Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 22h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 85

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Avec cet article, nous abordons la partie de ce projet de loi qui concerne le droit du travail. Nous allons en étudier plusieurs aspects essentiels qui devraient concerner la protection des salariés. Depuis plusieurs jours, nous avons beaucoup discuté dans cet hémicycle du travail le dimanche. Mais la partie du projet de loi que nous allons maintenant examiner est à nos yeux tout aussi essentielle, et pour dire les choses franchement, si l’on veut redonner confiance à la partie de la majorité qui doute du bien-fondé de ce texte, il faudrait amender sur plusieurs points essentiels les différents articles que nous allons aborder et sur lesquels nous avons des désaccords que je vais expliciter tout au long de cette nuit.

Il y a dans notre pays une école de pensée qui considère nécessaire, ce sont ses mots, de « réduire les rigidités du marché du travail », soit, en d’autres termes, réduire les protections et les garanties dont bénéficient les salariés et qui sont le fruit de conquêtes du mouvement syndical, de la jurisprudence des tribunaux parfois, et du résultat des débats politiques au Parlement. Ce débat entre libéraux et progressistes sur le droit du travail est tout à fait essentiel, et sur certains aspects, il va probablement se rejouer dans les heures qui viennent.

L’idée terrible selon laquelle le code du travail tue l’emploi est très présente dans notre pays. Beaucoup, à droite, la défendent jour après jour et l’illustrent en expliquant que le code du travail, ce code qui compile notre législation sociale, est un des plus épais du monde, et qu’il constitue en soi un obstacle à la compétitivité de notre économie. Nous sommes très nombreux à penser de façon radicalement différente. Le code du travail, c’est la protection des salariés, c’est la cohésion sociale, et cela aussi contribue à la compétitivité.

Autant le présent projet de loi que des déclarations récentes – et je pense en particulier à des déclarations faites par le Premier ministre lors d’un récent voyage en Chine – ont pu donner le sentiment qu’il existait une compétition entre la France et l’Allemagne pour savoir qui protégeait le moins les salariés. Ce n’est pas l’approche que nous défendrons au cours de ce débat, vous vous en doutez. J’espère que ce n’est pas non plus celle que nos collègues du groupe socialiste défendront, ni celle du ministre.

Il n’empêche que le texte dont nous débattons pose des problèmes, dont certains sont considérables. C’est le cas de l’article 101, sur lequel nous devrions passer un long moment. Il réduit les protections dont bénéficient les salariés en cas de licenciement en réduisant la possibilité, lors d’un plan social, de faire appel aux moyens du groupe dont dépend une entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation. Pour beaucoup d’entre nous, et en tout cas pour moi, cet article est inadmissible.

J’ai relu avec intérêt les débats de la commission spéciale, et je connais maintenant par coeur les arguments déployés par notre collègue Robiliard, avec beaucoup de conviction, pour défendre cet article 101. Face à un tel article, deux attitudes sont possibles : soit on considère que le droit ne permet pas de contraindre un groupe à financer un plan de sauvegarde de l’emploi, soit on considère qu’il faut améliorer la défense et la protection des salariés, en particulier dans des périodes de chômage de masse et de restructurations industrielles massives. C’est cette deuxième option que devrait défendre, sur cet article 101 comme sur beaucoup d’autres, une majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Mes chers collègues, le droit social est fait pour cela !

Dans plusieurs articles, ces questions vont être posées, et je ne doute pas de l’énergie que va déployer notre rapporteur thématique pour tenter de réduire les dégâts. Je m’interroge vraiment quant à la légitimité du Gouvernement pour réformer le corps de l’Inspection du travail par ordonnances. Il y a la question du délit d’entrave et de son éventuelle dépénalisation. Il y a l’ordre des licenciements, qui est aussi un aspect protecteur du droit du travail. Il y a, enfin, l’article 101, sans doute le vecteur de fragilisation le plus important. Si nous ne corrigeons pas ces dispositions de façon extrêmement précise et ferme au cours de nos débats, nous manquerons une occasion de faire progresser le droit du travail et la protection des salariés en France.

L’article 85 ouvre une nouvelle partie de notre débat, peut-être la plus sensible, davantage encore que la question du travail du dimanche qui nous a beaucoup occupés, et c’était bien le moins. Nous rentrons maintenant dans le dur de ce texte. Cet article pose de nombreux problèmes. Je le dis très solennellement à ce moment du débat : pour beaucoup d’entre nous, c’est cette partie du projet de loi qui déterminera notre vote pour ou contre ce texte.

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