Je suis honoré de m'exprimer devant vous. L'article L. 111-1 de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national stipule : « Les citoyens concourent à la défense et à la cohésion de la Nation. Ce devoir s'exerce notamment par l'accomplissement du service national universel. » L'article L. 111-2 ajoute : « Le service national universel comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l'appel sous les drapeaux. Il comporte aussi un service civique et d'autres formes de volontariat. La journée défense et citoyenneté a pour objet de conforter l'esprit de défense et de concourir à l'affirmation du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, ainsi qu'au maintien du lien entre l'armée et la jeunesse. L'appel sous les drapeaux permet d'atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la Nation. » L'appel sous les drapeaux étant uniquement suspendu pour tous les Français qui sont nés après le 31 décembre 1978, il peut être « rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l'exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent ».
La journée défense et citoyenneté (JDC), obligatoire pour les jeunes depuis désormais dix-sept ans, constitue le pivot du dispositif du service national universel. Elle représente une politique publique en faveur de la jeunesse et des forces armées, relevant d'une double mission de l'État : sa mission régalienne de défense – information des jeunes sur les enjeux de la défense et de la sécurité nationale, et légitimation de l'effort militaire consenti par la Nation – et sa mission de responsabilité sociale et de cohésion – rappel des droits et devoirs du citoyen avant l'âge légal de la majorité, détection des jeunes en difficulté de lecture auxquels on propose des solutions de remédiation, et initiation au secourisme.
Cette politique publique cohérente est marquée par trois traits dominants. Tout d'abord, elle s'inscrit dans un parcours de citoyenneté faisant intervenir, en amont de la journée, deux acteurs essentiels : l'Éducation nationale pour l'enseignement de défense en classes de troisième et de première, et les collectivités locales – les mairies – pour le recensement à l'âge de seize ans. Elle se matérialise dans un rendez-vous obligatoire, sanctionné par une attestation officielle – le certificat individuel de participation (CIP) –, indispensable pour passer le permis de conduire et se présenter aux examens et concours organisés par la puissance publique. La JDC se caractérise enfin par son universalité et sa mixité puisque c'est la totalité d'une classe d'âge qui y participe – soit, en 2014, plus de 783 000 jeunes, hommes comme femmes, auxquels s'ajoutent quelque 18 000 à 20 000 jeunes Français établis hors de France, même si la responsabilité de la JDC hors de nos frontières incombe au ministère des Affaires étrangères.
Cette politique publique est organisée et mise en oeuvre par une administration dédiée du ministère de la Défense, placée sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration : la direction du service national (DSN). Le personnel de ma direction encadre et conduit les JDC au quotidien sur le terrain, en association avec les animateurs militaires, personnels militaires d'active et de réserve qui présentent la mission régalienne de défense. Cette administration est la seule à disposer des informations quantitatives et qualitatives permettant de connaître la ressource nécessaire en cas de rétablissement de l'appel sous les drapeaux pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans.
Quelques mots sur le programme de la JDC. Tout d'abord, la journée inclut la présentation, par les militaires d'active et de réserve, de trois séquences de quarante-cinq à cinquante minutes chacune. La première – pourquoi se défendre ? – explique contre quelles menaces et pour quelles valeurs la France utilise ses moyens de défense. La seconde – comment se défendre ? – aborde l'organisation et les moyens des forces armées. Enfin la troisième – puis-je participer à cette défense ? – permet aux animateurs d'informer les jeunes sur les métiers militaires et civils de la défense et de la sécurité, les volontariats, la réserve, les engagements à dix-huit ans, le service civique et les possibilités de remédiation.
Cette journée, qui dure quelque huit heures, représente le seul contact institutionnel direct entre les jeunes Français et les hommes et les femmes qui servent, sous l'uniforme, la défense de leur pays. Les visites de sites militaires, la présentation de matériel, l'animation et les témoignages de militaires rendent cet engagement concret aux yeux des jeunes, faisant de la JDC un vivier potentiel de recrutement pour les armées et la gendarmerie.
Enfin, l'essentiel des participants ayant entre dix-sept et dix-huit ans, la JDC permet de rappeler les droits et devoirs du citoyen avant l'âge légal de la majorité. Elle offre également l'occasion de réaliser une initiation au secourisme et surtout, grâce au partenariat déjà ancien avec le ministère de l'Éducation nationale, des tests sur les apprentissages de la langue française qui permettent de détecter les jeunes en difficulté de lecture.
En 2014, à la demande du ministre de la Défense, le contenu de cette journée a fait l'objet d'une rénovation, afin de répondre à l'orientation fixée par le rapport annexé à la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 en matière de renforcement de l'impact de la JDC : « Seul lien institutionnel formel subsistant aujourd'hui entre les jeunes et la défense, la JDC est un complément indispensable à une armée professionnelle pour favoriser l'adhésion du citoyen aux objectifs de défense. Il s'agit non seulement de renforcer le volet défense, mais également de moderniser les vecteurs pédagogiques mis en oeuvre, afin de mieux les adapter aux modes de communication et aux sujets d'intérêt des jeunes. » Les réalisations préparées au sein du ministère de la Défense avec la collaboration du ministère de l'Intérieur nous ont permis de redéfinir le programme pédagogique sans le révolutionner. Le déroulé a été entièrement repensé autour des enjeux de la défense et de la sécurité, les messages clés étant rappelés en entrée et en fin de chaque séquence. Nous avons développé l'interactivité avec les jeunes par le biais des questions et des réponses, par petits groupes. Enfin, avec l'aide des moyens audiovisuels du ministère de la Défense, nous avons modernisé et raccourci les clips vidéo. Cette rénovation s'est évidemment accompagnée d'une formation des animateurs militaires à la nouvelle pédagogie qui requiert une implication personnelle plus marquée.
Depuis la création de la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), le 3 octobre 1998, et jusqu'au 31 décembre 2014, douze millions de jeunes Français et Françaises sont passés en JAPD puis en JDC. L'année dernière, ils étaient 783 266 – chiffre en augmentation de 2,6 % par rapport à 2013. L'âge moyen des jeunes qui font leur JDC – dont 84,5 % sont mineurs – s'élève à dix-sept ans et trois mois. Pour animer ces journées, nous avons mobilisé en 2014 plus de 7 000 animateurs militaires, dont 80 % de militaires d'active et 20 % de réservistes ; sur un an, cette charge représente pour les armées 37 700 journées-animateurs. L'accueil se fait sur plus de deux cent cinquante sites car nous souhaitons que les jeunes puissent faire leur JDC le moins loin possible de leur domicile. Ce maillage territorial très développé inclut 71 % de sites militaires et 29 % civils, outre-mer inclus ; 80 % des jeunes font leur JDC en site militaire et 85 % bénéficient soit d'une visite de site, avec présentation de matériel, soit d'animations ou de témoignages de militaires ou d'anciens militaires.
À l'issue des JDC, nous faisons des évaluations à chaud, un système de boîtier électronique permettant aux jeunes de donner leur avis sur la formation reçue avant la remise du CIP. Le taux de satisfaction de la journée – portant sur la qualité de la prestation offerte par la DSN et les armées – s'établit à 88,5 %, en progression de 0,8 point par rapport à 2013. L impact de la JDC sur l'image de la défense et des armées est évalué à 89,2 % ; l'intérêt pour la défense et la sécurité s'élève à 19,55 %. Ces évaluations à chaud pouvant être biaisées, la Délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD) organise depuis deux ans, à la demande du ministère et par le biais d'un institut de sondage, une évaluation à froid, six à douze mois après la JDC. Les taux de satisfaction restent élevés, 73 % des jeunes jugeant, en 2013 comme en 2014, la journée « intéressante » ou « très intéressante ». Le thème le plus marquant est, pour 45 % d'entre eux, la présentation du rôle des armées et de la gendarmerie, qui inclut l'information sur les métiers et les missions de la défense. Enfin, 35 % des participants désirent prendre contact avec les services de recrutement ; nous recueillons leurs coordonnées nominatives pour les transmettre aux armées ou à la gendarmerie. Parmi ces personnes, 26 % ont effectivement pris contact avec un service, soit 9 % de l'échantillon représentatif de plus de 3 900 jeunes interrogés par Internet.
Enfin, nous sommes en mesure de recueillir les souhaits des intéressés s'agissant des suites de la JDC, les jeunes pouvant déclarer leur intérêt et demander des informations complémentaires sur une ou plusieurs armées. En 2014, 224 000 fiches individuelles d'intérêt ont ainsi été transmises aux armées et à la gendarmerie. Par ailleurs, plus de 58 000 jeunes se sont déclarés intéressés par le service civique et 12 700 se sont montrés volontaires pour bénéficier d'une information sur les centres EPIDe ; outre-mer, 3 300 ont désiré en savoir plus sur le service militaire adapté (SMA).
La JDC s'inscrivant dans un parcours de citoyenneté, la période en amont apparaît capitale. L'enseignement de défense – préalable important à cette journée – relève d'une responsabilité de l'éducation nationale inscrite dans le code de l'éducation et fait partie du socle commun de connaissances et de compétences. Dans le primaire, il s'agit d'expliquer les symboles de la République ; dans le secondaire – en classes de troisième et de première –, les programmes d'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) et d'histoire-géographie prennent le relais. Le ministère de la Défense a mis à disposition des équipes pédagogiques un DVD-ROM « Enseigner la défense », fruit d'une collaboration entre l'inspection générale du ministère de l'Éducation nationale, l'académie de Créteil et le ministère de la Défense.
Le recensement à seize ans à la mairie du domicile constitue un autre élément important. Cette démarche volontaire du jeune ou de ses parents permet son inscription d'office sur les listes électorales à dix-huit ans, prévue par la loi de novembre 1997. Nous transmettons le fichier de recensement à l'INSEE qui se rapproche ensuite des mairies pour permettre la révision des listes électorales ; pour nous, ce recensement constitue un préalable indispensable à la convocation en JDC. Cette démarche obligatoire – qui peut être effectuée, en régularisation, jusqu'à vingt-cinq ans révolus – peut se faire en se déplaçant physiquement auprès des bureaux de l'état civil de la mairie de résidence ; elle est authentifiée par une attestation de recensement. Mais de plus en plus, nous incitons les jeunes à utiliser la voie électronique, le portail mon.service-public.fr offrant la possibilité de se faire recenser en ligne, avec délivrance d'une attestation dématérialisée. Le service est encore à l'état embryonnaire, mais en septembre 2014, nous avons lancé avec la mairie de Paris une expérimentation beaucoup plus ambitieuse qui met en place un système entièrement dématérialisé de transmission des données ; l'expérience commence à porter ses fruits et devrait être étendue aux grandes agglomérations.
Quelques mots enfin sur l'après JDC. Le 6 novembre dernier, ma direction a conclu un partenariat avec les services de recrutement des trois armées – terre, air et mer. Il s'agit de promouvoir la connaissance des armées et des métiers proposés, et de faciliter la communication sur le recrutement. Nous transmettons régulièrement aux armées les fiches individuelles d'intérêt des jeunes, mais nous avons également demandé aux armées de désigner comme animateurs les cadres des Centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA) qui ont l'habitude de s'exprimer en public et de communiquer avec les jeunes. Nous nous organisons pour bénéficier de remontées d'informations permettant d'évaluer précisément l'impact de la JDC sur le recrutement dans les trois armées, car nous ne disposons pas encore de statistiques nationales sur cette question. Le 4 mars prochain, le même partenariat sera signé avec la gendarmerie. Le partenariat avec l'Agence du service civique présidée par M. Chérèque, formalisé le 19 janvier 2015, va dans le même sens : faire connaître et promouvoir le volontariat en service civique. Là aussi, nous transmettons les demandes individuelles de renseignement sur le service civique à l'Agence et comptons évaluer précisément l'effet de la JDC sur ce volontariat.
Le partenariat historique avec le ministère de l'Éducation nationale permet de détecter des jeunes en difficulté de lecture. Les tests sur les apprentissages fondamentaux de la langue française, établis par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale, ont été mis en place dès le mois d'octobre 1998 ; leurs résultats appartiennent à ce ministère. Ces tests permettent de définir cinq profils de jeunes, de ceux qui se trouvent en très grande difficulté – les profils 1 et 2 qui correspondent à la définition de l'illettrisme donnée par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme – à ceux qui connaissent des problèmes moindres – profils 3 à 5. Au total, nous avons ainsi détecté en 2014 76 889 jeunes, soit 9,88 % des participants aux JDC – pourcentage en légère diminution par rapport aux années précédentes. Lorsqu'il s'agit de jeunes scolarisés – 58 912, soit 76,6 % des détectés –, nous transmettons leurs coordonnées aux structures scolaires : inspections d'académie, directions diocésaines pour l'enseignement catholique et directions régionales de l'agriculture pour les lycées agricoles. Les autres – 17 964, soit 23,4 % des détectés – sont reçus en entretien par un représentant de ma direction pendant la journée et se voient proposer des solutions de remédiation. Nous les orientons principalement vers les missions locales d'insertion professionnelle et d'autres dispositifs partenaires, tels que « Savoirs pour réussir » de la fondation des Caisses d'épargne pour la solidarité.
Enfin, ma direction est partie prenante du plan français Garantie européenne pour la jeunesse ; nous contribuons ainsi à la détection des NEETs – personnes n'étant ni en éducation, ni en formation, ni en emploi – au bénéfice du ministère du travail et de l'emploi. Qu'ils aient réussi ou non le test de détection des apprentissages fondamentaux, nous recevons les jeunes non scolarisés et dépourvus de diplôme ou d'emploi pour les orienter, sur une base volontaire, vers les centres EPIDe ou le SMA. Les coordonnées de ceux qui n'ont pas souhaité se tourner vers ces solutions de remédiation sont transmises aux plates-formes de suivi et d'appui aux décrocheurs dans le cadre du plan de lutte contre le décrochage scolaire.
Pour conclure cette présentation, je voudrais dresser un bilan de la politique du service national depuis 1998. Dispositif unique et intégré, la DSN réunit 1 330 civils et militaires qui ont en charge l'organisation, la convocation, la conduite et la réalisation des JDC, en association avec les 7 000 animateurs militaires d'active et de réserve. Détenant la totalité des informations nominatives nécessaires, elle seule peut convoquer les jeunes. Le dispositif est exhaustif et universel, concernant l'ensemble d'une classe d'âge, y compris les jeunes Français résidant à l'étranger, avec une régularisation possible jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. La JDC représente une contribution majeure au lien entre les armées et la jeunesse, faisant connaître le rôle des militaires et fournissant aux armées et à la gendarmerie un vivier de recrutement. Sa façon de transmettre les messages n'est pas figée : le contenu de la JDC évolue, s'adaptant aux nouveaux enjeux de la défense et de la sécurité à partir des réflexions des Livres blancs. Ainsi, en 2011, la JAPD est devenue la JDC, suivant les recommandations du Livre blanc de 2008 qui souhaitait que les préoccupations de sécurité – y compris intérieure – soient mieux prises en compte. Depuis le Livre blanc de 2013, la JDC a fait l'objet d'une rénovation dans le cadre du recentrage sur les messages de défense ; notre pédagogie donne également plus de place à l'interactivité. Grâce aux partenariats interministériels, la JDC se présente comme un dispositif ouvert sur l'extérieur, prenant en compte les besoins sociétaux en évolution : l'évaluation des acquis fondamentaux de la langue française, la lutte contre le décrochage scolaire et l'illettrisme, l'insertion professionnelle, les écoles de la deuxième chance et, à partir de 2016, la sécurité routière. Enfin, mon administration est engagée dans la révolution numérique : au-delà de l'expérimentation réussie avec la mairie de Paris en matière de recensement, nous voulons dématérialiser les procédures administratives concernant les appelés. Ce projet – que l'ampleur des données nominatives à traiter rend particulièrement complexe – devrait voir le jour à la mi-2017.