éviter les effets de bord qui ont fait tant de mal et qui ont conduit certains secteurs à demander des ouvertures qui, par la suite, se sont avérées néfastes. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Je m’étais recentré, mais je suis à présent de retour à ma place naturelle, monsieur le président.
Sourires.
J’aimerais dire quelques mots pour réagir aux propos que le ministre a tenus à l’instant ; cela me permettra également de revenir sur ce qu’il a déclaré tout à l’heure sur la question du seuil.
Je suis pleinement d’accord pour faire confiance au dialogue social. Or, sur la question des seuils, il n’y a pas que la CGT et FO qui y soient favorables, il y a aussi la CFTC et la CGC, soit quatre organisations représentatives des salariés sur cinq.
Jusqu’ici, il était convenu de transposer dans la loi certains accords entre partenaires sociaux dès lors qu’ils étaient signés par une majorité d’organisations syndicales. En l’occurrence, ces dernières se sont déclarées favorables à des repos compensateurs ou à un seuil de compensation en matière de salaire. On ne peut donc pas, d’un côté, se déclarer favorable au dialogue social et, de l’autre, ne pas vouloir prendre en considération la position des organisations représentatives ! Certes, au niveau confédéral, la CFDT a une position différente ; mais, si l’on regarde ce qu’il en est dans les branches concernées, on découvre une réalité bien plus contrastée.
Par ailleurs, force est de reconnaître que, pour le ministre, la note de France Stratégie, organisme placé auprès du Premier ministre, selon laquelle l’extension du travail le dimanche n’aurait pas d’impact économique si elle n’était pas généralisée, tombe fort peu à propos !
Soit dit en passant, on ne peut que saluer la constance de M. Pisani-Ferry dans les notes qu’il publie !
Quoi qu’il en soit, voilà qui vient valider d’autres estimations.
Certes, M. Travert a raison, la loi Macron, c’est mieux que la loi Mallié, grâce à l’accord préalable – heureusement d’ailleurs, sinon nous n’appartiendrions pas à la même formation politique ! Seulement, il ne s’agit pas du seul enjeu.
L’un des arguments en faveur de l’extension du travail le dimanche était son impact économique. Or les effets du dispositif en matière de création d’emploi seront manifestement extrêmement faibles, voire insignifiants.
En outre, je le répète, si le dialogue social fonde véritablement la démarche du Gouvernement, celui-ci doit entendre le point de vue de quatre des cinq organisations représentatives des salariés.
Vous le voyez, monsieur le ministre, il y a matière à travailler sur la question !
Je persiste à penser qu’il s’agit d’un article extrêmement grave, bien plus grave que la loi Mallié que vous dénonciez naguère. Alors que la loi Mallié prévoyait 41 zones, là, il s’agit de 400 ou 500 !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Le terme même de « zone commerciale » se trouve banalisé. Qui plus est, il n’y a plus de critère démographique : une commune relativement petite peut décider de créer une zone commerciale et les communes avoisinantes, soumises à cette concurrence, seront obligées de suivre. Voilà la réalité !
Je peux comprendre, monsieur le ministre, que, pour capter une clientèle étrangère de passage, susceptible d’être attirée par d’autres grandes capitales européennes, on imagine des choses un peu singulières. Mais là, il ne s’agit pas d’une clientèle étrangère, il s’agit d’une clientèle française qui, on le sait depuis plusieurs années, est appauvrie. Ce qui sera dépensé le dimanche ne sera donc pas dépensé, ailleurs, en semaine : il s’agira d’un jeu à somme nulle. Ce qui sera gagné par les uns sera perdu par les autres.
Et ne dites pas que l’on sera dans le domaine du volontariat : vous savez bien que cela concernera essentiellement des femmes payées au SMIC ou presque, qui n’auront guère le choix, et que les élus seront soumis à la pression des commerçants.
Enfin, quelle est la réalité du commerce aujourd’hui ? L’effondrement des commerces de centre-ville, dans toutes les villes moyennes et petites. Voudriez-vous la nier ? Pourquoi vouloir constituer des mini-PUCE un peu partout en France ? On passe de 40 exceptions à 400 ; dès lors, ce ne sont plus des exceptions, cela devient la règle !
Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur le comportement des bailleurs dans les centres commerciaux ; ce qu’a relaté mon collègue Goldberg n’a rien d’exceptionnel. Les conditions imposées par les bailleurs aux commerçants s’agissant des horaires d’ouverture, sans parler des loyers, mettent nombre de boutiques en difficulté : ils les obligent à ouvrir à des horaires où elles ne peuvent pas rentabiliser leur exploitation. C’est là un vrai problème.
Par ailleurs, votre dernière intervention est plutôt étonnante. Vous nous dites : adoptez cet article sans crainte, vu qu’il faudra l’accord préalable et qu’il y aura d’éventuelles compensations, n’importe comment les magasins n’ouvriront pas le dimanche. Bref, vous essayez de nous rassurer en nous certifiant que cela ne marchera pas parce que les conditions seront trop strictes. Mais si cela ne sert à rien économiquement et qu’en plus cela pénalise les salariés, il faut supprimer l’article !
Nous parlons tous, avec raison, au nom des salariés. Certains d’entre eux ne seront en effet jamais volontaires pour travailler le dimanche. Je voudrais cependant vous transmettre le témoignage de quelques-uns, issus de catégories populaires, dont on dit habituellement qu’ils ne souhaiteraient pas travailler le dimanche, mais qui sont venus me voir à plusieurs reprises dans ma permanence pour m’expliquer le contraire.
Je vous en donnerai trois exemples.
Le premier est celui de l’étudiant qui préfère travailler le dimanche plutôt que plusieurs fois dans la semaine, dans un fast-food, de manière fractionnée, en étant moins payé – et ce qui, de surcroît, le gêne dans ses études.
Dans le monde où nous vivons, c’est en tout cas ce que me disent les étudiants.
D’autant qu’il serait question d’une suppression des aides personnalisées au logement pour les étudiants…
Deuxième exemple : l’homme d’âge mûr, qui a divorcé et souhaite travailler un dimanche sur deux parce que le deuxième dimanche, il peut dépenser l’argent qu’il a gagné avec ses enfants et offrir à ceux-ci des loisirs qu’il n’aurait jamais pu leur payer autrement.
Troisièmement, nous sommes tous à parler des familles monoparentales, en soulignant que cette catégorie risque d’être la cible privilégiée de l’employeur, qui leur imposera le travail dominical. Je pensais, comme vous, que ces femmes ne pouvaient pas accepter de travailler le dimanche. Or que disent-elles ? Ceci – je ne prendrai qu’un seul exemple, mais il est particulièrement instructif : « Moi, j’ai deux enfants. Le dimanche, je peux les confier à mes parents, à mon frère, à ma soeur, bref, les laisser dans ma famille. »
À leur père quand il y en a un et qu’il veut bien les garder. En l’occurrence, ce n’était pas le cas.
« Du coup, je peux aller travailler. Je gagne davantage le dimanche. Je bénéficie d’un repos le mercredi. J’ai plus d’argent. Je ne paie pas de nounou pour garder mes enfants le mercredi, et je les vois finalement autant que si je m’étais abstenue de travailler le dimanche. »
Murmures sur les bancs du groupe GDR et sur certains bancs du groupe SRC.
Voilà des exemples de personnes qui ont adapté leur mode de vie aux réalités actuelles et qui sont volontaires pour travailler le dimanche ! Et la vraie garantie de ce volontariat, c’est la réversibilité, qui est prévue par le texte.
Pas du tout ! Il faut arrêter de parler à la place des gens, sans jamais les écouter ; il existe des personnes qui ont une autonomie, une raison et la capacité de penser leur vie sans que nous le fassions à leur place.
Au-delà des questions économiques, il faut donc tenir compte des modes de vie. En Île-de-France, certaines personnes ont des temps de transport particulièrement élevés – trois à quatre heures quotidiennes quand on habite à Sénart, par exemple. Comment fait-on pour faire ses courses quand on rentre à vingt et une heures ? On est obligé de les faire le samedi, tous en même temps. On est déjà pris dans les bouchons en semaine, et cela recommence le samedi, parce que tout le monde va en même temps dans les supermarchés, au judo, au karaté ou à la danse. On demande donc à ces personnes, qui ont vécu une semaine épouvantable, de vivre un week-end tout aussi épouvantable. Pourquoi ne pas écouter ce qu’elles nous demandent, à savoir de pouvoir vivre autrement ?
Dans ma circonscription, il y a un PUCE. Eh bien, on y a ouvert sept ou huit restaurants, qui sont autant de lieux de vie dans un endroit où il n’y a pas de centre-ville, pas de commerces de proximité, et qui, sans cela, serait une ville morte.
Toute la France ne se ressemble pas : il y a des lieux différents, et il faut accepter cette différence, tout comme il faut accepter que certaines personnes demandent que les commerces soient ouverts le dimanche.
À la suite de ces interventions, je souhaiterais apporter trois précisions.
D’abord, madame Buffet, la règle « pas d’accord, pas d’ouverture » vaut pour toutes les zones, y compris celles-ci. Je ne suis pas en train de vous dire : « Dormez, bonnes gens ! ». Je vous précise simplement que ces ouvertures se feront suivant certaines règles : il faut d’abord une demande des élus, ensuite un accord.
Là où les ouvertures auront un sens, du point de vue économique et social, elles se feront. Là où elles n’en auront pas, ce qui sera le cas majoritaire, soit que les gens y perdraient de l’argent, soit qu’on les forcerait sans qu’il y ait de raison économique à cela, cela ne se fera pas.
Monsieur Le Fur, des « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes », cela ne veut pas dire partout. Ne faites pas croire que la disposition pourrait toucher 400 zones ; j’ai rappelé les garde-fous, les contraintes et les obligations préalables.
Quant aux centres-villes, de grâce, ne nous la faites pas – pas à nous ! Qui, grâce à la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et à bien d’autres dispositifs, a revitalisé les centres-villes ? Qui a instauré un plafonnement des loyers – ce qui était nécessaire et n’avait pas été fait ? Qui a réformé les baux commerciaux ? Franchement, cela n’est pas la bonne façon d’aborder le sujet !
Monsieur Hamon, vous pouvez toujours rappeler les positions des organisations syndicales au plan confédéral, il s’agit d’un texte qui relève, non pas de l’article L. I du code du travail, mais du pouvoir régalien. Il est de la responsabilité du Gouvernement de définir les règles sur le sujet. Je crois au dialogue social – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ; nous nous en remettons aux partenaires sociaux pour conclure un accord préalable, mais pas pour faire la loi à notre place ! Il y a eu concertation, celle-ci nous a apporté un éclairage,…
Qui reflète tout de même le sentiment à peu près général des partenaires sociaux !
…que je vous ai donné, et nous en avons dégagé une conviction, mais la décision revient au Gouvernement.
Il y a une confédération qui est d’accord avec nous sur ce point, tandis que d’autres sont plus nuancées que vous le dites. Vous me renvoyez aux branches de ladite confédération, mais je peux vous rendre la pareille : certaines branches de la CGT sont moins hostiles que la confédération sur le sujet.
Il est normal que les discussions aient lieu ; elles ont éclairé le jugement du Gouvernement. Nous fixons un cadre par la loi et nous renvoyons ensuite au dialogue social et aux accords de branche, d’entreprise ou de territoire pour la mise en oeuvre sur le terrain. Mais ce n’est pas la même chose que de s’en remettre aux partenaires sociaux pour faire la loi.
L’équilibre que nous privilégions consiste à considérer que la loi définit une norme, mais qu’elle ne doit pas chercher à fixer tous les détails, en particulier celui du seuil, parce qu’il est plus pertinent de le faire au niveau de la branche ou du territoire. Voilà la position, parfaitement assumée, du Gouvernement. Elle a été débattue en son sein, et elle a fait l’objet d’un échange avec le Conseil d’État, qui a validé cette lecture juridique. Il faut aller jusqu’au bout de l’approche régalienne, tout en reconnaissant qu’il est préférable de définir les modalités d’application à l’échelon des partenaires sociaux et des territoires, plutôt qu’à celui de la loi.
À la suite de l’accord national interprofessionnel, on nous a expliqué que, dans le cadre du dialogue social, c’était aux partenaires sociaux de faire la loi. Quand nous, députés, voulions modifier quelque chose, on nous répondait : « Surtout pas ! C’est le résultat du dialogue social : nous sommes là pour l’accompagner et le transcrire ! ».
Voici que vous dites l’inverse, parce que ça vous arrange, au fond : « Ah, non, là, cela relève du pouvoir régalien ! Alors, les partenaires sociaux, on ne fait que les consulter, ils nous éclairent ! ». Le discours change donc complètement.
D’ailleurs, le régalien, ce devrait être la loi qui se déploie dans toute sa majesté. Or qu’est-ce donc pour vous ? « Eh bien, voilà, on fait des zones, mais pour qu’il y ait des zones, il faut qu’il y ait un accord. » Nous vous invitons, nous, à être régalien en fixant des seuils minimaux, puisque vous n’avez pas voulu, au départ, que les partenaires sociaux travaillent pour définir ce que devraient être les compensions, alors qu’un accord aurait peut-être été trouvé avec le MEDEF.
Si vous dites que ce n’est pas à eux de le faire sur la base d’un accord national interprofessionnel mais que c’est à vous que cela incombe, dans le cadre de votre pouvoir régalien, alors, assumez-le jusqu’au bout, monsieur le ministre, ce pouvoir régalien ! Pas de bonneteau ! Fixez donc des seuils minimaux et, ensuite, laissez les partenaires sociaux accompagner cela, mais vous ne pouvez pas invoquer le pouvoir régalien pour, in fine, ne pas en user. Mais peut-être ne le faites-vous et peut-être n’avez-vous voulu passer par la loi que parce qu’une majorité de confédérations étaient hostiles à votre projet en la matière.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je suis ravi que ce texte nous rapproche, vous, d’une fédération de la CGT et, moi, d’une fédération de la CFDT. Comme quoi…
Eh bien, oui ! C’est formidable ! Comme quoi la discussion nous permet d’avancer, l’un et l’autre.
Quant au discours sur les légitimités respectives du contrat et de la loi, article L. 1 ou pas… Honnêtement, la question est politique, il ne faut pas me répondre en invoquant le fait que cela relève de l’article L. 1 ou pas. Il m’est arrivé de faire le même genre de réponses quand j’étais assis à votre place, monsieur le ministre, mais ce n’est pas forcément le genre de réponses politiques qu’on peut attendre, surtout sur de tels sujets.
Je vous le répète : aujourd’hui, la position que vous défendez souffre d’un authentique déficit de légitimité sociale, en rapport avec un déficit de soutien des organisations syndicales. Et, dès lors que vous inscrivez votre action dans une démarche visant à parvenir à un accord social, il me semble que nous pouvons avancer sur la question du seuil – pardonnez-moi de le répéter, je suis têtu. Nous ne sommes pas obligés de le fixer à deux fois le salaire, mais cela nous permettrait de parvenir à un accord, au sein de la majorité, sur vos propositions de réforme.
Je me tourne en même temps vers le rapporteur thématique et vers le rapporteur général de la commission spéciale pour leur dire que c’est le sens de ma proposition, que je réitère.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 2850 .
Nous prolongeons ce débat sur les zones commerciales. Comme un certain nombre de collègues l’ont rappelé avant moi, il s’agit effectivement là d’un des articles clés de cette partie du texte sur le travail dominical. En réalité, la question n’est pas tant celle des cinq ou des douze dimanches que celle des cinquante-deux, parce que, dans ces zones commerciales, c’est bien cinquante-deux dimanches par an que l’on pourra travailler.
Le problème est que, dans leur formulation actuelle, les critères de définition de ces zones commerciales sont extrêmement flous. Ils ne permettent pas aujourd’hui de connaître l’étendue de ces zones.
Il s’agit donc, ici, de considérer, dans le prolongement de la discussion que nous venons d’avoir sur le rôle du pouvoir régalien, que doivent être inscrites noir sur blanc dans le texte de la loi – la loi que nous débattons et que nous écrivons ici, en tant que parlementaires – les garanties relatives à la détermination des futures zones. Un certain nombre de critères doivent donc être fixés. C’est l’objet de cet amendement, par lequel nous proposons d’en retenir qui sont inspirés soit de recommandations de la CFDT soit de préconisations du rapport Bailly. Sont notamment évoqués « une prédominance de commerce non-alimentaire », « une population minimale de l’unité urbaine », un nombre minimal de visites par an et « l’adhésion minimum de 50 % des commerçants du périmètre ».
Ces critères sont tout à fait perfectibles, j’en suis tout à fait consciente, et ils peuvent évidemment être discutés. Nous sommes ouverts aux propositions de modification, mais vous avez bien compris la philosophie de cet amendement : l’idée est d’inscrire un certain nombre de critères dans la loi, car il s’agit de s’assurer que la démarche consiste, non pas à généraliser le travail dominical, mais bien à contenir son extension dans un certain périmètre.
Madame la députée, vous proposez d’énumérer dans la loi des critères qui président à la constitution et à la délimitation des zones commerciales. Je n’y suis pas favorable, puisque ces modalités seront édictées par voie réglementaire. D’ailleurs, il est déjà prévu de retenir la plupart des critères que vous proposez. C’est le cas, notamment, des critères d’accessibilité routière et, bien évidemment, d’adhésion des commerçants de la zone considérée. Toutefois, un certain nombre d’autres semblent discutables : le seuil de population minimale fixé à un million d’habitants est actuellement retenu pour les PUCE, tandis que le seuil de vingt millions de visiteurs semble très élevé – le rapport Bailly préconisait un seuil de trois millions de visites.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Même avis.
Je voterai l’amendement de notre collègue Carrey-Conte qui a, au moins, le mérite de fixer quelques limites. Notre collègue reprend en fait des critères qui sont à peu près ceux des PUCE. En tout état de cause, je trouve intéressant de retenir un seuil d’un million d’habitants dans l’agglomération. En revanche, je trouve très inquiétants les propos du rapporteur thématique, qui nous dit très explicitement que le projet ne s’inscrit pas dans cette logique d’exception. Cela veut dire que les zones commerciales se répandront sur l’ensemble du territoire, ces zones dont le nom même aboutit à une banalisation des cinquante-deux dimanches travaillés. Demain, la zone commerciale sera la norme !
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si la démographie de l’agglomération sera prise en compte parmi les critères fixés par voie réglementaire.
Comme je l’ai dit il y a un instant, je conçois tout à fait qu’un certain nombre de critères soient discutables et puissent être amendés, notamment celui des vingt millions de visites. Je suis donc tout à fait prête à ce qu’on prenne le temps nécessaire pour trouver un seuil intermédiaire.
Cependant, puisque vous nous dites, monsieur le rapporteur thématique, qu’un certain nombre des critères que nous proposons par cet amendement seront retenus parmi les critères fixés par voie réglementaire, je ne comprends pas pourquoi vous n’acceptez pas que l’on s’évite un certain nombre de débats entre nous et un certain nombre d’inquiétudes dont vous nous dites qu’elles ne sont pas fondées. Si elles ne le sont pas, pourquoi ne pas inscrire ces critères dans cette loi qu’il nous incombe d’écrire ? C’est notre rôle de parlementaires, et nous serions sûrs que le dispositif proposé ne s’inscrit pas dans une logique d’extension encore plus large du travail dominical.
La loi ne peut pas être bavarde à ce point, chère collègue, et, dès lors que nous souhaitons fixer ces critères par voie réglementaire, nous ne les inscrivons pas dans la loi. Faisons confiance à celles et ceux qui, demain, auront à arrêter ces critères. Nous pouvons les guider, par la discussion que nous avons aujourd’hui, mais le choix a été fait de fixer ces critères non dans la loi mais par voie réglementaire. Je réitère donc mon avis défavorable.
J’ai bien entendu ce que vous dites, et nous sommes toujours ouverts à la discussion, mais dès lors que nous refusons le principe même de l’inscription des critères dans la loi, je ne vois pas comment nous pourrions aller plus avant.
Le texte de cet article 74 dispose que l’on pourra constituer une zone commerciale là où la demande est particulièrement importante. M. le rapporteur thématique, avec sa sincérité, dont je le remercie, nous dit que les critères dont nous parlons seront fixés par décret. Cependant, d’après ce que j’en sais, les décrets ne peuvent aller au-delà de ce que la loi permet – c’est tout ce qui fait la spécificité de l’exercice du pouvoir réglementaire par rapport à notre travail législatif. Je ne vois donc pas comment la mention d’une demande potentielle particulièrement importante permettra de reprendre les préconisations du rapport Bailly, que vous rappelez en toute transparence dans votre rapport – je pose vraiment là une question, très sincèrement. Je pense, par exemple, au critère densité commerciale, par exemple, avec 20 000 mètres carrés hors commerce alimentaire, à l’attractivité, avec 3 millions de visiteurs par an, à l’adhésion de 50 % des commerçants et à l’adhésion des salariés. L’article 74 du projet de loi, dans sa rédaction actuelle, permettra-t-il seulement de retenir ces critères ?
L’amendement no 2850 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à répondre à une problématique que soulève également un amendement de nos collègues du groupe UDI et qui concerne les zones frontalières. Celles-ci sont soumises à une concurrence commerciale très forte. La définition des PUCE prenait en compte le caractère transfrontalier d’une zone, et il serait regrettable de ne plus pouvoir en tenir compte à l’avenir. En tout cas, ce n’est pas l’esprit du texte.
C’est pourquoi nous proposons par cet amendement de préciser que la délimitation des zones commerciales tiendra compte, le cas échéant, de la proximité immédiate d’une zone frontalière. Dans ce cas, comme pour les autres zones commerciales, le maire de la commune concernée ou le président de l’EPCI fera une demande, et c’est le préfet, après consultation des chambres de commerce et des partenaires sociaux, qui prendra une décision. Bien sûr, en l’absence d’accord, l’ouverture dominicale ne sera pas possible. Je ne reviens pas non plus sur la question des compensations, que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1453 .
Je remercie le rapporteur d’avoir repris l’amendement du groupe UDI et d’en souligner la pertinence en expliquant la problématique des zones frontalières. Nous le devons à notre collègue Francis Vercamer, maire de Hem. Et que se passe-t-il lorsqu’on traverse la rue, à Hem ? Eh bien, on passe en Belgique. Et que se passe-t-il de l’autre côté de la rue ? Eh bien, comme vous le savez, monsieur le rapporteur thématique, les commerçants sont tout simplement libres d’offrir à leurs employés le jour de repos qu’ils veulent dans la semaine et d’ouvrir leur commerce cinquante-deux dimanches sur cinquante-deux. C’est là une véritable situation de concurrence déloyale – vous venez d’y faire référence –, au détriment des commerçants français.
Comme vous l’avez souligné, il est indispensable que les acteurs locaux, en particulier les élus locaux soient associés à la définition des critères d’ouverture, en accord avec les partenaires sociaux et en fonction des équilibres géographiques, mais lorsqu’il y a de l’activité à encourager, eh bien, autant laisser la plus grande liberté, et offrir à ceux qui le souhaitent la possibilité d’ouvrir le dimanche. Pour les consommateurs, le choix est assez simple : de l’autre côté de la rue, une possibilité leur est offerte. Pourquoi la France se priverait-elle de cette possibilité-là, si elle recherche de la croissance, de l’emploi, de l’activité ?
L’avantage, monsieur le ministre, de laisser aux préfets le soin de délimiter les zones, c’est qu’une réponse spécifique peut être apportée pour chaque zone frontalière, en fonction de l’exposition à la concurrence, à laquelle nous faisions référence. Si vous êtes à la frontière belge, il peut être opportun d’ouvrir cinquante-deux dimanches par an. À la frontière luxembourgeoise ou allemande, eh bien, ce n’est pas le même nombre de dimanches d’ouverture qu’il faudra autoriser, si un accord est trouvé avec les salariés.
Il est important, monsieur le ministre, qu’il soit fait référence dans ce texte à la notion de zone frontalière. Aux termes de notre amendement, la décision d’autoriser l’ouverture des commerces un certain nombre de dimanches par an revient, je le répète, aux préfets, après l’accord de toutes les parties concernées. La délimitation en est tracée avec l’accord, naturellement, des maires ou des présidents d’agglomération ou de communautés de communes, d’EPCI donc. En tout cas, ne nous exposons pas à une concurrence déloyale préjudiciable, car cela contreviendrait à l’esprit dont procède votre loi.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements en discussion commune ?
Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 2030 de M. le rapporteur, et donc défavorable à l’amendement no 1453 de M. Vigier.
Je voudrais, par courtoisie, répondre à la question posée à la fois par M. Le Fur et par Mme Carrey-Conte à propos des critères. Ceux qui étaient proposés étaient en effet trop restrictifs : on ne peut pas, par la loi, définir un critère démographique.
Je répète que l’objectif du Gouvernement est d’aboutir à des zones cohérentes, en reprenant le modèle actuel des PUCE, en ajustant leurs limites, et en évaluant la demande potentielle – qui doit être, aux termes de ce projet de loi, « particulièrement importante ». Il serait très délicat de chiffrer la fréquentation, car les zones ont des physionomies variables. Les critères, qui seront fixés par décret en Conseil d’État, définiront ce potentiel, en particulier à proximité des zones existantes.
L’amendement no 2030 de M. le rapporteur thématique reprend l’esprit de votre amendement, monsieur Vigier. J’y suis favorable.
Merci pour ces explications, monsieur le ministre. J’en retiendrai simplement deux choses. D’abord, vous nous dites qu’on ne peut pas, par la loi, fixer de critère démographique. Ce n’est pas vrai, on peut très bien le faire ; c’est d’ailleurs ce que nous avons fait, en 2009, en créant les PUCE, qui ne pouvaient être situés que dans des unités urbaines de plus d’un million d’habitants. Cela permettait de résoudre un certain nombre de problèmes – vous connaissez le problème de Plan de Campagne, c’est une réalité – et d’éviter que ces problèmes se développent.
Ensuite, ce projet de loi ne fixe pas de critère démographique et, si je vous entends bien, vous n’envisagez pas d’en fixer non plus par le règlement. Cela signifie que ce type d’exception se répandra sur le territoire ; quand certains auront commencé, la pression sur les autres sera telle que ces exceptions se multiplieront. En effet, vous proposez de tenir compte non pas uniquement de la réalité, mais aussi des perspectives, du potentiel commercial. Ces périmètres vont donc se multiplier, et je ne vois pas ce qui, dans ce projet de loi, pourrait y faire obstacle. Pis encore, à vous entendre, vous n’envisagez pas de prendre des mesures réglementaires qui y feraient obstacle.
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
L’article 74, amendé, est adopté.
Nous venons d’avoir une très longue discussion à propos des différents types de zones que ce projet de loi vise à instituer. Je remarque que les zones touristiques internationales n’ont pas suscité un enthousiasme délirant chez ceux qui pourraient y avoir intérêt, en particulier les Parisiens. Par ailleurs, la discussion que nous avons eue sur les zones touristiques montre bien qu’en définitive, les PUCE n’étaient pas une mauvaise solution. Ils étaient assortis d’un certain nombre de critères, de limitations, qui permettaient d’éviter des problèmes. Ils permettaient également de prendre en compte les enjeux des territoires frontaliers. En fin de compte, nous avons consacré beaucoup de temps à examiner ces nouvelles dispositions, alors que nous aurions pu nous contenter de conserver la loi Mallié,…
…qui permettait, à mon avis, d’atteindre les objectifs fixés.
Cela étant, l’article 75, que nous allons à présent examiner, pose lui aussi des problèmes.
Monsieur le ministre, vous avez régulièrement insisté sur le pouvoir des maires dans les décisions, lesquelles seront, au bout du compte, prises par les préfets. De quels préfets s’agit-il ? Des préfets de région. Or je pense qu’ils sont considérablement plus éloignés de ces enjeux que les préfets de département. Cette question doit être replacée dans un cadre beaucoup large : le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit projet de loi NOTRe, sera examiné en séance publique la semaine prochaine, et nous ne savons pas encore quels seront les effets de ce texte sur les départements et les régions.
Je voudrais savoir pourquoi vous avez choisi de confier ce pouvoir aux préfets de région : ce n’est certainement pas le choix le plus pragmatique.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 97 , qui vise à supprimer l’article.
Comme l’a très bien dit notre collègue Gérard Cherpion, tout cela relève d’un jacobinisme avoué ! D’ailleurs, le projet de loi NOTRe concerne les départements et les régions, sans décentraliser la moindre compétence. Il y aura des échanges de compétences entre les départements et les régions, mais aucune décentralisation de compétences de l’État vers les collectivités.
Je regrette cette logique gouvernementale, car je m’inscris dans une autre tradition, beaucoup plus décentralisatrice. Je constate que la tradition jacobine très centralisatrice, dans laquelle le Gouvernement s’inscrit, imprime sa marque sur l’organisation commerciale. Vous en faites une arme pour faire disparaître le repos dominical, ou l’assortir d’exceptions si importantes qu’il ne sera plus la règle : je le regrette.
L’amendement no 97 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2647 .
L’amendement no 2647 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 760 .
Cet amendement concerne le problème que j’évoquais dans mon intervention sur l’article. Il vise à confier aux préfets de département le pouvoir de décision qui, en l’état actuel du projet de loi, revient aux préfets de région.
Les préfets de région ont déjà la main sur les PUCE : il est donc logique qu’ils la gardent sur les zones commerciales. Quant aux zones touristiques, cette compétence est à l’heure actuelle partagée entre les communes et les régions : il semble donc, là encore, que la compétence du préfet de région soit la plus adaptée. Ne préjugeons pas de la rédaction qui sera adoptée dans le cadre du projet de loi NOTRe ; la commission est donc défavorable à cet amendement.
Je vais répondre à la fois à cet amendement, et à l’amendement de suppression défendu par M. Le Fur, sur lequel je suis passé rapidement il y a quelques instants. Puisque le projet de loi NOTRe confie à la région l’élaboration du schéma de développement touristique, le Gouvernement estime logique que la création de ces zones relève du niveau régional de l’organisation de l’État. Naturellement, les services de l’État s’appuieront en tant que de besoin sur l’échelon départemental pour l’instruction du dossier. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 760 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 2238 .
Il semble difficile d’inclure, dans l’étude d’impact sur l’opportunité de la création d’une zone géographique dérogatoire en matière de repos dominical, les éléments que vous demandez. Cela relève plutôt, à mon sens, des accords de branche, d’entreprise ou d’établissement, ou des accords territoriaux. Ces accords collectifs devront obligatoirement être conclus dans ces zones, car ils conditionnent la dérogation aux règles du repos dominical ; conclus au plus près des salariés, ils peuvent comporter ce genre de données, quitte à en organiser spécifiquement le suivi.
Qui plus est, en toute rigueur, l’impact sur les salariés ne peut être mesuré qu’a posteriori. Il est difficile de l’évaluer a priori, à plus forte raison si cette évaluation incombe aux maires ou aux présidents d’EPCI. Je vous demande donc de retirer cet amendement.
Même avis.
L’amendement no 2238 est retiré.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 761 .
Vous nous avez confirmé que le préfet de région aura le soin de déterminer les nouvelles zones touristiques et zones commerciales, après organisation d’un dialogue territorial. Cet amendement vise à préciser que le rôle du préfet consiste bien à délimiter – ou à modifier, le cas échéant – les zones concernées, dans les termes de la demande formulée par les élus locaux. L’objectif est d’éviter que les élus demandeurs se voient imposer une délimitation ou une modification finale éloignée de leur demande initiale. Je reviens à ce que vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre : le pouvoir doit rester aux élus.
L’esprit du projet de loi est de laisser au préfet toute latitude. Vous voulez, au contraire, lui lier les mains. La commission est donc défavorable à votre amendement.
L’amendement no 761 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 762 .
Cet amendement représente mon ultime tentative pour faire évoluer les choses concernant le préfet de région. Vous voyez que je suis tenace, monsieur le ministre !
Sourires.
Aux termes de cet amendement, en cas de refus de la demande de délimitation ou de modification d’une zone par le représentant de l’État, celui-ci doit motiver sa décision par écrit, afin de faciliter la formulation éventuelle de demandes ultérieures.
Je profite de cette intervention pour solliciter, pour l’examen de l’article 76, les dix minutes supplémentaires de temps de parole qui sont accordées à chaque groupe en application de l’article 55, alinéa 6, du règlement, dans la mesure où des amendements ont été déposés hors délai.
Votre amendement vise à faire en sorte que le préfet de région qui refuserait d’accéder à une demande de délimitation ou de modification d’une zone soit tenu de motiver par écrit son refus. L’encadrement de la procédure que nous avons proposé en commission spéciale est largement suffisant : il est prévu que le préfet instruise la demande dans les six mois pour une création de zone et dans les trois mois pour une modification de zone. Quelle qu’en soit l’issue, comme toute décision administrative, celle-ci est contestable devant la justice. Il n’y a donc pas lieu de prévoir des dispositions spécifiques en la matière. J’émets un avis défavorable.
L’amendement no 762 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 75, amendé, est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée, le samedi 14 février, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly