Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 14 février 2015 à 22h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 91

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard, rapporteur thématique de la commission spéciale :

Je n’avais pas prévu de passer autant de temps sur ces questions, mais elles intéressantes.

Permettez-moi de compléter l’exposé de M. Ferrand. L’article 34 de la Constitution fixe le domaine de la loi, que le législateur n’a pas le droit de déléguer. Je rappelle que la loi par laquelle le Parlement avait délégué aux partenaires sociaux le soin d’établir les critères fondamentaux du contrat de portage a été annulée par le Conseil constitutionnel à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité, au motif que le législateur avait délégué son pouvoir législatif, ce qu’il n’a pas le droit de faire.

On ne peut donc pas confier aux partenaires sociaux ce qui relève du domaine de la loi, à savoir, en l’occurrence, la définition des principes fondamentaux du droit du travail. On peut écrire les choses comme on veut, mais on ne les écrira de façon constitutionnellement acceptable que si l’on respecte l’article 34 de la Constitution.

Dans le code du travail, comment faire pour ne pas avoir à se demander à propos de chaque norme adoptée par une convention collective ce qui relève du domaine législatif et ce qui n’en relève pas ? Il y a une norme : c’est la loi. La simplicité, c’est s’efforcer de garantir la lisibilité de la loi, mais aussi celle des normes qui s’articulent à elle, à savoir le règlement et la convention collective. Nous devons de ce point de vue, en tant que législateur, veiller à ne pas aller trop loin.

Lorsque nous avons habilité le Gouvernement à procéder par ordonnances sur la question du portage, j’ai conseillé au ministre de bien veiller à ce que les partenaires sociaux se voient confier ce qui relève de la convention collective et qui ne doit pas relever de la loi. Je pense que c’est dans ce sens-là que le Gouvernement a travaillé : nous le vérifierons bientôt, quand nous aurons à voter la loi de ratification de l’ordonnance.

Ce sont là des questions relativement complexes. Vous savez en outre que, dans les conventions collectives, le principe de hiérarchie des normes – la pyramide, qui veut que l’on déroge toujours dans un sens favorable au principe dit de préférence, s’applique. Normalement, une convention ou un accord collectif ne peut pas déroger à une convention collective d’un rang supérieur. Il existe néanmoins des accords dérogatoires, qui font que la loi, au cas par cas, dans des domaines où elle considère qu’elle respecte l’article 34 de la Constitution, peut renvoyer certaines décisions aux partenaires sociaux. Qu’est ce qui l’interdit ?

Mais ce n’est pas avec un principe général comme celui que vous proposez que l’on va s’en sortir. On est obligé, à partir de la norme matérielle, et pas seulement du contenu de l’article 34, de réfléchir au cas par cas. Le mécanisme que vous proposez donne sa place aux partenaires sociaux. Nous nous retrouvons sur ce point. J’ai néanmoins l’impression que vous ne concevez pas le dialogue social au niveau de l’entreprise comme un moyen d’établir la norme – il faudrait faire preuve de cohérence de ce point de vue.

Bref, il faut recourir au dialogue social, mais pas de façon globale, selon le principe que vous proposez ici, car ce serait ouvrir la boîte de Pandore : nous en viendrions en effet à nous demander à tout propos ce qui est du domaine de la loi et ce qui n’en est pas. Or, pour l’instant, il est clair que lorsqu’une loi est adoptée, elle est présumée relever du domaine du Parlement.

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