Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 83

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Il s’agit par cet amendement d’aller au bout de la logique que M. le rapporteur vient de résumer, qui a permis d’améliorer la version initiale du projet, en consolidant le paritarisme et en donnant toutes les chances aux parties de conclure lors de la phase de conciliation et dans le cadre du bureau de jugement.

Pour ce faire, l’amendement vise à instaurer un référentiel facilitant la fixation de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Parmi les trois voies de qualification du contentieux du licenciement pour motifs personnels, l’absence de cause réelle et sérieuse est au coeur de la problématique, comme nous avons eu l’occasion de le préciser en commission spéciale. D’un point de vue financier, la faute peut n’être que mineure, ou vécue comme telle. La question de la proportionnalité de la réparation au regard de l’atteinte commise au droit doit être traitée de façon à assurer une plus grande sécurité juridique pour toutes les parties et une procédure contentieuse que celles-ci peuvent mieux maîtriser.

En revanche, il n’est ici pas envisagé que le référentiel porte sur le cas d’un licenciement nul, au regard du faible nombre d’affaires, des minima d’indemnités élevés – correspondant à la réparation du préjudice dans la limite des salaires dus ; quand le salarié refuse la réintégration, le minimum correspond à six mois de salaire, à quoi s’ajoutent une indemnité de licenciement et la réparation du préjudice en cas d’irrégularité de la procédure – et de la particularité des affaires en cause.

Quant au licenciement pour irrégularité de procédure, il conduit la plupart du temps à une indemnisation qui ne dépasse pas un mois de salaire.

Ainsi, le périmètre le plus indiqué pour appliquer le référentiel est bien celui de l’absence de cause réelle et sérieuse. Il traite les cas les plus simples à objectiver, mais aussi les cas dans lesquels l’efficacité d’un tel référentiel permet de donner toutes les chances aux parties de trouver plus facilement un accord. C’est d’ailleurs la même philosophie qui avait été retenue pour la conciliation dans l’accord national interprofessionnel, puisqu’un référentiel négocié par les partenaires sociaux avait été adopté dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi ; nous ne proposons pas d’y revenir, car je rappelle que le référentiel visé par le présent texte s’applique au niveau du bureau de jugement.

Ce référentiel sera principalement établi à partir de l’analyse de la jurisprudence, de l’analyse des procès-verbaux de conciliation et des transactions dont l’homologation est sollicitée. Il est indicatif et vise à une harmonisation progressive de la jurisprudence. Lorsque les deux parties en demandent l’application exclusive, le juge est tenu de l’appliquer, conformément aux principes de la procédure civile selon lesquels le juge ne peut statuer que sur les demandes des parties exclusivement.

Il va de soi, je le précise, que l’accord des parties sur le référentiel ne saurait éteindre toute possibilité d’appel. En effet, il ne s’agit pas d’un accord transactionnel mais d’une décision juridictionnelle appuyée sur un référentiel indicatif, qui laissera donc une marge d’appréciation susceptible d’appel et sans ambiguïté. Cependant, il est ressorti des auditions et des échanges que nous avons conduits que dans la grande majorité des cas où les parties se mettront d’accord pour demander que le juge applique le référentiel, il est quand même peu probable que cela les conduise à poursuivre la procédure. C’est pourquoi nous sommes profondément convaincus que ce référentiel constituera l’un des leviers d’efficacité et de justice qui sont à la disposition de la justice prud’homale.

Ce référentiel, à la disposition des formations de jugement, n’est pas un barème défini par décret à usage du bureau de conciliation qui, lui, résulte de l’accord collectif que j’ai rappelé, et c’est bien normal. L’un et l’autre vont vivre et nous verrons qu’il est possible de les enrichir et de faire évoluer régulièrement les choses par le décret.

En somme, conformément aux échanges que nous venons d’avoir, ce référentiel permettra donc de donner toutes ses chances au paritarisme et multipliera les possibilités de trouver une solution non seulement au stade de la conciliation, grâce au barème que les partenaires sociaux avaient réussi à instaurer, mais aussi au niveau du bureau de jugement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion