Nous en arrivons à l’examen d’un article important – nous avons d’ailleurs attendu longtemps – portant sur la réforme des prud’hommes. C’est d’ailleurs la troisième fois que nous examinons ce sujet en moins d’un an. Il aurait mérité un examen particulier, mais nous le verrons à nouveau dans le cadre de la loi sur la justice du 21ème siècle ; nous serons donc amenés à en reparler.
Cette réforme des prud’hommes court-circuite une procédure habituelle à deux titres : tout d’abord, en prévoyant la possible composition d’un bureau de jugement restreint, qui compte deux conseillers prud’homaux au lieu de quatre, pour les dossiers de licenciement ; puis par le passage quasi automatique du bureau de conciliation au juge professionnel, qui fait sauter l’étape du bureau de jugement. C’est donc un changement considérable.
Cette réforme va vers l’échevinage. Il est clair que le Gouvernement veut faire des prud’hommes un système identique aux tribunaux des affaires de Sécurité sociale, puisqu’il préconise un juge et deux assesseurs. On voit bien le résultat dans les tribunaux aux affaires de Sécurité sociale : le juge décide et les assesseurs opinent. Pourtant les préconisations du rapport Marshall ont provoqué un tollé général. L’échevinage sort par la porte, mais on le fait rentrer par la fenêtre, au mépris des acteurs concernés.
La phase du bureau de jugement dans sa formation normale est évacuée, le recours au juge professionnel devient la norme. Il ne remplit plus seulement son rôle de juge départiteur, c’est la fin de la justice paritaire. C’est bien dommage : lorsque l’on parle de dialogue social à longueur de journée, il faudrait respecter cette justice paritaire.
Enfin, cette réforme ne résout en rien le problème des délais. Ces derniers explosent précisément quand l’affaire est renvoyée en départage, et on ne la réglera pas à moins d’augmenter significativement le nombre de juges professionnels et de faire de la justice du travail une justice comme les autres, mais dans ce cas, avec quels moyens ?
Les vraies questions ne sont pas traitées, et justement la question des moyens en fait partie. L’allongement des délais, quand il n’est pas dû au départage, est majoritairement dû au manque de moyens de la juridiction : manque de greffiers, manque de personnel administratif, manque de moyens matériels et financiers. L’absence d’un greffier suffit à faire renvoyer une affaire. Sur tous ces points, le projet de loi reste muet.