La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance et l’activité (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de vingt-quatre minutes pour le groupe SRC, dont 95 amendements sont en discussion ; vingt-sept minutes pour le groupe UMP, dont 184 amendements sont en discussion ; une heure et vingt-sept minutes pour le groupe UDI, dont 39 amendements sont en discussion ; une heure et cinquante-sept minutes pour le groupe RRDP, dont 14 amendements sont en discussion ; trente et une minutes pour le groupe écologiste, dont 14 amendements sont en discussion ; trente-trois minutes pour le groupe GDR, dont 18 amendements sont en discussion, et trois minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 37 à l’article 80.
Un rappel au règlement, monsieur le président, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, afin de signaler que le temps de débat est notoirement insuffisant pour traiter l’ensemble des sujets couverts par le titre III. Dans le cadre de la procédure du temps législatif programmé, les présidents de groupe, dans leur majorité, ont accepté que leur temps de parole personnel soit dévolu aux membres de leur groupe.
Pour la bonne organisation des débats, et pour se faire une idée de l’heure à laquelle ce débat s’achèvera, je souhaiterais savoir si le président du groupe SRC compte, lui aussi, confier le temps de parole personnel qui lui reste à l’ensemble des parlementaires de son groupe.
Nous verrons alors de manière plus précise quelle stratégie adopter cet après-midi.
C’est une adresse au président du groupe SRC, auquel, pour le bon déroulement de nos débats, je donne la parole. Nous entrerons ensuite dans le vif du sujet !
Cette question, monsieur le président, me permet de souligner que M. Poisson a pu bénéficier des deux heures de temps de parole dévolues au président de son groupe, car M. Jacob n’en a pas utilisé une seule minute, dans ce débat pourtant d’importance. Il se trouve que j’y assiste depuis la première séance…
… non pour faire acte de présence, mais pour assurer jusqu’au bout la possibilité de défendre les amendements restants, sur le temps de parole du président du groupe majoritaire.
Les membres de mon groupe ont eu largement le temps, pour certains, de s’exprimer mais, compte tenu des sujets que nous devons encore aborder, le temps de parole sera peut-être insuffisant. Je réglerai le moment venu la question de la répartition de mon temps de parole, mais c’est là l’affaire de la majorité. Je vous conseille, pour ma part, de bien utiliser les quelque vingt-sept minutes qui vous restent !
Mes chers collègues, vous avez bien conscience que, si tout se passe bien, nous pourrons terminer la discussion dans la nuit ; cela permettra à chacun de profiter du dimanche pour fêter, avec celui ou celle qu’il aime, la Saint-Valentin !
Sourires.
Je suis saisi de six amendements, nos 37, 38, 40, 41, 1924 et 1923, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour les soutenir.
Des six amendements en discussion commune, je défendrai plus particulièrement l’amendement no 1924, qui vise à faire évoluer le dispositif. J’ai voté ce matin contre les amendements de suppression de l’article 80 et, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, quel que soit le sort de mes amendements, je voterai l’article 80, car je considère qu’il va plus loin que la loi Mallié.
Pour autant, et je le dis à la majorité qui continue d’en débattre en son sein, nous devons aller plus loin encore et donner davantage de liberté, en utilisant la voie du référendum. Dans cet esprit, l’amendement no 1924 propose de maintenir les cinq dérogations au repos dominical accordées par le maire et de créer un droit de tirage pour tout établissement de commerce de détail.
Cette disposition permettrait à tout commerçant qui le considérerait nécessaire, pour des raisons de concurrence notamment, d’ouvrir jusqu’à sept dimanches par an, indépendamment du lieu ou du secteur d’activité. Les salariés travaillant le dimanche bénéficieraient de contreparties fixées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les dérogations sur un fondement géographique.
Cette dérogation serait approuvée par un référendum organisé auprès des personnels concernés. De fait, lorsque les discussions avec les organisations syndicales n’aboutissent pas et qu’il y a blocage, la parole doit être donnée aux salariés.
Je reviens sur la condamnation en appel de Bricorama à une astreinte. L’enseigne devra verser 500 000 euros au syndicat qui l’attaquait, une somme prélevée sur la collectivité de l’entreprise, donc sur les salariés, qui pourtant voulaient travailler le dimanche ! C’est ubuesque, mais c’est ainsi en France. Les Français, à 65 %, veulent plus de souplesse, les candidats à la dernière présidentielle s’étaient engagés à assouplir la législation et pourtant, nous sommes en retrait par rapport au rapport Bailly, qui avait trouvé un point d’équilibre. Je le regrette et je souhaiterais que nous allions plus loin – c’est le sens de ces amendements. Mais je voterai l’article 80, qui constitue une avancée par rapport à la loi que nous avions votée.
Je considère que les amendements no 37, 38, 40, 41, 1924 et 1923 ont été défendus.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Avant toute chose, je souhaite rappeler la règle qui prévaudra pour les « dimanches du maire ». Le maire pourra fixer jusqu’à cinq dimanches ; au-delà, un avis conforme de l’EPCI sera nécessaire. Les salariés bénéficieront d’un doublement de leur rémunération et d’un repos compensateur.
Dans vos amendements, monsieur le député, vous proposez de moduler le nombre de dimanches en fonction de la taille de la commune, et de laisser un droit de tirage aux commerçants. Il faudrait pour cela entrer très loin dans le détail, ce qui n’est pas du ressort de la loi. Nous avons fait le choix de renvoyer la responsabilité aux territoires, donc aux élus locaux. Désormais, la décision fera l’objet d’un débat au sein du conseil municipal et les EPCI seront consultés pour la cohérence territoriale.
Certains de vos amendements prévoient des seuils, en fonction desquels le nombre de ces dimanches serait fixé. La commission spéciale n’a pas souhaité poser ce genre de limite, mais laisser aux territoires et à leurs élus une entière liberté. Ceux-ci seront mieux placés pour déterminer le nombre de dimanches ouvrables en fonction des spécificités locales. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Dans le cas des zones touristiques internationales, des zones touristiques ou des zones commerciales, l’accord social est un préalable à toute ouverture dominicale. Nous en avons débattu, notre souhait est d’aller jusqu’au bout de la logique : pas d’accord, pas d’ouverture. Pour autant, cet accord ne saurait être remplacé par une décision unilatérale, prise sur la base d’un référendum.
L’article dont nous discutons concerne les dimanches du maire, pour lesquels l’accord d’entreprise, de branche ou de territoire n’est pas nécessaire. L’amendement no 1924 est donc sans objet, même si vous avez pu en défendre la philosophie sur un article précédent. Avis défavorable.
Monsieur le ministre, si un droit de tirage est créé pour les commerçants, c’est bien au niveau du commerce qu’il faudra décider des conditions de l’ouverture dominicale. Je propose que cela puisse se faire par référendum.
Cela me permet de rappeler qu’à l’époque où j’étais secrétaire d’État, les commerçants nantais défilaient dans mon bureau car le maire de Nantes refusait d’accorder le moindre dimanche, y compris celui précédant Noël.
J’ai bien compris que des réticences s’étaient exprimées dans votre majorité et que c’était la raison pour laquelle vous ne pouviez aller plus loin. Je voterai tout de même l’article 80, car il constitue une avancée par rapport à la loi Mallié. Mais ce texte, malheureusement, ne réglera pas la situation de commerçants qui se trouvent entravés dans leur volonté de développer leur activité, de créer des emplois, de créer de la croissance.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Aujourd’hui, le maire n’est plus isolé dans cette réflexion puisqu’il doit consulter le conseil municipal avant de prendre sa décision. Ce n’est pas un homme seul, potentiellement soumis à un intérêt, mais un collectif qui déterminera la décision que le maire exécutera ensuite.
Les amendements nos 37, 38, 40, 41, 1924 et 1923, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements, nos 39, 1926 et 1925, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour les soutenir.
Les amendements nos 39, 1926 et 1925, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 766 et 2191.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 766.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 6 de l’article 80, même si la consultation du conseil municipal représente une avancée. Nous en avons suffisamment discuté ce matin mais nous sommes opposés par principe au passage de cinq à douze dimanches ouvrables.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 2191.
Cet amendement vise à conserver inchangé le nombre de dimanches travaillés sur autorisation du maire. Le repos dominical est une règle importante qui structure le temps social. Chaque exception doit se justifier par de solides motifs d’intérêt général qui manquent, en l’espèce, pour expliquer l’extension des ouvertures commerciales de la grande distribution.
En tant que député du Mouvement républicain et citoyen, je considère qu’une telle mesure contribue à dérégler les temps sociaux. Pour relancer la croissance et l’activité, monsieur le ministre, vous feriez mieux d’utiliser des leviers qui ne l’ont pas été suffisamment jusqu’à présent. Je pense bien évidemment à la politique monétaire et budgétaire de la France et au travail que nous devons mener à l’échelon européen. J’en prends d’ailleurs à témoin le Premier ministre qui vient d’arriver. Le débat sur la situation de la Grèce nous encourage à ouvrir ce champ qui offre des perspectives bien plus pertinentes que ce projet de loi pour créer de la richesse, de la croissance et de l’activité.
J’en profite pour saluer M. le Premier ministre qui vient de nous rejoindre. Messieurs les députés, vous avez souhaité supprimer la possibilité d’ouverture au-delà des cinq dimanches accordés par le maire. Nous n’avons pas choisi cette voie et, de surcroît, nous sommes revenus sur le caractère obligatoire de la désignation, par le maire, de cinq dimanches par an.
Suite à l’adoption d’un amendement en commission spéciale, il est laissé aux maires une entière latitude pour choisir le nombre des dimanches d’ouverture, entre zéro et douze, après avis du conseil municipal et de l’EPCI lorsque le nombre de dimanches d’ouverture envisagé excède sept, afin de tenir compte des spécificités de chaque territoire.
Faisons confiance aux élus locaux et laissons-les décider de la manière dont doivent être régis leurs territoires. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos 766 et 2191, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 1597.
Je n’ai pas voté la suppression de l’article 80 car le fait que la désignation d’un certain nombre de dimanches d’ouverture ne soit plus obligatoire m’apparaissait comme un réel progrès. Au passage, parler des « dimanches du maire » est ambigu, car on pourrait croire que tous les maires partent le dimanche alors que bien souvent, ils travaillent, surtout dans les petites communes. Il me semble que cinq dimanches d’ouverture suffiraient largement, car la plupart des communes n’en désignent pas autant. Restons-en à cinq, même s’il n’y a pas de raison scientifique de retenir ce seuil plutôt que douze, huit ou sept.
Madame la députée, vous avez raison. Sur certains territoires, cinq dimanches, c’est trop….
… c’est pourquoi nous laissons aux maires la possibilité d’en ouvrir moins. En revanche, d’autres territoires, en particulier périurbains, peuvent avoir besoin d’aller au-delà et il est nécessaire d’en donner la possibilité au maire pour ne pas avoir à créer une nouvelle zone touristique où il deviendrait possible, pour le coup, d’ouvrir cinquante-deux dimanches par an, ce qui serait excessif au regard des besoins du territoire.
Avis défavorable. Nous souhaitons faire une entière confiance aux élus locaux.
Je comprends bien que, dans votre commune, madame Guittet, il ne soit pas nécessaire d’accorder plus de cinq ouvertures le dimanche par an mais le travail de M. Bailly a fait ressortir, dans d’autres communes où se trouvent des zones d’activité économique qui, sans être pour autant des zones commerciales ou des zones touristiques, sont plus intenses, le besoin d’ouvrir entre dix et quinze dimanches par an. Ironie du sort, il cite même dans son rapport le jour de la Saint-Valentin qui nous réunit aujourd’hui
sourires
mais d’autres fêtes justifient également d’ouvrir le dimanche.
Ce besoin a pu se faire ressentir à un point tel que certaines villes, dont nous avons parlé hier, ont demandé à être classées en zone touristique afin de pouvoir ouvrir cinquante-deux dimanches par an, sans que cela ait réellement du sens. Dans l’intérêt de la collectivité et des salariés, il est nécessaire que le maire puisse choisir d’autoriser l’ouverture douze dimanches, ou bien deux ou trois, voire pas du tout.
Cette liberté leur est offerte. Vous avez d’ailleurs souhaité revenir en commission spéciale sur les cinq dimanches obligatoires, ce qui était une bonne mesure. Nous avons de notre côté décidé de ne pas suivre le rapport Bailly qui préconisait de laisser les commerçants choisir cinq à sept dimanches d’ouverture par an car nous avons voulu que les élus locaux conservent le contrôle plein et entier du dispositif.
Parallèlement, pour conserver l’équilibre des territoires et une certaine coopération, l’avis de l’EPCI devra être sollicité au-delà de cinq dimanches ouvrables. Nous discuterons également, tout à l’heure, du schéma de cohérence territoriale. Cet ensemble pertinent de règles permet à un élu qui n’est plus livré à lui-même, comme le disait le président Brottes, mais éclairé par son conseil municipal, de prendre, dans la plus grande transparence, des décisions qui respectent l’équilibre des territoires. Ce dispositif répond à l’ensemble de vos préoccupations et je vous propose de retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.
L’amendement no 1597 n’est pas adopté.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement no 1437.
Cet amendement vise à rétablir la disposition prévue par le projet de loi, qui permettra désormais de donner une plus grande prévisibilité aux « dimanches du maire » en prévoyant que la liste des dimanches désignés doit être arrêtée avant le 31 décembre de l’année N – 1.
L’amendement no 1437, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 280.
Monsieur le président Brottes, ces dispositions représentent une avancée mais il faudrait aller plus loin et s’attaquer à un certain nombre de blocages. Pensant me rassurer au sujet de Nantes, n’avez-vous pas souligné qu’à l’époque le maire décidait seul mais qu’il en irait différemment dorénavant puisque le conseil municipal et l’EPIC seraient consultés ? Prenez le seul cas de Paris : Mme Hidalgo vient de déclarer que ce texte se traduirait par un recul démocratique. Je crois au contraire que c’est une avancée démocratique, mais vous voyez bien qu’un maire peut se retrouver soumis à sa majorité ou à un certain nombre de considérations politiciennes très éloignées des réalités que vivent les acteurs économiques et notamment les commerçants. Quand on pense qu’on a empêché à Nantes des commerçants d’ouvrir le dimanche de Noël alors qu’ils devaient boucler leurs fins de mois et payer leurs salariés, pour des considérations idéologiques ou politiciennes ! J’aurais aimé qu’on puisse lever aussi ce type de blocage. Un premier pas est fait mais j’aurais été plus enthousiaste s’il avait été plus grand.
Il n’y a pas de recul démocratique en l’espèce puisque nous maintenons la situation actuelle. C’est aujourd’hui le préfet de Paris qui décide des « dimanches du maire ».
Vous proposez de supprimer la consultation de l’EPCI lorsque le maire souhaite ouvrir plus de cinq dimanches par an, ce qui est une variante de vos précédentes propositions. Ce n’est pas ce que nous avons souhaité en commission spéciale. Les EPCI, qui en ont la compétence économique, doivent aujourd’hui remplir leur rôle, d’autant plus que nous nous apprêtons à les renforcer dès la semaine prochaine à l’occasion de l’examen du projet de loi NOTRe. Les EPCI doivent être informés a minima de ce que décideront les maires, dans un souci de coordination et de cohésion, mais vous connaissez déjà tous ces arguments. Avis défavorable.
Vous avez tous manifesté votre attachement aux petits commerces de centre-ville. Imaginez qu’une ville décide d’autoriser l’ouverture des commerces de son centre cinq ou six dimanches par an, voire moins, et qu’une autre petite commune, en frontière de l’intercommunalité, où est installé un centre commercial, décide d’en ouvrir dix ou douze. L’effet de bord peut être déstabilisant et il est important que l’EPCI joue un rôle de régulateur afin d’éviter les comportements non coopératifs et les effets de bord.
La situation est très différente pour les gares. Soit vous êtes inscrit en zone touristique et vous pouvez déjà ouvrir cinquante-deux dimanches par an, soit vous pouvez, à la frontière, bénéficier du traitement préfectoral individuel que j’ai déjà évoqué mais qu’il n’est pas possible de mettre en place à l’échelle de la commune quand on est – non pas dans un centre urbain, ce qui était le cas des douze gares que j’ai citées, ou totalement isolées dans la campagne pour reprendre le cas de la gare d’Aix-TGV –, mais tout simplement dans une intercommunalité de la France normale, si je peux reprendre ce terme.
Si je veux un droit de tirage pour les commerçants, c’est justement pour éviter ces effets de bord !
L’amendement no 280 n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2616.
Je le retire au profit de l’amendement no 2975, qui viendra plus tard en discussion.
L’amendement no 2616 est retiré.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 2943.
Cet amendement tend à éviter la concurrence entre les territoires. À quelle échelle faut-il intervenir ? Comment les acteurs économiques peuvent-ils participer aux décisions ? Cet amendement a pour objet de répondre à ces questions.
Cet amendement vise à ajouter à la consultation du conseil municipal et de l’EPCI sur l’ouverture au-delà de cinq dimanches par an celle d’une commission ad hoc qui serait une émanation de la commission départementale d’aménagement commercial, afin de préserver le nécessaire équilibre de l’ensemble des zones de chalandise.
La consultation de l’EPCI devrait satisfaire à cet indispensable objectif. C’est pourquoi nous avons souhaité impliquer davantage les intercommunalités – par ailleurs largement représentées au sein des CDAC. Nous proposerons par un prochain amendement de saisir les SCOT pour avis consultatif afin d’englober l’ensemble des zones de chalandises. La commission a donc émis un avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 2943 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 1595.
Pour éviter la concurrence entre territoires, cet amendement vise à ce que la décision de l’ouverture dominicale soit prise par le président de l’EPCI plutôt que par le maire.
L’amendement no 1595, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2042.
Cet amendement vise à ce que le maire recueille l’avis conforme de l’EPCI pour l’ouverture des dimanches au-delà du seuil de cinq.
Nous étoffons ainsi la compétence des EPCI s’agissant de la fixation des dimanches du maire, afin d’éviter qu’au-delà de cinq dimanches ne se produise le phénomène dit de free rider, qui provoque des distorsions de concurrence entre communes voisines. Cet amendement s’inscrit donc dans le cadre du renforcement des compétences et des structures intercommunales que poursuivra dès la semaine prochaine le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Avis favorable.
Oui, monsieur le président : Rome ne s’est pas faite en un jour…
La disposition prévoyant l’avis conforme de l’EPCI pose problème dans les métropoles, en particulier celle du Grand Paris. Elle signifierait en effet qu’il n’appartiendra pas aux élus locaux d’autoriser les commerces à ouvrir entre zéro et douze dimanches par an, puisqu’il faudra recueillir l’avis conforme du conseil communautaire à l’échelle de l’ensemble des métropoles – soit 124 communes dans le cas de la métropole du Grand Paris. Cette question se pose à Paris comme elle se pose dans les quelque douze métropoles qui seront créées sur l’ensemble du territoire.
Cette disposition vise à éviter toute incohérence, voire toute concurrence entre communes et entre territoires. Par homothétie, nous estimons que les communautés urbaines et les métropoles qui seront créées doivent obéir aux mêmes règles, dans la mesure où leur création même relèvera d’une logique – et non d’un simple jeu de Lego administratif.
Nous conservons donc l’esprit du dispositif : cinq dimanches sont à la main du maire et, au-delà, la structure commune dotée de compétences économiques doit prononcer un avis conforme pour éviter toute dérive.
Sans rebondir sur l’excellent propos de M. Goldberg, je trouve le symbole intéressant : d’un côté, la métropole pourra, à terme, décider d’autoriser l’ouverture des commerces à l’occasion des « dimanches du maire », et de l’autre, c’est l’État qui tranchera dans une ville dont je suis l’élu local et qui ne décidera jamais – Paris.
L’amendement no 2042 n’est pas adopté.
Murmures sur les bancs du groupe SRC.
Non, il ne l’est pas. Pour que les choses soient claires, chacun doit bien lever la main.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale, sans être désobligeant à votre égard, il existe un usage très pratique selon lequel le président de séance rappelle la position de la commission et celle du Gouvernement avant les votes, ce qui permet à ceux de nos collègues à qui il arrive d’être déjà concentrés sur l’amendement suivant de demeurer vigilants sur le vote.
Monsieur le président de la commission, je connais trop les députés qui sont présents ici pour ignorer leur sagacité et leur intelligence. J’accepte l’idée qu’il s’agissait d’un simple moment d’égarement, mais je ne reviendrai pas sur un vote ; le cas échéant, le Gouvernement pourra demander une deuxième délibération.
Applaudissements sur divers bancs.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2650.
Je vais donc mettre aux voix l’amendement no 2650, auquel le Gouvernement est favorable !
Sourires.
L’amendement no 2650, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de trois amendements, nos 2083, 2084 et 2975, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 2975 fait l’objet d’un sous-amendement no 3286.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir les amendements.
Ces amendements, que nous avons élaborés avec M. Potier ainsi qu’avec M. le rapporteur Travert et qui ont fait l’objet d’une discussion avec M. le ministre et son cabinet, concernent des territoires dans lesquels il n’existe aucune activité économique particulière – contrairement aux zones touristiques, par exemple – pouvant justifier l’application des dispositifs sur lesquels nous nous sommes entendus jusqu’à présent.
Nous avons fait valoir les questions que suscite le dispositif des douze dimanches. De ce point de vue, je dis à ceux de mes collègues qui estiment qu’il s’agit d’un recul que bien au contraire, le fait de prévoir un nombre de dimanches compris entre zéro et douze permet, dans certains territoires, de redescendre en deçà de la pratique actuelle, et cela me semble très important.
Pour autant, s’agissant des territoires visés par cet amendement, dont font partie celui que je représente et bien d’autres encore, nous souhaitons rappeler qu’une année civile comporte également des jours fériés à l’occasion desquels les commerces peuvent ouvrir, soit qu’ils tombent un samedi, soit qu’ils soient très proches d’une période d’activité particulièrement intense.
Dès lors, ces amendements visent à déduire les jours fériés ouverts des douze dimanches prévus par le dispositif que nous venons d’adopter.
J’ajoute, s’agissant de ces douze dimanches, que nous tenons également à prendre en compte les enjeux territoriaux. Si M. Potier était présent, il insisterait avec vigueur sur l’importance que revêtent les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, que l’État nous suggère de développer sur nos territoires – ce qui me semble être une excellente idée. Il faut en effet tenir compte des SCOT et de l’avis des intercommunalités en matière d’ouverture dominicale.
L’amendement no 2975 a pour objet de déduire les jours fériés, dans la limite de trois, des douze dimanches visés par le présent projet de loi.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3286 à l’amendement no 2975, ce qui lui permettra d’indiquer l’avis du Gouvernement sur les amendements.
En effet, monsieur le député, vous avez été plusieurs à tâcher de trouver une voie de compromis pour tenir compte de la réalité qui existe dans certains territoires où de nombreux commerces – souvent des supérettes et des centres commerciaux davantage que des petits commerces de proximité ou de centre-ville – peuvent non seulement ouvrir certains dimanches sur autorisation du maire, mais aussi à l’occasion de certains jours fériés, et ce par convention de branche ou, éventuellement, par accord d’entreprise.
La démarche initiale, plus large, consistait à tenir compte du nombre de jours fériés dans le cadre des dimanches du maire. Vos rapporteurs avaient d’ailleurs tenté d’aller dans le même sens par des amendements indiquant que ces commerces « pouvaient » ouvrir.
Le caractère normatif de vos amendements, monsieur Sirugue, en particulier l’amendement no 2083, nous a conduits à émettre un avis plutôt défavorable, car leur adoption imposerait à tous les commerces de déclarer toute ouverture un jour férié, soit une lourdeur administrative qui s’appliquerait à tous, y compris aux petits commerces, le cas échéant. En outre, ces amendements articulaient deux logiques inconciliables : celle du dimanche du maire, dont nous débattons, et celle de l’accord de branche, puisque c’est de ce type d’accord que relève la possibilité d’ouvrir un jour férié, et non de la décision de la commune.
Aussi avons-nous proposé de sous-amender votre amendement no 2975 qui vise à déduire des douze dimanches du maire les jours fériés travaillés dans la limite de trois. Le sous-amendement no 3286 prévoit donc que la déduction des jours fériés du nombre de dimanches travaillés accordés par le maire s’applique aux commerces alimentaires d’une surface supérieure à quatre cents mètres carrés. L’examen concret auquel nous avons procédé avec vous-même, monsieur le député, ainsi qu’avec M. Potier, montre qu’il s’agit en effet de la problématique des communes que vous évoquez. Le sous-amendement précise en outre qu’il revient à l’établissement d’effectuer cette déduction.
Ce sous-amendement permet d’une part de traiter la réalité visée, c’est-à-dire celle des commerces d’une surface supérieure à quatre cents mètres carrés qui déstabilisent les zones en question et, d’autre part, de garantir la cohérence de la mesure avec la réglementation en vigueur, car l’ouverture à l’occasion de jours fériés relève d’accords de branche ou de conventions collectives. Puisque l’obligation appartient à l’établissement, elle relèvera des vérifications qui le concernent.
C’est la meilleure manière d’apporter des garanties sans créer tout à la fois des obligations déclaratives pour les commerces et des obligations de traitement pour le maire ; en effet, le dispositif initial aurait sans doute nettement dépassé l’objectif recherché.
Enfin, nous avons eu un débat sur le nombre de jours fériés pouvant être déduits. Je rends grâce aux préoccupations de votre collègue M. Potier, qui souhaitait fixer cette limite à cinq. Cependant, l’examen du nombre de jours fériés travaillés par convention collective nous a incités à conserver la limite consensuelle de trois jours. Je sais que cela ne donnera pas entière satisfaction à M. Potier, qui aurait préféré aller plus loin.
Quoi qu’il en soit, le sous-amendement que le Gouvernement présente pour aller dans votre sens vise, dans les conditions que j’ai précisées, à ce que les établissements déduisent les jours fériés, dans la limite de trois, des dimanches que le maire leur accorde. En clair, le Gouvernement vous demande de retirer les deux premiers amendements, faute de quoi il y sera défavorable. J’émets en revanche un avis favorable à l’amendement no 2975, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 3286.
Oui, je les retire au profit de l’amendement no 2975. S’agissant du sous-amendement présenté par le Gouvernement, disons les choses clairement : nous souhaitons protéger les petits commerces de centre-ville. Or, ce sont précisément les surfaces de plus de quatre cents mètres carrés – enseignes de hard discount et autres établissements de même nature – qui nous posent problème. La proposition du Gouvernement y remédie, et j’y suis favorable, même s’il eût été idéal de fixer la limite du nombre de jours fériés déduits à cinq, comme le souhaitait M. Potier – en son absence, je me dois de le dire – et non à trois jours. Qui peut le plus peut le moins : j’approuve donc la proposition qui est faite.
Les amendements nos 2083 et 2084 sont retirés.
Le sous-amendement no 3286, accepté par la commission, est adopté.
L’amendement no 2975, sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 1436.
L’amendement no 1436, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 2625 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 3289.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement.
C’est un amendement d’appel. Nous avons beaucoup parlé d’activités commerciales le dimanche mais j’ai eu l’occasion de dire que ce jour devait représenter, pour nos concitoyens, un moment privilégié pour les activités culturelles. Or un grand nombre de Français pratiquent leurs activités culturelles dans le premier réseau culturel de France, qui est d’ailleurs l’un des plus denses au monde : le réseau des bibliothèques et médiathèques qui irriguent notre territoire.
Ce réseau, qui donne accès à la culture et au savoir, via la connexion à Internet, assure l’égalité entre les citoyens et les territoires. Les investissements nombreux des collectivités locales au cours des dernières décennies pour équiper leur territoire en bibliothèques et médiathèques ont porté leurs fruits et aujourd’hui un grand nombre de communes disposent d’un établissement remarquable. Mais les collectivités territoriales sont confrontées à une question difficile, surtout dans une période de forte contrainte budgétaire, je veux parler de la question de l’ouverture des établissements le dimanche, en tout cas selon des horaires plus larges que ceux actuellement disponibles.
Je souhaite que nous élargissions notre démarche pour ne pas nous concentrer sur les activités commerciales en proposant aux collectivités locales et aux élus, en l’occurrence les maires, dont c’est la responsabilité, d’inscrire à l’ordre du jour de la discussion annuelle sur l’ouverture du dimanche au sein de leur conseil municipal ou de l’instance de délibération de l’EPCI, la question de l’ouverture des bibliothèques et médiathèques.
Cet amendement est une incitation adressée aux maires par notre assemblée, d’autant que nous suivons de près la forte mobilisation de nombreuses associations, dont Bibliothèques sans frontières, qui militent avec le soutien d’un certain nombre de bibliothécaires, de chercheurs, d’intellectuels, d’associations d’éducation populaire, artistique ou culturelle, pour que ces établissements magnifiques soient plus largement accessibles à nos concitoyens.
Cet amendement a pour objet de marquer notre soutien à ces démarches, qui restent naturellement de la responsabilité des élus. Il devrait faciliter les discussions avec les représentants des organisations syndicales des établissements. Un certain nombre de communes, comme Rennes, ont réussi à mettre en place des horaires d’ouverture élargis, notamment le dimanche. Il faut que nous adressions un signal aux autres collectivités pour les encourager à s’engager dans cette démarche.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3289.
Je partage l’objectif de votre amendement : donner une impulsion à l’ouverture des bibliothèques le dimanche et encourager l’accès des Français à la lecture et à la culture.
Le Gouvernement propose un sous-amendement visant à limiter le débat en conseil municipal à la première année suivant la promulgation de la présente loi, à l’instar de la question des dimanches du maire pour les commerces. Il ne paraît pas utile, en effet, cette discussion ait lieu chaque année dès lors que le conseil municipal a examiné la question.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émettrai un avis favorable à votre amendement.
En outre, je vous propose, dans le temps qui nous sépare de l’examen au Sénat, d’améliorer la rédaction de cet amendement car il introduit une disposition relative à la fonction publique dans le code du travail : sans doute trouverons une solution plus adaptée.
Je précise qu’il s’agit dans votre amendement d’une possibilité offerte aux maires.
Par ailleurs, avec ma collègue Mme Lebranchu, nous allons étudier la possibilité d’insérer cette question dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit NOTRe.
Compte tenu de l’importance du sujet que vous avez évoqué, dont le Gouvernement a conscience, sous réserve de l’acceptation de ce sous-amendement, j’émettrai un avis favorable à l’amendement no 2625, mais je réitère mon souhait de le réécrire avant l’examen du texte au Sénat et de le mettre en cohérence avec la loi NOTRe.
Il n’est pas nécessaire de définir dans la loi ce qui relève de discussions entre partenaires au sein des collectivités territoriales. Pour autant, sous réserve de l’adoption du sous-amendement gouvernemental, j’émets un avis de sagesse.
Je dois dire que suis un peu surpris… Je ne connais aucun conseil municipal qui, au moment où nous parlons, serait empêché de soumettre à la prochaine réunion du conseil la question de l’ouverture des bibliothèques.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.
D’ailleurs, les bibliothèques sont déjà ouvertes le dimanche dans de nombreuses villes, ce qui est très bien.
Par ailleurs, il s’agit dans cet amendement des bibliothèques municipales, or il ne vous a pas échappé que beaucoup de villages ont une bibliothèque associative, lorsqu’elle n’est pas privée.
Enfin, alors que nous essayons de trouver un équilibre entre des aspects purement marchands et d’autres qui le sont un peu moins pour sauver certaines apparences qui sont mises en danger par l’économie générale du projet de loi…
… ce n’est pas avec un amendement comme celui-là que nous allons corriger le tir, même si je peux comprendre qu’après être allé au supermarché le dimanche, il serait bon d’aller lire quelques bandes dessinées à la bibliothèque municipale…
Sourires.
Tout cela, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, n’est pas très sérieux !
D’autre part, vu la manière dont l’amendement est rédigé, sans vouloir faire un mauvais procès à notre collègue Filippetti, il ne s’agit pas d’une faculté laissée au maire puisque l’amendement indique, avec un verbe à l’indicatif, que « le maire soumet au conseil municipal ». Il est donc obligatoire pour le conseil municipal de délibérer sur une question comme celle-ci. Franchement, les conseils municipaux ont autre chose à faire !
Je considère qu’ils sont parfaitement libres de leur décision en la matière et qu’ils doivent le rester.
Ils ont déjà la faculté de le faire s’ils le souhaitent. Pour toutes ces raisons, je ne comprends pas, monsieur le rapporteur, que vous émettiez un avis de sagesse sur l’amendement et le sous-amendement, sauf à vouloir faire preuve d’amabilité envers les collègues de votre groupe…
Voilà ce que pense le groupe UMP, qui votera contre l’amendement et le sous-amendement.
Nous aussi, au groupe UDI, sommes très surpris de cet amendement qui vient perturber nos débats, même si la question du travail du dimanche fait rage au sein du groupe SRC depuis deux jours. Nous nous demandons en effet ce que vient faire cet amendement qui touche à la fonction publique et aux collectivités territoriales, et n’entre pas du tout dans le champ de l’ouverture des commerces de détail le dimanche.
Puisque l’amendement fait référence à l’article L. 3132-26 du code du travail, cela signifie-t-il que les agents des bibliothèques verront leur rémunération doublée ?
Les collectivités devront-elles payer double les agents municipaux qui travaillent dans les bibliothèques le dimanche ? S’agit-il bien d’une introduction du code du travail dans le code des collectivités territoriales ?
C’est un amendement sympathique que je voterai avec enthousiasme, mais il nous appartient de faire la loi et je crains qu’il soit contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Mais naturellement ce point sera examiné par le Conseil constitutionnel.
Notre collègue Caresche défend le principe de la libre administration des collectivités territoriales. C’est bien, mais j’aurais aimé qu’il le fasse pour les zones touristiques internationales…
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
On ne peut pas être jacobin quand cela nous arrange et girondin le lendemain !
Notre collègue Filippetti pose une question importante qui touche à notre modèle de société, à travers notre choix de favoriser ou non l’hyper-consommation.
J’ai une question simple à poser au Gouvernement : puisque vous êtes favorable à cette démarche, monsieur le ministre, et prêt à l’encourager, qu’allez-vous faire pour aider les collectivités territoriales qui s’engageront dans cette voie ?
« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.
La première mesure que vous pourriez prendre, ce serait de mettre fin aux coupes que vous avez imposées aux budgets des collectivités locales. Car les agents ne travailleront pas gratuitement : il faudra leur offrir des compensations.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Si vous souhaitez, après diverses concertations et négociations avec les fonctionnaires communaux et leurs organisations représentatives, ouvrir des services publics le dimanche, il faut en donner les moyens financiers aux communes qui souhaitent le faire, et pas seulement à Paris, sans qu’elles soient obligées d’augmenter les impôts locaux des citoyens.
Je vous propose d’y réfléchir. Ce pourrait être une taxe sur le chiffre d’affaires des grands magasins de luxe…
… ou des grandes enseignes à qui vous allez permettre d’ouvrir le dimanche dans les ZTI. À moins que vous ne rendiez de l’argent aux collectivités locales, mais je rappelle que vous allez leur prendre 11 milliards d’euros sur trois ans ! Lorsque le Gouvernement soutient une démarche politique, il doit réfléchir à la cohérence entre les principes et les moyens que nécessitent leur mise en oeuvre.
Pourquoi, chère collègue, vous limiter aux bibliothèques ? Pourquoi ne pas ouvrir aussi les conservatoires le dimanche ? Et je n’aborde même pas le monde du sport car c’est généralement le dimanche qu’il fonctionne.
Nous avons déjà débattu de l’ouverture des bibliothèques le dimanche, en particulier à Paris. Tout d’abord, cela coûte fort cher. Les dispositions prises nécessitent des moyens supplémentaires et, comme l’a fort bien dit mon collègue Poisson, nous cherchons plutôt, actuellement, à faire des économies, en tout cas à trouver des équilibres. Je ne vous cache pas que cette obligation, qui suscitera forcément l’intérêt des équipes municipales, posera de réels problèmes.
Je me félicite de la qualité des débats que nous avons eus hier soir, mais j’aurais préféré que nous évoquions l’ouverture des crèches le dimanche. Nous avons beaucoup parlé des familles monoparentales, des femmes qui, travaillant le dimanche, doivent faire garder leurs enfants pendant qu’elles travaillent.
Cette question n’a pas été évoquée et ce n’est pas étonnant car elle représente un coût très important pour les collectivités locales. Pourtant, s’il y a un secteur qui doit impérativement ouvrir pour permettre aux femmes de travailler le dimanche, c’est bien celui des crèches. L’ouverture des bibliothèques est très sympathique, mais il aurait été plus opportun de parler des crèches.
Je voudrais suggérer à Aurélie Filippetti de retirer son amendement. Pourquoi ? Parce que nous sommes en train de passer d’un débat sur l’ouverture des commerces le dimanche et l’extension de l’ouverture d’un certain nombre de services marchands à l’ouverture de secteurs qui relèvent de services publics ou qui, dans le cas des associations, sont régis par d’autres règles.
Je ferai deux remarques. Tout d’abord, intégrer dans la loi la possibilité pour les bibliothèques d’ouvrir le dimanche revient à admettre que la culture entre dans la logique de la sphère marchande.
Par ailleurs, s’il s’agit de bibliothèques publiques, votre amendement porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. En effet, l’ouverture des services publics nécessite l’avis des instances représentatives du personnel, notamment des comités techniques paritaires. C’est là que sont discutées les modalités d’ouverture des services publics tous les jours de la semaine.
Pour toutes ces raisons, je plaide pour le retrait de cet amendement qui en outre est malvenu, puisqu’il rejoint la logique des libéraux qui veulent généraliser l’ouverture du dimanche à l’ensemble des services publics.
Nous voici revenus quelques heures en arrière ! La cohérence m’oblige en effet à rappeler que j’ai évoqué le sujet des bibliothèques hier, à l’orée du débat sur le travail du dimanche. L’amendement proposé par Mme Filippetti ne doit pas faire l’objet de caricatures. Dès lors que le conseil municipal sera amené à délibérer de l’ouverture des commerces le dimanche, il est normal qu’il le soit aussi de celle des bibliothèques. Même si on peut très certainement améliorer la rédaction de l’amendement, il ne comporte aucune obligation d’ouverture mais seulement le principe d’un débat sur l’accessibilité au premier réseau de notre territoire, celui des bibliothèques et médiathèques, comme le rappelle l’amendement.
L’intention qui le sous-tend ne me semble absolument pas contraire au débat que nous avons depuis maintenant plusieurs heures dans cet hémicycle sur la journée du dimanche. En maints endroits, le réseau des bibliothèques et des médiathèques compte pour les familles. L’amendement fournit aux communes l’occasion de souligner les difficultés d’ouverture de ce service public tard le soir et le week-end. Le débat sur l’accès des publics n’a rien de médiocre. Pour m’en tenir à ma circonscription, beaucoup de gens n’ont pas chez eux ce qu’ils trouvent dans les structures publiques de leur territoire. Dès lors, ne caricaturons pas ! Dans l’amendement tel qu’il est rédigé, l’usage du verbe « soumettre » n’implique rigoureusement aucune obligation sinon celle de débattre. Qu’un conseil municipal délibérant de l’ouverture des commerces le dimanche débatte des services publics, celui de la lecture en particulier, c’est bien le moins !
L’amendement proposé par Mme la ministre Filippetti a un intérêt formidable, celui d’ouvrir le débat sur le sujet sur tous les bancs !
Sourires.
Les débats ne font pas rage, monsieur Vercamer, ils sont vivants ! Que dirait-on s’il n’y en avait pas !
Je vous invite tout de même, chers collègues, à lire avec rigueur et précision l’amendement tel qu’il est rédigé. À propos des dimanches du maire, la commission spéciale a proposé sans y être contrainte qu’un débat ait lieu au conseil municipal. Par conséquent, si un amendement suggère, dans le cadre de l’élargissement des possibles que constitue le passage de zéro à douze dimanches potentiellement ouverts, que l’assemblée délibérante débatte de l’opportunité que l’offre dominicale comprenne la consommation mais aussi la culture, je ne vois pas que cela mérite autant d’agacement ! La question relève bien entendu du conseil municipal ! D’ailleurs, l’amendement ne dit pas autre chose et précise justement que le débat sur l’ouverture dominicale doit être enrichi d’une réflexion sur l’ouverture des équipements culturels et singulièrement des bibliothèques.
Il ne s’agit pas de s’en remettre au Conseil constitutionnel ni à la moquerie mais simplement de prévoir que le conseil municipal, dont nous avons déjà décidé qu’il pourra se saisir de l’ouverture dominicale des commerces, puisse également se saisir de la question de l’ouverture des équipements culturels. À cet égard, il n’est pas très élégant, monsieur Cherki, de prendre l’amendement en otage pour revenir à la charge au sujet des collectivités locales et du reste, car tel n’était pas l’objet ni l’intention de Mme la ministre en proposant l’amendement, mais passons ! Il me semble opportun de voter l’amendement tel qu’il est sous-amendé par le Gouvernement car la démarche s’inscrit précisément dans l’esprit du projet de loi que nous défendons depuis de nombreuses heures, consistant à élargir le champ des possibles et à ouvrir le débat au plus près du terrain, c’est-à-dire dans les conseils municipaux et communautaires.
Je ne comptais pas reprendre la parole mais j’avoue avoir du mal à comprendre. Les collectivités locales disposent déjà d’une telle possibilité.
J’évoquerai à nouveau l’exemple de Saint-Malo, que je connais le mieux. Nous venons d’ouvrir une nouvelle médiathèque que je vous invite à venir visiter car elle est très belle. Le débat sur une éventuelle ouverture le dimanche a eu lieu au conseil municipal, le comité technique paritaire a été interrogé comme il se doit, l’accord a été trouvé et la médiathèque est ouverte le dimanche à tout un chacun. Je ne comprends vraiment pas le sens de l’amendement, sinon faire plaisir à une parlementaire pour obtenir un vote favorable mardi prochain !
Je précise à M. Ferrand que je soutiens l’amendement d’Aurélie Filippetti et ne le prends pas en otage. Et puisque vous êtes un spécialiste de la libération des otages, monsieur Ferrand, libérez les collectivités locales et rendez-leur leurs onze milliards d’euros !
C’est le genre de comparaison qu’il vaut mieux éviter !
L’amendement aura au moins pour vertu d’ouvrir le débat au conseil municipal sur l’ouverture des commerces le dimanche par le biais de la culture, débat que le maire ne tranchera pas seul. En outre, la culture ne se résume pas aux bibliothèques, en particulier dans les zones urbaines sensibles. On trouve dans ma commune des pôles culturels d’hypermarchés qui sont aussi ouverts le week-end et contribuent largement à la culture acquise par nos populations les plus défavorisées. L’ouverture le dimanche des commerces comportant un pôle culturel est donc un fait positif et l’amendement proposé a un rapport direct avec l’ouverture des commerces le dimanche.
Je réitère ma question car elle n’est pas anodine. L’article L. 3132-27 du code du travail prévoyant le doublement de la rémunération des salariés travaillant le dimanche fait bien référence à l’article L. 3132-26. Je rappelle qu’une collectivité territoriale peut embaucher des salariés de droit privé par des contrats à durée indéterminée ou des contrats aidés pour travailler dans les bibliothèques. Je pose donc la question de savoir s’ils sont concernés par le doublement du salaire. Nos débats sont publiés au Journal officiel et il importe de savoir si ces salariés sont concernés ou non ! Ma question que tout le monde a prise à la rigolade n’a rien d’anodin, car sa réponse n’est pas sans conséquences financières pour les communes !
Je rappelle en complément de l’intervention de mon collègue Liebgott qu’il existe, entre les bibliothèques publiques et le rayon livres des hypermarchés, le réseau des libraires indépendants.
Je répondrai tout d’abord à notre collègue du groupe UMP qu’on n’achète pas les votes des parlementaires, ni par un amendement ni par une autre méthode. Je vous demanderai donc, cher collègue, de conserver le respect dû à chacun d’entre nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Quant à l’amendement, je me félicite qu’il ouvre le débat sur les bibliothèques car il s’agit tout de même d’un sujet d’intérêt général. Tous, au cours du mois difficile que nous avons vécu, nous avons insisté sur l’importance de l’accès des jeunes à la culture, à l’éducation et aux livres afin de s’émanciper et s’éduquer. Les bibliothèques et les médiathèques sont justement des lieux de transmission des savoirs et d’émancipation individuelle. Le débat à leur sujet est donc véritablement d’intérêt général. Pour répondre à la question précise de notre collègue Vercamer, l’amendement tel qu’il est sous-amendé par le Gouvernement prévoit que le conseil municipal discutera de l’ouverture des bibliothèques en même temps qu’il discutera des dimanches du maire.
Cette disposition a le mérite, répondrai-je à notre collègue Laurent, de ne pas faire de la culture un secteur inférieur aux activités commerciales, au contraire ! Il aurait été paradoxal que la loi prescrive une discussion sur les activités commerciales et n’en prévoie aucune, sinon celle renvoyée au comité technique paritaire, sur les activités culturelles, les bibliothèques en particulier ! Il y a là un moyen de rappeler avec insistance que les instances délibératives des exécutifs municipaux ou intercommunaux doivent discuter du sujet et prendre ensuite leurs décisions sans être obligés à rien. L’amendement n’entrave nullement la libre administration des collectivités territoriales, mais les encourage simplement à inscrire le sujet à l’ordre du jour, car nous considérons unanimement qu’il s’agit d’un sujet d’intérêt général et que l’accès à la culture et à l’éducation fait partie du modèle de société auquel nous aspirons pour l’ensemble de nos concitoyens.
Le dispositif me laisse très sceptique. Tout d’abord, l’amendement prévoit que « le maire soumet » et non « le maire peut soumettre », ce qui pose nécessairement le problème du dispositif législatif contraignant pour un maire dans le cadre de l’autonomie des collectivités territoriales. Deuxièmement, le régime d’ouverture des établissements de la commune est directement déterminé par le maire dans le cadre des compétences que lui confère le conseil municipal lors de son installation et fait partie des processus ordonnés par le maire par voie d’arrêté. Troisièmement, poser la question de l’ouverture des commerces le dimanche au conseil municipal contraint la collectivité et concrètement le maire à saisir d’abord le comité technique paritaire car on ne peut saisir le conseil municipal de décisions susceptibles d’avoir des conséquences sur le personnel communal sans son avis préalable. Ainsi, le débat que l’on ouvre ne l’est pas dans le champ de la réflexion mais dans celui des processus décisionnels !
L’usage du conditionnel aurait au moins réduit le risque d’empiétement sur l’autonomie de gestion des collectivités territoriales. En outre, tel quel, le dispositif est susceptible de mettre de nombreuses collectivités en difficulté. Ouvrir les bibliothèques jusqu’à 22 heures le soir, 18 ou 20 heures le samedi et pendant toutes les vacances d’été y compris le samedi, comme nous sommes nombreux à le faire, ne va pas sans problèmes lourds, en particulier en matière de finances et de gestion des personnels. Je ne sais pas si vous avez une idée, chers collègues, de ce que représente le travail du dimanche tel qu’il est formulé par l’amendement ! Ma modeste collectivité locale n’a aucunement la capacité financière d’étoffer l’équipe actuelle de sept membres supplémentaires nécessaires aux relèves, car en semaine les bibliothèques travaillent pour le public, les écoles et les maisons d’éducation.
Les pétitions d’intention, si louables et respectables soient-elles et celle-ci l’est, sont manifestement incompatibles avec l’incapacité dans laquelle se trouvent beaucoup de collectivités locales tout d’abord d’ouvrir des bibliothèques dans certains cas, je me permets de le rappeler, et quand elles en ouvrent de préserver leur amplitude horaire. Je me suis réjoui de l’ouverture d’une bibliothèque à Rennes et m’y suis rendu afin de voir comment c’est possible, car c’est remarquable. Quand j’ai compris combien cela coûte et quel type de personnel cela exige, j’ai renoncé à en évoquer ne serait-ce que l’hypothèse au conseil municipal que je préside.
Le sous-amendement no 3289 est adopté.
L’amendement no 2625, sous-amendé, est adopté.
L’article 80, amendé, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 2931, 2938 rectifié, 2045 rectifié et 2937 troisième rectification, portant article additionnel après l’article 80 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2045 rectifié et 2937 troisième rectification sont identiques.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 2931.
Je présenterai simultanément les amendements nos 2931, 2938 rectifié et 2937 troisième rectification. Les commerces à prédominance alimentaire bénéficient déjà d’une dérogation permanente et de droit d’ouverture dominicale jusqu’à 13 heures en vertu de l’article L. 3132-13 du code du travail.
Les salariés bénéficient à ce titre d’un repos compensateur d’une journée entière, sans que la loi ne fixe cependant l’obligation de contrepartie salariale. Ainsi, à l’heure actuelle, les salariés ne bénéficient pas systématiquement de contreparties salariales. Les évolutions récentes montrent que la surface de vente du commerce de détail alimentaire a considérablement augmenté, tandis que le nombre de magasins a baissé. Entre 2004 et 2009, la surface de vente des hypermarchés – qui excède, par définition, 2 500 mètres carrés – a progressé de 27 % et celle des supermarchés – dont la surface est comprise entre 400 et 2 500 mètres carrés – s’est accrue de 12 %, tandis que celle des supérettes et des commerces d’alimentation générale – dont la surface est inférieure à 400 mètres carrés – a diminué, respectivement, de 5 et de 14 % sur la même période. Dans le même temps, le nombre de commerces de l’alimentation spécialisée de l’artisanat a diminué de 8 %. D’après les chiffres de l’INSEE, publiés en juillet 2012, le développement des grandes surfaces s’opère le plus souvent au détriment des petites supérettes et des commerces d’alimentation générale. Ainsi, entre 2004 et 2009, la part des magasins de moins de 200 mètres carrés a reculé de cinq points.
Afin de répondre aux enjeux concurrentiels importants qui caractérisent les rapports entre les petits commerces alimentaires et les grandes surfaces, et dans l’objectif de maintenir un tissu commercial de proximité dans nos villes et nos territoires, il est proposé que, dans les surfaces alimentaires de plus de 400 mètres carrés – ce qui correspond au seuil des grandes surfaces – les salariés privés de repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée pour les heures travaillées le dimanche jusqu’à 13 heures.
S’agissant des amendements présentés par mon collègue Joël Giraud, l’amendement no 2931 vise à majorer de 200 % le salaire perçu en cas de travail dominical, dans un commerce de détail alimentaire, sans préjudice des contreparties plus favorables qui pourraient exister, pour tous les salariés de commerces caractérisés par une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés.
Les amendements nos 2938 rectifié et 2937 troisième rectification visent à majorer, respectivement, d’au moins 50 % et 30 % les salaires perçus par ces mêmes salariés, mais, cette fois-ci, non plus en mentionnant la surface de 400 mètres carrés, mais en prenant pour référence le seuil fixé à l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2045 rectifié.
Il s’agit d’un amendement important, qui a pour objet d’apporter les garanties sociales et salariales que nous souhaitons donner aux salariés privés de repos dominical. Comme je l’ai expliqué hier, dans mon intervention liminaire, les commerces de détail alimentaire bénéficient, le dimanche matin, d’une dérogation d’ouverture de 9 heures à 13 heures. Cette dérogation d’ouverture a été mise en place par la loi Mallié, qui avait ajouté une heure d’ouverture, passant de midi à 13 heures. Puis la loi de modernisation de l’économie avait, si j’ose dire, fini le travail, en permettant à ces magasins d’ouvrir tous les dimanches. Grâce à ces dérogations, ces commerces peuvent ouvrir aujourd’hui jusqu’à 52 dimanches par an, uniquement le matin.
Dans le cadre des auditions que nous avons menées avec mes collègues du groupe de travail – je voudrais y associer Cécile Untermaier, qui avait travaillé sur une proposition de loi en ce sens, ainsi qu’Élisabeth Pochon et Christophe Sirugue, qui ont participé à nos travaux –, nous avions reçu une délégation d’hôtesses de caisse et d’employées de supermarchés travaillant dans ces magasins le dimanche, qui nous avaient expliqué comment elles vivaient cette situation. La règle est simple : on est désigné volontaire pour venir travailler le dimanche matin – dans la plupart des cas, 52 dimanches par an – sans recevoir aucune compensation et – je le disais hier, mais je veux le rappeler, car c’est important – le coût des frais de garde d’enfants engendré par l’absence du domicile est supérieur au salaire horaire du dimanche matin.
