Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 83

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Avec l’article 83, monsieur le ministre, vous touchez à la juridiction prud’homale. Loin de moi de dire qu’il ne fallait pas travailler sur ce dispositif en réaffirmant les valeurs portées par la juridiction, comme vous le faites d’ailleurs au début de l’article, et en toilettant certains aspects de son fonctionnement. Mais à mon sens, ce qui manque le plus, ce sont les moyens.

Je m’exprime sur ce sujet en portant deux casquettes. D’une part, j’ai été pendant dix ans membre du conseil de prud’hommes de Roubaix. D’autre part, je suis rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi », qui finance la formation de la juridiction prud’homale.

Si les conseillers prud’hommes pouvaient bénéficier de la formation dont ils ont besoin, compte tenu de l’inflation permanente des normes législatives dont nous sommes responsables dans cet hémicycle et alors que le petit livre rouge appelé « code du travail » grossit de plusieurs dizaines de pages par mois, peut-être la justice prud’homale serait-elle plus adaptée et plus sereine.

Les juges prud’homaux sont indépendants et impartiaux. Le conseil est composé paritairement de représentants du collège des employeurs et du collège des salariés. Les conseillers jugent en droit et non en fonction de leurs convictions. C’est un ancien juge prud’homal qui vous le dit : au cours de ma carrière, j’ai beaucoup débattu avec mes partenaires du collège des salariés et je n’ai jamais vu un conseiller prud’homme s’asseoir sur un texte législatif et prendre une décision en fonction de ses convictions personnelles. Nous avons toujours débattu sereinement ; la loi a parfois dû être interprétée lorsqu’elle n’était pas tout à fait claire, mais jamais un conseiller ne s’en est écarté, qu’il représente les employeurs ou les salariés. Enfin, les juges prud’homaux prêtent serment, ce qui leur donne des droits, mais également des devoirs, notamment un devoir de probité que vous rappelez d’ailleurs dans le texte.

Que reprochez-vous à la justice prud’homale ? Sûrement pas son coût, puisque les juges sont bénévoles, même s’ils sont partiellement indemnisés et si l’employeur qui met à disposition le juge prud’homal se voit rembourser le salaire de ce dernier. Le coût de cette justice prud’homale bénévole est donc beaucoup plus faible que celui d’une justice professionnelle dont les magistrats seraient, par définition, salariés.

Ce que vous reprochez à la justice prud’homale, c’est la longueur des procédures et les délais de jugement. Mais Paris n’est pas la province. S’il est vrai qu’à Paris, les délais de procédure sont très longs, ce n’est absolument pas le cas dans tous les conseils de prud’hommes de province. Il y a deux ou trois semaines, j’assistais à l’assemblée générale du conseil de prud’hommes de Roubaix : il y a été indiqué, si je me souviens bien, que les délais de jugement étaient de l’ordre de treize mois, ce qui est raisonnable compte tenu des échanges de pièces, de la conciliation et d’un certain nombre de procédures prévues tant par le code du travail que par les textes régissant les conseils de prud’hommes.

Un délai de treize mois ne me paraît donc pas très long. D’ailleurs, comme le disait l’un des précédents orateurs, c’est souvent l’intervention du juge du départage qui rallonge les procédures, car il s’agit d’un juge d’instance qui n’est pas toujours disponible, ce qui nécessite parfois le report des audiences. Un autre facteur de report des audiences est le fait que les pièces n’ont pas toujours été échangées.

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