Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 22h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Avant l'article 85

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale :

Vous le savez, monsieur Alauzet, l’avis de la commission est défavorable. La situation dans laquelle nous nous trouvons me navre mais pour autant, je ne souhaite pas que l’Assemblée adopte votre amendement. Tout d’abord, parce que je vais présenter un amendement qui réforme le délit d’entrave de façon un peu plus précise.

S’agissant de l’inspection du travail, nous sommes confrontés à une double difficulté.

En premier lieu, le Gouvernement a annoncé qu’il souhaitait y revenir par voie d’ordonnances. Il s’en expliquera, mais il a indiqué qu’une nouvelle consultation des partenaires sociaux serait nécessaire. Pour avoir été associé après coup à la façon dont les choses se sont passées, je peux le comprendre. La réforme de l’inspection du travail a été négociée au sein du ministère avec les syndicats d’inspecteurs et de contrôleurs, et ce n’est que dans un deuxième temps qu’elle a été présentée aux partenaires sociaux dans leur dimension générale, alors que l’inspection du travail a un effet direct sur les entreprises. Ce premier élément me paraît justifier la nécessité d’un nouveau round de concertation.

En second lieu, la réforme de l’inspection du travail qui figure dans ma proposition de loi, elle-même issue de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale qu’avait présenté Michel Sapin lorsqu’il était ministre du travail, repose, s’agissant des sanctions, sur la coexistence de sanctions administratives et de sanctions pénales. Autrement dit, l’édiction de sanctions administratives n’atténue en rien l’existence des sanctions pénales. Le cumul des deux est même possible en droit français aujourd’hui, par exemple pour le permis de conduire. La règle est que le total des sanctions administratives et pénales ne peut pas dépasser la plus sévère des peines prévues, qu’elle soit administrative ou pénale.

Toutefois, dans un arrêt du 20 mai 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé qu’il ne serait plus possible de mener les deux poursuites. Il peut y avoir deux systèmes, mais le choix de l’une des deux voies, pénale ou administrative, fermerait automatiquement l’autre.

Il est vrai que la réforme n’a pas été élaborée dans cet esprit-là. Aujourd’hui, je ne sais pas si cet arrêt interdit à un salarié ou un syndicat de se constituer partie civile et de mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe ou de plainte devant le juge d’instruction. C’est une question importante à mes yeux, et je n’ai pas la réponse à ce jour : elle requiert une consultation juridique extrêmement précise. Je pense d’ailleurs que nous n’aurons la solution qu’une fois que la Cour européenne des droits de l’homme aura rendu un arrêt sur un sujet identique.

Je ne vois pas en quoi le fait qu’un inspecteur du travail choisisse la voie administrative et que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, le Direccte, prononce une sanction administrative empêcherait la victime d’un acte délictuel de saisir, si elle le souhaite, la juridiction pénale. Voilà la difficulté juridique à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Je vous rappelle les dates, vous comprendrez ainsi cette difficulté : ma proposition de loi devait être débattue dans cet hémicycle le 20 mai. L’arrêt de la CEDH date aussi du 20 mai, et nous n’avons jamais examiné ma proposition de loi parce qu’à l’époque, nous examinions la proposition de loi sur la famille et que nos collègues de l’UMP faisaient de l’obstruction, de telle sorte qu’il a fallu décaler à plusieurs reprises…

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