Tout en étant du même avis que Mme la rapporteure, j'irai plus loin dans la discussion.
Je partage l'inquiétude liée au développement sur de nombreux sites Internet de discours apologétiques ou provoquant le passage à l'acte terroriste, vecteurs de radicalisation qui peuvent relever du statut spécifique de la loi de 1881. L'encadrement de l'exercice de cette liberté ne peut plus s'apprécier, aujourd'hui, comme il s'appréciait au temps où la libre expression de la pensée avait pour vecteur l'imprimerie. Nous l'avons tous souligné, Internet représente une force de frappe d'une portée jamais égalée, car il permet de toucher en quelques secondes des milliers voire millions de personnes, au besoin de façon totalement anonyme. L'apologie du terrorisme sur Internet n'est donc plus seulement un usage abusif de la liberté d'expression, c'est un acte grave inscrit dans une stratégie de combat participant d'une activité terroriste à part entière.
Qu'il me soit d'ailleurs permis, au moment où nous parlons de la liberté de la presse, de rendre hommage, à Erik Izraelewicz, le directeur du Monde, qui est décédé cet après-midi. Ceux qui le connaissaient savent qu'il aurait, sans aucun doute, voulu participer à ce type de débat qui pose des défis redoutables à notre démocratie et, évidemment, à la presse et à des grands journaux comme celui qu'il dirigeait.
Au-delà des seuls délits de la presse, c'est, pour moi, l'ensemble de la cybercriminalité qui est évidemment un chantier prioritaire. C'est pourquoi j'ai demandé à mes services d'en faire un axe principal de leur action, d'abord dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et, plus largement, dans le domaine de la lutte contre toute forme de délinquance sur internet.
Je suis ouvert au débat que vous avez posé, monsieur Goujon. Je pourrais même apporter de l'eau à votre moulin en vous faisant part des remarques que Christine Lazerges, laquelle préside au destin de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, m'a adressées s'agissant de ce projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. Elle reconnaît en effet, dans le courrier qu'elle m'a adressé, que, lorsque le législateur veut incriminer spécifiquement certains comportements en rapport plus moins lointain avec la communication et les réprimer fermement, il est préférable qu'il le fasse dans le cadre du code pénal et non dans celui de la loi de 1881 qui, d'une certaine manière, y perdrait son âme.
J'ai toutefois le sentiment, et je le regrette, que le débat n'est pas encore suffisamment mûr pour aller plus loin. Je ne doute pas que nous y parviendrons parce que, sur ce sujet, comme sur d'autres, nous devons trouver les armes les plus fortes et les plus positives. Mme la rapporteure vient de le rappeler, nous avons, avec Christiane Taubira, défini le cadre dans lequel nous devons agir. Mais nous avons besoin de travailler davantage. D'autres rendez-vous nous permettront de poursuivre ce débat.