Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 83

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

Il est nécessaire de revenir sur la réalité du dispositif car nous sommes en train de confondre différentes choses.

Chère collègue, l’indemnité forfaitaire que vous redoutez existe déjà dans le code du travail puisque c’est bien une indemnité forfaitaire qui est versée par le juge de la conciliation. Ne soyez pas effrayés par une chose qui existe.

Par ailleurs, dans le cadre de la conciliation, le juge ne fait qu’entériner un accord qui a été préalablement accepté par les parties. Dans une conciliation, sauf si des mesures d’urgence sont prises, par exemple dans les cas particuliers de remise de pièce, ce qui est prononcé par le juge conciliateur relève de l’accord des parties.

Le référentiel indicatif n’est pas un forfait imposé par le juge, pour la conciliation comme pour le jugement, mais un élément que le juge « peut prendre en compte », selon les termes exacts de l’amendement. Premièrement, il peut le faire ; deuxièmement, c’est un référentiel, et troisièmement, il est indicatif. Mes chers collègues, on peut difficilement être plus attentif à ne pas imposer sa décision au juge !

C’est donc le juge qui décidera, tout seul, dans le cadre de ses compétences dans le bureau de jugement, si au cours de la conciliation les parties n’ont pas trouvé un accord.

Enfin, mes chers collègues, dans beaucoup de domaines liés à la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, les professionnels disposent de piles de référentiels. Que ce soit pour la réparation d’un préjudice corporel, la perte d’une capacité de travail, voire une invalidité, tout ce qui permet à une personne de faire valoir ses droits et de les invoquer devant les juridictions est construit à partir de référentiels qui sont exactement ceux des magistrats. Et celui qui a des arguments à présenter peut demander dix fois plus que ce que prévoit la jurisprudence et l’obtenir puisque le juge a la capacité de prononcer un tel jugement.

Ne vous laissez donc pas effaroucher par une technique de professionnels que les magistrats utilisent également, par exemple pour les indemnités d’expropriation.

Il existait un problème majeur, mais il a été bien corrigé par la rédaction de l’amendement dont je rappelle les termes : « Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie… ». Cette référence respecte la réalité des enjeux et des réparations.

Je considère que c’est une excellente chose et je vais vous dire pourquoi. Tous ceux qui ont pratiqué ces matières savent qu’un salarié qui a été licencié dans des conditions qui le révoltent et qui a du ressentiment à l’égard de son employeur espère qu’il percevra une indemnité extraordinaire, et on peut le comprendre. Et l’employeur qui refuse une conciliation le fait en espérant qu’il n’aura rien ou très peu à verser. C’est cette situation qui finit en cour d’appel, trois ans plus tard, avec des employeurs ballottés qui se retrouvent dans des situations difficiles et des salariés qui ressortent de tout cela lessivés.

Le fait d’introduire cette possibilité est une nouveauté, c’est clair, mais cela peut faire avancer vers des solutions en réduisant les délais, en apaisant, en entrant dans l’espace de la conciliation pour revenir à ce qui était l’essence de la procédure prud’homale. Car comme l’a rappelé le rapporteur thématique, la procédure prud’homale était avant tout une procédure de conciliation. Les plus anciens ont connu le temps où, dans les conseils professionnels devant les juridictions, c’était prendre un grand risque que de ne pas accepter la conciliation. Telle était la pratique en vigueur à l’époque, mais depuis elle a été balayée.

Il s’agit donc d’un instrument parmi d’autres susceptible de faciliter le travail des magistrat et de rapprocher les parties dans des conditions moins ignorantes de la réalité effective que sanctionne la décision finale.

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