Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous accueillons avec une grande satisfaction cette proposition de loi. Elle était très attendue, et depuis longtemps, par les écologistes, par les associations de santé environnementale, qui s'étaient mobilisées, mais aussi par tous les citoyens qui ne supportent plus les scandales sanitaires et sont soucieux de santé publique.
Avec la suspension de la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol et la suspension de tout contenant alimentaire intégrant du bisphénol – qui, conformément à notre souhait, figure aujourd'hui dans la proposition de loi –, la France sera précurseur et enverra un signal très fort dans le monde entier. À ce propos, je tiens à saluer le travail de notre excellent rapporteur, Gérard Bapt, qui se bat avec ténacité depuis des années sur cette question et voit aujourd'hui ses efforts aboutir.
Si cette grande avancée peut avoir lieu aujourd'hui, c'est aussi parce que la controverse scientifique n'a plus lieu d'être. En effet, environ 700 études approfondies ont abouti, pour 95 % d'entre elles, à des conclusions concordantes. Selon ces conclusions extrêmement alarmantes, le bisphénol a un effet délétère sur l'organisme humain, en particulier sur les plus vulnérables d'entre nous : les enfants nouveaux-nés et même les foetus, puisqu'il agit dès la grossesse.
Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien ; il est cancérigène et neurotoxique. Des centaines d'études ont montré que cette substance produisait ses effets à différentes périodes de notre vie. Elle peut induire des changements comportementaux, provoquer une altération de la croissance, entraîner des perturbations de la maturation sexuelle ou des altérations du système nerveux, expliquer une prédisposition à l'obésité. Le bisphénol A peut avoir des effets sur le métabolisme du glucose, et donc des conséquences sur l'épidémie de diabète. Il agit aussi sur la reproduction, puisqu'il peut être responsable d'une baisse de la qualité du sperme et de lésions sur l'ADN du sperme. Le bisphénol A est à l'origine d'une augmentation du risque de cancer et a des effets neurotoxiques. Des études ont même montré que les perturbations qu'il provoque, à des niveaux d'exposition même très faibles, se transmettent de génération en génération, parfois jusqu'à la troisième.
La vérité scientifique n'est plus contestée. Les auditions menées par la commission ont montré qu'il n'y a plus aujourd'hui, dans notre société, de controverse scientifique véritable sur les dangers du bisphénol. Les industriels acceptent l'idée qu'il est nécessaire d'en finir avec ce produit.
Le débat d'aujourd'hui ne porte donc pas sur le principe de cette proposition de loi, qui semble acquis pour tous, mais plutôt sur les délais et sur certaines modalités d'application qui pourraient, s'ils étaient maintenus, amoindrir la portée de ce texte.
Vous l'avez rappelé, le Sénat a reporté de dix-huit mois l'entrée en vigueur de la suspension, du 1er janvier 2014 – date retenue par la proposition de loi votée en première lecture par l'Assemblée – au 1er juillet 2015. Ce délai n'est pas anodin, puisque 1,2 million de nourrissons pourraient ainsi être exposés aux risques du bisphénol A. Cela n'est donc pas sans conséquences.
Les auditions ont montré aussi que la plupart des industriels étaient déjà prêts à mettre en place des substituts au bisphénol – l'entreprise Tetra Pak propose ainsi des alternatives aux boîtes de conserve habituelles, très développées en Italie, moins en France ; d'autres industriels, utilisateurs d'emballages contenant du bisphénol A, ont demandé un délai. Interrogés sur la durée de celui-ci, ils ont répondu qu'il leur fallait à peu près un an. À entendre les industriels, en tout cas ceux que nous avons auditionnés, un délai d'un an paraît totalement suffisant pour s'adapter.