Comme je l’ai annoncé, cet amendement propose une réforme du délit d’entrave. Dans le code du travail, à chaque institution est attaché un régime qui fixe les entraves à la constitution de l’institution, à son fonctionnement et à l’atteinte au statut protecteur des salariés représentants du personnel – par hypothèse, un licenciement sans autorisation administrative de licenciement.
L’habilitation du Gouvernement, à l’article 85, portait sur l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Nous sommes partis de la volonté du Président de la République, qui souhaitait que la peine de prison ne s’applique plus, ou plus exactement qu’elle ne soit plus encourue, pour ces atteintes au fonctionnement. Cet amendement ne porte donc ni sur l’entrave à la constitution des institutions, ni sur l’atteinte au statut des salariés protégés. C’est normal qu’il en soit ainsi et qu’une distinction soit faite.
Actuellement, dans une seule et même infraction, on réprime trois infractions qui sont d’une gravité différente.
C’est une chose d’entraver le fonctionnement d’un comité d’entreprise par exemple – non respect du délai de convocation, information insuffisante, même si son contenu n’est pas parfaitement établi par la jurisprudence. C’en est une autre que de refuser d’organiser une élection quand une organisation syndicale vous le demande et que les conditions d’effectifs vous y obligent. Dans le premier cas, que vous ayez agi volontairement ou que vous ayez commis une erreur d’inattention, la jurisprudence déduit l’intention de l’absence de diligence suffisante. Autrement dit, vous avez beau ne pas avoir voulu commettre l’infraction, elle est néanmoins constituée : c’est ce qu’on appelle un délit formel. En revanche, quand un employeur reçoit une lettre recommandée réclamant l’élection de délégués du personnel, il commet volontairement un délit. Quand il licencie sans autorisation administrative préalable un salarié protégé, il sait ce qu’il fait, il commet intentionnellement un délit. Objectivement, ces trois délits ne sont pas de la même gravité. Pourtant, les peines encourues sont tout de même identiques : un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende.
Nous parlons ici de l’entrave au fonctionnement, soit le délit le moins grave : même s’il n’est pas acceptable, il est tout de même moins grave que l’entrave à la constitution ou l’atteinte à la personne du salarié. Faut-il maintenir son caractère pénal ? Je pense que oui. Nous nous sommes entendus avec le Gouvernement pour conserver son caractère délictuel à l’entrave au fonctionnement d’un comité d’entreprise ou de n’importe quelle autre institution représentative du personnel, car l’infraction est suffisamment grave pour devoir mobiliser les pouvoirs de police judiciaire qui correspondent à cette catégorie d’infraction.
Quelle doit être par ailleurs la nature de cette infraction ? Doit-il s’agir d’un délit ou d’une contravention ? Parce que les contraventions de cinquième classe ne sont pas des infractions vénielles, nous aurions pu pencher pour cette solution, mais nous attachons suffisamment d’importance aux institutions représentatives du personnel pour décider de rester dans le domaine du délit, qui relève de la compétence du tribunal correctionnel.
Dernière question : quelle sanction retenir ? Si ce n’est pas une peine d’emprisonnement, c’est une peine d’amende. Cette dernière a son efficacité. Surtout, même si le nombre de poursuites est très inférieur à celui des infractions, le seul fait de passer en correctionnelle est en soi extrêmement dissuasif, et encore plus le fait que la peine, en cas de condamnation, sera inscrite au casier judiciaire.
Ne nous y trompons pas : ce n’est pas parce que nous abandonnons la peine de prison pour les seuls délits d’atteinte au fonctionnement des institutions représentatives du personnel que nous désarmons les syndicats et les salariés et que nous affaiblissons la protection des institutions représentatives du personnel.
Pour conclure, il nous a semblé nécessaire, pour respecter l’échelle des peines telle qu’elle se pense aujourd’hui, de doubler l’amende, qui passe de 3 750 à 7 500 euros. Précisons que les deux autres délits, ceux d’entrave à la constitution et d’atteinte à la personne du salarié protégé, restent punis d’une peine d’emprisonnement et d’une amende du même montant, 7 500 euros.