Nous avons souhaité réparer ce que nous estimons être une injustice. Nous considérons que la grande distribution doit payer, dans une juste mesure, les salariés qui travaillent pour elle. Nous considérons que venir travailler un dimanche matin, se séparer de sa famille, de ses enfants, d’une activité associative, quelle qu’elle soit, bref, prendre une demi-journée par semaine pour venir travailler sans recevoir de compensation, ne va pas dans le sens des valeurs de progrès et de solidarité que, pour ce qui nous concerne, au sein de la majorité, nous souhaitons promouvoir.
C’est pourquoi nous avons souhaité présenter un amendement ayant une portée très forte. Je remercie le Gouvernement d’avoir été à l’écoute sur ce sujet, pas seulement à notre écoute mais aussi à l’écoute des salariés, qui étaient venus s’exprimer à l’Assemblée nationale. Nous entendons répondre à cette problématique, dont nous avons déjà discuté en commission spéciale. La loi n’impose aucune contrepartie obligatoire et le régime de ces commerces est régi par la convention collective du commerce de détail alimentaire. Un certain nombre de magasins pratiquent la compensation, qui relève du bon vouloir du propriétaire.
L’amendement no 2045 rectifié a pour objet de fixer la majoration de rémunération minimale à hauteur de 30 %. S’agissant de la taille des magasins, nous avons retenu le seuil de 400 mètres carrés, ce qui nous permet de toucher l’ensemble des grandes surfaces : les hypermarchés, mais aussi les supermarchés et les hard discounters, qui ouvrent, actuellement, tous les dimanches matin, sans en avoir, bien évidemment, l’obligation. Nous estimons que, dans la mesure où ils procèdent à ces ouvertures, les salariés doivent bénéficier d’une compensation.
Les données de l’INSEE montrent qu’au cours des dernières années, les grandes surfaces ont beaucoup progressé au détriment des petits commerces alimentaires. Il y a un enjeu territorial, que l’on ne peut ignorer : il en va de la protection du petit commerce. Nous en avons tous parlé, nous partageons tous cette préoccupation. Nous avons répété à l’envi depuis hier que nous étions mus par cette volonté de protéger ces petits commerçants. Or, il faut savoir que, lorsque, par exemple, un supermarché situé dans un chef-lieu de canton ouvre un dimanche matin, cela entraîne une baisse du chiffre d’affaires des boulangeries, des boucheries ou des magasins de vêtements qui ont la possibilité d’ouvrir. Il fallait donc réparer cette injustice et cet amendement cherche à contribuer à la préservation du petit commerce local sur notre territoire, et à en garantir ainsi la mixité.
Monsieur Claireaux, nous estimons que les amendements que vous avez présentés sont intéressants, mais nous avons souhaité fixer un plancher de 30 % de majoration de la rémunération. La fixation d’un plancher supérieur nous paraît difficile à mettre en oeuvre. L’essentiel est que nous puissions appliquer ce plancher de rémunération et retenir une surface supérieure à 400 mètres carrés. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer vos amendements au profit de celui que je viens de présenter, qui les satisfait.
M. Claireaux a déjà défendu l’amendement no 2937 troisième rectification.
La parole est à M. Stéphane Claireaux.
Monsieur le rapporteur thématique, je retire les amendements nos 2931 et 2938 rectifié. Quant à l’amendement no 2937 troisième rectification, identique à l’amendement no 2045 rectifié, il a pour auteur M. Giraud, qui s’est beaucoup investi sur ce sujet en commission. Aussi je préférerais que vous retiriez votre amendement en faveur de celui de Joël Giraud.
Sourires.
Les amendements nos 2931 et 2938 rectifié sont retirés.
L’amendement en discussion n’est pas anodin, et je tenais à saluer le travail du rapporteur général et du rapporteur thématique, ainsi que la compréhension dont a fait preuve le Gouvernement sur ce sujet. Je voudrais rappeler que Nicolas Sarkozy avait fait adopter par sa majorité d’alors un dispositif tout à fait scélérat en 2009, qui a permis à des grandes surfaces, parce qu’elles étaient seulement à dominante alimentaire, de bénéficier du dispositif applicable aux petits commerces. Cela s’est révélé extrêmement préjudiciable à ces derniers, puisque les grandes surfaces pouvaient ouvrir jusqu’à 13 heures tous les dimanches dans des secteurs qui n’étaient ni touristiques, ni actifs du point de vue commercial et économique. Nous avions là des salariés en souffrance, tant dans ces petits commerces en difficulté que dans ces grandes surfaces, faute de majoration salariale liée à un travail effectué 52 dimanches par an, jusqu’à 13 heures.
Nous réparons enfin cette injustice. Depuis 2012, nous essayons de travailler à cette question et d’y trouver une solution. Je suis pleinement satisfaite que ce projet de loi permette de revenir sur un alignement injuste, dépourvu de compensation, s’agissant d’un travail subi. Cette réparation consiste en une compensation égale au minimum à 30 % du salaire. On a peu parlé du fait que la compensation pourrait prendre une autre forme et porter, selon des modalités fixées dans le cadre d’une négociation salariale, sur le nombre de jours compensateurs – on peut en effet souhaiter, plutôt qu’une rémunération majorée, un surcroît de jours compensateurs – ainsi que sur le choix du jour en question.
Avant de poursuivre la discussion, je tiens à indiquer au groupe SRC qu’il lui reste une minute et trente secondes de temps de parole.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
En vertu de la procédure du temps programmé, un temps de parole est attribué aux groupes ; si ce temps arrive à épuisement pour une grande partie des groupes – c’est d’ailleurs la première fois que ce cas de figure se produit –, les présidents de groupe ont toujours la possibilité, jusqu’à la fin du débat, dans le temps qui leur est imparti – deux heures sur un temps programmé de cinquante heures – de défendre les positions du groupe.
Je voudrais faire deux remarques. Le temps de parole du groupe majoritaire est quasiment épuisé. Or, je constate que près de 54 % de ce temps global, qui s’élevait à un peu plus de quatorze heures, a été utilisé par des députés qui n’ont pas défendu les positions que nous avions arrêtées au sein du groupe et qui ont présenté des amendements qui n’ont pas été adoptés. C’est un élément important du point de vue de la vitalité démocratique. Je voudrais d’ailleurs féliciter notre collègue Pascal Cherki qui, à lui seul, a utilisé 15 % du temps du groupe, plus que le président de groupe sur son temps total.
Pour que nous puissions continuer à avancer, tout en me permettant, jusqu’à la fin de ce débat, d’exprimer la parole du groupe, je cède à celui-ci trente minutes, c’est-à-dire la moitié du temps de parole qu’il me reste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Sourires.
Si je peux participer à cette discussion sur les temps de parole, je vous informe que le Gouvernement aura sans doute l’occasion de déposer un ou deux amendements, ce qui redonnera un peu de temps de parole. Nous contribuerons, ce faisant, au pot commun.
Pour ce qui est de l’amendement présenté par le rapporteur thématique, je pense, en effet, qu’il s’agit d’une avancée extrêmement importante, qui avait été soulignée, à juste raison, par plusieurs d’entre vous et par beaucoup de salariés et de syndicats. Aussi était-il normal, puisque telle est notre volonté depuis l’origine, d’aller dans le sens des compensations, de corriger, aujourd’hui, cette insuffisance.
Ensuite, je veux dire, en écho à la discussion extrêmement intéressante que nous avons eue hier sur les seuils, en particulier avec M. le ministre Hamon et M. le député Baumel, qu’il s’agit en l’occurrence d’une catégorie de commerces de détail – on traite ici du commerce alimentaire – et d’un format – plus de 400 mètres carrés – homogènes, ce qui permet de définir, par la loi, un seuil de compensation. On a cherché, hier, à inclure dans la loi un certain nombre de dispositions, qui ne pouvaient s’appliquer à tous les formats et à tous les secteurs : quand on est un petit commerce de l’habillement, on n’est pas en capacité de payer les mêmes compensations à ses salariés qu’un commerce appartenant au secteur du luxe ou relevant d’un autre secteur mais situé dans un centre commercial. En l’occurrence, par cet amendement, on peut définir un seuil par la loi, et je pense qu’il est important d’aller au bout de cette logique.
Pour le reste, monsieur Claireaux, j’ai bien pris note du retrait de vos deux premiers amendements. Vous avez défendu avec beaucoup de conviction les positions qui ont été exprimées en commission spéciale par votre collègue Joël Giraud, à qui je veux également rendre hommage et qui, avec Mme la députée Untermaier, M. le député Sirugue, M. le député Potier et M. le député Travert, ont parfaitement conduit ce travail et exprimé cette sensibilité.
Si je rends hommage au travail qui a été fait par M. Giraud et reconnaît sa co-paternité sur ce texte, je souhaite cependant souligner que l’amendement no 2937 troisième rectification n’est identique à celui des rapporteurs que parce qu’il a été rectifié pour coller à la rédaction de ce dernier.
Les amendements identiques nos 2045 rectifié et 2937 troisième rectification sont adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2046 et 2973 rectifié.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2046.
Il s’agit de l’obligation pour l’employeur de permettre au salarié d’exercer son droit de vote pendant les dimanches du maire, question que nous avons déjà évoquée ce matin.
Cet amendement a pour objet d’appliquer aux dimanches du maire les mêmes dispositions que celles que nous avons proposées pour les dérogations géographiques au repos dominical dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales : l’employeur doit permettre aux salariés non seulement d’aller faire une procuration, mais aussi d’exercer leur droit de vote lorsque le dimanche travaillé correspond à un jour d’élection locale ou nationale.
J’en profite pour répondre à Audrey Linkenheld, qui m’a reproché ce matin de ne pas l’avoir fait, et je la prie de m’en excuser : les scrutins européens font bien entendu partie des scrutins nationaux, puisque les députés sont élus dans le cadre de circonscriptions interrégionales qui sont des subdivisions du territoire national. Mon erreur est à présent réparée.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 2973 rectifié.
L’amendement no 2973 rectifié est retiré.
L’amendement no 2046, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1667.
Avec autant de véhémence, je donne un avis défavorable à cet amendement.
Sourires.
L’amendement no 1667, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 80 bis est adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 1927, portant article additionnel après l’article 80 bis.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai conjointement les amendements nos 1927 et 1933.
Ces deux amendements ont pour objet de protéger les travailleurs de nuit des conséquences d’une nouvelle jurisprudence. Je souhaite qu’ils soient adoptés à cette fin.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1927 et 1933 ?
Monsieur le député, vous proposez de modifier la durée de la période de nuit, qui est en France depuis 2001 la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin.
Vous souhaitez la faire commencer à 22 heures au motif que les commerces alimentaires, qui sont couverts par des accords collectifs et qui ont brusquement sombré dans l’illégalité à la suite de la jurisprudence de la Cour de cassation, auraient ainsi le droit d’ouvrir leurs portes.
En réalité, la question de savoir si, pour un commerce, l’ouverture nocturne répond à une nécessité de continuité de l’activité économique a été tranchée récemment par le juge de cassation. Cela ne revient pas à dire que les commerces avaient jusqu’alors le droit d’ouvrir jusqu’à 22 heures et qu’ils ne le peuvent plus en raison d’une décision du juge.
Sur ce point, le droit français prévoit qu’il est possible de recourir au travail de nuit pour assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’intérêt général. Ce n’est pas le cas pour un commerce, qui n’a pas besoin d’ouvrir le soir.
Le projet de loi répond à la problématique spécifique de certains commerces situés dans des zones très particulières d’affluence nocturne ; c’est ce que nous présenterons tout à l’heure dans le cadre du travail en soirée dans les ZTI avec un régime bien particulier.
Il n’est donc pas question ici de généraliser l’ouverture en soirée de tous les commerces, en particulier des commerces alimentaires. Sur ces deux amendements, l’avis de la commission est donc défavorable.
Je souhaiterais clarifier un ou deux points avant que nous n’entrions dans le débat sur le travail en soirée.
Aujourd’hui, et cela n’a pas vocation à être modifié, un salarié est en travail de jour jusqu’à 21 heures, et en travail de nuit au-delà de cette heure. Il est possible de déroger à ces règles par des accords de branche. C’est le cas dans le commerce alimentaire : les salariés des supérettes travaillent de jour jusqu’à 22 heures. Cet accord de branche est valable partout sur le territoire ; c’est la situation actuelle, et je tiens à le souligner avant que nous en venions à la discussion sur le travail en soirée.
J’ai précisé hier la délimitation des zones touristiques internationales, dont vous m’accorderez qu’elle est tout de même fort réduite,…
… peut-être trop pour certains, mais pas assez pour d’autres. Avec l’article 81, nous créons dans ces zones la notion de travail en soirée, assortie de toutes les garanties – nous y reviendrons – entre 21 heures et minuit. Nous créons cette fois-ci un régime : pas d’accord, pas d’ouverture, la compensation et le « payer double ». C’est donc une avancée.
Notre souhait, cependant, n’est pas d’aller au-delà, il n’est pas d’étendre le recours aux travailleurs de nuit.
Je vais y revenir précisément, mais il me paraissait important de rappeler le contexte. Dans certaines branches, dont l’alimentaire, il y a une forme de déséquilibre, mais il est encadré par des accords. Nous créons donc un statut dans des zones particulières avec des garanties, mais nous ne souhaitons pas aller au-delà.
Par cet amendement, monsieur le député, vous proposez de restreindre la portée de l’article L. 3122-32 du code du travail, qui prévoit le recours au travail de nuit, lequel est exceptionnel, en précisant que ce qualificatif doit s’appliquer aux travailleurs de nuit. Pour mémoire, un travailleur de nuit est un salarié qui accomplit plus de 270 heures par an dans la période de nuit.
Je vous confirme que le Gouvernement est défavorable à votre amendement, car son adoption conduirait à la banalisation du statut de travailleurs de nuit, ce que nous ne pouvons cautionner. L’objectif du Gouvernement n’est pas d’aller au-delà de l’équilibre qui est défini dans l’article 81.
Je tenais à rappeler, d’une part, le cadre dans lequel la réforme a vocation à s’appliquer, l’existant, et, d’autre part, les raisons de ce désaccord.
Les amendements nos 1927 et 1933, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 1037, 1186 et 2624.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1037.
Avant toute chose, monsieur le président, je demande un scrutin public sur cet amendement.
L’article 81 vise à donner la possibilité aux établissements situés dans les zones touristiques internationales de reporter jusqu’à minuit le début de la période de nuit, alors que le code du travail définit cette période comme allant de 21 heures à 6 heures.
Cette disposition est extrêmement préoccupante : elle constitue un véritable détournement de la notion de travail de nuit, qui reste aujourd’hui exceptionnel et strictement limité au respect de certaines obligations.
Si nous avons qualifié cet article 81 d’« amendement Sephora », c’est parce qu’il a été rédigé sur mesure à la demande du patronat…
… qui n’a pas apprécié que les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation rejettent, le 24 septembre 2014 – c’est très récent –, le pourvoi de Sephora au sujet de l’ouverture nocturne…
… en rappelant que l’activité de la parfumerie ne répond pas aux critères actuels prévus par le code du travail justifiant le travail de nuit.
Les demandes patronales étant désormais des ordres…
… vous décidez de changer la loi. D’autres ont utilisé ce stratagème avant vous : quand la jurisprudence gêne, on modifie la loi.
Tel est bien l’objet de cet article, qui conduit à désavouer les juges pour casser les jurisprudences récentes, protectrices pour les salariés, mais jugées trop restrictives par le patronat. Il n’aura donc fallu que quelques semaines au MEDEF pour obtenir satisfaction.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident que, dans ces conditions, nous ne pouvons soutenir cet article qui, je le répète, a été fabriqué sur mesure pour permettre à de grandes enseignes de contourner des décisions de justice rendues en faveur des salariés.
Cela pose deux problèmes majeurs : au-delà de la méthode utilisée, le contenu de cet article est une atteinte grave aux droits des salariés. J’y reviendrai, mais je rappelle que le travail de nuit est aussi un problème de santé.
Sur l’amendement no 1037 et sur les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 1186.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour soutenir l’amendement no 2624.
Cet amendement vise à empêcher l’inscription dans la loi de l’autorisation du travail de nuit dans les zones touristiques internationales. Cette disposition aurait en effet pour conséquence d’introduire dans la loi la notion de travail en soirée, c’est-à-dire de 21 heures à minuit, selon une logique de zonage, et non pour certaines activités, ce qui remettrait en cause le principe fondamental d’interdiction du travail de nuit.
En outre, cette ouverture viendrait légaliser des pratiques qui ont été condamnées dans le cadre de l’affaire Sephora, comme cela vient d’être évoqué. Elle touchera principalement des travailleurs pour lesquels le volontariat, qui n’est pas inscrit dans le code du travail, ne pourra pas être effectif.
Je souhaiterais revenir sur certains points, monsieur le ministre. Vous avez donné voilà quelques instants une définition annualisée des travailleurs de nuit. Or, une directive du Parlement européen et du Conseil de novembre 2003 retient comme définition une période de sept heures consécutives, dont cinq réalisées obligatoirement entre minuit et cinq heures du matin. Il y a là un hiatus : d’un côté, le temps annualisé peut être divisé selon les besoins des entreprises, ou du moins conformément aux contrats que celles-ci auraient établis et, de l’autre, les sept heures consécutives viennent se heurter aux vingt-quatre heures, qui marquent le début du travail de nuit, lequel doit s’achever à cinq heures du matin.
D’autre part, toutes ces ouvertures de nuit s’assortiront très probablement d’un flux tendu de livraisons de marchandises. Or, le travail de nuit ne concerne pas les travailleurs mobiles. On risque donc d’ouvrir la brèche à une extension des livraisons, y compris dans la nuit du samedi au dimanche.
Quant au volontariat, cette notion est très difficile à défendre par les salariés, d’autant plus que vous avez donné aux contrats des cadres définis par zone. Or dans ces zones, il y a des magasins, dans lesquels se trouvent des corners, dont les salariés se trouveront finalement seuls face à leurs dirigeants pour négocier leur contrat de travail, étant eux-mêmes soumis à un dilemme entre la vie qu’ils souhaitent et les contraintes auxquelles ils sont exposés.
Je voudrais d’abord dire très calmement et poliment à Mme Fraysse qu’en tant que députés socialistes, qui défendent des valeurs de gauche, de solidarité, de progrès et de justice sociale,…
…nous ne laissons pas conduire nos réflexions, comme vous semblez le dire, par le MEDEF et par Bruxelles : nos modèles ne sont pas ceux-là.
« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Il faut faire attention à ce que l’on dit dans cet hémicycle, et à qui on le dit.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Permettez-moi de rappeler, madame Doucet, que la notion de « travail de nuit » n’est pas la terminologie appropriée : il s’agit ici du travail de soirée…
…qui est ouvert dans des conditions particulières, à savoir dans les ZTI, qui sont peu nombreuses sur le territoire français – le ministre vous a indiqué la nuit dernière quelles étaient celles qui étaient retenues. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de remettre en cause les règles applicables au travail de nuit. L’article instaure une exception très limitée qui ne concernera, je le répète, que les ZTI, caractérisées par une affluence touristique étrangère particulièrement importante. Dès lors, il faut savoir raison garder. En effet, là encore, le débat en commission spéciale et les discussions que nous avons eues avec le Gouvernement nous ont permis d’aboutir sur un certain nombre de propositions et d’adopter des mesures de protection des salariés.
C’est ainsi que le travail de soirée sera assorti d’une contrepartie salariale, à savoir un doublement de la rémunération et un repos compensateur. Des dispositions seront également prises pour permettre aux salariés de rentrer chez eux, le soir venu, dans de bonnes conditions, c’est-à-dire au moyen d’un véhicule pris en charge par l’employeur pour les ramener à leur domicile. Nous prendrons également dans cet article des mesures destinées aux femmes qui travaillent en soirée, notamment lorsqu’elles sont enceintes. Nous avons également introduit dans ce texte des mesures relatives au volontariat, inscrit « en dur » dans la loi, mais aussi à la réversibilité de ce volontariat.
Il faudra sans doute le répéter encore longtemps, mais par rapport à la situation existante, nous avons apporté avec ce texte des compensations, un mieux-disant social et un véritable progrès social, dignes de ce que la gauche doit faire lorsqu’elle est au gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Le rapporteur a tout dit avec précision et sincérité, et je l’en remercie.
Je déplore cependant qu’il y ait eu d’abord une forme de confusion puis, il faut bien le dire, une forme d’indélicatesse.
La confusion, madame Fraysse, c’est que le travail en soirée n’est pas le travail de nuit – j’ai pris la peine de le préciser. Les règles de la directive européenne de 2003, que vous évoquez à juste titre, ne sont donc pas applicables au statut que nous créons. J’ai du reste rappelé tout à l’heure le déséquilibre qui existe dans certaines branches, où le travail de jour est étendu jusqu’à 22 heures. Nous créons ici, dans les quelques zones que j’ai définies hier, et nulle part ailleurs, le statut de « travail en soirée ». Grâce à ce qui était prévu, à ce qui a été amélioré en commission spéciale et à ce que vous voterez, le travail en soirée est aujourd’hui, vous le constaterez, au moins aussi favorable que le travail de nuit dans ses compensations, et mieux encadré. De fait, il est payé double et obéit à une logique d’« accord, sinon rien », ce qui, je le rappelle, n’est pas le cas partout pour le travail de nuit : s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas d’ouverture. Il est également assorti de la prise en charge par l’employeur des frais liés à la garde des enfants, ce qui n’est pas aussi précisément le cas pour le travail de nuit. Il est également plus précis en ce qui concerne les transports, en ajoutant la mention « en sécurité ». C’est, enfin, un régime très circonscrit.
Le travail en soirée n’est donc pas le travail de nuit et, compte tenu des avancées réalisées, il est aujourd’hui plus protecteur et plus précis que les compensations qui existent pour le travail de nuit. Dans ce débat, nous devons être cohérents avec nous-mêmes.
Pour ce qui est, madame Fraysse, de votre propos que je qualifierais d’indélicat – ce qui est rarement le cas dans vos prises de parole –, je voudrais vous dire deux choses. Tout d’abord, avez-vous interrogé les salariés de Sephora ?
Non : vous savez comme moi que ce ne sont pas les salariés de Sephora qui ont déposé ce recours, mais une partie des salariés et une partie des confédérations. Certains salariés avaient des compensations et voulaient travailler.
Il ne faut jamais perdre de vue, en effet, qu’il existe aussi des salariés qui veulent travailler en soirée.
Je tiens à faire ce travail de pédagogie, car si je suis le premier à rappeler que nous avons apporté toutes les protections, je ne voudrais pas non plus qu’on fasse croire qu’il n’y aurait pas de salariés qui le voudraient.
Surtout, madame Fraysse, si vos insinuations, ou plutôt vos accusations, ne sont pas acceptables, c’est parce que – et je le rappelle aussi pour vous, monsieur le député –, avec le dispositif que, je l’espère, vous allez voter, Sephora n’ouvrirait pas. Sans accord, pas d’ouverture – or, dans le cas de Sephora, il n’y a pas d’accord d’entreprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
M. le ministre a déjà répondu à une partie des questions que je voulais poser, et je l’en remercie. Nous avons constaté la requalification en « travail de soirée », sur la base des horaires, de ce qui aurait pu être du travail de nuit – même si j’ai parfaitement compris que le travail de nuit ne se résume pas seulement à une question d’horaires, mais aussi de fréquence. Je veux bien reconnaître les avantages qui sont liés au travail de soirée en ZTI, que M. le ministre a rappelés, notamment la compensation de certaines charges liées au transport et à la garde d’enfants, mais je poserai cependant une question précise.
On sait bien en effet que, pour le travail de nuit, ce n’est pas la loi qui fixe le niveau de la compensation salariale – elle ne fait qu’en poser le principe –, mais les accords. À quel niveau se situe aujourd’hui, en moyenne, cette compensation fixée par les accords de branche et d’entreprise ? Est-ce du niveau du « payé double » dans les ZTI ? Est-ce plus ? Est-ce moins ?
Nous ne disposons pas aujourd’hui de toutes les informations sur ce sujet. Je les ai fait demander et vous les fournirai dans les plus brefs délais.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je tiens beaucoup à la courtoisie : elle est absolument nécessaire si nous voulons pouvoir échanger correctement.
Nous avons droit à des différences d’appréciation, ainsi qu’au respect et à la courtoisie.
Vous dites qu’il ne s’agit pas ici de travail de nuit : je vous en donne acte. J’ai dit méchamment qu’il s’agissait d’une invention…
... alors que le mot juste aurait été celui de « requalification » du travail de nuit – si vous voulez ! Ce qui était précédemment du travail de nuit est donc requalifié autrement, et assorti d’un certain nombre de protections – mais c’est la moindre des choses, car travailler tous les soirs jusqu’à minuit n’est pas anodin, en particulier pour les personnes qui ont des enfants ! Il est donc heureux qu’il y ait des compensations.
Vous dites que le dispositif est circonscrit, et c’est également heureux, mais je demande à voir combien de temps cela durera. Il ne s’agit pas de vous faire un procès d’intention, mais vous ouvrez là une porte extraordinairement dangereuse pour les salariés.
Quant à savoir ce que veulent les salariés, c’est un salaire décent et rentrer chez eux le soir – et le dimanche – pour s’occuper de leur famille, se cultiver et se reposer. Il est vrai que, dans notre société, certains d’entre eux sont obligés de faire le sacrifice que représentent le travail du dimanche et le travail de nuit, parce que leurs salaires sont insuffisants. Voilà mon opinion.
Je ne m’attarderai pas sur la vocation du groupe socialiste et sur les lois sociales, car j’ai très peu de temps,…
…mais il est absolument incontestable que les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation ont rejeté en septembre dernier le pourvoi de Sephora relatif à l’ouverture nocturne, et qu’avec le présent texte, vous contournez cette jurisprudence.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cela ne vous fait pas plaisir, mais ce n’est pas le rôle de la gauche, notamment de mes collègues et amis socialistes, je le dis très sincèrement. Cela vous fâche, mais c’est la réalité concrète – et c’est sans doute cela qui vous fâche.
S’entendre d’abord dire qu’on obéirait aux ordres du patronat, puis que faire la loi revient à contourner la jurisprudence ! Vient un moment où il faut cesser l’injure et la sottise… Non, nous n’obéissons pas au patronat, et faire la loi, ce n’est pas contourner la jurisprudence, mais faire ce pourquoi nous sommes là.
En réponse à la question de Mme Linkenheld, je puis déjà citer quelques chiffres publiés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – la DARES – en août 2014 et portant sur les bases 2012 : 15,4 % des salariés, soit 3,5 millions de personnes, travaillent la nuit, habituellement ou occasionnellement. Le travail de nuit est plus répandu dans le tertiaire, où il concerne 30 % des salariés dans la fonction publique et 42 % dans les entreprises privées de services. Sur le supplément salarial, qui concerne plus particulièrement le tertiaire, je vous apporterai d’autres informations, que je souhaiterais pouvoir vous donner branche par branche, mais je puis déjà vous communiquer les données consolidées de la DARES : en 2012, le supplément salarial associé au travail habituel la nuit peut être estimé à 8,1 % et celui associé à un travail occasionnel la nuit à 3,6 % par rapport aux salariés qui ne travaillent jamais la nuit.
On m’a confirmé que le tertiaire compensait moins que l’industrie le travail de nuit, mais on est loin du « payé double ». C’est cependant normal, car nous parlons aujourd’hui de zones très spécifiques, et de commerces réalisant de fortes marges, qui ont donc la capacité de payer leurs salariés en soirée, ce qui nous donne plein confort pour instaurer le « payé double ».
Votant contre l’amendement de Mme Fraysse, je voudrais néanmoins, parce que j’ai été élu en même temps qu’elle, voilà fort longtemps, témoigner de sa courtoisie et de son respect envers tous nos collègues depuis qu’elle a été élue.
Sur ces paroles amicales, fraternelles et de respect, nous allons maintenant procéder au scrutin.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1037, 1186 et 2624.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 46 Nombre de suffrages exprimés: 45 Majorité absolue: 23 Pour l’adoption: 11 contre: 34 (Les amendements identiques nos 1037, 1186 et 2624 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 1796.
Je défendrai en même temps les amendements nos 1796, 43 et 1788, les trois visant à étendre certaines des avancées de ce texte réservées aux zones touristiques internationales aux zones touristiques ou commerciales non internationales.
Vous souhaitez élargir à l’ensemble des zones touristiques les dispositions spécifiques prévues par le projet de loi en matière de travail en soirée pour les seuls commerces des zones touristiques internationales. Cette catégorie ne saurait justifier une ouverture des commerces en soirée : le dispositif se veut, comme nous l’avons déjà dit, très limité et restreint aux seules zones du territoire où il existe une demande de consommation nocturne, autrement dit une affluence très exceptionnelle. Il n’est donc pas question d’élargir, de quelque manière que ce soit, ce dispositif dérogatoire ; c’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les amendements nos 1796 et 43, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Les amendements nos 1581 et 1788 sont identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1581.
Un certain nombre de commerces qui ne sont pas situés en zone touristique internationale n’en sont pas moins ouverts jusqu’à 24 heures en raison d’un accord collectif prévoyant cette possibilité. Comme votre article ne fait pas référence à ce cas de figure, je propose de le rajouter.
M. Lefebvre a défendu l’amendement identique no 1788.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1581 et 1788 ?
La généralisation du travail en soirée dans les commerces de détail ne correspond pas du tout au projet de loi que nous sommes en train d’élaborer : il n’est pas question que l’ensemble des commerces de détail puissent ouvrir en soirée, ni de contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a réaffirmé que la nécessité d’assurer la continuité économique n’était pas démontrée pour les commerces de détail. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos 1581 et 1788, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 42.
Je défendrai ensemble les amendements nos 42 et 1936, qui vous proposent de reporter le début de la période de nuit à une heure du matin, au lieu de minuit. Je pense en effet qu’il faut coller à la réalité : le métro fonctionne aujourd’hui jusqu’à 0 heure 30.
L’objectif annoncé pour le week-end, notamment à Paris, est de le faire fonctionner progressivement la nuit, heure par heure – à Londres, c’est la nuit entière. De la même façon, il suffit d’aller aux Champs-Élysées pour voir que la vie ne s’arrête pas à minuit. Une heure du matin serait plus raisonnable et correspondrait plus à la réalité ; comme vous le savez, j’essaye que nous légiférions, les uns et les autres, en collant à la réalité de nos compatriotes.
Sur l’extension de la période de travail en soirée à une heure du matin au lieu de minuit, il y a une réalité que vous ne pouvez pas méconnaître : lorsque vous arrêtez votre travail à minuit, autrement dit lorsque vous fermez un magasin sur les Champs-Élysées à minuit, il vous faut le temps de faire votre caisse et de ranger le cas échéant le magasin. Bien souvent, les salariés ne partent pas du magasin à minuit précises, mais trois quarts d’heure, voire une heure après.
Le fait de repousser la fermeture à une heure du matin aurait pour conséquence de faire partir les salariés plus près de deux heures du matin que de une heure. C’est donc un peu particulier !
Tout à fait ! Mais il est vrai que ce report ne nous paraît pas raisonnable : l’heure de minuit nous semble suffisante pour les besoins de la consommation.
À Toulouse, le métro circule même jusqu’à trois heures du matin le week-end !
Par ailleurs, travailler jusqu’à minuit, nous le savons tous ici, agit sur la santé des gens.
Nous proposons sur ce point des dispositifs dans le projet de loi sur lequel nous travaillons.
Vous souhaitez également supprimer l’obligation de contrepartie salariale du travail en soirée. Je crois qu’il n’est pas souhaitable de revenir sur ce plancher. Dans les zones touristiques internationales et pour le travail en soirée, nous avons introduit le doublement du salaire, le volontariat et la réversibilité : ce sont des avancées sociales dont nous nous félicitons tous.
Enfin, vous évoquez le fait que le travail de nuit n’est pas assorti de telles compensations d’ordre légal : c’est vrai, mais le travail en soirée serait par définition moins pénible que le travail de nuit. Vous oubliez que les commerces ne sont en réalité juridiquement pas habilités à ouvrir au-delà de 21 heures ; or c’est précisément parce qu’il n’y a pas de nécessité économique que de telles contreparties sont aujourd’hui exigées.
Nous devons donc faire en sorte que les salariés qui travaillent jusqu’à minuit, donc en soirée, puissent bénéficier de compensations normales et suffisantes pour assurer cette activité. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.
Les amendements nos 42 et 1936, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Cet amendement vise à maintenir la fin de la période de nuit à sept heures du matin. Selon les cas, la durée totale de la période de nuit sera de neuf heures lorsque le début se fait à 22 heures, de huit heures lorsque le début est à 23 heures, ou de sept heures lorsque le début est à minuit. Cet amendement évite donc que les salariés travaillant à partir de sept heures du matin ne se retrouvent dans certains cas en période de nuit.
Pour lever toute ambiguïté, il faut préciser que les salariés continueront de bénéficier du repos quotidien de onze heures consécutives à titre individuel.
C’est donc bien une autre équipe qui démarre à sept heures du matin, mais on évite la requalification automatique de contrats commençant à neuf heures pour la relève, et qui se seraient retrouvés mécaniquement en travail de nuit.
L’amendement no 2814, accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 44.
Je fais référence aux propos du ministre tout à l’heure concernant Sephora, affirmant qu’il n’y avait pas d’accord d’entreprise. C’est justement pour cela que je propose d’ouvrir la possibilité de faire un référendum, ce qui permettra de connaître la réalité de la volonté des salariés.
Cela est souhaité par tout le monde : Mme Fraysse nous disait tout à l’heure qu’elle voulait connaître la volonté des salariés. Je ne pense pas que chacun de nous soit en mesure de parler en leur nom, pas plus vous que moi : c’est donc bien en les interrogeant, eux, que l’on pourra savoir ce qu’ils pensent !
Je voudrais rappeler une fois de plus – c’est toujours nécessaire – la règle d’or et l’esprit de ce texte : pas d’accord, pas d’ouverture ! Nous avons, dans les articles précédents, supprimé la décision unilatérale de l’employeur ; il est donc normal, s’il est recouru au travail en soirée, que cela fasse l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux et que la conclusion d’un accord collectif soit bien une condition sine qua non de l’ouverture en soirée. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.
Même avis, car il s’agit d’un cas très spécifique : celui du travail en soirée dans les zones touristiques internationales – zones dans lesquelles un fort potentiel d’activité a été identifié. S’il n’y a pas d’accord avec la règle du « payé double » telle que définie par la loi, cela veut dire qu’il y a un vrai problème non seulement de dialogue social, mais également sur les compensations proposées par l’employeur, qui pourrait expliquer le blocage. C’est la philosophie de cette réforme, et nous devons être cohérents jusqu’au bout.
Concernant les accords sur le commerce en soirée – c’est un autre élément d’information à apporter à Mme la députée Linkenheld –, ceux qui sont en train d’essayer de conclure de tels accords, comme une certaine enseigne dont je tairai le nom – je vous rassure, ce n’est pas l’une de celles que vous avez citées –, le font avec des compensations de 25 ou 30 %, qui sont donc insuffisantes. Nous allons donc largement rehausser les obligations.
Je pense que cela est nécessaire si nous voulons être cohérents avec nous-mêmes : nous avons défini ces zones en tenant compte du potentiel d’activités et de création économique. Il est donc nécessaire d’être exigeant et de ne pas aménager une voie de contournement.
L’amendement no 44 n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2609.
Il s’agit d’un amendement de réécriture des alinéas relatifs aux mesures prévues par l’accord collectif. Il tire en fait les conséquences des modifications intervenues dans le cadre de la commission spéciale, qui a souhaité renforcer les dispositions obligatoirement prévues par l’accord collectif aménageant le recours au travail en soirée.
L’amendement ne modifie en rien le contenu des garanties apportées, mais se contente de le réorganiser sous la forme d’une énumération beaucoup plus cohérente.
Avis favorable.
J’avais moi-même déposé un amendement – qui va fatalement tomber si celui-ci est adopté – qui réécrivait le premier alinéa de votre amendement de réécriture, si je puis dire. Demander la mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur pour le salarié est en effet un peu restrictif : on peut estimer que certains salariés veulent venir avec leur voiture personnelle.
Mise à disposition d’un moyen de transport, cela veut dire qu’on met à disposition une voiture : je proposais donc que l’accord « précise les modalités de transport qui permettent au salarié » de garantir la sécurité.
On peut par exemple envisager que l’employeur dédommage les kilomètres. Mais mettre un véhicule à disposition à la place de celui du salarié, simplement parce qu’il travaille la nuit, je trouve que c’est de l’argent jeté par les fenêtres. De plus, le salarié n’est peut-être pas d’accord pour changer de véhicule !
L’amendement no 2609 est adopté et les amendements nos 1394, 297, 1455, 1038, 2982 et 1717 tombent.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2384 rectifié.
Cet amendement est explicite par son texte même : « Un décret définit les modalités de prise en compte des heures de travail en soirée au titre des facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail. »
Il s’agit là que la pénibilité du travail de soirée soit prise en considération. En effet, le décret no 2014-1159 du 9 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité prévoit notamment les facteurs de risques concernant le travail de nuit, lequel est défini aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31, et le travail en équipes successives alternatives.
Il n’intègre pas, et pour cause puisque cela n’existait pas jusqu’à aujourd’hui, le travail en soirée. Or le travail en soirée s’effectue sur une plage horaire qui jusqu’ici était considérée comme du travail de nuit, et donc entrait dans le cadre de la pénibilité. Il est donc tout à fait essentiel et cohérent que les facteurs de risques liés au travail de nuit soient également reconnus pour le travail en soirée et pris en compte au titre de la pénibilité.
C’est donc l’objet de cet amendement qui, s’il était soutenu par nos collègues socialistes préoccupés de la santé et du confort des salariés, enverrait un signe largement utile dans ce texte qui ne nous en a vraiment pas envoyé beaucoup !
Madame la députée, vous renvoyez à un décret pour la prise en compte de la pénibilité du travail en soirée. Vous l’avez dit, avec raison : nous sommes très attachés à ce que les salariés puissent bénéficier de compensations liées à la pénibilité ; le Gouvernement s’y est engagé.
Il a d’ailleurs confié il y a peu une mission spécifique sur la pénibilité à Christophe Sirugue : je souhaite donc vous renvoyer auprès de lui. Vous pourriez ainsi faire partie des différents interlocuteurs qu’il ne manquera pas d’auditionner dans le cadre de cette mission visant à évaluer et à mettre en place un certain nombre de mesures et de dispositions.
Il me semble par ailleurs que les dispositions déjà adoptées par la commission spéciale répondent à vos préoccupations. En effet, la commission a souhaité prévoir que les garanties applicables aux travailleurs de nuit, à savoir un suivi médical spécifique, le droit de retour à un poste de jour pour les femmes enceintes, et autres dispositions similaires, s’appliquent également aux travailleurs en soirée.
Enfin, la mise en place progressive du compte pénibilité tel qu’il existe est déjà suffisamment complexe sans qu’il faille en plus modifier sans cesse le dispositif. Je vous renvoie sur ce point à la mission saura conduire avec talent notre collègue Christophe Sirugue.
Même avis.
Je suis ravi, monsieur le rapporteur, de vous entendre expliquer à la représentation nationale que la mise en place du compte pénibilité est extrêmement complexe.
C’est la majorité qui l’a voté, monsieur le rapporteur, pas le MEDEF ! Je vous remercie donc de cette précision, qui sera très utile dans notre débat.
Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée par Mme Fraysse. En effet, les dispositions que vous évoquez ne semblent pas prévoir de faire bénéficier ces salariés de tous les avantages liés à la prise en compte de la pénibilité. En tout cas, ce n’est pas aussi clair que cela devrait l’être. C’est pourquoi, tout en maintenant ses critiques à l’encontre des modalités actuelles de prise en compte de la pénibilité, le groupe UMP tient à rappeler qu’il est attaché à ce que celle-ci soit prise en compte et compensée. C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de cet amendement.
Je reconnais, monsieur le rapporteur, que la commission spéciale a adopté des dispositions visant à protéger certains salariés, tels que les femmes enceintes. Cependant, comme M. Poisson vient de le souligner, le sujet du débat est celui du compte pénibilité.
Même si vous inventez aujourd’hui un nouveau « truc » que vous appelez « travail en soirée », les horaires de travail en cause sont bien de ceux reconnus par la loi comme ouvrant droit à bénéficier du compte pénibilité au titre du travail de nuit. Il me semble donc qu’ils devraient être automatiquement reconnus comme facteurs de risque ouvrant droit au compte pénibilité.
Je ne vois pas en quoi l’adoption de mon amendement aggraverait la complexité d’un dispositif qui est effectivement compliqué. Je ne voudrais pas être désagréable – ce n’est pas dans ma nature –, mais en le refusant, vous envoyez un signe extrêmement préoccupant, qui s’ajoute à tous ceux que vous avez déjà envoyés, et qui, de surcroît, ne sont pas cohérents.
L’amendement no 2384 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2329.
Cet amendement vise à mieux encadrer le processus de réversibilité du volontariat en matière de travail en soirée introduit par ce projet de loi en garantissant un véritable droit au retour au travail de jour aux salariés qui auraient accepté de travailler en soirée.
En effet, dans le texte qui nous est proposé, c’est l’accord collectif qui a la charge de déterminer les modalités de prise en compte du changement d’avis du salarié. Il nous apparaît plus sécurisant pour les salariés de confier au législateur le soin d’affirmer clairement le droit au retour au travail de jour, d’en fixer les modalités et d’en garantir l’exécution. C’est le sens de notre amendement.
Il prévoit en outre un préavis de deux semaines pour permettre à l’employeur de procéder au remplacement du salarié ne souhaitant plus travailler en soirée.
Il étend enfin aux employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de travail en soirée la sanction applicable aux employeurs ne respectant pas leurs obligations en matière de travail de nuit, à savoir la peine d’amende prévue en cas de contravention de cinquième classe, qui sera due pour chaque salarié concerné par l’infraction.
C’est là encore une disposition logique au regard de l’état actuel du droit.
Vous souhaitez, madame la députée, renforcer les modalités de refus du salarié de travailler en soirée, en prévoyant que celui-ci peut à tout moment le faire, sous réserve d’en informer son employeur par un préavis de deux semaines, délai qui me semble particulièrement court.
Votre préoccupation est déjà prise en compte par le projet de loi, qui prévoit que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit peuvent être amenés à travailler en soirée. Le texte instaure une protection du salarié contre la discrimination à l’embauche dans le cadre de l’exécution du contrat, ainsi qu’une protection contre le licenciement en cas de refus.
Vous vous en souvenez, la commission spéciale a souhaité prévoir que l’accord collectif fixe spécifiquement les modalités de prise en compte de la situation personnelle du salarié, en particulier dans le cas où celui-ci change d’avis. Certes, les accords ne retiendront pas forcément un délai de préavis de deux semaines, qui nous paraît trop court, mais l’objectif de votre amendement de protéger dans le temps le volontariat du salarié me semble satisfait par le texte.
C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, sans guère me faire d’illusion…
Même avis.
L’amendement no 2329 n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1718 et 3005, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1718.
Cet amendement est le frère jumeau, si j’ose dire, de celui que j’ai défendu en ce qui concerne les ZTI, à ceci près qu’il s’appliquerait cette fois au travail en soirée.
Nous souhaitons que l’accord du salarié exprime pour travailler en soirée figure sur un document distinct du contrat de travail, et qu’il soit signé après la période d’essai, afin de ne pas avoir d’incidence sur l’éventuelle embauche du salarié. En effet, celui-ci risquerait sinon d’être pénalisé par un refus de travailler la nuit.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 3005.
Dans le même esprit, les auteurs de cet amendement souhaitent que la possibilité de travailler en soirée soit clairement dissociée du contrat de travail, afin qu’elle ne constitue pas une condition d’embauche ou de pérennité de l’emploi d’un salarié.
Je ne suis évidemment pas insensible à la réserve que vous souhaitez introduire, qui doit permettre que le refus de travailler en soirée ne soit pas un motif de refus d’embauche. Il s’agit ici de tenir compte de la vulnérabilité particulière du salarié pendant la période d’essai.
Toutefois, la reconnaissance de cette vulnérabilité conduit à ce que le salarié en période d’essai ne soit pas considéré comme un salarié à part entière. En pratique, cela veut dire qu’un salarié en période d’essai ne peut pas travailler en soirée, sauf en cas d’accord écrit de sa part, et qu’il peut refuser de donner son accord à l’issue de la période d’essai. Cela peut concrètement poser des difficultés à l’employeur en matière de recrutement, celui-ci ayant besoin de connaître les intentions de son salarié quant au travail en soirée.
C’est pourquoi, comme sur le travail dominical, mon avis sur ces deux amendements est défavorable.
Même avis.
Il faut vraiment ne pas connaître la réalité des boîtes, monsieur le rapporteur, pour ne pas se rendre compte que si l’accord pour travailler la nuit n’est pas dissocié du contrat de travail, le salarié sera soumis pendant sa période d’essai à des pressions insupportables pour qu’il donne son accord.
Franchement, on livre totalement le salarié à l’arbitraire patronal ! En votant l’amendement de Mme Fraysse, qui est un amendement raisonnable, la majorité montrerait son attachement à ce que cette loi préserve les droits fondamentaux des travailleurs.
Les amendements nos 1718 et 3005, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique thématique, pour soutenir l’amendement no 1439.
L’amendement no 1439, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 1598.
Cet amendement vise à garantir la réversibilité de l’engagement de travailler en soirée. Conformément aux préconisations du rapport Bailly, nous souhaitons que l’employeur demande tous les six mois au salarié s’il souhaite continuer de travailler en soirée. Cette disposition permettrait au salarié de ne pas être pieds et poings liés par son engagement initial.
Vous souhaitez, madame la députée, renforcer les modalités de refus du salarié de travailler en soirée en prévoyant que tous les six mois, l’employeur demande au salarié s’il souhaite toujours travailler en soirée. En cas de refus, celui-ci serait effectif dans un délai d’un mois.
Votre préoccupation est déjà prise en compte par le texte, qui prévoit que seuls les salariés volontaires qui ont donné leur accord écrit peuvent être amenés à travailler en soirée et les protège contre toute discrimination à l’embauche, dans le cadre de l’exécution du contrat ainsi que contre le licenciement.
J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.
L’amendement no 1598, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n° 2557.
L’amendement no 2557, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l’amendement no 1440.
L’amendement no 1440, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n° 2047.
Il s’agit de préciser les garanties applicables aux travailleurs en soirée. Cet amendement vise à permettre la prise en compte cumulée des heures de travail de nuit et de travail en soirée.
Il tire en fait la conséquence des modifications que nous avons souhaité apporter en commission spéciale, en prévoyant que les travailleurs de soirée se voient appliquer l’ensemble des garanties offertes aux travailleurs de nuit. Il est en conséquence logique que les paramètres de décompte des heures qui définissent les travailleurs de nuit, soit deux fois trois heures de travail de nuit par semaine ou 270 heures par an, s’appliquent également pour définir le travail en soirée.
Dans le cas où un salarié effectue des heures de travail en soirée et des heures de travail de nuit, l’ensemble de ces heures cumulées sera bien décompté.
L’amendement no 2047, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 81, amendé, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 344.
L’amendement no 344, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2611.
Cet amendement est important, puisqu’il concerne les arrêtés préfectoraux de fermeture et leur révision à la demande des organisations professionnelles majoritaires.
Nous proposons ici une réécriture de la révision des arrêtés devenus obsolètes.
En effet, dans la rédaction adoptée par la commission spéciale, devenue l’article 81 bis, le dispositif retenu pouvait laisser entendre que l’ensemble des arrêtés préfectoraux de fermeture pourraient être remis en cause dès lors qu’ils ne reposeraient pas sur un accord formalisé entre les organisations professionnelles compétentes. Or, telle n’était pas l’intention de l’amendement.
Nous proposons donc de revoir la rédaction du dispositif, en prévoyant simplement une procédure d’abrogation d’un arrêté préfectoral qui serait contesté par des organisations patronales et syndicales représentant la majorité des membres de la profession concernée par l’arrêté en question.
Il s’agit de ne soumettre à la révision que les seuls arrêtés préfectoraux de fermeture devenus obsolètes, et non les autres.
Je rappelle ici ce qu’est la procédure de l’arrêté préfectoral de fermeture, afin que cela soit bien clair pour chacun d’entre vous.
Avec l’assentiment de la majorité des représentants d’une profession, le préfet peut donc ordonner la fermeture dominicale des commerces – y compris de ceux qui n’emploient pas de salariés – à la demande d’une organisation professionnelle.
Cette procédure permet de répondre à des distorsions de concurrence pouvant exister dans certains secteurs, soit parce qu’un seul commerce souhaite ouvrir et que tous les autres le font de façon contrainte, pour ne pas subir une concurrence déloyale, soit parce que le secteur comporte de nombreux et importants commerces familiaux, sans salariés, qui ne sont donc pas soumis aux obligations qui s’imposent aux autres commerces en matière de repos dominical.
L’amendement no 2611, accepté par le Gouvernement, est adopté, les amendements nos 1941 rectifié, 2044, 2069, 2050, 2070, 3132, 3140 et 1461 rectifié tombent, et l’article 81 bis est ainsi rédigé.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement no 2663.
Monsieur le ministre, je ne suis toujours pas convaincu de la pertinence de l’extension des ouvertures à douze dimanches, même si nos concitoyens doivent pouvoir céder à ce que l’on pourrait appeler des achats d’impulsion ou des achats familiaux.
Je ne suis pas convaincu en termes d’enjeux sociétaux – équilibre familial, dynamique associative. Nos collègues en ont déjà longuement parlé.
Je ne suis pas convaincu non plus d’un point de vue économique, car je suis persuadé qu’il y a un risque à faire la part belle à la grande distribution au détriment de nos commerces de proximité, les compensations prévues pouvant être difficiles à supporter pour les petites structures.
J’en viens à l’amendement. Face à cette extension, il me paraît opportun d’accentuer le contrôle et de mettre en place avec les différents acteurs un garde-fou territorial.
Je suis l’élu d’une petite ville de 6 000 habitants qui dispose, comme toutes les petites villes, d’une offre de premier niveau, avec des petits commerces de centre-ville et, comme c’est parfois le cas, d’une zone d’activités commerciales en périphérie, qui a vocation à éviter la fuite des flux commerciaux, l’équilibre concurrentiel entre les deux étant parfois difficile à trouver.
Comme c’est parfois le cas, là encore, ces petites villes ne sont séparées que de quelques dizaines de kilomètres d’une plus grande cité, en l’occurrence, Saint-Quentin, que vous connaissez bien, qui compte 50 000 habitants et qui comporte une offre de deuxième niveau – on y trouve, par exemple, l’enseigne Décathlon.
Le samedi, nous observons donc, comme partout, le siphonnage des commerces de proximité de nos petites villes au profit de ces commerces de deuxième niveau.
Parce qu’il existe une interaction entre les différents niveaux d’offres, il est nécessaire, sur un plan territorial, d’opérer une régulation, à partir d’un périmètre pertinen,t afin d’observer ces flux commerciaux et de trouver les bons équilibres, de maintenir les petits commerces de proximité et d’offrir à nos territoires une vie sociale harmonieuse.
Cet amendement vise donc à installer une instance de concertation commerciale prenant en compte l’ensemble de ces éléments avec les différents acteurs des territoires et sur un périmètre pertinent, celui des schémas de cohérence territoriale, les SCoT, qui sont à la fois un périmètre de vie et un périmètre économique.
Monsieur Bricout, votre amendement prévoit d’organiser une concertation annuelle sur les pratiques d’ouvertures dominicales dans le cadre des SCoT, autour du préfet de région, du maire, du président des EPCI, des associations de commerçants et des partenaires sociaux qui le souhaitent.
Ce type de concertation me semble être le bienvenu. Nous en avons maintes fois discuté ensemble, et vous avez également abordé cette question en commission spéciale, où vous auriez d’ailleurs souhaité aller un peu plus loin.
Pour autant, je crois que nous avons trouvé ici un compromis. Il est en effet essentiel qu’au-delà du pouvoir de décision confié aux élus locaux ou aux préfets de région pour autoriser des ouvertures dominicales de commerces, un véritable dialogue puisse s’instaurer entre les différents acteurs concernés, afin d’évaluer les conséquences des ouvertures ou des fermetures et d’assurer la cohérence, dans une zone de chalandise, en matière de concurrence et d’attractivité du territoire.
C’est pourquoi, monsieur Bricout, j’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Nous avons en effet débattu de cette question en commission spéciale, monsieur le député Bricout, où vous avez porté ces préoccupations avec constance.
Il me semble en effet que la rédaction qui a été arrêtée permet, en plus de l’avis conforme de l’EPCI que vous avez précédemment voté, d’assurer la cohérence sur les territoires.
Le périmètre du SCoT permet quant à lui de corriger les éventuels effets de bord lorsque l’EPCI n’est pas forcément le niveau adéquat et qu’une commune voisine, qui n’est pas membre de ce dernier, peut prendre des décisions qui déstabiliseraient telle ou telle commune – vous avez d’ailleurs cité des cas très concrets.
Il me semble que cet amendement permet de prévenir ce genre de situation.
Avis favorable.
L’amendement no 2663 est adopté
Je suis saisi de trois amendements, nos 1040, 1316 et 2048, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1040.
Cet article accorde un délai de trente-six mois, soit trois ans, à compter de la publication de la présente loi pour que les établissements concernés se conforment aux accords.
Certes, nous souhaitons que les négociations collectives puissent se dérouler dans de bonnes conditions, et nous comprenons parfaitement que cela ne puisse se faire du jour au lendemain.
Nous souhaitons d’ailleurs qu’elles n’aient pas lieu de façon précipitée car si nous voulons disposer de bonnes garanties, il faut avoir le temps d’en parler.
Je ferme la parenthèse.
Pour autant, discuter pendant trois ans, cela nous paraît beaucoup, surtout lorsque pendant cette longue période, certains salariés pourront continuer à travailler le dimanche et en soirée sans recevoir de compensations et que d’autres… Bref !
Toutes les mesures que vous présentez comme des avancées sociales n’auront donc pas l’honneur et l’avantage d’être appliquées.
Nous vous proposons donc de réduire ce délai. M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu en commission spéciale qu’il était long. Le rapporteur propose de le ramener à deux ans. Nous pensons quant à nous, vous le savez, que la norme légale dans les entreprises étant la négociation obligatoire annuelle, une année serait raisonnable.
C’est pourquoi nous proposons cet amendement.
Cet amendement concerne donc les délais de négociation.
Les PUCE actuels ou les communes touristiques qui n’avaient pas besoin d’être couvertes par des accords ne prévoyaient pas nécessairement de contreparties. Il est donc normal de laisser le temps de négocier afin de parvenir à de nouveaux accords.
En commission spéciale, nous avions proposé un amendement visant à ramener à un an le délai de régularisation de ces situations.
Nous avons entendu dire que cela pouvait être trop court pour favoriser un véritable dialogue social, mais les organisations syndicales s’inquiètent quant à elles d’un délai aussi long que trois ans.
C’est pourquoi nous proposons un délai de 18 mois pour conclure un accord.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2048.
L’objectif de cet amendement est de ramener à deux ans le délai de mise en conformité des commerces des zones dérogatoires avec les nouvelles obligations qui s’imposeront à eux.
Le changement concerne surtout en l’occurrence les zones touristiques qui ne sont pour l’instant soumises à aucune obligation de négociation d’un accord comportant des contreparties salariales, ni sur le respect du volontariat du salarié, et dans une moindre mesure les PUCE, dans lesquels il était jusqu’alors possible de procéder par voie unilatérale.
Mais, comme vous le savez, l’esprit du texte est le suivant : pas d’accord, pas d’ouverture ; une volonté de négociation avec les partenaires sociaux.
Il nous a donc semblé pertinent d’instaurer un délai de deux ans pour les commerces considérés, qui est aussi acceptable pour leurs salariés, sachant que le délai de trois ans – je rejoins ici Mmes Fraysse et Sas – était en effet beaucoup trop long.
Je considère qu’entre ces trois ans et les 12 ou les 18 mois que vous proposez, nous pouvons faire un compromis de 24 mois…
… qui nous semble aller dans le bon sens.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable à leur adoption, au bénéfice de celui que je viens de défendre.
Le Gouvernement avait en effet proposé un délai de trois ans.
Je souhaite tout de même rappeler un point : toute nouvelle ouverture est soumise à l’accord de branche, d’entreprise ou de territoire.
Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, et pour être parfaitement clair, je rappelle que ce délai ne concerne pas les nouvelles ouvertures.
Partout où l’ouverture n’est pas effective à ce jour, un accord est donc nécessaire comme préalable.
En revanche – et nous avons débattu à ce propos – des zones touristiques, en particulier, mais aussi commerciales, qui ne sont pas couvertes par des accords. Dans ce dernier cas notamment, une décision unilatérale peut avoir été prise, suite à un référendum, prévoyant que les salariés sont payés double. Une renégociation sera nécessaire, dont nous devons aménager les conditions – d’où le délai transitoire.
Il est vrai que le délai d’un an nous semble trop court même si, vous avez raison, madame Fraysse, la norme légale est la négociation obligatoire annuelle. Il est néanmoins possible de se retrouver face à un blocage, qui pourrait entraîner une fermeture là où des salariés avaient répondu favorablement dans le cadre d’un référendum voilà quelques années, et étaient donc payés double.
Nous avons rencontré ce problème, il faut bien le constater collectivement, lorsque le délai accordé dans le cas du temps partiel s’est révélé trop bref. Cette vraie avancée portée par la loi de sécurisation de l’emploi nous a menés à des impasses faute d’un délai de négociation suffisamment long.
Je reconnais, et je l’ai déjà indiqué en commission, qu’un délai de trois ans est trop long, et peut même paraître dilatoire. Il n’y a pas de vérité des chiffres, mais il me semble qu’un délai de deux ans serait équilibré. En effet, dans le cas où une première négociation échouerait, il paraît raisonnable que l’on puisse la reprendre jusqu’à deux ans après la promulgation de ce texte. S’il n’y a pas d’accord, en revanche, il faut aller au bout de la logique, à savoir la fermeture – c’est d’ailleurs toute la force de ce projet.
Un délai inférieur à deux ans me semble vraiment trop court, et c’est pourquoi, madame Fraysse, madame Sas, je vous invite à retirer vos amendements et à vous rallier à celui du rapporteur, sur lequel j’émettrai un avis favorable.
Je ne retire pas mon amendement, mais je vais bien sûr voter le vôtre, monsieur le rapporteur, car il va dans le sens que je souhaite. Je vous ferai cependant observer qu’une solution de compromis aurait pu consister à adopter l’amendement de Mme Sas, qui proposait un délai de 18 mois.
Je remercie ma collègue Jacqueline Fraysse pour son intervention, et j’allais faire exactement la même remarque qu’elle : il me semble que dix-huit mois serait un bon compromis entre douze et vingt-quatre mois, au moins d’un point de vue mathématique.
Comme ma collègue, je maintiens mon amendement. Mais si par malheur il n’était pas adopté, je voterais celui proposé par le rapporteur, qui va dans le bon sens.
Les amendements nos 1040 et 1316, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L’amendement no 2048 est adopté.
Je suis saisi par M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, d’un amendement rédactionnel, no 1442.
L’amendement no 1442, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi par M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, d’un amendement de coordination, no 2049.
L’amendement no 2049, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 1716.
L’amendement no 1716, accepté par le Gouvernement, est adopté, et les amendements nos 2217, 1463, 1801 et 3115 tombent.
L’article 82, amendé, est adopté.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous avons la fierté de faire vivre le débat démocratique dans cet hémicycle, nous apprenons, par les moyens modernes d’information, qu’une fusillade qui a fait plusieurs blessés graves vient d’avoir lieu à Copenhague, à l’occasion d’un débat sur la liberté d’expression et de caricature, auquel participaient l’ambassadeur de France et un caricaturiste suédois.
Je voulais simplement vous dire combien nous sommes fiers, aujourd’hui, de participer à ce débat vif et ouvert. Je tenais aussi à adresser un message de solidarité aux victimes et de solidarité démocratique au peuple danois, qui se trouve aujourd’hui agressé, comme nous l’avons nous-mêmes été il n’y a pas si longtemps.
Applaudissements sur tous les bancs.
Notre groupe s’associe à l’hommage qui vient d’être rendu par notre collègue.
S’agissant de notre texte, je vous demande, monsieur le président, dix minutes de temps de parole supplémentaires, en vertu de l’article 55, alinéa 6 de notre règlement, pour des amendements déposés hors délai.
J’ai bien entendu votre demande, monsieur Cherpion.
Je vous propose de procéder à une suspension de séance de cinq minutes après l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 82.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 3033.
Cet amendement, qui a été déposé par ma collègue Sandrine Mazetier, et que j’ai cosigné avec d’autres de mes collègues, concerne un sujet que nous avons déjà évoqué tout à l’heure : il s’agit de rappeler que le dimanche est aussi le temps du civisme, le jour où sont organisées les élections locales et nationales dans notre pays.
Je n’ai pas besoin de rappeler combien il importe que nous nous mobilisions tous pour lutter contre l’abstention électorale et pour faire en sorte que nos concitoyens se rendent le plus massivement possible aux urnes. Je pense que tous les démocrates de cet hémicycle partagent cette préoccupation. Cet amendement propose donc que l’ouverture des commerces ne puisse avoir lieu les dimanches où sont organisées les élections locales et nationales.
Cet amendement est satisfait par les dispositions que nous avons prises, à l’article 77, d’une part, pour les dérogations géographiques, et à l’article 80, d’autre part, pour les dimanches du maire. Nous avons déjà adopté des dispositions pour que les employeurs et les maires accordent à leurs salariés le temps nécessaire pour se rendre dans leur mairie afin de participer aux différents scrutins. Ce dispositif s’ajoute à ceux existants, comme les procurations. Votre amendement étant déjà satisfait, je vous invite à le retirer, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement no 3033, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 2992 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 3294.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement est très simple : il consiste à donner aux préfets des collectivités des outre-mer visées par l’article 73 de la Constitution la possibilité – et non l’obligation – de substituer à certains jours du calendrier que nous avons en commun des jours spécifiques à nos territoires, qui ont un sens particulier pour eux. Il s’agit de donner cette faculté aux préfets, après une discussion au niveau de chaque territoire et au terme d’un accord local.
Nous voulons insister sur le fait qu’il s’agit bien d’une substitution : pour des raisons économiques évidentes, nous ne voulons pas que des jours fériés supplémentaires soient créés. Cet amendement, monsieur le ministre, s’inscrit dans la droite ligne d’une démarche qui vise à donner une transparence et une base légale aux pratiques diverses qui s’expriment sur nos différents territoires.
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, pour soutenir le sous-amendement no 3294 et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 2992.
Ce sous-amendement tend à limiter le pouvoir d’adaptation des jours fériés aux spécificités ultramarines aux seuls jours fériés non républicains, et en excluant également et logiquement le 1er mai. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émettrai un avis favorable à l’amendement no 2992.
Parce qu’il s’agit d’un amendement important, je tiens à clarifier les choses. Dans certaines collectivités d’outre-mer – vous avez raison de le rappeler, madame la députée – l’histoire et les origines de la population justifient que l’on ait déjà adapté les dates des jours fériés ou chômés. Et le droit du travail permet, dans les outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, d’ajouter au dispositif légal des jours fériés, des jours chômés supplémentaires, en lien avec les partenaires sociaux. Je comprends qu’au-delà des adaptations déjà permises par la loi, des attentes particulières s’expriment, notamment à la Réunion, en raison, précisément, de pratiques culturelles ou religieuses propres à cette collectivité. Votre amendement vise à satisfaire ces revendications, qui sont tout à fait légitimes.
On a pu lire dans la presse, ces derniers jours, des polémiques injustifiées à ce sujet. Vos préoccupations, le Gouvernement les partage, et il ne faut pas nourrir une confusion illégitime sur la philosophie de votre amendement. Comme vous le signalez à juste titre, ces adaptations doivent nécessairement faire l’objet d’un large consensus social et, pour cette raison, le Gouvernement considère qu’un travail approfondi doit encore être mené, afin d’aboutir à un rassemblement aussi large que possible.
Sur la forme, il est du devoir du Gouvernement de signaler que le lien avec la croissance et l’emploi reste très indirect, et il n’est pas à exclure qu’il y ait là un risque d’inconstitutionnalité, qui devra être mesuré. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur, j’émettrai sur votre amendement un avis de sagesse. Je tiens en tout cas à vous dire que le Gouvernement souhaite poursuivre cette réflexion, en vous y associant, car le problème que vous soulevez est pleinement reconnu par le Gouvernement.
Sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur, il me paraît important d’adopter l’amendement de notre collègue. Je connais, pour l’avoir moi-même constatée, la qualité du dialogue qui s’opère outre-mer, et en particulier à la Réunion, entre la République et les représentants des différents cultes. Cette île présente certes des spécificités par rapport au territoire métropolitain, mais il importe de noter qu’il existe des différences au sein même de notre territoire métropolitain, en Alsace-Moselle, par exemple. Il ne s’agit pas ici d’ajouter, de nier, ni d’enlever quoi que ce soit, mais de s’adapter à des pratiques, au terme de discussions au niveau local, qui se déroulent dans un cadre parfaitement républicain. La fête du 1er mai, ayant plus qu’aucune autre un caractère républicain, doit naturellement être exclue.
Cet amendement, s’agissant de la situation particulière de la Réunion, est un amendement de bon sens, qui renforce le dialogue déjà existant à l’échelle de l’île, et dont il serait bon de disposer dans bien d’autres endroits.
Je voulais remercier le président Le Roux pour ses paroles très fortes, qui montrent que la République est sensible à sa diversité. C’est une République moderne, ouverte à des horizons qui sont très larges, puisque la France est présente partout dans le monde par ses terres ultramarines.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, pour votre écoute et pour le travail que vous avez accompli avec nous sur ce sujet.
Merci, enfin, monsieur le ministre, pour l’attention que vous portez aux territoires ultramarins. Je sais combien vous êtes à notre écoute et combien vous soutenez les très grandes ambitions qui animent tous nos territoires.
Le sous-amendement no 3294 est adopté.
L’amendement no 2992, sous-amendé, est adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.
Chers collègues, j’ai bien entendu la demande de M. Cherpion, qui est enregistrée. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Gérard Cherpion.
Nous en arrivons à l’examen d’un article important – nous avons d’ailleurs attendu longtemps – portant sur la réforme des prud’hommes. C’est d’ailleurs la troisième fois que nous examinons ce sujet en moins d’un an. Il aurait mérité un examen particulier, mais nous le verrons à nouveau dans le cadre de la loi sur la justice du 21ème siècle ; nous serons donc amenés à en reparler.
Cette réforme des prud’hommes court-circuite une procédure habituelle à deux titres : tout d’abord, en prévoyant la possible composition d’un bureau de jugement restreint, qui compte deux conseillers prud’homaux au lieu de quatre, pour les dossiers de licenciement ; puis par le passage quasi automatique du bureau de conciliation au juge professionnel, qui fait sauter l’étape du bureau de jugement. C’est donc un changement considérable.
Cette réforme va vers l’échevinage. Il est clair que le Gouvernement veut faire des prud’hommes un système identique aux tribunaux des affaires de Sécurité sociale, puisqu’il préconise un juge et deux assesseurs. On voit bien le résultat dans les tribunaux aux affaires de Sécurité sociale : le juge décide et les assesseurs opinent. Pourtant les préconisations du rapport Marshall ont provoqué un tollé général. L’échevinage sort par la porte, mais on le fait rentrer par la fenêtre, au mépris des acteurs concernés.
La phase du bureau de jugement dans sa formation normale est évacuée, le recours au juge professionnel devient la norme. Il ne remplit plus seulement son rôle de juge départiteur, c’est la fin de la justice paritaire. C’est bien dommage : lorsque l’on parle de dialogue social à longueur de journée, il faudrait respecter cette justice paritaire.
Enfin, cette réforme ne résout en rien le problème des délais. Ces derniers explosent précisément quand l’affaire est renvoyée en départage, et on ne la réglera pas à moins d’augmenter significativement le nombre de juges professionnels et de faire de la justice du travail une justice comme les autres, mais dans ce cas, avec quels moyens ?
Les vraies questions ne sont pas traitées, et justement la question des moyens en fait partie. L’allongement des délais, quand il n’est pas dû au départage, est majoritairement dû au manque de moyens de la juridiction : manque de greffiers, manque de personnel administratif, manque de moyens matériels et financiers. L’absence d’un greffier suffit à faire renvoyer une affaire. Sur tous ces points, le projet de loi reste muet.
Avec l’article 83, nous abordons pour la troisième fois cette année la justice prud’homale, comme vient de le rappeler mon collègue. Nous pourrions même dire pour la quatrième fois, puisqu’avec les rapports Guinchard, Marshall et le plus récent, le rapport Lacabarats, c’est vraiment le quatrième projet que nous examinons sur cette justice.
Dans l’exposé des motifs de votre projet de loi, la justice prud’homale est dénoncée pour sa lenteur, son efficacité insuffisante et les multiples blocages dont elle fait l’objet. Les juges prud’homaux reconnaissent ces difficultés, bien que tout démontre qu’elles sont très inégales d’une juridiction à l’autre et que le délai de 15,1 mois pour juger une affaire dont fait état le rapporteur est très largement inférieur dans certaines juridictions. Je l’avais dit lors de la discussion générale préalable à l’examen de ce texte.
Pour ce qui concerne la départition, c’est-à-dire le recours à un juge professionnel en l’absence d’émergence d’une majorité dans la composition de jugement, le constat est le même. Si la durée moyenne est de 29,7 mois au niveau national en 2013, nous pouvons aussi voir des délais très inférieurs lorsque la juridiction sait faire valoir la justice sur l’intérêt du collège auquel chaque conseiller appartient.
Il convient aussi de s’interroger sur la responsabilité dans cette situation des pouvoirs publics, qui accumulent les réglementations sans souci de cohérence. En procédant de la sorte, nous augmentons l’insécurité des actes juridiques et les risques contentieux.
D’emblée, je veux vous le dire ici, un certain nombre de vos propositions peuvent être considérées comme allant dans le bon sens. On peut citer l’obligation de formation des conseillers prud’homaux, ils y recourent déjà, mais ils sont demandeurs de ces formations ; le renforcement des obligations déontologiques, le développement des procédures disciplinaires quand elles sont nécessaires, et l’instauration d’une procédure de mise en état des dossiers susceptible de faire reculer significativement le nombre de renvois et l’allongement des délais.
En revanche, nous protestons contre le renvoi des dossiers de conciliation au départage et la construction d’un circuit court qui permet aux justiciables de voir leur affaire jugée rapidement par un bureau de jugement en formation restreinte, ce qui revient à introduire en catimini l’échevinage et aboutirait petit à petit à la disparition des juridictions prud’homales. C’est totalement contraire au rapport Lacabarats, et nous ne pourrons souscrire à ces propositions, même si j’ai compris, à la lecture des amendements préalablement à l’examen de ce texte, que vous avez aussi pris en compte les discussions qui se sont tenues en commission spéciale et adapté vos propositions en fonction de ces discussions.
Les organisations syndicales, salariales comme patronales, sont opposées à votre réforme de la justice prud’homale. Le 26 novembre, déjà, le conseil supérieur de la prud’homie, qui rassemble toutes ces organisations, avait rejeté le texte à l’unanimité.
Votre projet ne répond pas au problème principal des conseils de prud’hommes, à savoir l’absence de moyens. En effet, si les délais de jugement sont aussi longs dans certains conseils, cela s’explique essentiellement par le manque de moyens consacrés à la justice, et d’ailleurs, pas seulement à la justice prud’homale.
Le manque de moyens est criant. Les syndicats indiquent qu’en vingt ans, les effectifs des personnels de greffe ont diminué de moitié, et les personnels administratifs ont presque disparu. De plus, le programme « justice judiciaire » du budget de la justice pour cette année baisse encore par rapport à l’année dernière, ce qui ne va pas améliorer la situation.
Il y a deux possibilités : soit fournir les moyens suffisant à la justice prud’homale pour fonctionner correctement, comme le demandent depuis des années les conseillers prud’homaux…
…soit prétexter des difficultés de fonctionnement – qui sont réelles – pour porter atteinte, en attendant peut-être d’y mettre fin, aux spécificités de cette juridiction.
C’est cette seconde voie que vous avez choisie. Pourtant, comme dans le reste du texte, plutôt que d’assumer vos intentions, vous transformez cette juridiction sans le dire. Vous introduisez discrètement l’échevinage en faisant de plus en plus intervenir des juges professionnels. Vous portez atteinte au principe d’égalité entre les justiciables et vous mettez en place une justice à plusieurs vitesses. Ainsi, pour un licenciement ou une résiliation judiciaire du contrat de travail, trois formations de jugement sont possibles : ou bien le bureau de jugement pourra être restreint à deux conseillers et devra juger l’affaire sous trois mois, ou bien l’affaire reviendra à un bureau de jugement sous sa forme classique, composé de quatre conseillers, ou bien l’affaire sera jugée par une formation comprenant un juge professionnel. On se demande où est l’égalité de traitement !
Au-delà de la défiance que vous manifestez à l’égard des conseils de prud’hommes, vous vous appuyez sur les dysfonctionnements liés au manque criant de moyens pour imposer votre vision de la justice au lieu de répondre aux demandes légitimes qui émanent de la plupart des acteurs.
Pour ces raisons, ce texte ne permettra pas de résoudre les problèmes réels, notamment la question des délais que vous mettez en avant pour faire passer cette réforme de la justice prud’homale, que j’ose qualifier d’assassine à terme.
Je veux faire une remarque et poser une question.
Ma remarque n’est pas tournée contre vous, monsieur le ministre, mais cela me pose un souci d’aborder cette réforme de la justice prud’homale dans un projet de loi intitulé « pour la croissance et l’activité économique », en dehors de la présence de la ministre de la justice.
Cela laisse à penser que la porte d’entrée de cette réforme n’est pas tant l’amélioration de la qualité de la justice rendue que la volonté de démontrer que cette justice n’entrave pas le bon fonctionnement économique du pays. Cela me semble être un très mauvais point de départ pour les discussions que nous allons avoir.
Ma question a déjà été posée par plusieurs de mes collègues : elle porte sur les moyens de la justice prud’homale. On peut partager l’objectif d’une réforme de cette justice si c’est pour la rendre plus juste et plus efficace, mais cela pose nécessairement la question des moyens. Je sais bien que la dimension financière et budgétaire n’est pas l’alpha et l’oméga, mais l’ensemble des acteurs de la justice prud’homale sont aujourd’hui d’accord pour diagnostiquer un sous-investissement, tant en termes d’indemnisation que de nombre de magistrats professionnels et de greffiers. Quels moyens et quelles ressources budgétaires prévoyez-vous pour améliorer la qualité et l’efficacité de la justice prud’homale ?
Avec l’article 83, monsieur le ministre, vous touchez à la juridiction prud’homale. Loin de moi de dire qu’il ne fallait pas travailler sur ce dispositif en réaffirmant les valeurs portées par la juridiction, comme vous le faites d’ailleurs au début de l’article, et en toilettant certains aspects de son fonctionnement. Mais à mon sens, ce qui manque le plus, ce sont les moyens.
Je m’exprime sur ce sujet en portant deux casquettes. D’une part, j’ai été pendant dix ans membre du conseil de prud’hommes de Roubaix. D’autre part, je suis rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi », qui finance la formation de la juridiction prud’homale.
Si les conseillers prud’hommes pouvaient bénéficier de la formation dont ils ont besoin, compte tenu de l’inflation permanente des normes législatives dont nous sommes responsables dans cet hémicycle et alors que le petit livre rouge appelé « code du travail » grossit de plusieurs dizaines de pages par mois, peut-être la justice prud’homale serait-elle plus adaptée et plus sereine.
Les juges prud’homaux sont indépendants et impartiaux. Le conseil est composé paritairement de représentants du collège des employeurs et du collège des salariés. Les conseillers jugent en droit et non en fonction de leurs convictions. C’est un ancien juge prud’homal qui vous le dit : au cours de ma carrière, j’ai beaucoup débattu avec mes partenaires du collège des salariés et je n’ai jamais vu un conseiller prud’homme s’asseoir sur un texte législatif et prendre une décision en fonction de ses convictions personnelles. Nous avons toujours débattu sereinement ; la loi a parfois dû être interprétée lorsqu’elle n’était pas tout à fait claire, mais jamais un conseiller ne s’en est écarté, qu’il représente les employeurs ou les salariés. Enfin, les juges prud’homaux prêtent serment, ce qui leur donne des droits, mais également des devoirs, notamment un devoir de probité que vous rappelez d’ailleurs dans le texte.
Que reprochez-vous à la justice prud’homale ? Sûrement pas son coût, puisque les juges sont bénévoles, même s’ils sont partiellement indemnisés et si l’employeur qui met à disposition le juge prud’homal se voit rembourser le salaire de ce dernier. Le coût de cette justice prud’homale bénévole est donc beaucoup plus faible que celui d’une justice professionnelle dont les magistrats seraient, par définition, salariés.
Ce que vous reprochez à la justice prud’homale, c’est la longueur des procédures et les délais de jugement. Mais Paris n’est pas la province. S’il est vrai qu’à Paris, les délais de procédure sont très longs, ce n’est absolument pas le cas dans tous les conseils de prud’hommes de province. Il y a deux ou trois semaines, j’assistais à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes de Roubaix : il y a été indiqué, si je me souviens bien, que les délais de jugement étaient de l’ordre de treize mois, ce qui est raisonnable compte tenu des échanges de pièces, de la conciliation et d’un certain nombre de procédures prévues tant par le code du travail que par les textes régissant les conseils de prud’hommes.
Un délai de treize mois ne me paraît donc pas très long. D’ailleurs, comme le disait l’un des précédents orateurs, c’est souvent l’intervention du juge du départage qui rallonge les procédures, car il s’agit d’un juge d’instance qui n’est pas toujours disponible, ce qui nécessite parfois le report des audiences. Un autre facteur de report des audiences est le fait que les pièces n’ont pas toujours été échangées.
Bien qu’elle soit orale, la procédure est contradictoire. Or les conseils de prud’hommes jugent sur pièces : si ces dernières n’ont pas été échangées, les juges ne peuvent donc pas prendre position. Ce n’est pas la faute du juge prud’homal, mais celle des parties !
Ainsi, en mettant en place une procédure soi-disant raccourcie, avec une formation de jugement composée d’un conseiller salarié et d’un conseiller employeur, avec un juge départiteur, l’article 83 instaure de façon rampante l’échevinage, ce qui démotivera complètement les conseillers prud’hommes. On comptera de moins en moins de conseillers prud’hommes bénévoles, et on assistera à l’émergence d’une justice professionnelle qui coûtera beaucoup plus cher et dont les délais seront beaucoup plus longs.
On objectera que de nombreux jugements des conseils de prud’hommes sont réformés en appel. Il est vrai qu’un certain nombre de jugements font l’objet d’un appel, mais ils ne sont pas réformés pour autant. D’ailleurs, certains jugements de cour d’appel réforment des jugements de conseils de prud’hommes pour des raisons d’équité.
Je vous donnerai des exemples, monsieur Robiliard ! Pourtant, un juge doit se prononcer en droit, et non en équité. Il doit s’appuyer sur le code du travail, et non sur ce qu’il estime équitable.
Comme l’ont déjà dit certains orateurs, c’est la troisième fois que nous allons modifier les règles de fonctionnement de la juridiction prud’homale – je vous l’avais fait remarquer lors de votre audition, monsieur le ministre, puis lors de l’examen du texte par la commission spéciale, et je vous le fais remarquer à nouveau. Malheureusement, ce n’est pas fini, car nous examinerons bientôt la réforme « Justice du XXIe siècle », qui apportera vraisemblablement d’autres modifications au fonctionnement des conseils de prud’hommes. En effet, les dispositions du présent article 83 ne manqueront pas d’être contestées par un certain nombre de syndicats, de salariés ou d’employeurs, et je pense que vous serez obligés d’y revenir.
Nous abordons un article et un chapitre importants de ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Après avoir réformé un certain nombre de mécanismes économiques et de dispositifs réglementaires, il est important de nous intéresser à des sujets de droit social qui constituent aujourd’hui des sources de blocage.
L’article 83 traite des conseils de prud’hommes. Certains orateurs ont déjà souligné que les délais de jugement, qui peuvent atteindre quinze à trente mois, pénalisent les salariés qui saisissent ces juridictions dans le cadre d’un contentieux touchant à leur contrat de travail. Il pénalise aussi les entreprises, souvent obligées de provisionner, pendant toute la durée de la procédure, des sommes parfois importantes qui se trouvent ainsi immobilisées alors qu’elles pourraient servir à autre chose. Il s’agit donc de questions importantes, qui nécessitent une modernisation du fonctionnement de la juridiction prud’homale. C’est ce que fait cet article, qui s’intéresse à la formation des juges – c’est un élément important – et à la refonte de la procédure de conciliation, dans le but de réduire les délais de jugement et les délais d’appel.
Ce chapitre est abordé dans un souci de modernité. Comme pour le statut des professions réglementées, la libéralisation du secteur des transports et la question du travail du dimanche, nous ne devons pas avoir peur de la réforme. En modernisant un certain nombre de cadres, cette réforme permet aussi de faire évoluer les règles relatives à la juridiction prud’homale et de corriger des situations qui, faute d’une actualisation régulière, n’étaient peut-être plus en phase avec les besoins des justiciables.
Enfin, je veux remercier le rapporteur thématique, Denys Robiliard, pour le travail qu’il a effectué dans le cadre de la commission spéciale. Dans un dialogue nourri et constructif avec le Gouvernement, il a pu faire évoluer le texte sur de nombreux points. Le rapporteur nous a fait profiter de son excellente connaissance de la juridiction prud’homale, et cela a été un vrai bénéfice pour nos travaux.
Cela a permis des avancées réelles, que les débats de ce soir permettront de confirmer.
Le Gouvernement nous soumet un article fleuve de sept pages relatif à des sujets aussi divers que la déontologie, la formation et les sanctions disciplinaires applicables aux conseillers prud’hommes. Cet article procède à une réforme de fond des procédures actuelles de la justice prud’homale : il n’a rien à faire dans un projet de loi réputé relancer la croissance et l’activité dans notre pays. On ne voit pas vraiment le lien ! Le fonctionnement des prud’hommes conditionnerait-il le développement économique de la France ? Si tel est le cas, nous aimerions que vous nous expliquiez comment, monsieur le ministre ! En tout cas, nous n’adhérons pas à cette vision économique de la justice prud’homale.
Par ailleurs, l’article 83 devrait être défendu par le ministre du travail et, peut-être, par le garde des sceaux. Il devrait même faire l’objet d’un projet de loi spécifique, comme c’est traditionnellement le cas pour des sujets touchant au code du travail en général et à la justice prud’homale en particulier. C’est pourquoi cet article nous pose beaucoup de difficultés.
Nous abordons l’un des derniers morceaux de ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Ce chapitre comporte des dispositions majeures – mais je ne dirai pas qu’on a gardé le meilleur pour la fin, ce qui serait sans doute excessif et pas très aimable pour les rapporteurs thématiques précédents.
Sourires.
Le chapitre que nous examinons porte à la fois sur la réforme des instances prud’homales, sur celle de certaines dispositions du code du travail et sur le renforcement des sanctions pour détachement abusif de travailleurs. Naturellement, sur l’ensemble de ces aspects, l’objectif est de faire des réformes justes et efficaces.
On affirme souvent que nous avons déjà abordé ici la réforme des conseils de prud’hommes. Certes, nous l’avons souvent évoquée, mais pas nécessairement toujours réalisée. Denys Robiliard aura l’occasion de le dire.
Sur ces aspects, j’invite les uns et les autres à comparer ce qu’était le texte de départ lorsque nous l’avons abordé au commencement des travaux de la commission spéciale et ce que sera le texte qui, après nos débats, sortira de l’hémicycle. C’est à l’aune de cette comparaison que nous pourrons prendre la mesure du travail de concertation extrêmement approfondi qui a été mené par notre collègue Denys Robilliard auprès de l’ensemble des organisations représentatives, mais aussi en lien avec les différents ministères concernés, justice, travail et économie.
Il s’est agi d’un véritable travail transversal en lien interministériel conduit par notre collègue Robilliard de sorte que ce qui sera présenté – et qui a été considérablement amendé, y compris par rapport à ce que nous avons retenu à l’issue des travaux de la commission spéciale –, permet d’arriver à un ensemble de nature à répondre à l’accélération des procédures devant les prud’hommes – demande forte des employeurs comme des salariés –, à simplifier certains aspects du code du travail sans pour autant organiser, comme je l’ai lu ou entendu ici ou là, je ne sais quelle funeste régression sociale, et enfin à renforcer les sanctions – là aussi, la demande est très forte dans le pays – à l’égard de celles et ceux qui pratiquent le détachement abusif de travailleurs, qui est une forme de concurrence déloyale vis-à-vis de nos entreprises et de dumping social qui tire vers le bas la situation des travailleurs français.
Nous sommes arrivés à un ensemble cohérent qui a demandé un travail très approfondi. La coproduction législative dont il a été question au début de notre travail prend là tout son sens. Voilà ce que je voulais indiquer en préambule et je laisse le soin à Denys Robilliard de préciser les contours de ces différents aspects.
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale.
J’interviendrai sur la réforme prud’homale – le Gouvernement complétera mon propos – pour vous rendre compte des évolutions acquises au terme des travaux de la commission spéciale et de celles que je vais vous proposer dans le cadre de cette séance. Je vous ferai grâce, mes chers collègues, d’un long « tunnel » de 30 minutes comme cela m’a été reproché en commission spéciale.
Sourires.
Sourires.
Quelques chiffres tout d’abord. Il existe actuellement 210 conseils de prud’hommes, regroupant 15 000 conseillers chargés de traiter environ 200 000 affaires chaque année. Retenons également trois taux et deux délais, ce qui explique notre présence devant vous : il n’y a que 6 % de conciliation alors que le conseil de prud’homme devrait « concilier » et ce n’est qu’en cas de défaut de conciliation, qu’il devrait juger. Or dans 94 % des cas, cette règle ne s’applique pas. Le taux de recours à la formation de départage est de 20 %. On peut considérer que c’est beaucoup. On a recours au départage lorsque les conseillers prud’hommes ne se mettent pas d’accord en bureau de jugement, composé de deux employeurs, deux salariés ou deux représentants d’employeurs et deux représentants de salariés. Lorsqu’ils ne sont pas d’accord, on fait venir un juge départiteur pour les départager. Mais dans quatre cas sur cinq, ils se mettent d’accord. Ce n’est donc pas le verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est la règle des 8020.
Quant au taux d’appel, il est très important puisqu’il s’élève à 67 %, même s’il faut relativiser les choses. Des jugements sont rendus en dernier ressort, compte tenu du montant de la demande. Sur 200 000 affaires, il y a au total, 50 000 arrêts rendus, ce qui signifie que 150 000 affaires ne sont au final pas jugées par les cours d’appel.
S’agissant ensuite des problèmes de délais, il faut compter 15,1 mois pour un jugement par le bureau de jugement lorsqu’il n’y a pas départage. En cas de départage, il faut ajouter 14,7 mois, autrement dit, trente mois au total. Là, on est au-delà de l’acceptable.
En outre, ces délais sont en augmentation : de 18 % en dix ans devant le bureau de jugement avant départage et de 40 % en dix ans en cas de départage. Pour ce qui concerne le départage, on peut clairement incriminer un manque de magistrats, c’est la seule explication logique. Pour ce qui concerne le bureau de jugement, la raison est peut-être à rechercher, mais ce n’est pas documenté, du côté d’un manque de moyens ou de l’évolution du droit qui est de plus en plus complexe.
À une époque, on venait devant le conseil de prud’hommes uniquement pour des questions de rupture de contrat. Or dans 98 % des cas, on vient toujours à la suite de la rupture, mais les demandes qui sont présentées associent des questions liées à la rupture, aux heures supplémentaires, au harcèlement, à la discrimination : bref, un ensemble complexe de questions qui doivent nous conduire à prendre en compte l’évolution du droit de fond.
Quels sont les remèdes proposés par le Gouvernement ? D’abord, un renforcement de la professionnalisation du statut des conseillers prud’homaux. Ce statut est défini par homogénéité avec le statut des magistrats selon l’ordonnance de 1958 qui porte statut des magistrats de l’ordre judiciaire ; bref, une déontologie et une discipline renforcées.
Ensuite, et c’est tout à fait nouveau, une formation commune d’une semaine qui sera organisée par l’École nationale de la magistrature et éventuellement par l’École nationale des greffes. Monsieur Vercamer, j’appelle votre attention sur ce point. À ce jour, les conseillers prud’hommes n’utilisent pas l’intégralité de l’enveloppe dédiée à la formation, mais seulement 88 % de cette enveloppe. Sur le nombre de jours de formation, un tiers seulement est pris sur les six semaines qui sont ouvertes.
La réforme, c’est une semaine supplémentaire avec le maintien des six semaines dont dispose chaque conseiller au long de son mandat de cinq ans, celui-ci ayant été prolongé de deux fois deux ans.
Enfin, les missions élargies du bureau de conciliation et d’orientation. Actuellement, en cas d’échec de la conciliation, vous allez devant le bureau de jugement avec un calendrier d’échange de pièces et de conclusions lequel est fixé par le bureau de conciliation. Demain, vous aurez le choix entre trois possibilités.
Première possibilité : aller devant le bureau de jugement tel qu’il est aujourd’hui. Ce sera le cas d’une façon générale. Si l’une ou l’autre des deux autres possibilités n’est pas décidée par le bureau de conciliation qui s’intitulera à l’avenir « bureau de conciliation et d’orientation », on ira devant le bureau de jugement comme aujourd’hui.
Deuxième possibilité : aller devant le bureau de jugement en formation restreinte à deux conseillers, un employeur, un salarié, dans le cas où la discussion ne porte que sur la rupture, qu’il s’agisse d’une demande de résiliation ou d’une demande au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette possibilité n’est ouverte qu’à deux conditions : que les deux parties ainsi que le bureau de conciliation soient d’accord. Dans ce cas, la décision doit être rendue dans les trois mois.
Cette modification concerne les affaires dont on constate qu’elles sont pratiquement prêtes à être jugées même sans conciliation. Pour apprécier la réforme dans toute son ampleur, il faut savoir qu’elle sera associée à une réforme de la procédure applicable devant les conseils des prud’hommes. Comme vous le savez, la procédure est de nature réglementaire et non législative. Par conséquent, les dispositions qui vont réformer la procédure devant le conseil de prud’hommes ne figurent pas dans le projet qui nous est soumis aujourd’hui.
La qualité de la saisine sera renforcée avec une première communication de pièces par le salarié et une exigence de réponse par le défendeur. Cela implique qu’en bureau de conciliation, il y aura déjà eu un premier échange et que ce dernier pourra essayer de concilier les parties à partir des documents qui auront été échangés alors qu’aujourd’hui, il le fait à dossier fermé.
Je reviens au cas d’échec de la conciliation, 94 % des cas aujourd’hui. Le projet de loi ouvre alors la possibilité d’aller devant un bureau de jugement, dès le départ présidé par un magistrat professionnel, magistrat qu’on a un peu de mal à nommer juge départiteur, dans la mesure où il n’y a pas eu de départage.
Le Gouvernement a proposé deux possibilités de renvoi : Si les deux parties le demandent, le renvoi est de droit. Si une partie le demande et qu’un des deux conseillers du bureau de conciliation est d’accord, il est de droit également. Comme vous le savez, la commission a évolué sur cette question en renonçant au renvoi dans le cas ou une seule partie le demandait et un conseiller l’acceptait. C’est par l’amendement no 3265 que je vous proposerai cette suppression. Ce sera si les deux parties le demandent que le renvoi sera de droit.
Pourquoi une telle proposition ? Que vous n’ayez pas noté cette évolution me déçoit de votre part, monsieur Cherpion.
Vous avez pris la parole comme si rien ne s’était passé contrairement à M. Lurton, même s’il a minoré, me semble-t-il, l’importance de ces évolutions.
Quand on procède au diagnostic, ce n’est pas l’absence de juges professionnels qui explique le nombre important du taux d’appel.
Je l’ai dit en commission spéciale et je vous renvoie à mes propos. Le taux d’appel pour les cas examinés par la formation présidée par le juge départiteur, est en moyenne nationale supérieur de 6 % au taux d’appel général du conseil de prud’hommes. Cela n’a rien à voir avec le juge. C’est la raison même pour laquelle l’affaire a connu un départage qui est aussi à l’origine de ce taux d’appel supérieur, autrement dit, il tient à nature du contentieux. C’est un point fondamental.
Je renforce cet argument et cet élément de diagnostic par une double comparaison. D’abord, par rapport au tribunal paritaire des baux ruraux lequel est une juridiction échevinale ; ses 3 000 décisions par an n’ont rien à voir avec les 200 000 affaires du conseil des prud’hommes. Mais le taux d’appel du tribunal paritaire est de 50 % et pourtant, le juge est en permanence un professionnel.
Par ailleurs, comparons les deux juridictions que nous connaissons le mieux : le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance. Le premier connaît un taux d’appel de 20 %, le second de 6 %. Et il n’y a que des magistrats professionnels. Qu’est-ce qui explique ce rapport de un à trois, et même de plus de trois ? Le fait que ce ne sont pas les mêmes affaires qui sont jugées.
Recourir plus tôt au juge professionnel n’aurait pas contribué à une baisse rapide et significative des appels. Le taux de confirmation total, quand tous les chefs du jugement sont confirmés, est de 20 % supérieur quand le jugement a été rendu sous présidence du juge départiteur ; je me devais de rappeler cela.
Tels sont les éléments du diagnostic. De par la profession que j’ai exercée, je connais bien les prud’hommes. Mais en tant que rapporteur thématique, j’ai d’abord examiné les chiffres et j’en ai conclu que le remède que nous préconisions n’était pas cohérent avec le diagnostic que nous posions.
Grâce au dialogue entre la Chancellerie, la rue de Grenelle et Bercy, nous sommes parvenus à la conclusion que le remède n’était pas le bon et que nous devions y renoncer.
La Chancellerie, c’est la garde des sceaux. J’ai bien sûr discuté de cette question avec Mme Taubira, avec son cabinet et avec elle, personnellement.
Ma satisfaction, c’est de constater qu’un travail parlementaire à bas bruit, fondé sur le dialogue, peut permettre de faire évoluer de façon significative une réforme, sans y renoncer. En effet, le bureau de conciliation et d’orientation, s’il le juge nécessaire, pourra toujours renvoyer l’affaire directement devant la formation de jugement présidée par le juge départiteur. Les bureaux de conciliation sont composés de conseillers prud’hommes qui connaissent chacun la jurisprudence de leur section et savent dans quel cas, de façon quasi automatique, un départage sur des problèmes de principe sera nécessaire – parce qu’il est légitime d’avoir des positions de principe lorsque l’on siège dans un conseil de prud’hommes. Dans ce cas, il est dans l’intérêt de la justice, et des parties, que le juge départiteur puisse intervenir plus vite, sans que l’on soit obligé d’en passer par une audience, finalement inutile.
Cette réforme est importante. L’affaire, si elle est simple, pourra être renvoyée devant le bureau de jugement dans sa composition restreinte, c’est-à-dire devant deux conseillers. Ceux-ci devront statuer dans les trois mois, ce qui constituera un défi pour la justice prud’homale. Si, et seulement si le bureau de conciliation et d’orientation le juge nécessaire – de sorte que l’on ne pourra pas parler d’échevinage –, l’affaire pourra être renvoyée directement devant la formation présidée par le juge départiteur. Autrement, l’affaire pourra être renvoyée devant le bureau de jugement, dans sa composition habituelle.
Cette réforme sera complétée par des éléments de procédure relevant du pouvoir réglementaire. La procédure demeure orale ; concernant la clôture, une date, suffisamment antérieure à l’audience, sera fixée, au-delà de laquelle les arguments et les pièces ne s’échangeront plus, de façon à ce qu’il n’y ait plus de renvoi à l’audience.
S’agissant de l’unicité de l’instance, principe aujourd’hui constitutif de la procédure prud’homale, il conviendra de tenir compte de l’évolution de la situation, un licenciement par exemple : toute règle peut avoir des exceptions, ce n’est pas pour autant qu’elle n’existe pas.
L’articulation des dispositions entre elles est à mes yeux importante. Ainsi, tirant les conséquences du recours à la formation commune, nous prévoyons que le juge départiteur pourra assister au moins une fois par an à participer à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes, de façon à ce qu’un dialogue de qualité s’établisse entre les magistrats professionnels et ceux qui ne le sont pas. Ce dialogue s’instaurera également dans le cadre de la formation.
Par ailleurs, le fait que le juge départiteur, aujourd’hui un juge du tribunal d’instance, sera demain un juge du tribunal de grande instance, donne plus de souplesse et permet d’instaurer une filière de juges spécialisés en droit social. Ils nourriront, dans le cadre de leur évolution professionnelle, les chambres sociales de la cour d’appel alors que, de façon encore trop fréquente aujourd’hui, les conseillers qui vont siéger en chambre sociale passent la première année de leur prise de fonction à se former en droit social. De ce point de vue, les choses font système. Cela permettra à cette réforme d’entrer plus facilement dans les moeurs.
J’ajoute que nous créons un statut pour le défenseur syndical, un élément non négligeable pour la qualité de la justice prud’homale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas ce que vous avez contre les prud’hommes.
Les 15 000 conseillers prud’hommes vous écoutent, vous regardent et liront les débats. Ces hommes et ces femmes se forment et acceptent quasi bénévolement de rendre la justice au nom du peuple français. C’est un acte de dévouement, un acte civique exemplaire.
Prenez garde et souvenez-vous que le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a chuté lorsque l’on a commencé à remettre en cause leur professionnalisation, en les incendiant de formations toujours plus importantes, de sorte qu’aujourd’hui, ils ne se sentent plus reconnus.
À l’époque où les tribunaux étaient supprimés un peu partout, on vous entendait, sur les bancs de l’opposition, dire que vous les recréeriez tous, en leur donnant des moyens de fonctionnement. J’ai réussi à sauver le tribunal des prud’hommes de ma circonscription, à Châteaudun, où les délais de jugement, vous en avez parlé, sont importants – quatorze mois.
En tant que membre de la commission des finances, je contrôle le Conseil d’État, la Cour des comptes et le Conseil économique et social.
Les délais de jugement de la justice administrative, sans parler de la Cour nationale du droit d’asile, sont toujours plus importants. Et chaque année, lorsque je rends mon rapport, je déplore cette lenteur. Elle s’est exacerbée au fil du temps car, de la même façon que le code du travail subit l’inflation normative et gagne tous les ans des dizaines de pages supplémentaires, en matière de justice administrative, les recours vont en se complexifiant. Je vous conseille de passer, comme je l’ai fait, deux jours en immersion, pour bien comprendre le quotidien de ces tribunaux. Les juges attendent plus de moyens et reconnaissent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas aller plus vite.
Ne soyez donc pas trop sévère avec la justice prud’homale : un délai de treize ou quatorze mois n’est pas exagéré par rapport à ceux qui ont cours dans les tribunaux administratifs ou de commerce, ou aux vingt-huit mois d’attente, parfois trente-six, à la Cour nationale du droit d’asile.
Deuxième point : s’agissant des crédits pour la formation, vous avez dit qu’il y en avait suffisamment, 88 % d’entre eux étant effectivement consommés. Francis Vercamer, dans son rapport, expliquait le contraire. Je vous invite à venir voir à Châteaudun comme il est difficile d’obtenir la mobilisation de ces crédits.
Monsieur le ministre, je ne suis pas certain que l’on retrouve demain la croissance et l’activité parce que l’on aura réformé les prud’hommes. Je sais bien que c’est un titre fourre-tout, mais quand même !
En troisième lieu, je vous trouve très sévère, monsieur le rapporteur, et je vais vous dire pourquoi. L’alinéa 14 prévoit qu’ « en cas d’interruption du fonctionnement du conseil de prud’hommes ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales, le premier président de la cour d’appel désigne un ou plusieurs juges » Qui va apprécier les difficultés ? Tiennent-elles aux délais de jugement ? Permettez-moi de revenir à l’exemple de Châteaudun, que je connais bien. Si les délais de jugement se sont allongés de deux mois, c’est qu’en dix ans, les crashs économiques se sont multipliés, ensevelissant les tribunaux de prud’hommes sous une avalanche de plans sociaux.
Plus loin, l’alinéa 30 prévoit que « tout manquement à ses devoirs dans l’exercice de son mandat par un conseiller prud’homme est susceptible de constituer une faute disciplinaire » Quelle sévérité ! Je crains que les conseillers prud’hommes ne s’interrogent lorsqu’ils découvriront le contenu précis de ce texte, se demander ce qu’ils ont fait, et ce qu’on pense de leur probité, d’autant que vous prévoyez qu’« en dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d’appel peuvent rappeler à leurs obligations les conseillers prud’hommes » ! Vous savez bien que les conseillers jugent en droit, et non en fonction de leurs convictions politiques, de leur parcours professionnel ou de leur connaissance de telle ou telle question sociétale.
Vous envoyez un très mauvais message à ces 15 000 personnes qui, pourtant, donnent du temps, et se forment. À ce sujet, vous leur imposez désormais six semaines de formation continue, ce qui est très long. J’ai peur que vous ne les découragiez.
Comme vous le savez, la durée de leur mandat a été prorogée.
Pour quelle raison selon vous ? La réponse est simple : parce que l’on n’a pas réussi à trouver meilleur système. Cette réforme ne servira pas les conseils de prud’hommes, à moins d’y consacrer des moyens supplémentaires, notamment des greffiers. À Châteaudun – pardonnez ce plaidoyer pro domo –, il a fallu six mois de bagarre avec la Chancellerie pour obtenir un demi-greffier supplémentaire !
J’entends bien la raison de cette réforme, qui est de réduire les délais de jugement. Mais vous connaissez très bien les raisons qui expliquent le taux d’appel élevé aux prud’hommes : lorsque les chefs d’entreprise font appel, c’est dans l’espoir que la pénalité à laquelle ils ont été condamnés sera réduite, ou, à défaut, l’appel prolongeant le délai d’exécution, que cela leur permettra de faire de la régulation budgétaire.
Je ne suis pas certain que vous empruntiez le bon chemin. Je me félicite que vous ayez vous-même mis un terme à cette idée folle qui consistait à rendre possible le renvoi de l’affaire devant le juge départiteur à la demande d’une seule des deux parties : cela aurait bloqué définitivement le fonctionnement des prud’hommes.
Il ne s’agit pas ici d’un problème d’étiquette politique. Le président du conseil de prud’hommes de Châteaudun est un militant de la CGT. Il fait excellemment son travail depuis dix ans, en alternance avec un employeur. Mais à la rentrée du conseil, il a fait passer un message qui dénonçait le manque de considération et de reconnaissance pour ce qu’ils ont fait.
Pour aller plus vite, il faudrait des moyens. Je crains, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas les moyens budgétaires d’emprunter la voie sur laquelle vous entraîne le rapporteur.
Monsieur Vigier, ce n’est pas parce que nous traitons d’une matière judiciaire qu’il faut me faire un faux procès !
Sourires.
Franchement, en quoi aurais-je déconsidéré les conseillers prud’hommes dans les propos que j’ai tenus depuis le début de mon mandat de rapporteur ? Au contraire, je me suis attaché à montrer qu’ils n’étaient en rien responsables des délais et des taux d’appel. J’ai indiqué que le taux d’appel s’expliquait par la nature du contentieux, non par la nature de la juridiction : comment puis-je mieux dire les choses ?
Lorsque, dans mon rapport, je compare l’évolution des délais – 18 % en dix ans pour le bureau de jugement, 40 % lorsque le juge départiteur intervient –, est-ce que je dessers les conseillers prud’hommes ? Je montre de façon très claire que c’est une insuffisance de moyens qui est la cause de l’allongement des délais.
On nous reproche trop souvent de ne pas nous soucier des moyens qui permettent d’assurer la mise en oeuvre d’une réforme. Si nous avions voulu faire intervenir plus de juges plus tôt, il nous aurait fallu être certains de disposer des effectifs nécessaires. Or aujourd’hui, il y a 400 postes de magistrats qui ne sont pas pourvus. Il n’aurait pas été raisonnable de le faire, indépendamment du fait que le remède, je crois, n’est pas adapté.
Vous prétendez, monsieur Vigier, que les dispositions relatives au statut traduiraient un manque de considération pour les conseillers prud’hommes. Je pense exactement le contraire car nous ne leur donnons pas moins que le statut des magistrats ! C’est leur faire honneur que de leur reconnaître ce statut même si nous l’avons adapté car le devoir de réserve d’un syndicaliste ne saurait être comparable à celui d’un magistrat, fût-il syndicaliste.
Les juges rendent la justice au nom du peuple français. Dans le cas des conseils de prud’hommes, ce sont des acteurs de la vie économique, des salariés, des employeurs, qui rendent la justice, parce qu’ils en sont capables et qu’ils en sont dignes. Rendre la justice est un honneur qui impose des devoirs, aussi est-il normal de donner aux conseillers un statut particulier qui fixe les règles de déontologie et la discipline.
Pour autant, je considère comme un honneur le fait d’avoir le même statut qu’un magistrat, qui est une personnalité importante dans la société. Il était normal d’étendre le statut des magistrats judiciaires à ceux qui rendent la justice au nom du peuple français. Ne nous méprenons pas sur les mots. Je ne voudrais pas que les conseillers prud’homaux pensent que nous leur adressons un message négatif.
La manière dont nous conduisons cette réforme devrait suffire à témoigner de notre confiance dans cette juridiction paritaire dont le fonctionnement pourrait cependant s’améliorer si nous en réduisions les délais. Et les conseillers prud’hommes sont parfaitement d’accord !
Il ne faut pas les oublier en effet.
Dernière chose : M. Vigier déclare que, sur 200 000 affaires jugées, 100 000 le sont par dix conseils, ce qui fausse les moyennes. Certains conseils fonctionnent remarquablement bien tandis que d’autres, soit en raison de leur taille soit parce que le manque de moyens est particulièrement criant à leur niveau, peuvent présenter des difficultés spécifiques. La réforme ne doit pas être conduite en fonction de la situation de ces dix conseils dont certains, d’ailleurs, fonctionnent bien. Rien n’empêche cependant, sans passer par un texte de loi, de se pencher sur les cas de Paris, Bobigny ou Créteil, pour trouver des solutions adaptées à la taille de ces conseils.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Même avis mais je voudrais compléter la réponse du rapporteur. Oui, cette réforme a sa place dans un texte de loi relatif à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Demandez ce qu’ils en pensent à des salariés qui attendent un jugement pendant des mois – non à cause des juges mais en raison d’un système dont nous nous attachons à corriger les défauts. Demandez donc aux justiciables, en particulier les salariés les plus fragiles, si cette réforme n’améliore pas l’égalité des chances ? Demandez à des employeurs, en particulier ceux des plus petites sociétés, si l’attente d’un jugement des mois durant n’est pas une entrave à l’embauche ? C’est une entrave à l’embauche, mais aussi à la croissance et à l’activité économique. Vous avez tout comme moi conscience de cette réalité parce que vous l’avez vécue sur vos territoires – sauf à ce que vous parliez abondamment à vos juges prud’homaux mais pas assez aux salariés et aux dirigeants de vos TPE-PME TPE, ce que je ne pourrais croire, monsieur le président Vigier, en vous voyant dodeliner de la tête.
Oui cette réforme a sa place dans ce texte, contrairement à ce qu’en pensent certains. D’ailleurs, nous traitons ici ce sujet dans sa globalité pour ne plus avoir à y revenir ensuite.
L’ensemble des règles relatives à la déontologie, préparées par la garde des sceaux, sont portées par ce texte, précisément pour privilégier une approche globale.
Relevons enfin que cette réforme, enrichie par le travail accompli par votre rapporteur et les échanges que nous avons pu avoir, est marquée par l’attachement, sur tous les bancs, au paritarisme. Vous avez tenu, les uns et les autres, qu’il s’agisse de M. Cherpion, de M. Vercamer, de M. le rapporteur thématique Denys Robiliard, à protéger les fondamentaux du paritarisme pour que le coupe-circuit qui avait été introduit ne le remette en cause.
L’amendement que présentera le rapporteur va dans ce sens. Les dispositifs que nous mettons en place pour instaurer deux modes alternatifs de règlement des conflits en amont sont une première réponse à la nécessité de réduire le flux et les charges.
Nous avons ensuite agi au niveau de la phase de conciliation pour augmenter ses chances de réussite et éviter d’avoir à augmenter les moyens, ce qu’a parfaitement décrit le rapporteur. Nous avons ainsi engagé une vraie réforme structurelle de la procédure prud’homale dont l’équilibre permet d’éviter de former de nouveaux juges.
Pour résumer, nous augmentons les chances de réussite au stade du bureau de conciliation ou du bureau de jugement, nous ouvrons d’autres modes alternatifs de règlement des conflits, nous réduisons les délais et, grâce au dispositif de « référentiel » mis à la disposition des juges, nous introduirons plus de transparence dans cette procédure, ce qui est aussi un gage de réussite.
La voie est étroite mais nous avons voulu moderniser cette procédure dans le plein respect du paritarisme et en reconnaissant, sur tous les bancs, comme le Gouvernement l’a constamment rappelé, la qualité et le dévouement des juges prud’homaux. Il n’empêche que nous pouvons faire beaucoup mieux encore en réformant la structure et l’organisation. Cette réforme est bonne pour les juges prud’homaux, pour les justiciables et pour l’activité économique.
L’amendement no 767 n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 2919.
Cet amendement tend à supprimer, après le mot « probité », la fin de l’alinéa 3. Les dispositions prévues par le projet de loi apparaissent en effet trop sévères à l’encontre des conseils prud’homaux quant aux conditions d’exercice de leurs fonctions.
Avis défavorable, et je m’en suis déjà expliqué dans la réponse que j’ai apportée à M. Vigier. Nous avons voulu étendre aux conseillers prud’hommes le statut des magistrats, ce qui est une façon de reconnaître qu’ils sont dignes des fonctions qu’ils exercent. Avis défavorable.
L’amendement no 2919, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2146.
Cet amendement vise à préserver la liberté d’action des conseillers prud’homaux en supprimant l’alinéa 5 de cet article. Dans le texte initial, l’interdiction de toute action concertée était générale. La grève des audiences devenait donc totalement proscrite, ce qui a suscité l’incompréhension, du fait du statut particulier des conseillers prud’homaux qui ne sont pas des juges professionnels.
En commission spéciale, le rapporteur a fait évoluer le texte en faisant adopter un amendement qui restreint cette interdiction. Ainsi, l’action concertée devient proscrite uniquement quand le renvoi de l’examen du dossier risquerait d’entraîner « des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie ». Cette évolution est positive mais la nouvelle rédaction pose des problèmes car la formulation de la fin de l’alinéa, sujette à interprétation, laisse craindre de nombreux contentieux.
Par ailleurs, une autre disposition de l’article 83 de ce projet de loi ne répondrait-elle pas déjà à la préoccupation légitime du législateur de faire juger rapidement certaines affaires en cas d’interruption du fonctionnement du conseil de prud’hommes ? Il est en, effet prévu à l’alinéa 14 qu’en cas d’interruption du fonctionnement d’un conseil de prud’hommes, les affaires en cours seront jugées par un juge professionnel sur décision du premier président de la cour d’appel.
En résumé, si l’on peut comprendre que les conseillers prud’homaux respectent un certain nombre d’obligations, notamment en termes d’indépendance, d’impartialité, de dignité et de probité, il n’est pas de bonne pratique de vouloir limiter leurs possibilités d’expression, d’autant plus que ce sont tout de même des syndicalistes et que c’est bien la nature syndicale de leur engagement qui fait la richesse du paritarisme. Voilà pourquoi nous vous demandons de supprimer cet alinéa 5.
Avis défavorable. Nous avons eu ce débat en commission. Sans parler de service minimum car il ne s’agit pas de cela, il est nécessaire d’indiquer que l’action concertée n’est pas interdite mais qu’il faut tenir compte de la situation des parties qui viennent faire trancher un litige par le conseil de prud’hommes.
Prenons les référés. Qui vient en référé ? Des personnes qui n’ont pas touché leur salaire, qui n’ont pas reçu leur attestation de travail, auxquelles l’attestation pôle emploi n’a pas été remise, qui ne peuvent pas faire valoir leurs droits. En l’espèce, c’est une obligation alimentaire qu’il faut satisfaire. Je sais, pour en avoir discuté avec des conseillers prud’hommes qu’il n’est pas question pour eux de paralyser le fonctionnement du bureau des référés, même quand, dans le cadre d’un mouvement de grève, ils renvoient les affaires.
Les circonstances au fond peuvent jouer également. Prenons le cas d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. Admettons, même si c’est très rare, que le contrat de travail à durée déterminée soit toujours en cours. En théorie, ce type d’affaire devrait être jugée très rapidement mais ce n’est jamais le cas en pratique. Si, par extraordinaire, le bureau de jugement considérait qu’il faut requalifier le CDD en CDI, il serait inimaginable qu’il ne le fasse pas en raison d’un mouvement social, au risque de faire perdre son emploi à la personne concernée qui n’aurait plus d’autre recours que de demander des dommages et intérêts.
Même avis.
J’ai bien compris les exemples que le rapporteur a donnés mais il n’a pas répondu à ma question concernant l’alinéa 14 qui prévoit qu’en cas d’interruption, le juge peut intervenir, ce qui pourrait répondre aux situations qu’il décrit.
L’article L. 423-10-1 du code du travail répond à une situation de paralysie du conseil des prud’hommes, s’il n’y avait plus de conseillers prud’hommes, par exemple, mais pas s’ils sont en grève. La question pourrait se poser en ces termes si, au final, le conseil ne fonctionnait plus, mais cela n’arrive pas, en général, dans le cas d’une action concertée. Ainsi, suite à cette réforme, certains conseils ont suspendu leur activité, ce qui ne les empêche pas de répondre aux référés. Nous ne sommes pas du tout dans la situation de l’alinéa 14.
L’amendement no 2146 n’est pas adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 1582.
Je poursuis dans le sillage de Mme Fraysse, qui a souhaité la suppression de l’alinéa 5, en proposant la suppression de sa dernière partie.
Tout d’abord, cet alinéa est quelque peu discourtois à l’égard des conseillers prud’hommes : « Leur est interdite toute action concertée de nature à arrêter ou à entraver le fonctionnement des juridictions ». Pensez-vous que les conseillers prud’hommes, qui sont des magistrats, iraient s’amuser à entraver le fonctionnement d’une juridiction ?
Admettons néanmoins qu’il s’agisse d’un simple rappel. L’alinéa se poursuit ainsi : « lorsque le renvoi de l’examen d’un dossier risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ». Autrement dit, quelqu’un devra apprécier le caractère irrémédiable des conséquences en question. Songez seulement au nombre de recours qui en résultera ! Comment, en effet, apprécier si les conséquences sont « irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie » ?
Je vous rappelle qu’il s’agit d’une procédure contradictoire dans laquelle les pièces doivent être échangées. Or, si les pièces ne sont pas échangées et que le juge décide néanmoins de poursuivre la procédure, le jugement sera forcément cassé puisque le caractère contradictoire n’aura pas été respecté.
En toute franchise, ce membre de phrase est donc incompréhensible et suscitera des recours dus aux interprétations divergentes qui seront faites des « conséquences irrémédiables et manifestement excessives ». Vous entendez limiter le taux d’appel ; avec ce membre de phrase, au contraire, vous l’augmenterez ! Je propose donc de le supprimer, le début de l’alinéa suffisant amplement à indiquer aux conseillers prud’hommes, comme vous le souhaitez, qu’ils ne doivent pas bloquer le fonctionnement des juridictions. À mon sens, c’est tout l’alinéa 5 qui aurait dû être supprimé – raison pour laquelle nous avons voté en faveur de l’amendement précédent qu’a présenté Mme Fraysse.
Avis défavorable. Bien que le statut de magistrat interdise le droit de grève, il arrive qu’un mouvement social se déclenche dans un conseil de prud’hommes, comme cela peut également se produire dans d’autres juridictions. Alors que la Chancellerie travaille précisément à réformer ce point de l’ordonnance de 1958, il serait singulier que les conseillers prud’hommes soient soumis à davantage d’obligations et de contraintes pesant sur leurs possibilités d’action que les magistrats professionnels.
Le risque d’appel que vous évoquez n’existe pas, pour la bonne raison que les renvois sont des mesures d’administration judiciaire qui ne sont pas susceptibles d’appel, comme vous le savez. Vous défendez donc un amendement qui se fonde sur un risque inexistant.
Même avis.
Je partage l’argumentation que vient de formuler M. Vercamer. Certes, je comprends l’intention du Gouvernement et du rapporteur, mais je ne vois toujours pas comment un tel article et une telle réforme permettront de produire de la croissance et de l’activité. Une fois de plus, l’avenir nous prouvera sans aucun doute que nous avions raison.
Je ne comprends pas non plus comment, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la notion de « conséquence irrémédiable » pourrait sécuriser le dispositif de quelque manière que ce soit, car M. Vercamer a raison : bien malin qui pourra dire ce qu’est une conséquence irrémédiable !
Vous forcez le trait, parce que vous voulez réformer coûte que coûte. Sur ce sujet, ce n’est que la troisième ou quatrième réforme en peu de temps, ce qui prouve que la ligne politique du Gouvernement en la matière n’est pas si claire, sinon un texte unique aurait suffi. Hélas, nous y reviendrons une fois de plus dans le prochain texte sur la justice, qui nous conduira sûrement à modifier certains des articles que vous adopterez ce soir, comme nous l’avons déjà fait pour des textes qui n’ont que quelques mois, voire quelques semaines d’existence – nous sommes parfaitement habitués à cette mécanique.
À vouloir tout réformer d’un coup par ce texte, monsieur le ministre, comme le montre le sujet dont nous parlons, vous écrivez des articles pareils pour justifier que soyons ici à débattre et pour faire la preuve qu’il s’agit d’une réforme de fond – sinon celle du siècle, en tout cas celle de la décennie – mais ils ne répondent pas à l’objectif que vous poursuivez.
S’il faut, paraît-il, réduire les délais et fiabiliser les jugements, ce que le texte ne démontre pas, surtout dans cette rédaction, alors nous devons tout simplement voter en faveur de l’amendement de M. Vercamer. C’est en tout état de cause ce que fera le groupe UMP.
Mon propos, monsieur le rapporteur, était le suivant : cet article permet aux conseillers prud’hommes d’éviter le renvoi. Toutefois, si l’échange de pièces n’a pas eu lieu, alors vous vous heurterez au code de procédure civile et le jugement sera réformé. Cette mesure ouvrira donc des recours, raison pour laquelle je maintiens cet amendement que je vous demande d’adopter.
Je veux bien répondre à vos arguments, monsieur Vercamer, mais restons tout de même dans le cadre de l’alinéa 5, qui vise les cas de mouvements d’action concertés – en clair, appelons un chat un chat : il s’agit d’une grève. La grève se traduit par le renvoi des affaires. Or, certaines affaires ne seront pas renvoyées en raison de leur urgence.
Il arrive – même si c’est rare – que se produisent des grèves dans les juridictions professionnelles comme les tribunaux de grande instance. Dans ce cas, les magistrats sont attentifs à préserver le contentieux des libertés.
On ne laisse pas quelqu’un en prison au motif que les magistrats sont en grève. De même, je fais confiance aux conseillers prud’hommes car je sais qu’employeurs comme salariés, ils sauront distinguer ce qui est réellement urgent et ce qui ne l’est pas. Bien entendu, monsieur le député, une affaire qui n’est pas en état est renvoyée mais, en l’occurrence, nous parlons des renvois liés à la décision des conseils de se mettre en grève pour telle ou telle raison.
À mon sens, cette partie du texte vise à replacer les conseillers prud’homaux dans une véritable situation de magistrats, comme l’a expliqué M. le rapporteur. Nous sommes nombreux à avoir entendu les magistrats prud’homaux revendiquer pendant des années – voire des décennies – le statut de magistrat, et contester le fait que l’on ne leur reconnaisse pas. Telle est donc la démarche du rapporteur, et elle est positive.
Ensuite, comme nous le verrons avec les processus de formation, nous donnons aux conseillers prud’homaux davantage de capacités à exercer cette mission de magistrat.
Enfin, ils seront soumis à l’ensemble des obligations et des devoirs qui relèvent du statut de magistrat. Loin de les menacer, il s’agit de les élever à ce statut.
Notre rapporteur a très clairement rappelé la pratique en vigueur dans les juridictions de l’ordre judiciaire : il est fait en sorte qu’aucun mouvement de grève, d’opposition ou de contestation ne puisse affecter de quelque manière que ce soit le contenu d’une décision juridictionnelle pour ne pas entraîner de conséquences potentiellement énormes pour les justiciables, et ce au nom du principe élémentaire et constitutionnel selon lequel chacun a droit à la réponse judiciaire.
J’ajoute, monsieur Vercamer, que nous débattions bien de l’alinéa 5, et non de l’alinéa 14 que nous examinerons plus tard.
L’amendement no 1582 n’est pas adopté.
Il s’agit par cet amendement d’aller au bout de la logique que M. le rapporteur vient de résumer, qui a permis d’améliorer la version initiale du projet, en consolidant le paritarisme et en donnant toutes les chances aux parties de conclure lors de la phase de conciliation et dans le cadre du bureau de jugement.
Pour ce faire, l’amendement vise à instaurer un référentiel facilitant la fixation de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Parmi les trois voies de qualification du contentieux du licenciement pour motifs personnels, l’absence de cause réelle et sérieuse est au coeur de la problématique, comme nous avons eu l’occasion de le préciser en commission spéciale. D’un point de vue financier, la faute peut n’être que mineure, ou vécue comme telle. La question de la proportionnalité de la réparation au regard de l’atteinte commise au droit doit être traitée de façon à assurer une plus grande sécurité juridique pour toutes les parties et une procédure contentieuse que celles-ci peuvent mieux maîtriser.
En revanche, il n’est ici pas envisagé que le référentiel porte sur le cas d’un licenciement nul, au regard du faible nombre d’affaires, des minima d’indemnités élevés – correspondant à la réparation du préjudice dans la limite des salaires dus ; quand le salarié refuse la réintégration, le minimum correspond à six mois de salaire, à quoi s’ajoutent une indemnité de licenciement et la réparation du préjudice en cas d’irrégularité de la procédure – et de la particularité des affaires en cause.
Quant au licenciement pour irrégularité de procédure, il conduit la plupart du temps à une indemnisation qui ne dépasse pas un mois de salaire.
Ainsi, le périmètre le plus indiqué pour appliquer le référentiel est bien celui de l’absence de cause réelle et sérieuse. Il traite les cas les plus simples à objectiver, mais aussi les cas dans lesquels l’efficacité d’un tel référentiel permet de donner toutes les chances aux parties de trouver plus facilement un accord. C’est d’ailleurs la même philosophie qui avait été retenue pour la conciliation dans l’accord national interprofessionnel, puisqu’un référentiel négocié par les partenaires sociaux avait été adopté dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi ; nous ne proposons pas d’y revenir, car je rappelle que le référentiel visé par le présent texte s’applique au niveau du bureau de jugement.
Ce référentiel sera principalement établi à partir de l’analyse de la jurisprudence, de l’analyse des procès-verbaux de conciliation et des transactions dont l’homologation est sollicitée. Il est indicatif et vise à une harmonisation progressive de la jurisprudence. Lorsque les deux parties en demandent l’application exclusive, le juge est tenu de l’appliquer, conformément aux principes de la procédure civile selon lesquels le juge ne peut statuer que sur les demandes des parties exclusivement.
Il va de soi, je le précise, que l’accord des parties sur le référentiel ne saurait éteindre toute possibilité d’appel. En effet, il ne s’agit pas d’un accord transactionnel mais d’une décision juridictionnelle appuyée sur un référentiel indicatif, qui laissera donc une marge d’appréciation susceptible d’appel et sans ambiguïté. Cependant, il est ressorti des auditions et des échanges que nous avons conduits que dans la grande majorité des cas où les parties se mettront d’accord pour demander que le juge applique le référentiel, il est quand même peu probable que cela les conduise à poursuivre la procédure. C’est pourquoi nous sommes profondément convaincus que ce référentiel constituera l’un des leviers d’efficacité et de justice qui sont à la disposition de la justice prud’homale.
Ce référentiel, à la disposition des formations de jugement, n’est pas un barème défini par décret à usage du bureau de conciliation qui, lui, résulte de l’accord collectif que j’ai rappelé, et c’est bien normal. L’un et l’autre vont vivre et nous verrons qu’il est possible de les enrichir et de faire évoluer régulièrement les choses par le décret.
En somme, conformément aux échanges que nous venons d’avoir, ce référentiel permettra donc de donner toutes ses chances au paritarisme et multipliera les possibilités de trouver une solution non seulement au stade de la conciliation, grâce au barème que les partenaires sociaux avaient réussi à instaurer, mais aussi au niveau du bureau de jugement.
Avis favorable. Permettez-moi un mot d’explication, car cette notion de référentiel n’est pas toujours bien comprise ni acceptée, tant du côté patronal que du côté salarial.
Sachant que le Gouvernement envisageait de déposer cet amendement, j’ai pris l’initiative d’entendre une nouvelle fois l’ensemble des membres du conseil supérieur de la prud’homie qui étaient disponibles pour leur communiquer ce projet qui, à l’époque, était rédigé différemment, et pour recueillir leur avis. Soyons clairs : l’UPA y est favorable, mais le Medef et la CGPME ne le sont pas et, de mémoire, un seul syndicat l’approuve, tous les autres y étant nettement défavorables.
De quoi s’agit-il donc ? Chacun se souvient que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi de sécurisation de l’emploi, établissait un barème pour le bureau de conciliation. La loi l’a loyalement transposé et le barème, tel qu’il avait été établi par les partenaires sociaux, a été fixé par décret. Il figure aujourd’hui à l’article D1325-21 du code du travail.
Tous les témoignages que nous avons recueillis indiquent que ce barème n’est pas utilisé,…
…et ce pour deux raisons, comme me l’ont expliqué les personnes que j’ai entendues. L’explication minoritaire est celle-ci : les partenaires sociaux auraient voulu, dit-on – mais je ne le crois pas – convenir d’une indemnité forfaitaire globale et transactionnelle portant sur l’ensemble des éléments d’un litige.
Selon les autres explications, le barème serait beaucoup trop bas par rapport à ce qui est effectivement pratiqué par les juridictions de jugement, et de ce fait il ne peut servir d’outil.
La crainte était que ce barème, très discuté, se retrouve au niveau du bureau de jugement, mais ce n’est pas du tout ce que prévoit l’amendement. Tout d’abord, l’amendement ne prévoit plus un barème mais un référentiel ; en outre, et c’est beaucoup plus qu’une nuance, ce référentiel est construit à partir de l’analyse de la jurisprudence, ce qui est un élément fondamental…
Non ! La référence à la jurisprudence a été supprimée par le Gouvernement !
Il y a une très grande différence entre le débat judiciaire et le débat législatif : dans le débat judiciaire, on s’écoute. Il me semble préférable que chacun parle à son tour. Car après des échanges contradictoires il est toujours aussi compliqué de juger, nous sommes d’accord.
Sourires.
J’en reviens à la notion de référentiel, qui est très différente de celle du barème. Ce référentiel sera construit à partir de la jurisprudence et d’autres éléments que l’on connaît puisque l’on possède les procès verbaux de conciliation et certains actes de la transaction lorsque les parties demandent l’homologation de la convention.
Pourquoi ne pas reprendre le barème du bureau de conciliation ? Premièrement, parce qu’il est trop bas, je l’ai dit, et deuxièmement parce que nous ne sommes pas dans la même situation. Le référentiel rend compte d’indemnités versées après que le juge a statué sur l’absence de causes réelles et sérieuses de licenciement.
Lorsque vous êtes en conciliation, vous pouvez avoir une idée sur le déroulement du procès mais vous ne connaissez pas la décision du juge. Autrement dit, la conciliation revient à échanger deux risques : l’employeur ne prend pas le risque d’être condamné à verser en totalité la somme demandée par le salarié, et le salarié ne prend pas le risque d’être totalement débouté.
Le référentiel ayant vocation à être considéré par le bureau de jugement, dès lors que le principe de la condamnation est acquis, il ne reste à connaître que le quantum de celle-ci. Or ce ne sont pas les mêmes sommes en jeu. Voilà pourquoi il y a place à la fois pour ce qui a été décidé par les partenaires sociaux et pour ce que propose le Gouvernement.
Je suis quelque peu perplexe à propos de cet amendement, censé simplifier la conciliation. En réalité, il me semble plutôt déposséder le juge, qui est en la matière représenté par un employeur et un salarié, de sa possibilité d’apprécier le préjudice subi et l’indemnité à verser.
Nous comprenons votre objectif, monsieur le ministre, néanmoins nous ne voterons pas cet amendement. Ayant été moi-même conseiller prud’homal, je suis un peu choqué par ce qu’il propose.
Je voudrais revenir sur les propos de M. Robiliard.
Selon vous, monsieur le rapporteur thématique, le référentiel serait élaboré à partir de la jurisprudence. Ce qui m’intéresserait, c’est de savoir pourquoi le Gouvernement a supprimé dans la rédaction de l’amendement, entre la première version déposée et celle dont nous débattons ce soir, la référence explicite à la jurisprudence. Cela montre bien qu’elle pose une difficulté majeure.
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas totalement convaincu par les arguments développés. Le Gouvernement a changé de position. Il en a parfaitement le droit et je ne suis pas en train de contester sa légitimité, mais j’aimerais connaître sa motivation sur un point extrêmement important.
Sur le plan de la méthode, il eût été préférable de traiter cette question dans un projet de loi spécifique. Le fait que nous nous exprimions sur cet amendement au titre de l’article 99 du Règlement de l’Assemblée montre qu’il a été déposé dans une grande précipitation. J’aimerais que le Gouvernement s’en explique.
J’ai bien entendu les explications précises du rapporteur, mais pour le commun des mortels il s’agit d’une sorte de barémisation des dommages et intérêts versés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. On peut se demander si l’absence de repère financier ne retient pas le bras d’un employeur quelque peu indélicat et si demain, avec ce référentiel, les employeurs n’auront plus qu’à évaluer financièrement le risque. Sur cet amendement du Gouvernement, que nous n’avons pas examiné en commission spéciale, mon avis est donc quelque peu réservé, pour ne pas dire mitigé.
Je voudrais poser une question très précise à M. le ministre. Le référentiel fixe le montant de l’indemnité en fonction de l’ancienneté et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, ce qui me paraît parfaitement normal, mais pourquoi prendre en compte l’âge du demandeur ?
L’ancienneté reflète naturellement l’âge d’une personne, mais je crains que cette mention ne crée une discrimination. Vous avez sans doute pensé aux travailleurs âgés. Je le comprends, mais je ne voudrais pas que cela devienne une discrimination à l’égard des jeunes pour qui le licenciement serait moins grave, ce qui justifierait une indemnité moins importante.
Cet amendement a un avantage, celui de nous octroyer dix minutes de parole supplémentaires…
Rires et applaudissements sur divers bancs.
Pour le reste, il comporte de graves inconvénients sur lesquels je voudrais m’arrêter quelques instants.
Vous voulez faciliter la justice et réduire les délais : nous ne pouvons que partager ces préoccupations, mais pas à n’importe quel prix ! Je partage totalement les observations de notre collègue Jean-Patrick Gille sur le fait que de tels procédés permettront à l’employeur de calculer le risque, voire de mettre de l’argent de côté puisqu’il saura combien coûtera l’indemnité.
Soyons clairs : il s’agit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de donner la possibilité de remplacer l’appréciation et l’évaluation de l’intégralité du préjudice que fait le juge par une évaluation forfaitaire, dont on nous dit qu’elle sera établie en fonction de la jurisprudence. Peu importe ce que l’on nous dit, il reste que l’on a supprimé l’étude par les juges de la situation précise d’un employé et donc de la réparation complète du préjudice subi. Or cet employé n’entre pas forcément dans les mêmes cases que les autres dans la grille forfaitaire qui a été élaborée. C’est très grave.
Je vous donne acte, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur thématique, de ce que le principe du barème a été introduit dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013, mais uniquement pour la conciliation et moyennant des contreparties forfaitaires dont le montant, vous l’avez vous-même reconnu, est très faible et n’a rien à voir avec ce que les personnes auraient pu obtenir dans le cadre d’un jugement au fond. Cet amendement vise à étendre ce principe au jugement sur le fond, ce qui est très grave.
C’est grave parce que c’est contraire à la volonté des organisations syndicales qui ont tenu à cantonner cette possibilité à la conciliation, et je note, mes chers collègues de l’opposition, vous qui parlez tant de dialogue social, que la conciliation figure dans l’ANI, l’accord national interprofessionnel. D’autre part, le forfait ne permet pas de réparer la totalité du préjudice, et c’est là notre préoccupation essentielle. Il suffira de cocher telle ou telle case dans une grille pour apprécier l’importance d’un préjudice.
Prendre une telle disposition dans un amendement déposé au dernier moment, qui n’a même pas été examiné en commission spéciale, je trouve cela hallucinant ! Je ne voudrais pas être désagréable, mais je demande un scrutin public sur cet amendement car il est trop important pour être mis aux voix à main levée.
Il est nécessaire de revenir sur la réalité du dispositif car nous sommes en train de confondre différentes choses.
Chère collègue, l’indemnité forfaitaire que vous redoutez existe déjà dans le code du travail puisque c’est bien une indemnité forfaitaire qui est versée par le juge de la conciliation. Ne soyez pas effrayés par une chose qui existe.
Par ailleurs, dans le cadre de la conciliation, le juge ne fait qu’entériner un accord qui a été préalablement accepté par les parties. Dans une conciliation, sauf si des mesures d’urgence sont prises, par exemple dans les cas particuliers de remise de pièce, ce qui est prononcé par le juge conciliateur relève de l’accord des parties.
Le référentiel indicatif n’est pas un forfait imposé par le juge, pour la conciliation comme pour le jugement, mais un élément que le juge « peut prendre en compte », selon les termes exacts de l’amendement. Premièrement, il peut le faire ; deuxièmement, c’est un référentiel, et troisièmement, il est indicatif. Mes chers collègues, on peut difficilement être plus attentif à ne pas imposer sa décision au juge !
C’est donc le juge qui décidera, tout seul, dans le cadre de ses compétences dans le bureau de jugement, si au cours de la conciliation les parties n’ont pas trouvé un accord.
Enfin, mes chers collègues, dans beaucoup de domaines liés à la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, les professionnels disposent de piles de référentiels. Que ce soit pour la réparation d’un préjudice corporel, la perte d’une capacité de travail, voire une invalidité, tout ce qui permet à une personne de faire valoir ses droits et de les invoquer devant les juridictions est construit à partir de référentiels qui sont exactement ceux des magistrats. Et celui qui a des arguments à présenter peut demander dix fois plus que ce que prévoit la jurisprudence et l’obtenir puisque le juge a la capacité de prononcer un tel jugement.
Ne vous laissez donc pas effaroucher par une technique de professionnels que les magistrats utilisent également, par exemple pour les indemnités d’expropriation.
Il existait un problème majeur, mais il a été bien corrigé par la rédaction de l’amendement dont je rappelle les termes : « Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie… ». Cette référence respecte la réalité des enjeux et des réparations.
Je considère que c’est une excellente chose et je vais vous dire pourquoi. Tous ceux qui ont pratiqué ces matières savent qu’un salarié qui a été licencié dans des conditions qui le révoltent et qui a du ressentiment à l’égard de son employeur espère qu’il percevra une indemnité extraordinaire, et on peut le comprendre. Et l’employeur qui refuse une conciliation le fait en espérant qu’il n’aura rien ou très peu à verser. C’est cette situation qui finit en cour d’appel, trois ans plus tard, avec des employeurs ballottés qui se retrouvent dans des situations difficiles et des salariés qui ressortent de tout cela lessivés.
Le fait d’introduire cette possibilité est une nouveauté, c’est clair, mais cela peut faire avancer vers des solutions en réduisant les délais, en apaisant, en entrant dans l’espace de la conciliation pour revenir à ce qui était l’essence de la procédure prud’homale. Car comme l’a rappelé le rapporteur thématique, la procédure prud’homale était avant tout une procédure de conciliation. Les plus anciens ont connu le temps où, dans les conseils professionnels devant les juridictions, c’était prendre un grand risque que de ne pas accepter la conciliation. Telle était la pratique en vigueur à l’époque, mais depuis elle a été balayée.
Il s’agit donc d’un instrument parmi d’autres susceptible de faciliter le travail des magistrat et de rapprocher les parties dans des conditions moins ignorantes de la réalité effective que sanctionne la décision finale.
Sur l’amendement no 3290, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La séance sera levée dans quelques minutes, après le scrutin public probablement, comme c’est l’usage. Au moment où je prends la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il doit nous rester un temps de parole de six minutes ou quasiment. J’aimerais faire quelques observations à ce sujet. Tout d’abord, les membres de mon groupe et moi-même avons fait en sorte d’assister assidûment aux débats et d’y participer avec courtoisie, sans jamais user de notre temps de parole à des fins d’obstruction et en faisant même en sorte que chacun donne son avis comme il l’entendait sur tous les articles. Je rappelle que le texte comptait à son arrivée en commission 106 articles et 203 après son examen en commission. Il sortira de cet hémicycle fort de 240 articles ce qui, avec un temps de parole de 20 h 45 auxquelles s’ajoutent les deux heures attribuées à notre président de groupe, nous a laissé environ six minutes par article pour les 200 députés de notre groupe. Bien entendu, la procédure du temps législatif programmé est conforme au règlement de l’Assemblée nationale.
Je sais, monsieur Gille, que nous l’avons instituée, mais cela n’empêche pas de l’appliquer avec discernement ! Je regrette infiniment d’avoir dû assister hier et cet après-midi à la « couturière » du congrès du parti socialiste de l’automne prochain, même si c’était très intéressant !
Ou peut-être était-ce un conseil national, mais n’étant pas très familier de vos instances, chers collègues, je vous laisse le soin d’apprécier quelle formulation convient le mieux à votre formation politique !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Ni l’une ni l’autre ! Nous sommes à l’Assemblée nationale, monsieur Poisson, nulle part ailleurs !
D’aucun désir particulier, cher collègue ! Nous abordons ce soir des sujets extrêmement importants et débattons depuis tout à l’heure d’un amendement présenté pas le Gouvernement sur cette affaire de barémisation des indemnités dont chacun comprend bien que ce n’est pas un petit sujet. Nous devons encore traiter du délit d’entrave, des seuils et de l’inspection du travail, autant de débats pour lesquels nous devons disposer de davantage de temps mais nous n’en disposons pas !
Nous avons fait tout ce qu’il fallait pour en garder mais, ma foi, notre groupe compte un certain nombre de membres et il est normal que nos collègues se soient exprimés librement. Je salue nos collègues Philippe Houillon, Véronique Louwagie, Gilles Lurton, Gérard Cherpion et Jean-François Lamour ici présent qui ont quasi-systématiquement renoncé à s’inscrire sur les articles afin d’économiser notre temps de parole. Nous avons aussi renoncé à défendre une motion de renvoi en commission, monsieur le président de la commission spéciale, et vous avez d’ailleurs salué ce geste qui n’avait pas pour motivation première d’économiser du temps même si l’effet s’en est évidemment fait sentir de cette façon.
Dès lors, compte tenu du nombre de sujets cruciaux restant à débattre et comme la soirée sera sans doute encore très longue, je vous adresse la demande à cet instant, monsieur le président, de bien vouloir réunir la conférence des présidents afin que nous disposions du temps nécessaire pour achever l’examen des articles. En tout état de cause, quelle que soit la réponse apportée à notre sollicitation, je demanderai au nom de mon groupe une suspension de séance d’une durée équivalente à la seconde près au temps qu’il nous reste afin de déterminer ensemble si nous reviendrons siéger ou pas ce soir. Je vous remercie, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, et au cas où nous nous ne reverrions pas, nous vous souhaitons une bonne fête de M. Lamour car c’est aujourd’hui la fête de Jean-François Lamour que je salue !
Applaudissements.
Les observations que vous venez de formuler ont été examinées par la conférence des présidents, monsieur Poisson. C’est pour faire face au manque de temps de parole qu’il a été décidé que les présidents de groupe peuvent mettre celui qui leur est attribué à la disposition de leur groupe. Pour le reste, la procédure de temps législatif programmé a été adoptée au cours de la précédente législature. Compte tenu des décisions prises lors de la conférence des présidents, nous l’appliquerons telle que notre règlement le prévoit.
Dans ces conditions, nous demandons une suspension de séance, monsieur le président.
Elle vous sera accordée après les dernières interventions sur l’amendement afin de ne pas hacher davantage le débat sur le texte.
Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et quittent l’hémicycle.
Je soutiens l’amendement présenté par le Gouvernement. De tels référentiels existent dans d’autres matières judiciaires comme les pensions alimentaires et l’indemnisation des préjudices, corporels en particulier, comme l’a rappelé M. Le Bouillonnec. Ils constituent un appui. Le référentiel fournira aux différentes parties des critères à partir desquels discuter tels que l’ancienneté, le montant du salaire et l’importance du préjudice causé par la perte d’emploi. Il s’agit d’un élément très important dans le cadre de la négociation si elle est possible puis dans le cadre de l’élaboration des stratégies de défense du salarié comme de l’employeur. Il s’agit d’une méthode moderne de travailler parfaitement connue de toutes les juridictions. Il s’agit réellement d’une excellente méthode.
Le juge n’est pas lié car le texte prévoit bien qu’il « peut prendre en compte un référentiel ». Il s’agit donc d’une base de travail sur lequel s’appuient les conseillers des prud’hommes. Soyons très clairs et disons-nous la vérité, madame Fraysse : en pratique, comme chacun sait, il existe toujours une échelle de valeur en fonction de l’ancienneté, du salaire et des préjudices à partir de laquelle on discute. L’intérêt du référentiel sera dorénavant d’aider à fournir la preuve du préjudice au bénéfice de la négociation et de la discussion. Il s’agit d’un élément intéressant qui modernise la procédure des prud’hommes.
Je soutiens également l’amendement, d’autant plus qu’il s’agit d’une possibilité offerte au juge. Si le référentiel indicatif n’était pas inscrit dans la loi, les juges hésiteraient sans doute à y faire référence. Il faut le concevoir comme une aide à l’appréciation, un outil, une aide à l’harmonisation des jugements entre conseils. Il servira aux juridictions à harmoniser leurs décisions et constitue aussi une aide à l’égalité de traitement des justiciables. Il ne s’agit pas d’une règle mais d’un outil qui est en fait la traduction simplifiée d’une jurisprudence ramassée vers laquelle va spontanément mais difficilement le juge auquel il procure un gain de temps. Il s’agit d’un outil dont la mention dans la loi est tout à fait utile et sera appréciée des conseillers des prud’hommes.
Je regrette d’intervenir alors qu’une partie de nos collègues ont quitté l’hémicycle. Nous aussi avons été amenés à travailler selon la procédure du temps programmé. Vient un moment où l’on arrive au bout. Nous avions alors appelé cela la guillotine, et je ne vois pas pourquoi il en irait différemment aujourd’hui de nos collègues. Lorsque cela nous est arrivé, nous sommes restés dans l’hémicycle afin d’aller au bout des débats.
À défaut de pouvoir argumenter, ce que nous regrettions, nous pouvions voter et voter, dans l’hémicycle, c’est important !
Deuxièmement, je ne porte bien entendu aucun jugement sur la façon dont chaque groupe organise son temps mais fais tout de même constater que plusieurs heures ont été consacrées, lors de l’examen de l’article 12, aux mêmes arguments, aux mêmes amendements avec la même volonté de marquer le coup à l’extérieur, disons-le très simplement, pour dire ce qui aurait pu l’être en un temps beaucoup plus limité grâce à quoi nos collègues auraient pu aller peut-être pas jusqu’au bout du débat mais beaucoup plus loin que ce soir.
Enfin, il me semble que le Gouvernement et le rapporteur thématique ont déposé un certain nombre d’amendements. Il en résulte la réouverture d’un temps de parole attaché à certains articles dont l’examen reste à faire. Je ne voudrais pas laisser penser que les groupes sont privés de temps de parole car tous s’en verront attribuer de droit dès que ces articles viendront en discussion en raison des amendements déposés par le Gouvernement et le rapporteur thématique. Telles sont les précisions que je souhaitais apporter car le comportement auquel nous assistons, nous ne l’avons jamais eu dans l’hémicycle tant le débat doit durer jusqu’à la dernière minute, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’examen du dernier amendement. Nous avons fait ainsi par exemple lors du débat sur les retraites au cours duquel la guillotine s’était appliquée à nous alors que nous étions dans l’opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ce n’est pas ce que nous avions prévu. Je suis intervenu à trois reprises en conférence des présidents pour expliquer que la procédure n’est pas adaptée à un tel texte. Le problème ne découle pas seulement de la procédure du temps programmé, cher collègue Bruno Le Roux. Ce texte en particulier constitue une difficulté et vous le savez très bien. On est passés de 106 articles à 206 puis 210 sans compter les nouveaux amendements gouvernementaux, même s’ils ouvrent du temps de parole. Le texte est un peu un mastodonte, il faut bien le reconnaître, comme l’a dit le président Brottes en conférence des présidents ! Nous avons essayé de gérer la situation en nous muselant et pour ma part je ne suis pas intervenu une seule fois sur un article ! Le débat démocratique en sera un peu entaché et je le regrette. Vous disiez à l’instant l’avoir vécu à vos dépens, mais lorsqu’on vit quelque chose à ses dépens on a plutôt envie de restaurer les choses et en l’occurrence de se donner les moyens d’examiner autrement un nouveau texte ! Nous étions plusieurs de cet avis mardi en conférence des présidents, mais en raison du fait majoritaire aucun temps de parole complémentaire n’a été accordé.
Songez aussi, monsieur le ministre, que c’est votre premier grand texte. Vous avez un mois pour vous seul, une commission spéciale qui a siégé du lundi au dimanche à 2 h 21 du matin et trois semaines de débat non-stop avant l’examen au Sénat ! C’est un peu dommage de débattre de la dernière partie qui est extrêmement importante et concerne en particulier le droit du travail en l’absence du plus grand groupe d’opposition ! Par-delà le temps de parole que chaque groupe a consommé ou non, vous nous rappelez souvent à l’ordre en conférence des présidents, monsieur le président de l’Assemblée nationale, en disant : « Faites attention à l’image que vous donnez à l’extérieur ! », et à nouveau entre 15 heures et 16 heures lorsqu’il y a un peu de bruit dans cet hémicycle. Attention, donc, mes chers collègues, à l’image que nous donnons à l’extérieur si une partie des débats sur un texte aussi important a lieu alors que toutes les formations qui composent cet hémicycle ne s’y trouvent pas !
Enfin, Bruno Le Roux a rappelé que les membres de son groupe sont jadis restés et ont voté tout en étant muets. C’est un peu dommage de ne pas assortir le vote de l’expression de ses convictions ! Voilà ce que je voulais dire au nom de mon groupe. Il nous reste un peu de temps mais sachez bien que nous nous sommes bâillonnés pendant trois semaines !
J’ai dit moi aussi en conférence des présidents, monsieur Vigier, que tout cela renvoie une nouvelle fois au malheureux inachèvement des propositions du groupe de travail que j’ai mis en place afin de modifier notre mode de fonctionnement en raison de la réforme de la Constitution qui est nécessaire.
La fabrique de la loi atteint aujourd’hui une limite. La répétition en commission puis ici dans l’hémicycle des mêmes arguments sur les mêmes amendements avec les mêmes propos des uns et des autres montre que quelque chose ne fonctionne pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous savez les réticences formulées en particulier par un groupe d’opposition à toute réforme de la Constitution. J’espère qu’à l’avenir, et pas seulement sur ce point, nous réussirons à réformer la Constitution en vue d’améliorer la fabrique de la loi. Il restait du temps disponible pour l’un des groupes de l’opposition pour les bonnes raisons exposées par le président Le Roux. Nous allons faire avec et aller au bout du débat par souci de responsabilité à l’égard de nos compatriotes et de la nécessaire modernisation de notre travail.
L’avis de la commission a été donné, la parole est à M. le ministre.
Je voulais apporter quelques précisions à la suite des questions qui m’ont été posées. Je veux d’abord rappeler qu’il s’agit d’un référentiel. Aussi la notion même de forfait, ou d’indemnisation forfaitaire, doit être proscrite. Ce référentiel est construit en fonction d’une méthodologie reposant sur certains critères précisés dans le texte de l’amendement et définis dans son exposé sommaire. Il est précisément établi dans l’exposé sommaire que ce référentiel sera établi principalement à partir de l’analyse de la jurisprudence : on ne peut être plus clair. Cette mention a été retirée du texte de l’amendement à la suite d’une discussion avec la Chancellerie. En effet, il n’est pas approprié de mentionner la jurisprudence dans un texte de loi. Telle est, monsieur Hetzel, la seule explication.
Le critère de l’âge est mentionné parce qu’il constitue l’un des éléments objectifs que nous devons prendre en compte, avec l’ancienneté et la situation du demandeur. En effet, l’âge détermine aussi la capacité objective à retrouver un emploi. Le mot « notamment » atteste que la liste figurant à l’alinéa 4 de l’amendement n’est pas définie et close. L’ancienneté, l’âge et la situation du demandeur par rapport à l’emploi sont trois éléments objectifs qu’il est important de prendre en compte dans la loi. La volonté de prendre en considération la capacité de retour à l’emploi suppose que l’on identifie plus particulièrement l’âge, avec les qualifications du justiciable.
Monsieur le député Gille, madame la députée Fraysse, cela a été dit mais il est important d’y insister : ce référentiel est un instrument pour aider les deux parties si elles le souhaitent, et leur permettre de se mettre d’accord au niveau du bureau de jugement. En aucun cas on ne peut dire que l’on va aller plus vite et que ce sera le prix du licenciement. Cela suppose en effet que les deux parties, devant le bureau de jugement, se mettent d’accord pour soumettre au juge leur décision de se caler sur le référentiel. En aucun cas un employeur, sauf à prendre un risque considérable, ne pourrait déterminer, de sa propre initiative, qui va se caler sur le référentiel. Vous comprenez bien que la nature même de cette mécanique a pour conséquence qu’on ne peut l’anticiper. Dans la continuité de ce qui a été précisément négocié par les partenaires au moment de la conciliation – je n’y reviendrai pas, le rapporteur ayant été très précis sur ce point –, il s’agit d’aider les parties, devant cette formation paritaire qu’est le bureau de jugement, à parvenir à un accord, sur une base objective, reposant sur des éléments de référentiel. Cela permettra d’éviter une perte de temps, des incertitudes, mais en aucun cas cela ne pourra être un élément permettant, au moment du licenciement, une anticipation, ni même une approche forfaitaire, pour toutes les raisons que je viens de rappeler. À ce stade, ce sera optionnel, à la décision des deux parties : l’une d’elles ne pourra l’imposer.
Le temps programmé ne me paraît pas approprié à un texte comme celui-là. Tout le confirme, et, d’ailleurs, on le savait depuis le début. Je veux dire aussi à nos collègues socialistes que, si la droite a instauré le temps programmé et qu’elle est prise, en quelque sorte, à son propre jeu, je ne m’en félicite pas : je pense comme vous, monsieur le président, qu’il faut revoir un certain nombre de procédures et que nous devons travailler pour faire en sorte que notre assemblée fonctionne mieux.
Je veux toutefois faire observer à nos collègues socialistes qu’ils ont de nombreux rapporteurs sur ce texte et que, de ce fait, ils ont eu beaucoup de temps.
J’ajoute que certains d’entre eux ont défendu des amendements, sans que leur temps soit décompté. Ce sont non seulement les règles que je conteste, mais aussi leur application, qui a été très inéquitable, au bénéfice du groupe majoritaire. Je le regrette.
Monsieur le ministre, j’ai entendu vos explications et j’ai pris connaissance des éléments d’information que vous m’avez fournis. Il n’en reste pas moins que la disposition que vous entendez introduire par votre amendement – tombé brusquement entre nos mains – est grave. Vous qui nous parlez tout le temps du dialogue social, je constate que vous en faites une interprétation à géométrie variable. On nous a ainsi expliqué que nous devions nous conformer à l’accord national interprofessionnel ; les députés ont finalement eu le droit de l’entériner sans rien ajouter. À présent, alors que les organisations syndicales – patronales et de salariés, du moins certaines d’entre elles – ne sont pas d’accord, ce qui n’est pas pour m’étonner, on ne leur demande pas même leur avis, et on va immédiatement légiférer sur ce sujet, dans le cadre du temps programmé, en l’absence de certains de nos collègues : je ne peux pas accepter de travailler comme cela. Sur le fond comme sur la forme, je pense qu’il n’est pas acceptable de voter un tel amendement dans ces conditions. Aussi je maintiens mon vote contre cet amendement, de manière extrêmement résolue.
Je souhaite apporter quelques précisions sur la méthode.
Première remarque : madame Fraysse, je veux d’abord vous rappeler que j’ai tenu à ce que l’amendement très important dont nous débattons ait été vu par la commission spéciale hier, à 21 heures 30.
Oui. J’ai demandé aux membres de la commission s’ils avaient des questions. Je souhaitais en effet qu’au moins un jour avant, les groupes puissent en avoir connaissance pour se donner le temps, le cas échéant, de le sous-amender. Ne m’en faites pas le reproche, nous avons veillé à ce que l’on respecte, non seulement les formes, mais que l’on aille au-delà, ce qui était nécessaire eu égard à l’importance de l’amendement. Il n’y avait pas de raison qu’il échappe à la vigilance de la commission spéciale. Vous avez dit tout à l’heure que la commission ne l’avait pas examiné, aussi je me permets, sur ce point, de vous dire que c’est inexact.
Deuxième remarque : lorsque les rapporteurs traitent de leurs thèmes, au sein de leurs chapitres, le temps n’est pas décompté ; lorsqu’ils présentent des amendements en dehors des chapitres qui les concernent, le temps est décompté du temps de parole du groupe auquel ils appartiennent, qu’il s’agisse du groupe RRDP ou du groupe socialiste. Par ailleurs, la majorité des amendements des rapporteurs sont rédactionnels – il ne s’agit pas de leur en faire grief, puisque leur rôle est de parfaire le texte.
Comme le président Le Roux l’a rappelé, du temps supplémentaire a été attribué au groupe qui a quitté l’hémicycle, ce qui est dommage. Je pense qu’ils en ont connaissance ; peut-être reviendront-ils pour examiner les articles en question.
J’ai vécu la même scène que Bruno Le Roux ; lorsque nous étions dans l’opposition avec Jean-Yves Le Bouillonnec et quelques autres, je me souviens que l’on m’a coupé la parole alors que j’étais en train de présenter un amendement.
Exclamations sur plusieurs bancs.
Sourires.
Lorsqu’un groupe n’est physiquement plus là, ses amendements ne sont plus appelés. Dans le cas contraire, l’amendement est appelé et défendu, ce qui oblige le rapporteur et le Gouvernement à apporter des réponses. Telle est la règle, qui demeure même s’il n’y a plus de temps. Si nos collègues ne reviennent pas, ils n’auront aucun avis sur leurs amendements, ce qui est pourtant important, étant précisé que ces avis peuvent être favorables.
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur thématique, qui va s’en tenir à l’amendement.
Il ne vous a pas échappé que la discussion portait à la fois sur le principe du temps programmé et ses avatars, et sur l’amendement du Gouvernement. Je voulais simplement dire à Mme Fraysse que le mécanisme proposé n’a pas pour objet de permettre ce que l’on appelle la « violation efficace d’un droit », autrement dit le fait d’anticiper les conséquences de la violation délibérée d’un droit en en connaissant le coût, dans le cadre d’un calcul rationnel. Il ne faut pas s’imaginer qu’un employeur ne sait pas, au moins approximativement, quel coût il devra prendre en charge ou quel risque il encourt.
Quand on lui intente un procès, l’employeur doit le provisionner. Comment calcule-t-il le coût ? Il le demande à son avocat, qui est directement interrogé par le commissaire aux comptes, dans le cas où l’employeur y a recours. Il lui répond, souvent en faisant passer la lettre par l’intermédiaire de son client, afin de respecter le secret professionnel. Il lui dit quels sont les risques, quelle est la jurisprudence habituelle du conseil de prud’hommes ou de la cour d’appel. Il lui dit qu’il aura tant à payer, que le fait de devoir rembourser les Assedic dans la limite de six mois de salaire, cela fera tant. Il affecte éventuellement la somme d’un coefficient.
Il est heureux que l’on dispose de ces moyens, car cela signifie que la justice est prévisible. Cela ne signifie pas que l’on connaît le montant exact et qu’il n’y a pas d’aléa judiciaire, mais, simplement, qu’il y a une prévisibilité. Que serait, en effet, une justice non prévisible ou qui n’est pas prévisible a minima ? Ce serait une justice arbitraire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 39 Nombre de suffrages exprimés: 38 Majorité absolue: 20 Pour l’adoption: 30 contre: 8 (L’amendement no 3290 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly