La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Chine-France de l'Assemblée populaire nationale de la République populaire de Chine, conduite par son président, Nan Zhengzhong. (Mmes et MM. les parlementaires et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est à Paris à l'occasion de la session de la grande commission France-Chine, qui se réunit à l'Assemblée nationale.
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe UMP.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Les chiffres ont enfin été communiqués hier soir, plus de 45 000 nouveaux chômeurs pour le seul mois d'octobre. Le triste record de 1997 risque malheureusement d'être battu dès 2013.
Nous le savons tous dans cet hémicycle, le candidat François Hollande promettait le changement. Le Président François Hollande crée les emplois d'avenir mais, inexorablement, le mal progresse, et rien ne change. Nous sommes loin des propos du ministre de l'économie hier soir, les chiffres communiqués sont un démenti formel.
La réalité, malheureusement, c'est que six mois de votre gouvernement sont six mois de promesses non tenues, d'annonces sans lendemain, six mois déjà perdus pour notre pays.
Pourtant, nous le savons tous, une solution existe. Vous la connaissez, elle vous a été recommandée par Louis Gallois, c'est la baisse des charges des entreprises.
Au-delà de tout clivage politique, les Français attendent de nous une mobilisation de tous les instants pour apporter des solutions.
Je note que vous venez de renouer avec la ligne du gouvernement précédent et de la réforme de février 2012 sur l'idée du crédit d'impôt pour l'emploi et la compétitivité. Pour être efficace, il doit être sans conditions et mobilisable dès 2013. Ce sera une première réponse partielle pour nos PME.
Pour autant, Louis Gallois l'a souligné, il faut aller plus loin. Le crédit d'impôt recherche a ses mérites, mais il faut l'orienter un peu plus vers l'industrie, exposée à la concurrence internationale.
Enfin, comment comprendre qu'enfermé dans une idéologie partisane, vous souhaitiez augmenter le taux de TVA sur la restauration et le bâtiment, c'est-à-dire frapper durablement ceux qui génèrent les emplois de proximité ? L'addition pourra être lourde, 20 000 emplois pour le seul secteur du bâtiment.
Monsieur le Premier ministre, avez-vous mesuré que, depuis votre arrivée, notre pays compte près de mille nouveaux chômeurs chaque jour ? Combien vous en faudra-t-il encore pour réagir ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement, madame la députée, est évidemment conscient de la gravité du chômage, qui a augmenté pour la dix-huitième fois consécutive, résultat malheureux de la dégradation de la compétitivité de notre pays, ce qui donne une croissance trop faible.
C'est la raison pour laquelle il est entièrement mobilisé, ce qui est fondamental, pour redresser la compétitivité de notre pays et son potentiel de croissance, pour nous permettre de créer à nouveau des emplois. L'année 2013 s'annonce difficile et c'est pendant tout le quinquennat que nous emprunterons le chemin du retour vers l'emploi.
Dans ce contexte, nous avons décidé d'instaurer un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, disposition que j'ai présentée ce matin en conseil des ministres et que nous présenterons tout à l'heure avec Michel Sapin à la commission des finances.
Nous voulons agir vite. C'est la raison pour laquelle nous demandons que le vote de l'Assemblée nationale intervienne maintenant, de façon que les entreprises puissent anticiper et investir, embaucher dès le début de l'année 2013.
Nous voulons agir fort. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi ce mécanisme, plus efficace qu'une simple baisse des charges parce que, par définition, il ne génère pas d'impôts et qu'il permet de créer davantage d'emplois.
Nous voulons agir de manière efficace. C'est la raison pour laquelle les salaires concernés vont de 1 à 2,5 SMIC, ce qui permet à la fois de créer des emplois et de renforcer la compétitivité.
C'est, je crois, une mesure d'intérêt général. Nous voulons nous mobiliser pour l'emploi. J'appelle donc toute l'Assemblée nationale à soutenir la politique du Gouvernement, qui est une politique de redressement, redressement des finances publiques, redressement de notre appareil productif. C'est l'intérêt du pays et j'appelle chacun ici à partager cet objectif. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, en commission, avec l'examen de la loi de finances rectificative, et en séance publique, avec l'examen de la Banque publique d'investissement, l'Assemblée nationale met en oeuvre le pacte national pour la compétitivité et l'emploi.
Cette nouvelle étape illustre l'efficacité de la méthode retenue. Après une phase de diagnostic – le rapport Louis Gallois –, le Gouvernement a immédiatement proposé une stratégie cohérente et ambitieuse. Nous souhaitons ici la mettre en oeuvre sans tarder.
La Banque publique d'investissement va constituer une force de frappe de plus de 60 milliards d'euros au service du financement des PME. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) La création du crédit d'impôt pour la croissance et l'emploi va agir comme un puissant levier. Dès le 1er janvier 2013, nous enclenchons une baisse massive des charges sur les salaires. À terme, 20 milliards d'euros seront ainsi consacrés à la relance de l'emploi. C'est un effort sans précédent, mes chers collègues.
Ainsi, avant la fin de l'année, les entreprises et les employeurs de notre pays connaîtront l'essentiel du cadre juridique et fiscal qui s'appliquera à eux jusqu'à la fin du quinquennat. C'est important.
Ce pacte de croissance, je souhaite le dire très fortement, monsieur le Premier ministre, doit permettre à nos entreprises de favoriser l'investissement, l'emploi, la recherche, l'innovation, la formation, la capacité d'exportation et la reconstitution des fonds de roulement. L'utilisation du crédit d'impôt devra bien entendu être contrôlée, et il convient que les partenaires sociaux soient les premiers acteurs de ce contrôle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, nous refusons la fatalité d'un déclin dont vos prédécesseurs s'étaient trop facilement accommodés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je vous demande de rappeler ici votre volonté de prendre à bras-le-corps ces questions essentielles pour notre pays que sont la compétitivité et l'emploi, questions sur lesquelles les différents morceaux de l'opposition devraient faire preuve d'humilité, l'humilité de ceux qui, n'ayant rien tenté, ont tout perdu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président Bruno Le Roux, vous avez raison d'insister sur l'urgence, sur la nécessité de se mobiliser, de tout faire pour l'emploi. Les chiffres du chômage tombés hier montrent une augmentation du nombre de demandeurs d'emploi pour le dix-huitième mois consécutif. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans !
Cela fait dix-huit mois que le chômage augmente, et je crois qu'il est de l'intérêt de la nation que toutes les forces économiques, sociales, politiques s'unissent pour relever le défi du redressement et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Le diagnostic est clair.
Un député du groupe UMP. Ah bon ?
Il y a à la fois une croissance faible à l'échelle mondiale et des menaces de récession dans plusieurs pays d'Europe, y compris parmi ceux qui connaissaient jusqu'aujourd'hui une situation favorable. Pour ce qui est de la France, nous devons donner à nos entreprises, qui manquent d'air, des marges de manoeuvre nouvelles, après qu'elles en ont perdu, pour investir, innover, créer de l'emploi. C'est la priorité de la France aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Vous connaissez les chiffres du commerce extérieur et de l'autofinancement des entreprises ; ils sont révélateurs de la dégradation constante de notre situation. Alors que fait-on, face à cela ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous, rien !
On déplore, on critique ? Non. On se contente de colmater les brèches ? Non, cela ne suffit pas pour relever le défi. Il faut agir, dans l'urgence, redonner de l'espoir, de la confiance. Ce sont les emplois d'avenir, qu'il faut absolument réussir. Ce sont les contrats de génération, qu'il faut également mettre en oeuvre, et dont vous serez bientôt saisis. Mais cela ne suffit pas non plus, mesdames et messieurs les députés : il faut investir dans les entreprises. C'est le sens même du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi que j'ai présenté le 6 novembre, dès le lendemain de la remise du rapport de Louis Gallois. C'est aussi la négociation sur la sécurisation de l'emploi, engagée par les partenaires sociaux.
Parmi les trente-six mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, il y a ce crédit d'impôt, une mesure essentielle qu'il faut très vite mettre en oeuvre. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'aller plus vite encore et de proposer au Parlement d'adopter le crédit d'impôt dans la loi de finances rectificative, à l'ordre du jour de la commission des finances cet après-midi, afin que cette mesure soit effective pour les entreprises dès le 1er janvier 2013. J'appelle l'Assemblée nationale à se mobiliser et à envoyer un message de confiance pour l'investissement et l'emploi dans notre pays, en direction des entreprises, des petites comme des grandes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Ce que nous vous proposons, c'est une baisse du coût du travail, dès la première année, de 4 %, et nous avons accéléré le processus pour que, dès l'année suivante, ce taux passe à 6 %. Cela concerne 85 % des emplois salariés en France, et notamment 83 % des emplois de l'industrie : je le dis pour ceux qui pensent que l'industrie serait oubliée, alors qu'elle est au coeur même de cette ambition.
Ce crédit d'impôt est simple, massif, car nous voulons qu'il soit efficace. Le Gouvernement fait confiance à la représentation nationale pour qu'avec les salariés et leurs organisations représentatives nous soyons vigilants, de façon que l'utilisation du crédit d'impôt soit conforme aux priorités annoncées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce dispositif n'est pas fait pour augmenter la distribution de dividendes ou les salaires des dirigeants. Il est fait pour l'investissement et pour l'emploi, et cela devra être vérifié. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
C'est du donnant-donnant. J'y insiste, mesdames et messieurs les députés, il s'agit d'un pacte, d'un engagement réciproque. Dès janvier, après la fin de la négociation entre les partenaires sociaux, qui sont sensibles à cet aspect des choses, vous serez amenés à faire vos propositions et à légiférer pour prendre des mesures qui permettront de contrôler que l'argent public ira bien à l'investissement et à l'emploi. (Mêmes mouvements.)
Mesdames et messieurs les députés, je sais que vous y mettrez toute votre passion, tout votre coeur parce que vous connaissez l'attente du pays : qui mieux que les députés ou, après vous, les sénateurs est capable de comprendre les angoisses, les attentes, mais en même temps la volonté du peuple français de réussir ? Ce que nous vous proposons, c'est : rapidité, efficacité, simplicité. C'est à vous maintenant qu'il appartient de mettre en oeuvre ce choc de confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP. Les députés du groupe SRC se lèvent pour applaudir.)
Madame la ministre de l'écologie, la dix-huitième conférence des Nations unies sur le climat vient de s'ouvrir à Doha. Selon la Banque mondiale, la température risque d'augmenter de quatre degrés d'ici à 2060. L'urgence est réelle car le dérèglement climatique a déjà commencé à se produire sous nos yeux : tempêtes, inondations, canicules, fonte des glaces, baisse des rendements agricoles et pénuries régionales dues aux sécheresses, déplacements de populations. Plus nous attendrons et plus ces problèmes s'amplifieront et auront un coût économique et social élevé.
La cause première de cette catastrophe annoncée, que nous pouvons éviter, ce sont les gaz à effet de serre. Nous devons écouter la Banque mondiale qui appelle à une utilisation plus intelligente de l'énergie et des ressources naturelles. En septembre dernier, lors de la Conférence environnementale, le Président Hollande a annoncé vouloir être exemplaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce sont des objectifs que nous partageons pleinement.
Madame la ministre, je sais que vous allez porter à Doha une parole forte pour lutter efficacement contre le changement climatique. Nous savons aussi que des intérêts puissants poussent en sens inverse pour nier ce phénomène et continuer le business mondial des hydrocarbures jusqu'à la dernière goutte. En France, ils soutiennent la création d'un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) en dépit du contexte pétrolier et aéronautique. Ils veulent exploiter les gaz de schiste en dépit de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces mauvaises solutions héritées du passé nous conduisent droit dans le mur.
Notre exemplarité et notre crédibilité dans les négociations internationales reposent également sur nos engagements et notre cohérence en France et en Europe. En un mot, madame la ministre, comment faire vivre en France l'esprit de Doha ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Madame la députée, vous avez bien fait d'évoquer le rapport de la Banque mondiale, qui doit provoquer, comme le souhaite le président de cette institution, un électrochoc, et qui représente un cinglant désaveu pour toutes les théories climato-sceptiques. Ce rapport rappelle en effet que tous les travaux scientifiques disent que le réchauffement climatique dépassera quatre degrés d'ici à la fin du siècle. Ce n'est plus une prévision, c'est aujourd'hui un fait avéré et qui, malheureusement, s'accélère.
À Doha, la France sera représentée par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, Pascal Canfin, ministre chargé du développement, et moi-même. La France souhaite que cette conférence permette de marquer une avancée dans la perspective d'un accord universel pour lutter contre le réchauffement climatique en 2015.
Nous souhaitons également que soient pris des engagements tangibles et concrets à court terme, avec un engagement sur une seconde période du protocole de Kyoto applicable au 1er janvier 2013. Nous espérons que cet engagement porté par la France et l'Union européenne sera rejoint par l'ensemble des pays industrialisés, car personne n'est à l'abri du réchauffement climatique.
L'enjeu est aussi de soutenir les pays en voie de développement. Je rappelle que la France est aujourd'hui le deuxième contributeur de l'Union européenne en termes de moyens financiers pour aider ces pays à lutter contre le réchauffement climatique. Je salue l'action du ministre Pascal Canfin dans ce domaine.
La France est donc déterminée à agir à l'échelle internationale. Nous avons fait part de notre disponibilité pour accueillir la conférence climat en 2015. Nous sommes également déterminés à agir en France. C'est l'objet du débat national sur la transition énergétique. C'est aussi l'objet du séminaire sur la perspective du nouveau modèle français qui se tiendra mardi prochain sous l'autorité du Premier ministre et qui permettra de faire le point sur le respect des engagements pris à la conférence environnementale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vous évoquiez il y a quelques minutes l'emploi et la confiance. Or hier, ici même, quand Jean-Louis Borloo vous a demandé les chiffres du chômage, vous n'avez pas répondu, et on ne les a appris qu'en lisant la presse.
Comment peut-on dès lors, dans cette enceinte, être dans le climat de confiance que vous appelez de vos voeux à propos des chiffres du chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Comment, monsieur le Premier ministre, pourrions-nous retrouver un esprit de confiance quand les chiffres encore avancés pour les perspectives de croissance en 2013 sont aujourd'hui contestés par les économistes, qui disent : « Non, la France n'aura pas le taux de croissance annoncé, mais un taux de croissance plus proche de zéro l'année prochaine. » Comment retrouver cet esprit de confiance quand les entreprises sont maintenant depuis des semaines, en raison de la loi de finances, dans le viseur de votre gouvernement et que ce sont des mouvements comme celui des pigeons qui, au dernier moment, arrivent à faire modifier un article et à donner ainsi un peu d'oxygène à nos entreprises, les seules à pouvoir recréer une dynamique d emploi et d'activité, une dynamique économique ? Enfin, monsieur le Premier ministre, comment redonner une perspective de confiance à la population, à tous ceux qui nous regardent, et qui, avec 1 500 chômeurs de plus chaque jour, vivent dans l'angoisse du chômage pour les uns, dans l'angoisse du déclassement pour d'autres, alors que plus des deux tiers des Français l'ont aujourd'hui perdue ?
Je vous renvoie à la lecture du livre d'Alain Peyrefitte, La société de confiance, dans lequel il avait repris les grands modèles économiques et en avait conclu que c'est la transparence qui donne une perspective de confiance, une dynamique économique, une dynamique d'emploi. Aujourd'hui, le chômage est en France pour 40 % un chômage de longue durée, c'est-à-dire structurel. Ce sont des réformes de fond, pas des réformes de circonstance, qu'il faut impulser, de véritables réformes qui engagent la France, qui lui redonne un avenir.
Ce n'est pas le cas des emplois d'avenir. Il faudrait des réformes bien plus courageuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur Fromantin, tout d'abord, un petit point de méthode qui ne devrait pas échapper à celui qui, juste à côté de vous, a été ministre du travail et de l'emploi : les chiffres du chômage sont élaborés non pas – heureusement – par le ministre, mais par un organisme indépendant, l'INSEE, et par la DARES, qui obéissent à des règles déontologiques que je respecte comme d'autres avant moi les ont respectées. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement et sur le fond : la question du chômage est la question centrale, et nous devrions nous retrouver sur ce point-là parce que vous savez de quoi il s'agit. Je vous rappelle qu'il y a dix-huit mois que l'accélération a repris et qu'il y a eu un million de chômeurs de plus lors des cinq dernières années. Quand on a connu une situation de cette nature, on commence par être modeste (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC) : modeste dans l'appréciation de l'action du Gouvernement parce que modeste dans l'appréciation de ce que l'on a fait ou pas fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour le reste, monsieur le député, je suis d'accord avec vous sur un point : quand on se bat contre le chômage et pour l'emploi, on n'utilise pas une seule mesure. Oui, les emplois d'avenir, c'est tellement nécessaire que vous-même et votre groupe les avez votés ! Et nous les mettons en oeuvre en l'espace de quelques semaines ! Oui, le contrat de génération, qui va être présenté ici est tellement nécessaire que j'espère qu'il va être voté très largement sur vos bancs ! Oui, il faut aussi des réformes de structures, des réformes en profondeur : c'est le crédit d'impôt, à propos duquel nous verrons dans quel sens vous et vos collègues vous prononcerez. Quand le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement se battent au niveau de l'Europe pour la réorienter vers la croissance (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), pour la stabiliser et lui redonner de la confiance, c'est aussi sur le front du chômage qu'ils se battent. La bataille contre le chômage et pour l'emploi, c'est une bataille de tous les instants, de tous les ministres, de tout le Gouvernement. Vous avez échoué sur ce front. Nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du redressement productif, avec le Président de la République et le Premier Ministre, vous avez fait de la politique industrielle une de vos priorités pour redresser notre pays. L'industrie sidérurgique est un des piliers fondamentaux de cette politique. L'usine de Florange est un des fers de lance de cette industrie grâce notamment à la qualité de ses produits, qui va de pair avec le prestige de ses clients. Le cadre mondial de la stratégie de l'actuel propriétaire, ArcelorMittal, menace la pérennité de l'usine, qui emploie directement 2 700 salariés et autant d'emploi induits.
À peine installé, le Gouvernement a commandé un rapport qui a confirmé la viabilité et la rentabilité du site. ArcelorMittal craint aujourd'hui de voir émerger un concurrent. De votre côté, vous avez identifié des repreneurs solides, prêts à s'investir et à investir. Par ailleurs, le projet environnemental ULCOS, bien positionné par l'Europe, a priori en premier, permettrait de réduire les coûts de production de 20 %.
Reste qu'ArcelorMittal n'est pas encore décidé à céder le site dans sa globalité !
Vous avez aujourd'hui de très nombreux soutiens sur tous les bancs de cette assemblée, certains l'ont rappelé lors de la séance d'hier, pour mettre en oeuvre votre projet industriel qui allie politique de l'emploi, progrès technologique et indépendance de la France, et ce en passant transitoirement par une appropriation publique, avant sa remise quasi-immédiate à un repreneur.
Monsieur le ministre, à deux jours seulement de l'échéance, confirmez-vous la détermination du Gouvernement et celle du Président, qui a rencontré M. Mittal hier soir et qui était venu sur le terrain durant la campagne électorale à Florange ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)
Monsieur le député Michel Liebgott, je peux vous confirmer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)…
…qu'hier, à l'Élysée, entre M. Lakshmi Mittal et le Président de la République, la discussion fut rude mais ferme. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.) Je puis dire, sans dévoiler aucun secret, que le Président de la République a demandé au propriétaire de Florange et des installations d'aciérie de Lorraine d'assurer un avenir industriel aux hauts-fourneaux ainsi qu'à la totalité de la chaîne de production en aval. Cette demande a été formulée avec la perspective que le Gouvernement dispose d'un scénario que le Président a rappelé : celui d'une nationalisation temporaire du site de Florange au cas où serait prise la décision de fermer les hauts-fourneaux comme l'a annoncé la compagnie ArcelorMittal.
M. Mittal va faire des propositions. Nous les attendons. C'est à lui de prendre désormais ses responsabilités. Pour ce qui concerne le ministère dont j'ai la charge, je peux dire à la représentation nationale que je suis prêt parce que nous avons un repreneur qui est un aciériste, un industriel, pas un financier et qui, par ailleurs, souhaite investir aussi son argent personnel et, excusez du peu, jusqu'à près de 400 millions d'euros pour rénover l'installation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Ce n'est pas courant, dans ce type d'affaires où les gouvernements peinent à trouver des solutions, qu'il y ait un repreneur.
Ensuite, la décision sera entre les mains de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre. Je ne doute pas qu'ils prendront les bonnes décisions après la réponse de M. Mittal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)
La parole est à Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, cette question s'adresse à vous. Notre pays connaît la crise (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), nos compatriotes souffrent (« À qui la faute ? » sur les bancs du groupe SRC), vous êtes obligés de le reconnaître vous-même.
Est-ce bien le moment d'imposer par la force une loi dite du mariage pour tous, une loi du mariage homosexuel dont nos compatriotes ne veulent pas (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le Président de la République lui-même est dans l'embarras sur ces questions (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Est-ce bien le moment ? Le 17 novembre dernier, des milliers de nos compatriotes étaient dans la rue…
Plusieurs députés du groupe SRC. Le Pen président !
…pour dire leur opposition paisiblement, calmement mais fermement. Le 13 janvier prochain, ils seront à nouveau dans la rue et je serai, avec d'autres, à leurs côtés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Est-ce bien le moment ? Le président Jacob vous a demandé une commission spéciale pour que, dans cette instance, nous puissions examiner cette question. (Mêmes mouvements.)
Vous l'avez refusée. Vous avez préféré la commission des lois où vous tenez tous les dispositifs. Le Président de la République n'a pas encore donné réponse à nos collègues Breton et Gosselin et aux autres collègues – ils sont plus de deux cents – qui ont demandé à le voir sur cette question.
Tout cela exige un vrai débat, serein mais déterminé : le débat sur la famille (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) parce que c'est bien elle qui est en jeu.
Il faut que nous sachions le dire fermement : le but de la loi est de protéger l'enfant, la filiation, la transmission. Est-ce bien le moment, alors que notre pays est confronté à de nombreuses difficultés, de remettre cela en cause ? Est-ce bien le moment, sur l'action d'activistes, de refuser un tel débat ? Est-ce bien le moment de dire que l'enfant est pour certains simplement un produit de consommation ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ce n'est pas cela la famille, ce n'est cela que nous voulons. (Huées sur les bancs des groupes SRC – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Veuillez l'écouter en silence.
Monsieur le président, monsieur le député, je vois qu'il y a effectivement un travail de pédagogie à faire.
Ces propos qui ne vous honorent pas, je tiens à le dire (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), rappellent ceux que vous teniez au moment des débats sur le PACS.
Vous annonciez alors la fin du monde et elle n'a pas eu lieu.
C'est effectivement la fin d'un monde où il y a un modèle unique de famille et je vous appelle au respect de nos concitoyens, de la diversité de la façon dont ils décident de faire famille, et de leur accorder un principe fondamental de la République : l'égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)
On peut avoir deux visions de la famille : l'une qui exclut, comme vous le faites, ou l'autre qui inclut ; une vision généreuse ou restrictive (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Pensez-vous un seul instant que l'éducation d'un enfant se résume à la seule filiation biologique ? Pour nous, l'éducation d'un enfant va bien au-delà : c'est l'éducation affective, la capacité à offrir les conditions du bien-être, de la santé.
Je tiens à dire qu'il est profondément choquant que vous mettiez, au nom du droit de l'enfant, sur le banc, de côté, les 30 000 à 300 000 enfants qui vivent aujourd'hui dans des familles homoparentales (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) et qui n'aspirent qu'à avoir un véritable statut juridique car ce texte est une loi d'égalité et de protection juridique des enfants (Sur les bancs du groupe SRC, les députés se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, GDR et RRDP – Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Axelle Lemaire, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le ministre, les négociations visant à doter l'Union européenne de son budget, soit près de 1 000 milliards d'euros pour la période 2014-2020, n'ont pas abouti lors du dernier conseil européen.
Sans doute n'y a-il pas lieu de s'en étonner, puisque ces discussions sont rarement finalisées en un seul sommet. Plus inquiétante est la demande formulée par plusieurs grands pays – je regarde outre-Manche – d'une réduction des dépenses de 30 milliards d'euros en plus des coupes déjà importantes proposées par le président Van Rompuy.
Je veux souligner ici avec force que le sérieux budgétaire ne consiste pas à réduire les dépenses d'investissement, que la responsabilité ne peut pas être brandie comme une excuse pour justifier des rabais complexes et parfois obsolètes.
On demande des efforts de consolidation aux budgets nationaux, ce qui est légitime. Mais on ne demande pas à David Cameron et Angela Merkel d'exporter l'austérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est justement en temps de crise que l'Europe a besoin d'instruments favorisant les investissements collectifs dans le transfrontalier, l'énergie, le transport, le numérique, et que le besoin d'Europe se fait ressentir pour la cohésion régionale et la solidarité financière.
Un milliard d'euros en moins pour le programme Horizon 2020 d'aides aux entreprises, ce sont quatre mille PME qui perdent un financement dans la recherche et l'innovation. La fin du programme européen d'aide aux plus démunis, ce sont dix-huit millions d'Européens délaissés. La mise en cause de la politique agricole commune, c'est la fragilisation du monde rural et des paysans.
Monsieur le ministre, quelles sont les perspectives de convergence pour trouver un accord ? Pouvez-vous nous indiquer si l'équilibre entre la PAC et les fonds structurels est satisfaisant ? Quels sont la position de la France et son rôle dans les arbitrages entre les pays contributeurs et ceux de la cohésion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Madame la députée Axelle Lemaire, vous avez raison : le budget en négociation au sein de l'Union européenne doit prolonger l'ambition de croissance portée par le pacte de croissance négocié à l'occasion du Conseil européen du mois de juin. Avec ses 120 milliards d'euros, il doit permettre de lutter contre la récession et de contribuer à restaurer la croissance.
Il serait absurde de négocier ce pacte de croissance au mois de juin et d'accepter 200 milliards d'euros de coupes dans le budget de l'Union européenne au mois de novembre, au moment où, réunis au sein du Conseil européen, nous essayons de doter l'Europe d'un budget.
Ces 200 milliards d'euros de coupes, c'était la demande du gouvernement britannique, et d'ailleurs aussi le projet du précédent gouvernement de la France. Nous ne sommes pas allés à Bruxelles, je vous le confirme, pour négocier des coupes et des rabais, car les premières auraient empêché l'Europe de disposer d'un bon budget pour la croissance tandis que les seconds auraient conduit certains pays à percevoir un chèque, ce qui n'est pas la meilleure manière d'encourager les logiques européennes.
Ce budget pour la croissance, nous voulons d'abord qu'il soit équilibré. Nous considérons que toutes les politiques de l'Union européenne doivent être dotées de moyens qui leur permettent d'engendrer ces dynamiques de croissance. Nous avons ainsi souhaité que la politique agricole commune, qui contribue à la croissance, voie ses crédits rehaussés. D'ailleurs, nous avons constaté que la nouvelle proposition du président de la Commission européenne et du président du Conseil européen a permis de rehausser ces crédits de 8 milliards d'euros.
Nous voulons aussi des crédits pour la cohésion qui sont importants pour nos régions, pour les régions en transition ou ultrapériphériques.
Enfin, nous avons besoin, à travers le programme Connecting Europe et les programmes de la rubrique 1b, qui accompagnent la recherche et l'innovation, d'avoir des budgets qui permettent aussi à la croissance d'être au rendez-vous. C'est le combat du Président de la République, celui de la France. C'est le compromis que nous voulons pour le début de l'année 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je voudrais tout d'abord dire à Mme la ministre de la famille, qui vient de répondre à M. Le Fur, que ce n'est pas parce qu'une question la gêne qu'elle déshonore son auteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adressait à Mme Aurélie Filippetti mais en son absence, et compte tenu de l'importance que vous dites, monsieur le Premier ministre, accorder à la culture, je me permets de vous interpeller.
Lorsqu'elle est arrivée à son ministère, Mme Filippetti, avec beaucoup d'enthousiasme, a déclaré que la culture était le disque dur de la politique du point de vue de la citoyenneté et de l'économie,…
…et qu'il n'y avait pas de redressement productif sans redressement créatif – elle s'adressait probablement à l'un de ses collègues du Gouvernement. Elle a conclu en disant que l'art, c'est du travail et que la culture, c'est de l'emploi.
Nous en sommes parfaitement d'accord. Sauf, monsieur le Premier ministre, que vous avez coupé les ailes de votre enthousiaste ministre de la culture en réduisant ses crédits de plus de 4 % – une première depuis qu'André Malraux s'était installé rue de Valois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Certes, nous comprenons très bien que l'exception culturelle n'implique pas une exception financière et que la culture doit participer à la politique de réforme de la dépense publique. Néanmoins, qu'allez-vous dire aux entreprises qui devaient réaliser ces grands projets qui ont été abandonnés ? À celles qui devaient travailler sur les grands chantiers de restauration de ces bâtiments formidables qui font la grandeur de notre territoire ? À toutes ces entreprises pourvoyeuses d'emplois, des emplois spécialisés dont le savoir-faire risque de disparaître ? Où en est-il, monsieur le Premier ministre, le grand rêve caressé par François Hollande, alors candidat à la présidentielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, je vous demande d'excuser Mme Filippetti, qui est en déplacement à Berlin. Vous l'interrogiez sur le budget de la culture, qui a été longuement débattu dans cet hémicycle.
Je dois dire mon incompréhension face à l'orientation générale de votre question. Au fond, jour après jour, l'opposition nous répète que nous ne faisons pas assez d'économies, que nous dilapidons, qu'il faudrait encore tailler dans les dépenses de l'État… Mais ensuite, vous vous permettez cette facilité intellectuelle de revenir sur chaque sujet en disant que, sur ce point particulier, il faudrait plus de dépenses !
Ce discours est totalement irresponsable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) C'est la majorité qui fait preuve de responsabilité, sur cette question comme sur les autres – et sur cette question justement, vous le savez, des choix ont dû être faits, qui étaient difficiles, pour la ministre comme pour l'ensemble du Gouvernement.
J'avoue aussi mon étonnement quand vous évoquez des projets qui subitement seraient arrêtés par le Gouvernement.
Si des projets avaient été financés, l'État aurait poursuivi son action. Mais il est quand même assez extraordinaire de nous interroger à ce propos alors que nous avons découvert que ces grands projets que vous citez n'avaient aucun financement ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Nous avons donc dû les interrompre, compte tenu des nécessités de l'État.
Je pense franchement que vous pouvez nous reconnaître la possibilité au moins d'affirmer notre engagement collectif sur la question culturelle. Il y en a d'autres dans cette assemblée qui peuvent le revendiquer, et vous en êtes, mais cela reste une priorité pour le Gouvernement, même dans la difficulté budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et certains bancs du groupe RRDP.)
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire. Avec la crise économique que traverse notre pays, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à connaître des difficultés financières. Pour arriver à faire face aux dépenses de la vie quotidienne, beaucoup ont recours aux crédits de toute nature.
En conséquence, le nombre de particuliers n'arrivant plus à faire face au remboursement de leurs dettes a explosé ces dernières années. Depuis 2007, et selon la Banque de France, près de 900 000 dossiers de surendettement ont été déclarés éligibles.
Les causes de cette situation dramatique sont connues : souscription d'emprunts trop nombreux, notamment de crédits revolving à des taux aberrants, et offres de crédits qui se sont dangereusement banalisées et abusent souvent les emprunteurs.
La loi Lagarde a permis d'améliorer la situation, mais elle reste insuffisante et largement perfectible. Trois pistes ont été avancées afin de mieux encadrer les crédits à la consommation.
La première consiste à interdire les cartes qui mélangent fidélité et paiement à crédit et introduisent de la confusion pour le consommateur. La seconde amènerait à interdire la publicité et le démarchage en faveur du crédit revolving. La troisième enfin est de rendre obligatoire une vérification réelle de la solvabilité de l'emprunteur potentiel.
Notre assemblée a le devoir de se pencher sur la question. La situation que vivent les centaines de milliers de foyers concernés est en effet dramatique, avec des conséquences terribles pour les familles. On ne peut accepter que certains opérateurs s'enrichissent en abusant nos compatriotes, souvent les plus fragiles.
Monsieur le ministre, vous avez récemment annoncé votre intention de légiférer dans ce domaine. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures concrètes que vous entendez prendre pour lutter efficacement contre le fléau du surendettement, et le calendrier afférent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Vous m'interrogez sur la lutte contre le surendettement, fléau qui augmente en raison de la crise, du chômage et des accidents de la vie.
Depuis un an, 220 000 dossiers de surendettement supplémentaires ont été déposés à la Banque de France. Dans 78 % des cas, les familles surendettées cumulent huit crédits à la consommation. Dans 52 %, elles en ont au moins dix. La spirale du surendettement commence lorsque les familles souscrivent à un crédit non plus pour répondre à un besoin ou faire un achat ponctuel, mais pour payer leur loyer ou pour rembourser un autre crédit. Ainsi surendettées, ces familles perdent toute maîtrise de leur destin et deviennent des proies.
Le projet de loi sur la consommation que je présenterai début 2013 proposera donc un encadrement renforcé des pratiques, pour éviter ces dérives. Pour cela, il rendra effective l'alternative au crédit renouvelable pour les achats de plus de 1 000 euros, disposition qui était prévue par la loi Lagarde mais qui est aujourd'hui peu ou mal appliquée. Il demandera la déliaison entre les cartes de fidélité et les cartes de crédit. Il obligera à ce que le crédit proposé pour l'achat d'un bien lors d'un démarchage commercial soit un crédit affecté et non un crédit renouvelable. Et enfin, il donnera les moyens aux agents de la DGCCRF de traquer les infractions à la loi en effectuant des contrôles en tant que client mystère.
Enfin, le Gouvernement réfléchit à la réalisation d'un registre national du crédit, afin de responsabiliser les établissements prêteurs et de leur permettre de vérifier instantanément la solvabilité des emprunteurs. J'ajoute que la conférence de lutte contre la pauvreté qui se réunit les 10 et 11 décembre ne manquera de faire des propositions pour nous aider à lutter contre le surendettement, que ce soit dans la loi bancaire ou dans le projet de loi sur la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Une immolation en Tunisie a déclenché les révolutions arabes du printemps 2011. Quatre-vingt-six immolations de Tibétains depuis 2011 n'ont pas adouci l'hiver chinois. Voyez la carte des manifestations de désespoir du peuple tibétain. Sept nouvelles immolations de jeunes Tibétains âgés de dix-huit à vingt-neuf ans ont eu lieu ces cinq derniers jours, relayées désormais par des grèves de la faim en signe de solidarité.
Le gouvernement chinois exige de chaque village qu'il s'engage à ce qu'il n'y ait plus d'immolations en son sein. Chaque foyer doit signer une déclaration par laquelle il s'engage en ce sens sous peine d'être arrêté et détenu.
Passée l'euphorie des Jeux olympiques de Pékin de 2008, qui devaient apporter la démocratie en Chine, jamais la répression n'a été aussi terrible à l'encontre de seulement six millions de Tibétains, qui ne réclament que la liberté de culte et la défense de leur culture.
Je rappelle que le Tibet a été annexé militairement par la Chine en 1950 et que deux résolutions de l'ONU ont exigé la libération de son territoire.
Aujourd'hui le dalaï-lama a renoncé à jouer un rôle politique et les dirigeants tibétains élus démocratiquement par leur diaspora ne demandent que l'application de la constitution chinoise qui prévoit une réelle autonomie pour le Tibet.
Le Haut commissaire des Nation unies aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a demandé que des observateurs indépendants se rendent au Tibet, qui est interdit aux étrangers, y compris à Mme l'Ambassadrice de France en Chine.
À la veille de la célébration, le 10 décembre prochain, de la déclaration universelle des droits de l'homme, rédigée par un Français, le professeur René Cassin, que fait la France, monsieur le Premier ministre, pour rester fidèle à son message universel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je vous remercie, monsieur le député Luca, pour votre question. Vous avez raison de rappeler, comme chaque fois que s'en présente l'occasion dans cet hémicycle, la question essentielle, partout dans le monde, du respect des droits de l'homme.
Vous savez que nous avons, avec la Chine, des relations de franchise, qui sont l'occasion pour nous, chaque fois que c'est possible, de formuler nos interrogations, nos attentes en matière de respect des droits de l'homme. Nous le faisons d'ailleurs à chaque contact diplomatique, à chaque contact au niveau ministériel, avec le souci de faire en sorte que la cause que vous évoquez puisse être comprise. À l'occasion des entretiens qui ont eu lieu récemment entre les autorités françaises et les autorités chinoises, cette question a été évoquée chaque fois que cela a été possible, et elle le sera systématiquement dans les mois qui viennent, chaque fois que l'occasion s'en présentera. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question aussi s'adresse à M. le ministre du redressement productif.
Monsieur le ministre, les chiffres du chômage du mois d'octobre sont particulièrement alarmants. Toutes catégories confondues, ce sont plus de 71 500 chômeurs supplémentaires qui se sont inscrits à Pôle emploi. Cette réalité nous montre une fois de plus les effets délétères des politiques d'austérité qui compriment l'activité depuis des années.
Pour contrecarrer cette saignée de l'emploi, il est urgent de changer radicalement de politique économique en mettant la finance au service de l'économie et non l'inverse.
C'est en visant cet objectif que les outils d'intervention de l'État doivent être diversifiés. Il est temps que l'État prenne des participations, non pas pour socialiser les pertes et privatiser les profits, mais pour redynamiser des secteurs clés de l'économie, dans l'intérêt général.
C'est à ce titre que les députés communistes et du Front de Gauche appellent à la nationalisation du site ArcelorMittal de Florange. Cette prise de participation, loin d'être temporaire, doit être pérenne. Elle doit viser la préservation de l'activité et de l'emploi, ainsi que la mise sur pied d'un véritable projet industriel durable pour la sidérurgie lorraine, française et européenne. Elle doit permettre aux salariés de bénéficier de nouveaux droits et d'une participation largement accrue aux décisions de l'entreprise.
Ici comme ailleurs, la nationalisation est le moyen de porter un coup d'arrêt réel au démantèlement de notre outil productif.
Alors, monsieur le ministre, allez-vous nationaliser Florange, vraiment nationaliser, nationaliser dans la durée ?
La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
Monsieur le député André Chassaigne, comme je le disais tout à l'heure, le scénario d'une nationalisation temporaire est sur la table. Cela a été rappelé, d'ailleurs, par Michel Sapin ce matin.
Qu'est-ce que ce choix ? C'est d'abord le choix de préserver et de protéger des outils industriels qui sont viables, et rentables, et durables, surtout lorsque des opérateurs privés se déclarent en mesure de les faire vivre, fonctionner et prospérer, c'est-à-dire lorsqu'il y a une solution industrielle de long terme. C'est en ce sens que la nationalisation temporaire permet une alliance entre l'État et un industriel privé, car l'État ne sait pas, malheureusement, produire et vendre de l'acier, mais il peut soutenir, aider un opérateur privé qui, lui, peut sauver des outils industriels qui, pour des raisons que vous connaissez dans l'affaire lorraine, sont menacés de disparition.
Lorsque le cours de l'acier est bas, on ferme Florange mais, il y a trois ans, les hauts-fourneaux de Florange tournaient à plein régime. Si on laisse fermer ces hauts-fourneaux, eh bien, lorsque le cours de l'acier sera haut sur le marché européen, la France importera de l'acier. Ce n'est pas le sens, vous le comprenez, du redressement productif, d'où l'utilité de la nationalisation temporaire. Nous souhaitons par ailleurs qu'elle ait lieu à coût nul pour les finances publiques, et nous envisageons ainsi l'usage de participations de l'État, parfois dormantes, que nous pourrions affecter au financement de ce scénario.
Voilà, monsieur le député, l'esprit et la doctrine du redressement productif. Je vous remercie de votre soutien. Je remercie l'ensemble des députés, sur tous les bancs de cet hémicycle, qui considèrent ce scénario comme solide, crédible et d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la ministre, chers collègues, je veux vous parler d'un problème concret, d'un problème lié à la vie de tous les jours : la santé à Marseille. Les Marseillais voient s'ajouter au drame de l'insécurité, toujours plus alarmante, la mise en péril de l'offre de santé de leur ville.
Je veux vous alerter, plus particulièrement, à propos des difficultés financières que rencontrerait le groupe Générale de santé, auquel sont rattachées les activités de plusieurs établissements de santé dont en particulier l'hôpital Beauregard, situé dans la circonscription dont je suis l'élue. J'étais, samedi dernier, aux côtés des personnels et des médecins. J'ai entendu leur souffrance et leurs inquiétudes. L'ensemble de Marseille, les villes alentour, les quartiers du sud-est marseillais, le douzième arrondissement, ne peuvent pas et ne doivent pas se passer de cet établissement de santé.
Beauregard est un fleuron des établissements de santé de Marseille : deux cents médecins, six cents salariés, une capacité d'accueil de 331 lits. Sa réputation d'excellence, notamment dans le domaine de la cancérologie mammaire, ainsi que celle de sa maternité, n'est plus à démontrer. Plus de 100 000 Marseillais sont nés à Beauregard depuis sa création ! 2 500 accouchements par an y sont réalisés, soit le quart des naissances de la ville de Marseille.
Pourtant, depuis plusieurs semaines, l'inquiétude grandit chez les personnels et les patients. Selon la rumeur publique, la Générale de santé s'apprête à éparpiller les services et les activités. On parle de fermeture !
Le monde de la santé souffre. Les médecins souffrent, et les établissements aussi ! Madame la ministre, que comptez-vous faire pour maintenir l'offre de soins à Marseille ? Comment faire pour maintenir l'excellence médicale de cet établissement ? Quelles garanties allez-vous apporter pour sauvegarder les centaines d'emplois menacés ? Quelles sont vos propositions pour éviter ce Florange marseillais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Valérie Boyer, les habitants de Marseille ont bien évidemment droit à une offre de soins de qualité, comme tous les Français sur le territoire national ! De ce point de vue, le Gouvernement est tout particulièrement attentif à la situation des établissements de santé à Marseille, qu'il s'agisse des établissements publics ou des établissements privés. Vous évoquez le cas d'une clinique appartenant au groupe Générale de santé. Cette clinique privée joue un rôle important dans l'offre de soins à Marseille. Des interrogations semblent peser sur son avenir.
J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec les responsables locaux. Sans doute savez-vous que le maire de Marseille est lui-même préoccupé par cette situation. Le directeur général de l'Agence régionale de santé va rencontrer des élus. Une rencontre avec les organisations syndicales et la direction de cet établissement sera ensuite organisée, afin de mieux savoir quels sont les projets de la direction, puisque nous ne les connaissons pas encore précisément.
Le Gouvernement est très attentif à ce qu'une offre de santé de qualité soit maintenue à Marseille, afin de garantir à l'ensemble de la population de bonnes conditions de soins, d'accouchement, et d'accompagnement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la ministre, les collectivités territoriales et les entreprises croulent sous la quantité des normes et des réglementations qui leur sont applicables. Cela complexifie et paralyse l'action locale, mais aussi la compétitivité des entreprises. Ces normes, qui se sont empilées au cours de ces dernières années, et tout particulièrement au cours des dix années passées, sont appliquées sans discernement.
Tout le monde comprend que les réalités ne sont pas les mêmes selon qu'une collectivité compte 500 000 ou 500 000 habitants, qu'une entreprise compte deux ou deux mille salariés ou qu'elle produise six ou soixante mille tonnes d'un produit. Pourtant, les normes s'y appliquent de manière identique ! De nombreux projets de construction et de réhabilitation ne sont plus réalisés en raison des coûts générés par le respect de ces normes, sans compter la complexité de leur prise en compte. Cela conduit progressivement les collectivités territoriales à ne plus répondre aux attentes des populations ou à ne plus leur fournir de services.
Cela conduit à des fermetures d'entreprises, de commerces, d'ateliers d'artisans et d'exploitations agricoles. Ces sociétés ferment ou ne sont pas reprises, ce qui – hélas ! – conduit à des pertes d'emploi. Les services de l'État, les élus, les entrepreneurs, les commerçants, les agriculteurs sont confrontés à une absence de discernement dans l'application des normes. Au total, tout devient illisible : cela paralyse notre pays !
À l'avenir, dans l'exercice de notre mission de législateurs, nous devrons prendre garde à ne pas en rajouter. Mais il faut également régler le cas du stock de normes existant. Madame la ministre, vous avez annoncé le 31 octobre dernier la mise en oeuvre d'un plan de simplification des normes. Pouvez-vous nous préciser quels sont les principes directeurs et les mesures concrètes que le Gouvernement entend mettre en oeuvre dans le cadre de ce plan ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur Fauré, vous avez raison de faire émerger cette question des débats entre spécialistes : il faut en faire un débat largement public. Il intéresse nos citoyens, nos créateurs et nos élus.
Le Président de la République lui-même, lors de l'ouverture du congrès des maires de France, s'est engagé, au-delà des discours, à fixer des objectifs précis. Par exemple, il faudra, pour créer une norme, en supprimer deux. Le Premier ministre ouvrira au mois de décembre un Comité interministériel de modernisation de l'action publique, qui conduira tous les membres du Gouvernement et les administrations dont ils ont la charge à prendre ce problème à bras-le-corps.
Dans la suite du raisonnement que vous venez d'exposer, les lois devront arrêter de multiplier les normes. Tous les membres du Gouvernement s'engageront, avec leurs administrations, à répondre à votre demande. Les travaux d'Alain Lambert, comme ceux de François Goulard, d'Éric Doligé, de Jacqueline Gourault, de Jean-Pierre Sueur et de tous ceux qui se sont penchés sur cette question doivent nous conduire à tenir un discours simple.
La norme a pour rôle de protéger les citoyens, les élus, les entrepreneurs et les salariés. Mais l'excès de norme fait que les services de l'État ne peuvent plus les contrôler. Les contrôles ne sont plus effectués, en fin de compte, que comme des sondages ! Lorsque les normes sont trop nombreuses, l'État ne peut plus être garant de la bonne santé, de la bonne vie, des règles de travail, de production et de commerce, et j'en passe. L'excès de normes coûte 700 millions d'euros par an aux communes. L'action publique en devient négative.
Le redressement de la France est à l'ordre du jour, et les citoyens ont besoin d'un État garant. Nous nous engageons donc à ce que le stock de normes s'amenuise effectivement et que l'efficacité soit à l'ordre du jour, grâce à la modernisation de l'action publique qu'organisera le Premier ministre en lien avec le Parlement, et sur laquelle vous serez consultés tous les ans. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, à la demande de M. le président de la République, M. Lionel Jospin, ancien Premier ministre, vient de déposer son rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique ». Le chapitre 2 de ce rapport vise à mettre fin à l'inviolabilité du Président de la République au motif que la loi doit être la même pour tous, en application de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et ce pour les actes qui n'ont pas été accomplis en sa qualité de chef de l'État. Il serait certes prévu des protections relevant de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, et un filtre, de même que serait prévue une instruction préparatoire dans le cadre d'une collégialité renforcée. Mais, monsieur le Premier ministre, la remise en cause de l'article 67 de notre Constitution m'apparaît gravissime. J'observe, dans un premier temps, que l'argument sur l'absence d'effectivité de la répression pendant la durée d'un ou deux mandats, c'est-à-dire cinq ou dix ans, tombe de lui-même puisque le président Chirac a été renvoyé devant un tribunal répressif, puis condamné, et que le président Sarkozy vient de répondre devant un juge d'instruction. J'observe également qu'une ancienne responsable de premier plan du Parti socialiste vient, de manière incompréhensible, d'être mise en examen pour homicide involontaire dans une affaire concernant des milliers de victimes. À supposer qu'elle eût été élue Président de la République, elle aurait donc eu à répondre, semaine après semaine, aux questions d'un juge d'instruction, magistrat, par définition indépendant, pouvant, pour les seuls besoins de son instruction, bloquer le fonctionnement de la République.
Aussi, monsieur le Premier ministre, sur ce sujet d'importance capitale, avez-vous l'intention de saisir le Parlement d'une réforme de l'article 67 de la Constitution visant à permettre la mise en cause du Président de la République pendant son mandat ? Il serait, à mon avis, seulement acceptable de prévoir des poursuites pour des faits contraires à l'honneur, selon la distinction retenue par les lois d'amnistie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député Alain Touret, le candidat François Hollande a pris un engagement, n° 47, pour parvenir à une réforme du statut pénal du Président de la République. Lors de sa conférence de presse du 12 novembre dernier, le Président de la République a rappelé son souhait de mettre fin à l'immunité du chef de l'État tant en matière pénale que civile ; vous l'avez rappelé. La commission présidée par Lionel Jospin a également fait un certain nombre de propositions qui ne sont, pour l'instant, que des préconisations, et qui portent notamment sur la nécessité d'affirmer le caractère politique de la procédure de destitution du Président de la République envisagée par la réforme constitutionnelle de 2008. C'est probablement l'une des discussions juridiques les plus importantes, même si vous ne l'avez pas abordée dans votre question.
En matière civile, aucune action en justice ne peut être conduite contre le chef de l'État, en tant que justiciable privé, pour les litiges familiaux ou prud'homaux, par exemple, alors qu'il peut, lui-même, agir en justice. Ce point avait déjà fait l'objet de nombreuses critiques, car il se heurte au principe d'égalité des armes entre les personnes dans les litiges privés.
Sur le plan pénal, et vous avez parfaitement posé la question, nous souhaitons parvenir à une situation qui conciliera deux principes : celui de l'égalité des citoyens devant la loi et celui du délai raisonnable pour parvenir à des procédures de jugement.
Ces principes démocratiques doivent, de plus, se concilier avec la nécessité, parfaitement admise par tous, de maintenir à la présidence de la République son autorité et un certain nombre de protections. Il existe des préconisations dans le rapport. C'est naturellement l'Assemblée nationale qui en sera saisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Le dernier Conseil européen s'est soldé par un échec des négociations sur les crédits de la PAC. Notre devoir est, pourtant, de préserver à tout prix une agriculture de qualité, tout en garantissant à nos agriculteurs de pouvoir vivre décemment de leur activité. La réduction du budget de la PAC est en contradiction avec ces objectifs. Les agriculteurs nous témoignent tous les jours de leurs inquiétudes sur l'avenir incertain de la PAC et les coupes budgétaires qui lui sont promises. Un nouveau sommet sera organisé début 2013. Les agriculteurs français ne doivent pas être la variable d'ajustement des prochaines négociations.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de défendre la position ambitieuse de la France pour soutenir les intérêts de notre agriculture et des agriculteurs ?
Par ailleurs, je souhaite également vous rappeler la situation douloureuse vécue par les agriculteurs du Nord-Pas-de-Calais. Les fortes précipitations, depuis le mois d'octobre, ont noyé les cultures de lin textile, de pommes de terre et de betteraves. Selon les premières estimations, près de 5 000 hectares de pommes de terre devraient être déclarés inaptes à la récolte dans la région.
Monsieur le ministre, le 15 novembre dernier, vous avez honoré votre engagement pris dans cet hémicycle, en vous rendant en Flandre, afin de constater l'ampleur des dégâts causés par les récentes intempéries. Les exploitants sont menacés par la double peine : ils ne peuvent, d'une part, récolter leurs productions et sont, d'autre part, pénalisés pour non-respect des contrats. Vous vous êtes ainsi engagé à mettre en place un plan d'accompagnement pour les agriculteurs sinistrés.
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer ce qu'il en est des mesures de soutien annoncées aux exploitants concernés par cette situation dramatique ? Les agriculteurs vous ont accueilli ; ils attendent désormais des actes concrets. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le député Decool, je vous remercie pour votre question extrêmement précise et qui renvoie à des problématiques importantes pour l'agriculture dans notre pays, et plus particulièrement dans votre région.
Concernant la politique agricole commune, nous sommes unis dans cet hémicycle pour dire la nécessité de défendre cette politique. Lorsque j'ai indiqué, tout à l'heure, en réponse à Mme la députée Axelle Lemaire, que nous n'accepterions pas davantage de coupes et de contributions au rabais, c'est précisément parce que nous considérons qu'il faut des moyens pour mener la politique agricole commune. Je veux vous rassurer en vous confirmant que le Gouvernement français est très déterminé à faire en sorte que la politique agricole commune obtienne les moyens dont elle a besoin pour que notre agriculture continue à prospérer et que nos exploitants agricoles, qui vivent déjà la dérégulation avec la fin des quotas, puissent faire face à leurs charges d'exploitation. Une bonne agriculture est une agriculture qui garantit l'autonomie alimentaire du continent européen et qui alimente également une industrie agroalimentaire extrêmement dynamique. Nous avons donc engagé ce combat, et il commence à porter ses fruits. Je vous rappelle que, dans la proposition initiale de la Commission européenne, le volume global du budget consacré à l'agriculture était de 364 milliards d'euros. Bien que nous ayons obtenu, dans le cadre des discussions, 8 milliards d'euros supplémentaires, nous considérons qu'il faut aller au-delà. Tel est le sens des discussions qui vont se poursuivre.
Pour ce qui concerne la situation de l'agriculture dans le Nord-Pas-de-Calais, le ministre s'était engagé à rencontrer les transformateurs, ce qu'il fera dans quelques jours. Il examinera avec eux la question des contrats qui les lient aux agriculteurs. La Direction régionale de l'agriculture et de la forêt est en train d'évaluer l'étendue des sinistres pour procéder à l'évaluation des indemnisations à verser aux agriculteurs sinistrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Questions agricoles
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, avec cette proposition de loi, notre démarche s'affirme de façon claire : en matière de santé publique, la sécurité de nos concitoyens est notre première exigence.
Le principe de précaution ne conduit pas systématiquement à une sanction, mais lorsque la santé de nos enfants est en jeu, les intérêts privés doivent pouvoir être strictement encadrés.
Aujourd'hui, nous en savons assez pour prendre les décisions qui s'imposent. Nous savons que la qualité de l'environnement a un impact direct sur la santé des individus. Nous savons que certains produits ont des conséquences néfastes sur notre état de santé. Nous savons que de nombreux objets qui nous entourent présentent des risques. Parce que nous en avons un usage quotidien, ils sont devenus source d'interrogations voire d'inquiétudes.
Les initiatives prises à l'échelle communautaire doivent être poursuivies. C'est le cas de la directive REACH, qui permet de développer une large base de données sur les produits utilisés dans l'Union européenne. Cette démarche mérite d'être soutenue et amplifiée.
Cette intervention est aussi pour moi l'occasion de saluer la mobilisation de Gérard Bapt. C'est en précurseur qu'il a engagé, il y a trois ans, sa croisade contre le bisphénol A. Monsieur le rapporteur, en 2009, vous avez interdit l'utilisation des biberons au bisphénol A dans votre commune de Saint-Jean, en Haute-Garonne. L'année suivante, votre démarche nous a permis de franchir une étape décisive, puisque les deux assemblées ont voté, à l'unanimité, l'interdiction de l'utilisation des biberons contenant du bisphénol A.
On ne compte plus les études qui sont régulièrement venues alerter les pouvoirs publics sur les effets nocifs du bisphénol A qui est un perturbateur endocrinien. Nous savons avec certitude qu'il s'agit d'une substance toxique pour l'animal. Néanmoins, ce n'est qu'en 2010, que l'ex-AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a reconnu la présence de « signaux d'alerte » dans les études scientifiques. Cette molécule serait directement associée à certaines pathologies humaines, telles que des maladies métaboliques ou cardiovasculaires. En 2011, la nouvelle Agence nationale de sécurité de l'alimentation du travail et de l'environnement, l'ANSES, a montré que les perturbateurs endocriniens toucheraient plus particulièrement certaines populations fragiles : les nourrissons, les femmes enceintes et les femmes allaitantes seraient les premières victimes du bisphénol A.
Face à ces incertitudes, la responsabilité qui nous incombe est immense. Notre devoir, celui du Gouvernement, est d'appliquer le principe de précaution.
Le laisser-faire n'a pas sa place en matière de santé publique : douter de l'innocuité d'une substance est suffisant pour agir. Le rôle des responsables publics est d'encadrer, de réglementer, de contrôler et, le cas échéant, ensuite, de sanctionner.
Le bisphénol A est un enjeu essentiel de santé publique, dans la mesure où il entre dans la composition de nombreux objets dont les Français font un usage quotidien. On en trouve notamment dans un nombre important de contenants alimentaires. Le danger majeur vient du fait qu'il peut spontanément migrer vers les aliments.
L'examen de cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de notre démarche. Il y a un an, de nombreux députés, parmi lesquels M. Jean-Marc Ayrault et M. Gérard Bapt, ont présenté un texte, dont j'étais moi-même signataire. Il s'agit de la loi que nous défendons aujourd'hui, qui vise à « suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A ».
Avec cohérence, il s'agit désormais de compléter les dispositifs de protection des consommateurs. En matière de santé et environnement, nos prédécesseurs n'ont pas suffisamment pris la mesure de ces enjeux. Sans attendre, il faut désormais engager des efforts pour protéger les populations les plus fragiles – aujourd'hui, cela concerne les effets du bisphénol A.
S'il est nécessaire de protéger les populations les plus fragiles, cela ne suffit pas. Il faudra aller plus loin. L'ambition du Gouvernement est plus large : nous voulons protéger rapidement l'ensemble des Français des effets néfastes des perturbateurs endocriniens. Sur ce sujet, nous pouvons être collectivement fiers que la France soit pionnière en Europe.
La Conférence environnementale a été l'occasion de rappeler la mobilisation du Gouvernement. À cette occasion, le Premier ministre a affirmé la nécessité d'interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui pour poursuivre l'examen de cette proposition de loi.
Dès 2013, elle permettra de suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de contenants alimentaires produits avec du bisphénol A à destination des enfants de moins de trois ans. En 2015, elle fera disparaître l'ensemble des contenants alimentaires fabriqués avec cette substance.
Pourquoi avons-nous fait le choix d'opérer en deux étapes ? Parce que nous sommes réalistes. Nous devons tenir compte de la nécessité de trouver des produits de substitution qui ne présenteront pas de nouveaux risques pour les Français. À quoi bon remplacer une substance nocive par une autre ? Nous avons donc fait le choix d'une méthode graduelle, mais ferme, dont le terme est rapproché.
Cette proposition de loi constitue une étape décisive, mais nous devrons poursuivre notre mobilisation. À cette fin, nous avons choisi de faire vivre la démocratie environnementale. Dans la concertation, nous avons fixé des objectifs et établi une méthode pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Lors de la Conférence environnementale, j'ai moi-même rappelé l'importance des questions liées à l'apparition des risques dits « émergents ». Ces risques sont source de controverses, tant il est difficile d'appréhender et de caractériser leurs conséquences sur la santé de nos concitoyens. Il nous faut donc miser sur la recherche. Une mobilisation communautaire et internationale est essentielle pour que ces études soient menées à grande échelle.
Par ailleurs, les Français sont confrontés à d'autres expositions au bisphénol A et à des molécules dites cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Les études en cours de réalisation nous apprendront beaucoup sur ces expositions et nous permettront de prendre rapidement les mesures qui s'imposent. Toutefois, il est des mesures qu'il nous faut prendre dès à présent. Ainsi, il semble utile au Gouvernement que, grâce à un amendement du rapporteur adopté en commission, l'article 3 du texte de la commission prévoie d'interdire les tubulures comportant du DEHP dans les services de pédiatrie, de néonatalogie et de maternité. Cette interdiction sera applicable dès 2015 : un substitut inoffensif existe et les industriels produisent déjà des tubulures qui l'utilisent. En l'espèce, la question de la substitution ne se pose donc pas.
La présence de phtalates dans les dispositifs médicaux est un enjeu majeur. Nous devons être précurseurs, dans une Europe où les règles de santé publique doivent s'appliquer à tous les industriels et protéger tous les patients. S'agissant des dispositifs médicaux, le Gouvernement présentera d'ailleurs un amendement afin de corriger une situation difficilement acceptable et compréhensible. En effet, si le bisphénol A est aujourd'hui interdit dans les biberons vendus en pharmacie ou en grande surface, il reste, par contre, autorisé dans les biberons fournis dans les maternités et les services de néonatologie. Cette situation résulte, non pas d'une volonté expresse, mais d'un ensemble complexe de lois et de règlements qui avait, jusque-là, échappé à la sagacité du législateur. Nous remédierons donc à cette situation, qui est au moins incompréhensible et, en fait, inacceptable.
Ces deux dispositifs sont également l'occasion d'envoyer un signal aux industriels : il est absolument nécessaire qu'ils accélèrent leurs travaux sur les produits de substitution des phtalates et des perturbateurs endocriniens. En effet, une fois les études publiées, nous ne pouvons pas attendre plusieurs années que les industriels s'adaptent.
Je tiens enfin à redire devant vous que la prévention des risques sanitaires environnementaux doit être un axe majeur de la politique de santé. Pour être efficace, je veux organiser l'action du Gouvernement autour de trois axes.
Le premier axe est la mise en place d'un groupe de travail associant l'ensemble des acteurs de la lutte contre les perturbateurs endocriniens auquel j'ai confié la mission d'élaborer, d'ici à juin 2013, une stratégie nationale. Pour atteindre nos objectifs, il est en effet fondamental de coordonner efficacement les actions de recherche, d'expertise, d'information du public et de réflexion sur l'encadrement réglementaire.
Le deuxième axe, c'est la priorisation des actions. Le bisphénol A est le sujet qui nous occupe aujourd'hui, mais, je l'ai dit, c'est l'ensemble des perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, qui doivent faire l'objet de notre attention. Pour chaque sujet, il faut aborder le problème en nous fondant sur une expertise plurielle et contradictoire, détachée des intérêts privés. Le crédit d'une étude se mesure à l'aune de son indépendance. Aussi veillerai-je à ce que l'industrie ne soit pas juge et partie dans ce processus de recherche.
Enfin, le troisième axe de ma politique concerne les produits de substitution. Il est évidemment nécessaire qu'ils fassent la preuve de leur innocuité. Les risques et les bénéfices peuvent varier selon qu'il s'agit d'un contenant alimentaire ou d'un dispositif implantable indispensable pour sauver des vies en urgence. Il nous faut, à chaque fois, mesurer ces risques et bénéfices, car notre priorité – la seule qui vaille en matière de santé publique – est évidemment la sécurité des Français.
Mesdames, messieurs les députés, face à de tels enjeux, j'en appelle à votre responsabilité de législateur et vous demande de soutenir cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous allons examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement alimentaire comportant du bisphénol A, que j'avais déposée, au nom du groupe SRC, sous la législature précédente, il y a près d'un an et demi. Adoptée en première lecture par l'Assemblée le 12 octobre 2011, elle a été examinée par le Sénat lors de sa séance du 9 octobre 2012.
Est-il besoin de rappeler que le bisphénol A est désormais désigné comme le responsable de perturbations endocriniennes et de troubles de la reproduction chez l'homme ? Les effets sont avérés chez les animaux. Des études scientifiques montrent ainsi que le bisphénol A peut induire une puberté précoce chez la femelle, des altérations des organes génitaux chez le mâle comme chez la femelle, et une diminution de la fertilité. À ce propos, je souhaite rendre hommage aux lanceurs d'alerte, qui, lors de plusieurs conférences scientifiques – à Vienne, à Wingspread et, pour la dernière, à Chapel Hill, en 2006 –, ont attiré l'attention sur le danger que représente l'exposition chronique à de très faibles doses de substances chimiques dont les effets, longtemps retardés, sont difficilement décelables et échappent ainsi aux critères de la toxicologie classique.
Cette année, plusieurs études très importantes ont encore démontré la réalité du risque encouru en raison de telles expositions chroniques. Ainsi, l'équipe du docteur Nadal, de l'université d'Alicante, a montré qu'au niveau d'imprégnation en bisphénol A correspondant à celui de la population générale, on observe une libération accrue d'insuline qui contribue au développement du diabète de type B. Une autre étude menée en Chine, parue en 2012, retrouve une association significative entre imprégnation au bisphénol A et obésité. Le suivi de la cohorte concernée a d'ailleurs permis de montrer que l'association diabète-bisphénol était retrouvée chez les personnes de poids normal – et, parfois, en surpoids –, indépendamment, donc, des facteurs de risque traditionnels du diabète. Le bisphénol A apparaît donc de plus en plus comme l'un des facteurs pouvant être impliqués dans l'épidémie mondiale de diabète, qui ferait passer le nombre de patients concernés de 200 millions à 360 millions en 2030. Plus récemment, une étude expérimentale réalisée chez des primates a pu montrer qu'après exposition in utero, l'accélération de la maturation de la glande mammaire favorise le développement de lésions précancéreuses et cancéreuses, non seulement chez la mère concernée, mais aussi chez les générations suivantes par mécanisme épi-génétique. Tout comme le Distilbène, le bisphénol A pourrait donc avoir – cela avait déjà été montré chez la souris, mais le primate est le mammifère le plus proche de l'homme, notamment du point de vue du système reproducteur – un effet transgénérationnel.
La suppression du bisphénol A dans notre alimentation constitue désormais une priorité, comme Mme la ministre vient de le réaffirmer avec force. Si l'on veut protéger les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les hommes en âge de procréer, c'est toute l'alimentation qui doit être concernée. Que ce soit par conviction ou par réalisme commercial, les industriels ne nient plus du tout le bien-fondé de cette suppression et sont désormais engagés dans la recherche de substituts. Lors de l'audition collective organisée par la commission des affaires sociales, nous avons pu constater qu'aucune fédération professionnelle ne nie plus la réalité des dégâts sanitaires occasionnés par l'exposition chronique au bisphénol. L'enjeu est donc maintenant de trouver des substituts qui aient fait la preuve de leur innocuité, ainsi que l'a indiqué le Premier ministre lors de la Conférence environnementale.
En ce qui concerne les contenants de denrées alimentaires, les auditions que nous avons conduites ont montré qu'il existe d'ores et déjà des solutions alternatives. Les résultats de l'appel à contribution de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – publiés le 28 juin dernier dans un rapport d'étape donnent une liste de 73 substituts disponibles, pour des usages différents. Ces solutions ne sont pas toutes opérationnelles, car toutes n'ont pas fait la preuve de leur innocuité, mais la fixation d'un délai contraignant pour la disparition du bisphénol A doit permettre de mobiliser les industriels. Certaines entreprises – pas forcément françaises, hélas ! – ont pris de l'avance sur le sujet ; il s'agit de ne pas manquer ce tournant. Ainsi, une entreprise suédoise commercialise déjà des conserves à base de carton, qui peuvent contenir diverses denrées alimentaires – y compris la sauce tomate, qui est relativement acide – et dont une grande chaîne de distribution française commence à faire la promotion depuis le mois dernier. La principale difficulté consistera à trouver de nouvelles résines pour les boîtes de conserves métalliques. S'il faut faire attention à ne pas pénaliser notre industrie par des contraintes trop fortes, il faut en même temps l'inciter à se moderniser. Il ne lui servirait du reste à rien de continuer à produire des emballages dont le consommateur voudra de moins en moins.
Nous devrons également convaincre nos partenaires européens, comme nous avons réussi à le faire à propos des biberons contenant du bisphénol, qui sont interdits sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne depuis le 1er mars 2011, alors que l'agence européenne – l'EFSA, à l'époque – ne recommandait pas encore une telle interdiction. Aussi faudra-t-il considérer la façon dont l'ensemble des pays européens pourront se mobiliser sur les arguments scientifiques avancés par telle ou telle agence au sein de l'agence européenne elle-même. Trois pays européens ont d'ores et déjà décidé d'interdire la commercialisation de contenants de produits alimentaires comportant du bisphénol A et destinés à la petite enfance : le Danemark en 2010, la Belgique et la Suède en 2012.
J'en viens aux amendements du Sénat. La principale modification apportée par celui-ci est le report de dix-huit mois de l'entrée en vigueur de la suspension de la commercialisation de conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A, soit du 1er janvier 2014, date qui était prévue dans le texte voté par l'Assemblée nationale, au 1er juillet 2015.
Votre commission des affaires sociales vous propose de ramener ce délai au 1er janvier 2015, afin de tenir compte du fait qu'un an s'est écoulé depuis la première lecture de ce texte à l'Assemblée, ainsi que des préoccupations du Sénat, qui ont rejoint les nôtres.
La commission des affaires sociales propose également qu'un rapport soit remis par le Gouvernement au Parlement six mois avant cette date, soit en juillet 2014, afin de s'assurer qu'il existe des substituts fiables pour l'ensemble des applications du bisphénol A en matière de conditionnement alimentaire. Il ne s'agit pas, en effet, de déplacer le problème en remplaçant une substance toxique par une autre substance toxique. Je pense bien entendu, non pas aux polycarbonates, mais aux résines epoxy. Votre commission des affaires sociales a précisé dans le texte que ces sont les conditionnements, contenants et ustensiles « en contact direct avec les denrées alimentaires » qui sont visés par l'interdiction du bisphénol A. C'est en effet la priorité. Mais son élimination de tous les matériaux de contact manuel doit demeurer un objectif à plus long terme, puisqu'une étude toulousaine a montré que le bisphénol contenu, par exemple, dans le papier thermosensible des tickets de caisse migre à travers la peau ; or, les caissières sont souvent en âge de procréer.
Je vous proposerai aussi un amendement visant à interdire le bisphénol A dans les collerettes de tétines : en effet, sans être des matériaux de contact alimentaire, ces objets restent de façon prolongée en contact avec la bouche des bébés. Par ailleurs, le Sénat a étendu le champ de cette proposition de loi aux dispositifs médicaux, au regard de la présence de phtalates et d'autres substances suspectées de toxicité dans les matériaux les composant.
Un amendement de la sénatrice Chantal Jouanno avait prévu l'interdiction de tous les dispositifs médicaux comportant des perturbateurs endocriniens ou des substances CMR – cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques –, soit environ 400 substances. Ces dispositions à la portée beaucoup trop large nous ont semblé inapplicables. Du reste, ces 400 substances ne sont pas toutes documentées. Votre commission des affaires sociales a donc supprimé les alinéas 8 à 11 de l'article 1er.
En revanche, le Sénat a adopté un amendement de M. Gilbert Barbier qui me semble plus réaliste : il s'agit d'interdire trois phtalates des dispositifs médicaux destinés aux services de maternité, néonatalogie et pédiatrie. Nous avons rencontré les représentants du secteur : il existe des substituts à l'un de ces trois phtalates, qui se trouve être à la fois le plus produit, le plus utilisé et le plus décrié par les scientifiques, le DEHP, qui entre dans la fabrication des tubulures, servant notamment aux perfusions et à la nutrition artificielle. Je précise que les producteurs de dispositifs médicaux que j'ai rencontrés fabriquent en France. Votre commission propose donc de limiter l'article 3 au DEHP en ce qui concerne les tubulures, notamment quand elles sont utilisées dans les services de maternité et de néonatologie. En ce qui concerne les deux autres phtalates, la commission vous propose que le rapport prévu à l'article 4 étudie la recherche de substituts.
En conclusion, il me semble que le texte modifié par la commission est un bon texte, enrichi par le Sénat en ce qui concerne les dispositifs médicaux. La commission des affaires sociales l'a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il n'est plus besoin, au stade où nous en sommes de la procédure parlementaire et de la discussion, de revenir sur ce qui est un fait acquis. Mme la ministre et M. le rapporteur, qui m'ont précédé à cette tribune, ont d'ailleurs rappelé de manière précise les principaux éléments de cette proposition de loi : la nocivité de cette substance, le BPA, ne fait plus de doute ; ses effets sont identifiés, notamment sur l'obésité, la fertilité, les problèmes endocriniens ; les plus grands risques concernent des personnes traversant des périodes particulières du développement, les femmes enceintes et allaitantes, les foetus, les bébés ; sa présence est suspectée dans à peu près tous les conditionnements et autres contenants alimentaires.
Le moment est donc venu d'agir. De ce point de vue, la proposition de loi obéit à un impératif qui constitue le premier de nos devoirs de législateur : la protection de nos concitoyens. Par ailleurs, elle s'inscrit dans un cheminement ouvert avec le Grenelle de l'environnement 2 et concrétisé par la loi du 30 juin 2010, interdisant le bisphénol A dans les biberons. Le travail de l'ANSES, qui a ouvert le processus parlementaire actuel, s'inscrit d'ailleurs lui-même dans le cadre d'une saisine des pouvoirs publics datant de 2009 sur les perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A.
La proposition de loi prolonge également le plan national santé environnement 2009-2013, qui proposait douze mesures pour réduire l'exposition des femmes et des enfants à des substances toxiques présentes principalement dans l'eau, l'air et l'alimentation. Elle a été précédée d'initiatives de même nature portées, par ailleurs, par notre famille politique au cours de la précédente législature, concernant notamment l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols.
L'impératif et la cohérence font de cette proposition de loi un texte « translégislature » et « transpartisan » qui nous amènera à une réflexion élargie et prospective sur les bons moyens de prévention des risques sanitaires et environnementaux, réflexion inspirée par vos propos, madame la ministre, en préambule de cette discussion générale. Car, au fond, on voit bien avec ce texte, comme d'autres qui l'ont précédé, que nous ne faisons là qu'un saut de puce supplémentaire, aussi utile et pertinent soit-il. Nous regrettons que le temps très long qu'il aura fallu pour l'adoption de cette proposition de loi n'ait pas été, pour le précédent gouvernement tout comme pour l'actuel, l'occasion d'un enrichissement. Nous aurions peut-être pu faire d'une action législative ponctuelle un véritable projet de politique sanitaire, dont vous faites une priorité au sein de votre mission ministérielle.
Comment aller plus loin ? Comment penser plus large ? Comment viser un cap et donner une stratégie à notre sécurité sanitaire ? Nous touchons là à des sujets essentiels, les futurs dangers pour la santé de nos concitoyens, les moyens de les anticiper via la recherche publique et privée, et la capacité des industries à transformer parfois radicalement leurs chaînes de production.
Le paysage de la sécurité sanitaire s'est beaucoup complexifié ces dix dernières années, tandis que s'accroissait l'attente de nos concitoyens. Beaucoup de monde s'y côtoie, à tel point que les nombreux partenaires et acteurs qui mettent en oeuvre des programmes dans différents pays font parfois double emploi.
Le champ des enjeux sanitaires est, lui-même, plus vaste qu'il ne l'a jamais été. Il déborde largement le périmètre de la sécurité alimentaire, qui constitue pourtant un secteur d'investigation considérable. Beaucoup d'autres controverses apparaissent, et continueront d'apparaître dans les années à venir : les infections nosocomiales et les infections liées aux soins en général ; la gestion des risques iatrogènes ; la sécurité sanitaire environnementale – qui évoque notamment le saturnisme infantile, les pathologies liées à l'amiante, la santé au travail ; la radioprotection et les risques sanitaires liés aux rayonnements ; le bioterrorisme ; la veille sanitaire, c'est-à-dire l'épidémiologie, la surveillance et la gestion d'une épidémie.
Ce texte aurait pu ouvrir des pistes, celles de nos vigies nationales, de nos centres d'alerte et du nécessaire renforcement de leurs moyens. Je veux parler des agences, notamment l'INSERM ou l'ANSES. Grâce à l'ANSES, la France a été la première en Europe à révéler l'existence de mélanges fortuits de semences OGM avec des semences conventionnelles, comme vous l'avez récemment rappelé, monsieur le rapporteur. Elle a permis à la France de jouer un rôle fondamental, ces dix dernières années, pour améliorer la sécurité sanitaire et environnementale des OGM. Encore récemment, le 16 mars 2012, un arrêté suspendait la mise en culture de variétés de semences de maïs génétiquement modifié.
Mais le propos pourrait être élargi au programme budgétaire 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui finance l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail – l'ANSES –, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le Centre scientifique et technique du bâtiment, l'Institut français du pétrole énergies nouvelles, l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, ainsi que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Cette petite galaxie de la recherche et de l'alerte publique représente 1,418 488 070 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et 1,380 488 070 milliard d'euros de crédits de paiement.
Malgré le statut particulier de ces agences, qui leur permet de bénéficier de facilités pour recruter des compétences inhabituelles dans les services de l'État et pour conclure des partenariats avec les collectivités territoriales ou les acteurs de la société civile, ces budgets ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. En effet, ils ne sont pas à la hauteur de ce qu'exigent l'indépendance et l'assurance de l'impartialité, qui, dans ces domaines, sont vitaux ; ils ne permettent pas non plus aux agences de s'autosaisir librement de prospections sur fonds publics pour évaluer les réglementations et les protocoles. Mes chers collègues, nous avons réformé la Constitution pour donner davantage de droits au Parlement, mais celui-ci ne peut toujours pas, par exemple, saisir ces grandes agences d'expertise.
Nous devons, en parallèle, faire preuve d'une plus grande rigueur que par le passé, car si l'expertise publique française a été structurée par les crises sanitaires du début des années 1990 – l'affaire du sang contaminé, celle de l'hormone de croissance, le scandale de l'amiante, l'affaire de la vache folle –, ces agences, quelle que soit la qualité du travail qu'elles ont accompli par ailleurs et le dévouement de leurs agents, n'ont pas empêché la survenue de nouvelles catastrophes comme celle d'AZF ou le scandale du Mediator.
L'efficacité passe par une indépendance absolue, par le recrutement d'experts indépendants, par la stricte protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit d'éviter de nouveaux combats du style Monsanto-Séralini. C'est pourquoi il nous semblerait utile de confier l'ensemble du contrôle ainsi que l'application des sanctions à un organisme indépendant et extérieur à la profession sanitaire et médicale. Cet organisme assurerait également la formation des experts sur les liens d'intérêts et sur leurs responsabilités.
Après l'indépendance, la deuxième piste est celle de l'interdépendance. Le coût de la recherche est considérable. Pour le bisphénol A, le remplacement de cette molécule toxique par un substitut non toxique dans un temps contraint – même si le délai a été allongé – pose la question du financement, ou plutôt de la mobilisation de toutes les expertises.
Selon les estimations, les coûts réels des recherches pour de nouvelles molécules seraient de l'ordre de 43 millions de dollars en valeur médiane, et toutes les industries ne disposent pas nécessairement des ressources suffisantes pour mener à bien ces recherches.
Je crois qu'il conviendrait d'associer les talents plutôt que de les opposer. Bien sûr, le principe de base est qu'il revient aux industriels d'apporter la preuve que les produits qu'ils mettent sur le marché ne sont pas dangereux pour la santé. Le rôle des agences sanitaires est de contre-expertiser les éléments et études figurant aux dossiers, le coût financier des études revenant aux industriels.
Une fois cette étape passée, l'élaboration d'une nouvelle substance devrait, elle aussi, obéir à une démarche concertée entre puissance publique et organismes privés. C'est donc avec beaucoup de précaution, parce que le sujet s'y prête, que nous nous engageons à voter ce texte, en regrettant qu'il n'ait pas d'emblée initié une politique nationale de prévention sanitaire – dont vous nous avez rappelé les contours, madame la ministre –, en se fondant sur les deux axes principaux que je viens d'évoquer.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous accueillons avec une grande satisfaction cette proposition de loi. Elle était très attendue, et depuis longtemps, par les écologistes, par les associations de santé environnementale, qui s'étaient mobilisées, mais aussi par tous les citoyens qui ne supportent plus les scandales sanitaires et sont soucieux de santé publique.
Avec la suspension de la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol et la suspension de tout contenant alimentaire intégrant du bisphénol – qui, conformément à notre souhait, figure aujourd'hui dans la proposition de loi –, la France sera précurseur et enverra un signal très fort dans le monde entier. À ce propos, je tiens à saluer le travail de notre excellent rapporteur, Gérard Bapt, qui se bat avec ténacité depuis des années sur cette question et voit aujourd'hui ses efforts aboutir.
Si cette grande avancée peut avoir lieu aujourd'hui, c'est aussi parce que la controverse scientifique n'a plus lieu d'être. En effet, environ 700 études approfondies ont abouti, pour 95 % d'entre elles, à des conclusions concordantes. Selon ces conclusions extrêmement alarmantes, le bisphénol a un effet délétère sur l'organisme humain, en particulier sur les plus vulnérables d'entre nous : les enfants nouveaux-nés et même les foetus, puisqu'il agit dès la grossesse.
Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien ; il est cancérigène et neurotoxique. Des centaines d'études ont montré que cette substance produisait ses effets à différentes périodes de notre vie. Elle peut induire des changements comportementaux, provoquer une altération de la croissance, entraîner des perturbations de la maturation sexuelle ou des altérations du système nerveux, expliquer une prédisposition à l'obésité. Le bisphénol A peut avoir des effets sur le métabolisme du glucose, et donc des conséquences sur l'épidémie de diabète. Il agit aussi sur la reproduction, puisqu'il peut être responsable d'une baisse de la qualité du sperme et de lésions sur l'ADN du sperme. Le bisphénol A est à l'origine d'une augmentation du risque de cancer et a des effets neurotoxiques. Des études ont même montré que les perturbations qu'il provoque, à des niveaux d'exposition même très faibles, se transmettent de génération en génération, parfois jusqu'à la troisième.
La vérité scientifique n'est plus contestée. Les auditions menées par la commission ont montré qu'il n'y a plus aujourd'hui, dans notre société, de controverse scientifique véritable sur les dangers du bisphénol. Les industriels acceptent l'idée qu'il est nécessaire d'en finir avec ce produit.
Le débat d'aujourd'hui ne porte donc pas sur le principe de cette proposition de loi, qui semble acquis pour tous, mais plutôt sur les délais et sur certaines modalités d'application qui pourraient, s'ils étaient maintenus, amoindrir la portée de ce texte.
Vous l'avez rappelé, le Sénat a reporté de dix-huit mois l'entrée en vigueur de la suspension, du 1er janvier 2014 – date retenue par la proposition de loi votée en première lecture par l'Assemblée – au 1er juillet 2015. Ce délai n'est pas anodin, puisque 1,2 million de nourrissons pourraient ainsi être exposés aux risques du bisphénol A. Cela n'est donc pas sans conséquences.
Les auditions ont montré aussi que la plupart des industriels étaient déjà prêts à mettre en place des substituts au bisphénol – l'entreprise Tetra Pak propose ainsi des alternatives aux boîtes de conserve habituelles, très développées en Italie, moins en France ; d'autres industriels, utilisateurs d'emballages contenant du bisphénol A, ont demandé un délai. Interrogés sur la durée de celui-ci, ils ont répondu qu'il leur fallait à peu près un an. À entendre les industriels, en tout cas ceux que nous avons auditionnés, un délai d'un an paraît totalement suffisant pour s'adapter.
Nous étions trois députés à assister aux auditions, Christian Hutin, Gérard Bapt et moi-même – il n'y avait que nous trois, d'ailleurs – et cela a été dit très clairement. Le seul débat était de savoir si le délai pouvait être différent pour les parties du conditionnement qui ne sont pas en contact direct avec l'aliment. Les représentants de l'entreprise Nestlé, par exemple, ont affirmé qu'ils étaient déjà prêts pour ce qui est des parties en contact direct avec l'aliment et que c'est seulement pour celles qui ne sont pas en contact direct avec l'aliment qu'ils avaient besoin d'un délai.
La commission des affaires sociales a accepté de revenir sur ce délai et de le réduire de six mois, en retenant la date du 1er janvier 2015.
C'est un progrès, mais nous estimons qu'il n'y a absolument aucune raison de ne pas revenir à la date initiale, celle du 1er janvier 2014, que vous aviez vous-même proposée, monsieur le rapporteur, et qui laisse aujourd'hui un an aux industriels pour s'adapter.
C'est ce que demandent la plupart des associations qui luttent sur le terrain de la santé environnementale. Elles m'ont remis en début d'après-midi, devant l'Assemblée nationale, une pétition qui a recueilli, en deux semaines seulement, 45 000 signatures – 3 000 signatures s'y ajoutent chaque jour.
Sur un autre point, nous regrettons que la commission des affaires sociales ait amoindri le texte issu du Sénat. Vous avez proposé un amendement tendant à limiter l'interdiction du bisphénol A aux parties en contact direct avec les denrées alimentaires. On peut bien sûr admettre que c'est là que réside le risque majeur et maximum. Pour autant, les études scientifiques ont montré que les contacts indirects avec le bisphénol A, même lorsqu'il n'est pas porté à la bouche, comportent des risques non négligeables. Ainsi, les caissières de supermarché sont exposées au bisphénol A lorsqu'elles manipulent certains types de tickets de caisse.
Les industriels, comme Nestlé, s'étaient déjà engagés à supprimer totalement le bisphénol A, y compris dans les parties qui ne sont pas en contact direct avec l'aliment. Aujourd'hui, on leur envoie un message contradictoire. On pénalise les industriels qui accomplissaient un effort de substitution totale en expliquant que la suppression du bisphénol A dans les seules parties en contact direct avec les denrées alimentaires est suffisante. On passe ainsi d'une logique de substitution à une logique de simple réduction du risque. C'est dommage, et ce n'est pas un bon signal que l'on adresse aux industriels.
Enfin, j'ai constaté que certains de nos collègues avaient déposé des amendements peu soucieux, à mon sens, de la santé publique. Il ne s'agit plus de tenir compte des impératifs industriels, mais d'offrir des facilités – je crois que l'on peut même parler de complaisance –, lorsqu'il est proposé de repousser à 2016 l'application de la loi. Je pense aussi à un amendement qui aurait pour effet d'autoriser l'exportation, par exemple, de canettes de bière contenant du bisphénol A en Belgique. Comment peut-on interdire quelque chose en France tout en autorisant son exportation ? J'en appelle à un minimum d'éthique.
Nous nous félicitons de ce texte. Mais je le demande à l'Assemblée et au Gouvernement : il faut mettre fin à ce scandale sanitaire dans les meilleurs délais. Loin de pénaliser notre industrie, cette contrainte que nous allons lui imposer lui permettra d'être beaucoup plus compétitive, car elle sera la première à s'adapter aux marchés de demain.
N'en doutez pas, l'ensemble des consommateurs européens sont très sensibles à ce que nous faisons ; ils seront les premiers à répondre favorablement, si l'industrie française sait s'adapter à l'exigence de santé publique de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2010, les députés du Front de gauche ont résolument voté la proposition de loi visant à suspendre la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A. Mais nous avions aussi regretté le cadre restrictif de ce dispositif, ainsi que la frilosité du gouvernement de l'époque, trop sensible aux arguments développés par les industriels, qui s'appuyaient sur le caractère contradictoire des études disponibles pour arguer de l'innocuité du bisphénol A.
Aujourd'hui, face à la multiplication des études scientifiques, il n'est plus nié que cette substance soit très fortement suspectée d'être un perturbateur endocrinien. Le processus législatif aidant, beaucoup de ces industriels sont désormais engagés dans une dynamique de recherche de substituts au bisphénol A.
On ne peut évidemment que s'en féliciter, même si des résistances demeurent. Paradoxalement, l'étude de l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, publiée le 27 septembre dernier, est ainsi contestée, malgré la clarté de ses conclusions, qui soulignent l'existence d'« éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes ».
J'ajoute qu'en vertu du principe de précaution, élevé en 2005 au rang de valeur constitutionnelle, les autorités publiques se doivent d'agir, même si la réalisation du dommage est incertaine. C'est notre responsabilité de parlementaires de légiférer pour ne pas risquer un nouveau scandale sanitaire.
C'est pourquoi nous voterons bien sûr en faveur de la présente proposition de loi. Comme l'a rappelé brillamment notre rapporteur, trois pays européens ont d'ores et déjà décidé d'interdire la commercialisation des contenants de produits alimentaires comportant du bisphénol A et destinés à la petite enfance. Nous espérons que ce texte incitera nos partenaires européens à s'engager aussi dans cette voie, comme ils l'avaient fait en 2011 quand, suite à la notification à Bruxelles de la mesure de sauvegarde votée dans la loi du 30 juin 2010, interdisant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A, la Commission européenne a étendu cette mesure à l'ensemble des États membres par une directive de 2011.
Notre adhésion à ce texte est aussi une invite à aller plus loin dans la démarche : le bisphénol A et les phtalates sont loin d'être les seuls produits chimiques dont les incidences néfastes sur la santé sont soupçonnées, si ce n'est avérées. C'est d'ailleurs le sens de l'amendement que nous avions déposé en 2010, visant à interdire à échéance de dix ans la fabrication, l'importation, la vente ou l'offre de produits contenant une ou plusieurs des substances cancérogènes mutagènes, ou reprotoxiques figurant aux tableaux 3.1 et 3.2 de l'annexe VI du Règlement européen du 16 décembre 2008.
Certes, nous ne méconnaissons ni le principe de réalité ni les difficultés d'une telle interdiction pour l'industrie, mais nous avons aussi la conviction que la nécessaire transition écologique, que nous appelons de nos voeux, serait un formidable levier d'innovation, de renouveau industriel, de création d'emplois et qu'elle pourrait donner des avantages concurrentiels décisifs à nos entreprises.
Pour toutes ces raisons de fond, les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, permettez-moi de faire un petit rappel historique. En 1938, des scientifiques français et européens qui cherchaient une hormone de synthèse dans un but tout à fait louable de santé publique n'ont pas retenu le bisphénol, dont les qualités avaient été jugées insuffisantes, mais le distilbène. C'est dire que tout cela n'est pas complètement anodin.
Il a fallu attendre 1997 ou 1998 – M. le rapporteur, qui connaît le sujet beaucoup mieux que moi, nous le confirmera – pour que sortent les premières études valables sur le bisphénol A. Depuis, elles se multiplient et, comme M. le rapporteur le soulignait, pas une semaine ne s'écoule sans que deux ou trois études sérieuses prouvent que le bisphénol A est cancérogène, mutagène, et reprotoxique. Personne ne peut le nier aujourd'hui.
Il semble aussi important de citer le rapport de Michèle Delaunay, le travail de la présidente de la commission et celui, formidable, de Gérard Bapt, qui soutient avec constance cette proposition de loi depuis plus de dix-huit mois.
Nous allons en étendre aujourd'hui le champ.
En effet, lors des auditions, M. Bapt, M. Roumegas et moi-même avons constaté qu'il n'y avait plus de déni, ce qui avait été le cas dans cet hémicycle durant les dernières auditions, en particulier au niveau gouvernemental. On peut sans doute se méfier des nouveaux convertis, mais l'on peut faire confiance aux consommateurs : la vérité viendra d'eux. Ils ont compris, eux, qu'il y avait un risque, et les industriels les moins convaincus le comprendront à leur tour, ne serait-ce que pour commercialiser leurs produits.
Nous avons évoqué la question des substituts. Bon nombre d'entreprises ont déjà travaillé sur le sujet, avec des résultats efficaces – quasiment parfaits chez Nestlé –, notamment pour les biberons et les produits liés à la toute petite enfance. Tout cela ne s'est pas fait en un jour, voilà sept ou huit ans qu'on en parle, et un an et demi que cette proposition de loi est en discussion.
Nous avons fait des progrès, et il existe d'ores et déjà, nous dit l'ANSES, soixante-treize substituants pouvant être utilisés pour les récipients, les ustensiles de cuisine ou encore les emballages en carton.
S'il existe des process industriels efficaces, il serait ridicule de nier que des difficultés demeurent, et certains de nos industriels demandent du temps : le conditionnement de certaines denrées solides, liquides ou acides, ainsi que la résistance à la chaleur posent encore des problèmes.
Quant à la question de l'exportation, il me semble difficile que le Parlement choisisse d'interdire une substance sur notre territoire mais en autorise l'exportation à l'étranger. C'est un problème d'éthique et de morale. Les députés français ne peuvent protéger leur population tout en autorisant l'empoisonnement des autres. Reste que l'exportation est un réel enjeu, a fortiori quand elle concerne entre 30 et 40 % de la production, comme c'est le cas dans ma circonscription.
Mais inversons le raisonnement et admettons que nous tirerons un bénéfice d'avoir été précurseurs en la matière.
Les consommateurs allemands, scandinaves ou italiens vont vite comprendre en effet que le bisphénol, ce n'est pas terrible. Et si nos entreprises sont en mesure de fabriquer et d'exporter des produits sans bisphénol, cela leur conférera un avantage compétitif indéniable, ce qui aura un impact positif pour l'emploi. Nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'évoquer plus précisément la question du délai qu'il convient de prévoir dans la loi.
Lors de la Conférence environnementale du mois de septembre, le Premier ministre a clairement dit qu'il était hors de question de substituer à un produit dangereux un autre dont on ignore s'il l'est ou pas, ce qu'aucun parlementaire ou législateur sensé ne peut contester. Gérard Bapt a donc proposé un amendement aux termes duquel le Gouvernement devra, d'ici un an, remettre au Parlement un rapport sur les substituants et leur éventuelle dangerosité ou absence de dangerosité. C'est un amendement de responsabilité, essentiel pour la santé publique, car il est hors de question que les pouvoirs publics signent n'importe quoi, sans être éclairés sur les effets potentiels de leurs décisions, et il faut que les industriels puissent, dans les délais, obtenir des résultats et être en mesure de fabriquer des produits dont l'innocuité est garantie.
Le Sénat a fait, par la voix de Mme Jouanno, un certain nombre de propositions qui ne sont pas raisonnables ; on ne peut interdire d'un trait de plume 80 % du matériel utilisé dans les hôpitaux ou les cabinets médicaux ! Cela constituerait une rupture de la chaîne de soins. La liste proposée par Mme Jouanno était nettement exagérée. En revanche, l'amendement de Gérard Bapt sur les tubulures utilisées pour les nourrissons est d'autant plus légitime qu'il existe un fabricant français qui peut en fabriquer de non toxiques.
Je terminerai sur une belle note d'espoir. Nous avons auditionné des chercheurs de Toulouse et de Montpellier, qui nous ont convaincu qu'après la filière bois, la France tenait, avec la fabrication de substituts à partir de la biomasse, une nouvelle filière d'excellence : avec les écorces, les aiguilles de pin, les tiges de maïs, les pépins de raisin, le tanin, nous avons eu un aperçu de la manière dont pourraient ainsi se fabriquer en laboratoire nos futures boites de conserve. Des brevets français ont été déposés, reste à lancer les process industriels. Je le répète, il y a là une filière qui peut se développer de manière formidable.
Pour résumer, le bisphénol, ce n'est pas l'arsenic, comme le disait la présidente de notre commission ; ce n'est pas non plus l'amiante, et j'en sais quelque chose. Nous n'en sommes pas à ce niveau-là. Alors que le fameux comité permanent amiante a, pendant quinze ans, sans cesse reculé l'interdiction, nous avons choisi d'agir, de manière raisonnable, tant pour les industriels, qui vont pouvoir s'adapter, que pour la santé publique, que nous protégeons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de Gérard Bapt vise à suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, en modifiant la loi de 2010, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée, qui suspendait la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A.
Cette proposition de loi avait été adoptée en première lecture il y a un an, avec le soutien du groupe UMP et du gouvernement de l'époque. En effet, son examen avait coïncidé avec la publication, en septembre 2011, d'un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES.
Le précédent gouvernement avait choisi d'être transparent sur le sujet des perturbateurs endocriniens, et il avait pour cela commandé, en 2009, une série d'expertises grâce auxquelles nous pouvons légiférer aujourd'hui. C'est ainsi que l'ANSES a élaboré une expertise sur les dangers et les usages du bisphénol A, dont elle a publié, en 2011, les conclusions. Elle examine l'ensemble des études scientifiques récentes, dont celles de l'expertise collective de l'INSERM, sur les effets de cette molécule relativement courante dans notre environnement quotidien, puisqu'elle est présente, par exemple, dans l'intérieur des boites de conserve ou des canettes, mais aussi les plastiques utilisés dans l'automobile, l'électronique, l'électroménager, la construction ou le secteur médical. L'Agence arrivait ainsi à la conclusion que l'on « disposait de suffisamment d'éléments scientifiques pour identifier d'ores et déjà comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants, ainsi que les femmes enceintes et allaitantes, cet objectif passant par la réduction des expositions au bisphénol A, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires qui constituent la source principale d'exposition de ces populations ». Dès lors, il convenait d'agir.
Dans ces conditions, le groupe UMP, comme il l'avait fait en première lecture, soutiendra cette proposition de loi et salue le travail de notre rapporteur Gérard Bapt. Nous considérons en effet que, si l'ANSES a confirmé les signaux concernant les effets potentiels du bisphénol A sur la santé, il convient d'agir pour mettre en oeuvre la substitution.
Nous nous réjouissons d'ailleurs que la loi de 2010 suspendant la vente des biberons contenant du bisphénol ait permis la disparition quasi totale de tous les contenants à destination des nourrissons. C'était l'urgence, puisque l'ANSES avait pointé des périodes de plus grande vulnérabilité, que ce soit la période pré- ou postnatale.
Reste donc aujourd'hui le problème de l'innocuité des produits de substitution. En effet, il est indispensable de disposer de substances de substitution à la fois efficaces et sans risque. Un appel a été lancé à la suite de la publication du rapport de 2011, qui visait à recueillir des données sur ces éventuels produits de substitution : soixante-treize alternatives ont été identifiées. Le dossier a bien avancé depuis l'année dernière, mais il faudra certainement encore un peu de temps.
La suspension de la commercialisation des conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A ne pourra être efficace qui si les substituts sont inoffensifs et que l'on prend le temps de s'en assurer. En outre, il ne faut pas pénaliser notre industrie par des mesures trop brutales, car le bisphénol reste autorisé dans la plupart des pays du monde.
C'est la raison pour laquelle un délai avait été prévu : l'interdiction dans les conditionnements alimentaires devait prendre effet à partir de 2014, ce qui laissait deux années complètes à l'industrie pour s'adapter. Le gouvernement de l'époque, afin de prendre en compte les populations les plus fragiles, avait fait adopter un amendement afin que la suspension prenne effet dès 2013 pour les produits destinés aux enfants de moins de trois ans.
Il est indispensable, aujourd'hui, de maintenir un délai conséquent : juillet 2015 nous semble un délai raisonnable, sachant que les conditionnements destinés aux enfants de moins de trois ans resteront soumis à un délai beaucoup plus court.
Les amendements adoptés par la commission des affaires sociales vont également dans le bon sens. Je pense notamment à celui qui précise que l'interdiction se cantonne aux produits « qui entrent en contact direct avec les denrées », ainsi qu'à celui qui prévoit un rapport évaluant les substituts possibles un an avant la date d'interdiction, afin de pouvoir l'aménager si besoin était.
Dans ces conditions, le groupe UMP continue, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à apporter son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai à coeur aujourd'hui de prendre part à la discussion générale de cette proposition de loi visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
C'est une question à laquelle, comme beaucoup d'entre vous sans doute, je suis attentive depuis plusieurs années. Je le suis, bien sûr, en tant que députée ; je le suis aussi en tant que mère et maire – vous pouvez choisir l'orthographe que vous voulez. Je suis en effet élue locale dans une ville qui attache beaucoup d'importance à la petite enfance et où la question du bisphénol A s'est posée dès les années 2000.
La question a été portée, d'abord, par les professionnels de la petite enfance, eux-mêmes alertés sur les perturbations endocriniennes possiblement causées par l'usage du bisphénol A dans les biberons par leurs collègues exerçant outre-Atlantique et plus particulièrement au Canada.
Au nom du principe de précaution, nous avons opté pour l'usage des biberons en verre au sein de toutes les crèches municipales, quand bien même cela rendait plus complexe le travail des équipes de puériculture : pour une centaine d'enfants, à raison de trois biberons quotidiens, et ce 250 jours par an, je vous laisse imaginer le nombre de manipulations de biberons en verre, donc plus délicates, réalisées chaque année à l'échelle de la ville. Environ 75 000.
Peu à peu, la découverte par le grand public de cette problématique, les interrogations grandissantes des parents comme les études complémentaires nous ont confortés dans ce choix, qui s'est trouvé justifié par les études scientifiques.
L'évolution dont nous discutons aujourd'hui, dans le prolongement de la loi de juin 2010, qui concernait uniquement la présence de bisphénol A dans les biberons, est un grand pas. Il est très attendu. Il reconnaît à ce sujet sa vraie dimension de problème de santé publique dépassant la petite enfance. Il consacre une restriction par la loi qui, dans l'état actuel des études et au-delà des comportements déjà adoptés à l'échelle locale voire individuelle, préserve l'ensemble de la population des expositions, notamment ceux qui y sont le plus sensibles, les nourrissons, les enfants en bas âge et les adolescents.
Je souhaite saluer, à cette occasion, l'implication dans ce dossier de notre collègue député de Haute-Garonne Gérard Bapt, déjà saluée par beaucoup d'orateurs. Il mène ce combat depuis des années dans le cadre de la commission des affaires sociales, avec détermination et responsabilité.
De la détermination, il en a fallu dès l'origine, tant les effets sur la santé du bisphénol A ont longtemps été contestés. L'évolution de la position des industriels lors des dernières auditions témoigne à cet égard du chemin parcouru. La prise de conscience du problème est désormais collective et partagée.
De la détermination, il en a fallu aussi pour donner un signal fort à l'industrie. Cela a permis, sans aucun doute, d'accélérer le lancement des recherches réalisées par les industriels pour trouver des substituts au bisphénol A. De ce point de vue, je partage l'avis de notre collègue Christian Hutin selon lequel cela donne à la filière française des atouts par rapport aux autres pays.
Cette détermination, pour tenace qu'elle soit, doit aussi faire preuve de responsabilité en s'assurant de la faisabilité effective des décisions que nous sommes amenés à voter. Sans renoncer sur le fond, nous devons prendre en compte les réalités du terrain, notamment celles des industriels, tant dans les délais d'application que dans l'application de la loi. Les calendriers proposés et l'échelonnement des obligations satisfont à cette exigence de responsabilité en faisant la distinction entre les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et les autres. Une application plus large aurait rendu la mesure inapplicable dans les délais impartis.
La responsabilité commande d'interdire un produit quand il s'avère dangereux pour la santé, mais en s'assurant bien évidemment aussi de l'innocuité des substituts qui seront proposés. La demande qu'à la date du 1er juillet 2014, soit six mois avant l'entrée en vigueur de la loi, un rapport soit remis par le Gouvernement au Parlement évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité, va dans ce sens.
Je me réjouis donc de cette évolution législative. Je salue à cette occasion celles et ceux qui ont pris toute leur part dans le processus. Les associations, dont certaines auraient sans doute voulu plus et plus vite. Il faut des aiguillons, tel est leur rôle. Les chercheurs, dont les travaux ont clarifié les vrais enjeux. Les entreprises, qui doivent intégrer cette nouvelle donne au nom de la santé publique sans que soit remis en cause leur positionnement au plan européen, voire international. À nous, politiques, de concilier tous ces enjeux, comme le propose ce texte. Je forme le voeu que la France soit suivie dans cette action au niveau européen et au plan mondial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la course folle de l'industrie agroalimentaire au productivisme et à l'augmentation permanente des dividendes nous a menés, au fil des ans, à des catastrophes sanitaires connues de tous. Comme chacun le rappelle ici, le bisphénol A est, dans cette lignée, responsable, entre autres, de perturbations endocriniennes et de troubles de la reproduction chez l'homme. Les rapports scientifiques prouvant la nocivité de ce produit s'accumulent depuis des années. Celle-ci a déjà été reconnue par le législateur, puisque la loi du 30 juin 2010 interdit sa présence dans les biberons.
Pourtant, ce produit est toujours largement utilisé comme composant des plastiques servant d'emballage de produits alimentaires. Le Parlement français a voté en 2005 la charte de l'environnement qui consacre constitutionnellement le principe de précaution. Nous sommes toujours prêts à consacrer de grands principes et à faire de grandes déclarations, mais il y a souvent loin de la parole aux actes. Le citoyen français, qui est aussi un consommateur, continue, en 2012, d'être obligé de consommer des produits de la nocivité desquels il ne se doute même pas. Cette nocivité est pourtant bien connue des services compétents. Nulle part le consommateur n'est informé des risques auxquels l'exposent ces molécules ! Nulle part il n'est informé que ces molécules migrent du plastique vers l'aliment qu'il emballe !
Mais mieux vaut tard que jamais, c'est la raison pour laquelle je voterai cette loi qui va dans le bon sens. Mais cela n'exonère en rien de leurs responsabilités ceux qui, pendant des années, n'ont pas suffisamment réagi, alors qu'ils avaient connaissance des dangers auxquels ces molécules exposaient la santé des Français. La discussion de cette proposition de loi devrait permettre à la représentation nationale de s'interroger sur le modèle de développement que nous souhaitons adopter. Voulons-nous poursuivre dans la voie de l'agriculture industrielle et intensive ? Dans la voie d'une perturbation toujours plus grande des processus naturels ? Allons-nous continuer à être soumis au diktat de quelques groupes de pression à la solde des multinationales de la filière agroalimentaire ? Le vote de cette loi est une nécessité qui ne doit pas nous empêcher, je l'espère, d'aborder prochainement ces différentes questions.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici aujourd'hui réunis pour examiner une proposition de loi tendant à suspendre la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Il m'est impossible de débuter mon propos sans rendre hommage à notre rapporteur, Gérard Bapt qui, dès le 8 juin 2009, a été le premier parlementaire à alerter le Gouvernement et la ministre de la santé de l'époque sur la nécessité et l'urgence de bannir l'utilisation de biberons fabriqués à partir de ce produit.
Je salue la qualité de son rapport, remarquablement argumenté sur le plan scientifique. Je le salue d'autant plus qu'il nous permet aujourd'hui d'agir en responsabilité dans un contexte marqué par une belle unanimité. En effet, tant parmi les élus que parmi les industriels, chacun s'accorde à reconnaître la dangerosité du bisphénol.
Alors que ses effets néfastes ont été prouvés depuis près de vingt ans sur les animaux, peu à peu les chercheurs se sont intéressés aux conséquences que cette substance pouvait avoir sur les êtres humains. Ainsi, en 2006, une quarantaine de chercheurs ont pu lister différentes pathologies : augmentation des cancers du sein, malformations uro-génitales chez les garçons, déclin de la fertilité, avancement de la puberté chez les filles… Cela ne peut évidemment pas manquer d'interroger les législateurs, mais aussi les citoyens que nous sommes.
Aussi, je veux insister sur ce qu'est ma conviction profonde sur ce dossier. Il y a différents niveaux de risques, qu'il convient bien évidemment de distinguer.
Comme je le rappelais dans le cadre des travaux de la commission, il convient de distinguer la façon dont est utilisé le bisphénol A. En effet, selon que le bisphénol A est utilisé pour l'intérieur des emballages, c'est-à-dire en contact direct avec le produit, ou seulement sur les parties extérieures qui forment l'emballage, ce n'est pas la même chose, me semble-t-il.
Il y a également une inégalité de moyens entre, d'une part, d'importants industriels, comme Nestlé dans ma circonscription, qui ont les moyens de financer une recherche et une innovation rapides pour trouver des substituts et, d'autre part, de petites entités, spécialisées dans la filière bio, par exemple. Nos collègues du groupe écologiste en conviendront. Cela justifie amplement que nous aménagions l'entrée en vigueur de la loi en repoussant la date de l'interdiction définitive.
Ainsi, Nestlé a engagé trente projets de substitution sur les produits les plus courants comme les boissons instantanées ou bien encore les laits infantiles. Les industriels s'engagent là dans un processus au long cours, avec l'instauration de tests à durée de vie complète, qui peuvent d'ailleurs aller jusqu'à trente mois. Il s'agit là du bon espace-temps pour mesurer l'évolution du produit avec le substitut testé.
Par ailleurs, nous faisons le choix d'inciter les entreprises à s'inscrire dans un processus de transition industrielle progressif et raisonné. Dans le contexte économique qui est le nôtre, j'y vois là un signe positif dont je veux me réjouir, quand certains se laissent aller à la morosité. En effet, avec l'adoption de cette proposition de loi, nous plaçons notre pays dans une position de précurseur au niveau européen. Par ricochet, nos entreprises, en jouant le jeu de l'adaptation, seront rendues plus compétitives, comme cela a d'ailleurs déjà été rappelé.
Je me félicite donc de l'adoption de cette proposition de loi qui, au-delà des enjeux évidents de sécurité sanitaires et de protection du consommateur citoyen auxquels elle répond, nous inscrit aussi dans un cadre vertueux. Elle permet aussi et surtout une transition industrielle progressive, ainsi que l'adaptation des outils de production. Cette loi est équilibrée car elle repose en quelque sorte sur ses deux pieds. Elle sera enrichie d'amendements que nous allons examiner pour la rendre plus lisible et plus équilibrée encore. Ils seront, je l'espère, accueillis avec bienveillance par le rapporteur et le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j'ai sollicité la possibilité de m'exprimer dans la discussion générale sur ce texte après avoir été plusieurs fois interpellée, depuis plus d'un an, par des industriels fabricants de conserves, dans ma circonscription. Elle est en effet capitale européenne de la conserve de poisson. On y trouve également un certain nombre de producteurs de pâté renommés et un fabricant de boites métalliques.
Dans le contexte de crise économique que nous vivons tous, et plus particulièrement de l'augmentation du prix des matières premières que les industriels de l'agroalimentaire subissent de plein fouet, j'ai été attentive à leurs interpellations sur les délais de l'interdiction du bisphénol A, sur le coût de sa mise en oeuvre et sur la suspension des exportations. J'ai mesuré les conséquences économiques qu'une interdiction trop rapide pourrait avoir dans les entreprises si elle était « déconnectée » de la réalité industrielle.
Après que vous avez bien voulu, madame la présidente, nous donner la parole en commission, mes collègues Chauveau, Bricout, Guilbert et moi-même avons déposé quatre amendements qui permettraient, s'ils étaient adoptés, d'encourager encore davantage les industriels à porter l'impératif de santé publique que nous partageons tous. Il n'est pas question de remettre en cause ici l'interdiction du bisphénol A, dont la dangerosité est avérée. On dispose de solides arguments à l'encontre de cette substance chimique utilisée depuis plus de quarante ans dans notre pays pour des usages alimentaires et non-alimentaires, et dont la toxicité est aujourd'hui avérée, par exemple pour la reproduction. De nombreux avis scientifiques ont été émis, notamment par l'Agence nationale de sécurité sanitaire en 2011, justifiant en effet une interdiction par précaution. Je me réjouis donc de son interdiction, effective dès 2013, dans les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans.
« Le principe de précaution n'est pas une sanction », avez-vous déclaré, madame la ministre. Je partage votre avis. Néanmoins, remplacer trois millions de tonnes de bisphénol A, au demeurant importé, par un autre produit n'est sans doute pas simple, et rien ne serait pire que de le remplacer par des substances insuffisamment évaluées, qui ne donneraient pas toutes des garanties sanitaires.
La prise en compte du risque, le travail de recherche initié depuis plusieurs années par les conserveurs et les fabricants de boîtes sont, me semble-t-il, une preuve de leur engagement. À titre d'exemple, Franpac, à Douarnenez, produit déjà sept à huit millions de boîtes contenant des produits de substitution au bisphénol A. Il est, par contre, plus problématique de trouver des substituts pour certains types de boites de conserves, en particulier celles contenant des denrées acides. Des substances de remplacement aux résines époxy fabriquées à base de bisphénol A sont en cours d'étude. Leur innocuité est à prouver, ainsi que leur conformité aux différents usages alimentaires.
C'est un équilibre entre le temps de la recherche, celui de l'évaluation et la réalité de la production industrielle qu'il nous faut trouver. L'enjeu est de taille pour les chefs d'entreprise aussi. Rappelons que la sécurité alimentaire est leur priorité, dont dépend leur réussite économique. La date du 1er janvier 2016 ou celle de juillet 2015 votée par le Sénat permettrait aux industriels d'adapter leur appareil de production dans des délais compatibles avec leur réalité économique et raisonnables pour assurer la sécurité alimentaire des consommateurs.
Quant aux conserveurs et fabricants de boîtes métalliques, l'enjeu à moyen terme réside également dans la gestion de leurs stocks. Dans un contexte économique difficile, marqué par la diminution de la consommation des ménages, imposer une nouvelle contrainte à l'exportation et à la mise sur le marché risque peut-être de freiner l'un des moteurs de croissance de l'industrie française qu'est l'agroalimentaire.
Pour rappel, la filière des conserves réalise 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires à l'export. Pour l'entreprise Franpac de Douarnenez, c'est 80 millions d'euros, soit 40 % de son chiffre d'affaires. De plus, les commandes sont passées annuellement, les emballages sont personnalisés et concernent des produits saisonniers avant récolte. Aussi, les stocks de boîtes sont importants et représentent environ 15 millions d'euros.
Nous sommes précurseurs pour l'interdiction du bisphénol A. C'est bien. Mais il faut aussi que nous soyons suivis par l'Europe, et rapidement. Nous devons tout faire collectivement pour que cette interdiction soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions pour les industries de la conserve, pour lesquelles cela pourrait devenir un avantage commercial. Il y va aussi de notre crédibilité et de la confiance envers notre travail.
Vous l'aurez compris, je soutiens bien évidemment cette proposition de loi. Je remercie moi aussi Gérard Bapt pour son engagement de longue date sur les questions de santé publique – et je pense en ce moment aux victimes du Mediator – et pour sa contribution perspicace à l'enrichissement de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie tous pour la qualité de vos interventions et pour le consensus qui se fait jour au-delà des différentes appréciations, d'ailleurs tout à fait légitimes compte tenu de l'importance du sujet auquel nous sommes confrontés et de la relative incertitude qui pesait, au cours des années passées, sur la nécessité de prendre à bras-le-corps cette question. Aujourd'hui, tout le monde est conscient qu'il est nécessaire d'aller plus loin.
Monsieur Door, je vous remercie du soutien de votre groupe à cette proposition de loi. Vous avez raison d'indiquer – plusieurs voix se sont élevées en ce sens et nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen des articles – que nous devons en même temps agir pour garantir l'innocuité des produits ou des matériaux qui viendront remplacer ceux qui contiennent du bisphénol A. Nous sommes au début d'un processus. D'autres substances sont déjà mises en cause. Il va falloir aller plus loin et garantir l'innocuité des substituts que nous proposons. C'est parce que nous savons que des produits à l'innocuité avérée existent et sont déjà utilisés par de nombreux industriels que nous pouvons nous engager résolument dans la voie qui est aujourd'hui proposée. Un amendement du rapporteur, adopté en commission, prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 1er juillet 2014, un rapport sur l'innocuité des substituts. C'est là un élément important.
Monsieur Pancher, je salue la mobilisation de l'UDI en soutien à cette proposition de loi. Il est évidemment important de garantir l'indépendance des agences. Le Gouvernement s'attache à garantir la transparence. À cet égard, je veux indiquer à la représentation nationale qu'une charte de l'expertise est en cours de rédaction.
Monsieur Roumegas, j'entends bien le débat que vous posez. Pour vous, au fond, puisque nous savons que, dans un certain nombre de domaines, des produits à l'innocuité avérée sont disponibles, puisque le débat a été engagé depuis déjà un certain temps et que les parlementaires se sont mobilisés pour faire interdire le bisphénol A dans les contenants alimentaires, pourquoi ne pas aller plus vite et avancer la date de l'interdiction ? Certains de vos collègues, comme Jean-Louis Bricout et Annick Le Loch, sont intervenus exactement en sens inverse.
Nous avons trouvé une date permettant aux entreprises de s'adapter. En effet, il ne suffit pas de dire qu'il existe un produit de substitution. Ce produit doit pouvoir être incorporé dans des contenants, fabriqué et mis sur le marché. Un point d'équilibre avait été proposé par le rapporteur dans la proposition de loi initiale. Nous propos simplement de maintenir le même délai. On peut regretter que nous ayons perdu du temps au cours des derniers mois mais nous devons maintenant indiquer clairement l'objectif, le cap – il ne s'agit pas de tergiverser – tout en prévenant les entreprises qu'elles ont deux ans pour réaliser les transformations nécessaires.
Monsieur Bricout, madame Le Loch, un grand nombre d'entreprises ont déjà commencé à travailler, elle ont été alertées par le lancement des travaux parlementaires. Aujourd'hui, à part pour certains aliments très spécifiques pour lesquels il est encore difficile de trouver le produit qui permettra de remplacer le bisphénol A, les entreprises savent comment aller plus loin.
À cet égard, je rejoins ceux d'entre vous qui ont mis l'accent sur le fait qu'il pouvait être valorisant de mettre en avant des produits sans bisphénol A. Les premières entreprises qui arriveront sur le marché avec de tels produits auront un avantage compétitif. Espérons que ce seront des entreprises françaises plutôt que des entreprises de pays ayant engagé la recherche plus tôt et ayant pris des mesures d'interdiction plus rapidement.
Je vous rassure, monsieur Roumegas, l'on ne va pas laisser sur le marché des biberons contenant du bisphénol A susceptible de porter atteinte à la santé. Il y a deux échéances. Le 1er janvier 2013, il n'y aura plus de biberons avec du bisphénol A. Nous complétons d'ailleurs la proposition de loi pour éviter une situation assez étrange due au fait que, juridiquement, les choses étaient écrites de façon un peu compliquée et que personne n'avait vu le problème. Il n'est pas question qu'il puisse y avoir des biberons avec bisphénol A dans les maternités alors qu'on ne pourrait plus en vendre dans les grandes surfaces et les pharmacies. Il ne doit plus y en avoir du tout.
Je remercie Marc Dolez du soutien qu'il a apporté au texte au nom de son groupe. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faudra aller plus loin dans la lutte contre les substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Telle est la volonté du Gouvernement.
Monsieur Hutin, vous avez rappelé de façon brillante l'historique de cette proposition de loi, le combat dans lequel elle s'inscrit, la nécessité d'être tenace tout en étant réaliste par rapport à la réalité industrielle, parce qu'il s'agit au fond de notre sécurité à tous, de la sécurité de nos concitoyens. Compte tenu des combats que vous avez malheureusement eus à mener par ailleurs, vous êtes mieux placé que quiconque pour savoir que certains produits qui apparaissaient comme inoffensifs se sont révélés catastrophiques. Mais je vous remercie aussi du ton mesuré que vous avez employé pour présenter la situation du bisphénol A.
Je vous remercie de vous être pleinement impliqué, d'avoir expliqué qu'il était nécessaire d'avoir des règles claires et qu'il n'était pas possible d'exporter des produits que nous interdirions sur le sol français. Un tel système n'offrirait d'ailleurs aucune garantie à nos entreprises parce que d'autres pays européens vont adopter très rapidement la même législation. Quant à exporter en dehors de l'Europe ce dont nous ne voulons pas, ce ne serait ni défendable ni acceptable. Ce qui n'est pas bon pour notre pays ne peut évidemment être considéré comme bon pour d'autres.
Madame Laclais, je salue votre engagement, en tant que maire et en tant que mère. Effectivement, comme je l'ai déjà souligné, l'absence de produits toxiques peut être une chance pour la filière industrielle française. C'est vraiment un atout dont nous devons nous servir.
Le délai de deux ans prévu par le texte paraît aujourd'hui suffisant pour permettre aux entreprises d'adapter leurs parcours industriels. Elles ont d'ailleurs commencé à travailler en ce sens. Nous avons donc aujourd'hui, grâce à l'implication de tous, la possibilité de nous engager fortement à la fois pour la santé de nos concitoyens et pour le renouveau et la sécurité de nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je me félicite à mon tour que la proposition de loi interdisant le recours au bisphénol puisse être adoptée prochainement et fasse l'objet d'un consensus dans cet hémicycle. La France doit être aux avant-postes de la protection du consommateur, et nous devons veiller particulièrement à la santé de nos concitoyens.
Cela dit, il faut aussi un équilibre. Si nous mettons en avant l'impératif de santé publique, nous devons également prendre en compte la capacité de nos entreprises à affronter une période économique particulièrement difficile. L'impératif de redresser notre économie doit contrebalancer celui de préserver la santé publique.
Il y a dans la circonscription dont je suis l'élu une PME qui fabrique des boîtes métalliques. Le chef d'entreprise, que j'ai rencontré, et les 220 salariés sont particulièrement inquiets des implications de cette proposition de loi. Ils travaillent depuis quelques mois sur les produits alternatifs au bisphénol, ils sont conscients de la situation et n'ont pas attendu la discussion de ce texte, mais, vous l'avez souligné, madame la ministre, il faut du temps pour trouver les processus industriels, les mettre en oeuvre et vérifier l'innocuité des substances alternatives. M. Chauveau, M. Bricout, Mme Guilbert et Mme Le Loch ont déposé un certain nombre d'amendements sur ce point. Je m'associe à leur démarche.
Je m'associe également à leur démarche pour ce qui concerne l'exportation. Nous savons que, dans le contexte actuel, nos PME ont des difficultés à exporter. Je ne voudrais pas que la France, qui doit légitimement être aux avant-postes européens en matière de préservation de la santé publique, porte atteinte aux capacités de développement d'un certain nombre de nos filières industrielles.
J'espère que vous regarderez avec attention et bienveillance ces amendements qui me semblent obéir à cette logique d'équilibre que j'évoquais au début de mon propos, équilibre entre l'impératif de préserver la santé publique et celui de favoriser le redressement productif que notre pays doit réaliser et que le Gouvernement met en oeuvre chaque jour.
La protection de nos concitoyens est bien sûr un enjeu majeur, un impératif de santé publique, mais nous ne pouvons pas non plus faire abstraction de la situation économique et de la vie de nos entreprises. Or certains peuvent considérer que la proposition de loi repose sur une application extensive du principe de précaution, et qu'il pourrait être trop tôt pour se prononcer sur la possibilité de remplacer le bisphénol A, ou BPA, par des substituts évalués et fiables.
Cette proposition de loi impose des délais aux entreprises. Je rejoins à cet égard Mme Le Loch : nous sommes un certain nombre à trouver préférable un délai qui coure jusqu'au 1er janvier 2016. De nombreuses entreprises sont aujourd'hui dans l'incapacité, même si des recherches sont en cours, de trouver des substituts au bisphénol A, non par manque de volonté, car elles ont le souci de la santé publique, mais à défaut de suffisamment de temps pour obtenir toutes les données nécessaires, notamment dans le domaine toxicologique, concernant les substituts possibles.
Un autre point pose problème. La France sera le premier pays à interdire l'utilisation du bisphénol A. C'est peut-être très bien d'être précurseur dans le domaine, mais cette façon brutale d'agir, qui ne laisse pas assez de temps à nos entreprises pour trouver des substituts sur la base des nécessaires études toxicologiques, risque de les placer face à une compétitivité déloyale des entreprises de nos partenaires européens et des autres pays.
Mon propos ira dans le même sens que celui des deux orateurs précédents. Si nous sommes, les uns et les autres, convaincus de la nécessité de suspendre l'utilisation du bisphénol A, le principal sujet qui peut aujourd'hui faire débat, c'est l'assurance de l'innocuité des substituts. L'industrie alimentaire s'est clairement engagée dans le processus de recherche, aucun reproche ne peut lui être adressé à cet égard, mais je crois que les substituts pressentis doivent faire l'objet d'une évaluation scientifique exhaustive avant leur généralisation. Ce travail de recherche nécessite du temps. Aussi conviendrait-il de s'en tenir à la sagesse du Sénat, qui avait proposé la date du 1er juillet 2015. Je serais même plus enclin encore à soutenir la proposition faite par Annick Le Loch de retenir la date du 1er janvier 2016.
Comme Arnaud Robinet vient de le rappeler, il ne faut pas sous-estimer l'impact potentiel de cette mesure sur notre activité agroalimentaire – c'est important – ainsi que sur l'emploi, sujet sur lequel je suis certain que tout le monde se retrouvera.
L'article 1er vient de susciter des préoccupations que nous partageons tous. Même si je n'ai pas de conserverie sur le territoire de ma circonscription, je suis comme tout un chacun ici soucieux de l'intérêt général et, surtout dans la période actuelle, de la situation de l'emploi.
Toutefois, monsieur Robinet, en matière de bisphénol A, il ne s'agit plus du principe de précaution ; il s'agit, cela doit être bien clair dans nos esprits, de prévention. J'ai cité, à la tribune, trois études parues en 2012, une chinoise, une américaine, une espagnole. Une autre étude a été publiée le mois dernier, le 18 septembre, dans le JAMA, grande publication scientifique américaine. Conduite par le service de pédiatrie de l'université de New York et portant sur le suivi de 2 800 jeunes, elle a clairement mis en évidence que les enfants présentant les niveaux les plus élevés de bisphénol ont deux fois plus de risque d'être obèses ou en surpoids que ceux ayant les concentrations les plus faibles. Il s'agit de lutter aussi contre cette épidémie d'obésité, de diabète, de dysmétabolie.
La suite du débat, la discussion des amendements montreront que nous avons également tenu compte des impératifs économiques de nos entreprises.
S'agissant des polycarbonates, il ne reste plus qu'un seul problème. Il existe des substituts pour tous les éléments, sauf dans le cas des fontaines à eau, qui utilisent de grosses bonbonnes de 30 litres pour lesquelles un substitut au bisphénol A ayant les caractéristiques de résistance suffisantes n'a pas encore été trouvé. Pour les bouteilles d'eau minérale de 150 centilitres, il n'y a plus de problème depuis longtemps. Il ne reste donc, en ce qui concerne les polycarbonates, que ce cas particulier. Par ailleurs, demeure le problème de l'époxy ; nous en reparlerons à l'occasion des amendements.
S'agissant de l'exportation, il serait éthiquement choquant, comme l'a souligné Mme la ministre, de laisser diffuser dans d'autres pays un produit que nous interdirions pour notre population. Le sujet appelle deux remarques. Tout d'abord, la législation européenne va évoluer : les pays nordiques ou encore la Belgique suivent la même voie que nous. Sur les biberons, la Commission européenne a même été plus vite que les recommandations prises en compte par l'Europe après celles prises en compte par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
La proposition de loi représente une chance pour l'industrie française : si notre industrie est en avance pour les substituts, ce sera, sur les marchés extérieurs, en Allemagne, en Italie, en Espagne, où les consommateurs ne sont pas moins éclairés que les consommateurs français, un argument de marketing que de présenter ainsi des produits qui ne seront pas suspects d'avoir des effets délétères.
Cet amendement propose de remplacer les mots « comportant du » par « produit à base de », c'est-à-dire de reprendre la formulation initiale de la loi 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à partir de bisphénol A. Le BPA est le monomère de départ qui permet de fabriquer le plastique polycarbonate ou les résines époxydes à partir desquelles sont faits les vernis qui recouvrent l'intérieur des canettes ou des boîtes métalliques. Il est présent à l'état de trace infinitésimale, voire non détectable, dans les contenants alimentaires visés par la suspension. Une suspension des matériaux formulés à partir de bisphénol A permettrait donc d'assurer l'objectif de non-exposition des consommateurs tout en étant d'application plus claire pour les professionnels.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec le texte du 30 juin 2010 concernant la commercialisation des biberons. Il convient d'utiliser les mêmes termes, donc de remplacer les mots « comportant du » par « produit à base de ». Plusieurs alinéas du texte sont concernés par cette substitution.
La commission a repoussé ces amendements. L'expression « comportant du » est plus claire. Elle lève l'ambiguïté sur le mode de fabrication de la matière plastique ou de la résine ainsi que sur la proportion de BPA qui pourrait entrer dans sa composition. De toute façon, l'interdiction du BPA porte sur le conditionnement et non sur l'aliment lui-même. Le fait d'en trouver des traces dans l'aliment ne suffit pas à mettre en cause le producteur : le bisphénol A peut se trouver dans l'eau potable, par exemple. C'est pourquoi nous avons parlé de denrées alimentaires à l'exclusion de l'eau potable.
Défavorable, pour deux raisons. Je comprends le raisonnement qui consiste à rechercher une identité de termes avec la loi sur les biberons, mais il y a une différence fondamentale entre celle-ci et le présent texte. La première ne traitait que d'un seul produit ; nous allons à présent vers une interdiction globale, avec des produits beaucoup plus divers.
Cela m'amène à mon second point. L'enjeu de l'interdiction est de faire en sorte que le consommateur final ne consomme pas de produits alimentaires ayant été en contact avec du bisphénol A. Or, entre la production initiale et le moment où le produit est consommé, les aliments peuvent entrer en contact avec du BPA. Ces amendements, tels qu'ils sont rédigés, aboutiraient à ne pas tenir compte des conditions de transport, par exemple.
C'est l'objectif de cette PPL, beaucoup plus large que celui du texte sur les biberons, qui conduit à un changement de rédaction. Je demande donc le retrait des amendements, à défaut de quoi j'y donne un avis défavorable.
(L'amendement n° 35 est retiré.)
La crainte des industriels, telle qu'elle ressort de nos auditions, c'est qu'un certain nombre de contenus diffusant, de manière infinitésimale, du bisphénol A, on leur reproche un jour la présence de BPA dans leurs processus de fabrication. Je pense que les amendements de M. Decool et de Mme Le Loch visent à répondre à cette crainte.
Nestlé, par exemple, a réglé le problème. Il y a deux solutions possibles. Une entreprise bien connue de récipients transparents, Tupperware, pour ne pas la nommer, produit désormais des récipients sans BPA, en Tritan, et elle leur appose un logo « bisphenol-free », parce que ces récipients n'ont pas de contenu. Par prudence, Nestlé, comme nous l'ont dit ses représentants, ne porte pas la mention « sans bisphénol » sur ses produits car il y a un risque. En revanche, l'ensemble de la production de Nestlé est garanti sans bisphénol car c'est le cas de la fabrication. Je pense que c'est facilement vérifiable.
Comme l'a signalé Mme la ministre, les amendements auraient tendance à complexifier la loi, en particulier pour les industriels, s'agissant notamment des problèmes de transport et de chaîne d'alimentation. J'espère que j'ai pu rassurer nos collègues.
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 rectifié et 30 rectifié .
La parole est à M. Guy-Michel Chauveau, pour soutenir l'amendement n° 1 rectifié .
Tout d'abord, je salue les travaux qui ont été menés sur ce dossier depuis maintenant plusieurs années au Sénat, et à l'Assemblée nationale par le rapporteur Gérard Bapt et par vous-même, madame la ministre, mais aussi et surtout ceux de l'ANSES – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – et de l'EFSA – l'Autorité européenne de sécurité des aliments.
Si, sur le fond, je comprends tout à fait la position de Mme la ministre et je partage philosophiquement son point de vue, il y a tout de même un problème concernant la période transitoire parce que la Commission européenne a demandé à la France d'attendre l'avis de l'EFSA prévu pour le mois de mai 2013.
La réglementation relative aux contacts alimentaires est de compétence communautaire. À partir de la promulgation de cette loi et de la publication de ses décrets d'application, il va donc y avoir un déphasage entre la réglementation européenne et notre réglementation nationale.
Mon amendement porte bien uniquement sur la période transitoire, mais c'est très important parce qu'il faut que les entreprises françaises conservent leurs parts de marché à l'exportation. Le rapporteur et vous-même, madame la ministre, avez reconnu qu'il y aura peut-être deux produits concurrents. Certes, on espère que le nouveau produit sera très compétitif et qu'il l'emportera, mais je rappelle qu'il n'y a pas que le marché français, et qu'on ne peut pas perdre nos parts de marché en Europe et ailleurs parce que ce serait définitif. Nous avons des entreprises françaises aujourd'hui présentes au Maroc, aux Seychelles, etc. On ne peut pas perdre les marchés asiatiques !
Le rapporteur l'a dit en commission : ce problème concerne surtout l'emballage métallique car, qu'il soit en aluminium ou en acier, on a été ces vingt dernières années d'une remarquable productivité dans ce secteur. Aujourd'hui, il ne faut donc absolument pas perdre ces marchés. C'est la raison pour laquelle, durant la période transitoire, il faut garder à nos entreprises la possibilité complète d'exporter.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 30 rectifié .
Monsieur Chauveau, Mme la ministre a rappelé une chose qui compte : nous sommes la France et nous avons un engagement éthique à respecter. Par ailleurs, je ne comprends pas votre raisonnement : il faudrait conserver la possibilité d'exporter des produits conditionnés avec du bisphénol A… Y aurait-il donc deux chaînes de production, l'une à caractère intérieur et l'autre pour l'exportation ? Mais vous mettriez en danger les entreprises si vous les obligiez à avoir deux chaînes de production distinctes. Les pays qui reçoivent à l'heure actuelle les produits français se verront expliquer que ceux-ci sont dorénavant garantis sans bisphénol A, et je ne vois pas pourquoi ils renonceraient dès lors à importer nos produits de transformation.
Je donne un avis défavorable à ces amendements pour les raisons que j'ai déjà évoquées. À l'instar de M. le rapporteur, je ne comprends même pas comment matériellement cela pourrait se faire. Si on suit votre logique jusqu'au bout, indépendamment même des questions de sécurité, ce seraient des coûts extrêmement importants que vous mettriez à la charge des entreprises puisqu'il leur faudrait deux chaînes de fabrication.
Par ailleurs, j'indique que nous allons évidemment procéder à une notification européenne.
En outre, on a évoqué tout à l'heure un certain nombre de pays – la Belgique, le Danemark, d'autres encore – qui ont déjà interdit le bisphénol A et ont conduit leurs entreprises à s'engager dans la production de contenants alimentaires sans cette substance. C'est une réalité qui va progressivement se diffuser et s'imposer.
Je comprends parfaitement que vous soyez préoccupé par l'enjeu de la compétitivité et de la capacité de nos entreprises à être présentes à l'exportation, mais il va se trouver de facto allégé puisque l'ensemble des pays européens va progressivement aller dans le sens de la France.
Enfin, si nous considérons qu'il y a un danger pour la santé à utiliser de tels produits, ce qui nous amène à légiférer, comment pourrait-on continuer à les vendre sur le marché asiatique ? Progressivement les Asiatiques eux-mêmes, pour ne prendre que l'exemple que vous avez évoqué, souhaiteront pouvoir disposer de produits garantis inoffensifs pour leur santé.
J'abonde évidemment dans le même sens que le rapporteur et que Mme la ministre sur la question éthique. Il n'est décidément pas défendable de proposer d'exporter des produits que l'on juge impropres à la consommation en France.
J'ajoute un autre argument d'ordre industriel car, pour le coup, les intérêts des industriels sont mal défendus par eux-mêmes, il s'agit d'une vision à courte vue. On a évoqué, et je crois qu'il y a consensus sur ce point, le gain de compétitivité pour les industriels qui vont se mettre en conformité avec la législation que nous adoptons, et il est bien évident qu'il s'agit du marché international, en particulier du marché européen. En effet, n'en doutez pas, les consommateurs européens, notamment allemands et des pays du Nord, qui sont de gros clients pour nos produits agroalimentaires, seront les premiers à exiger des emballages sans bisphénol A issus de l'agroalimentaire français. Vouloir donner aujourd'hui aux industriels la facilité que vous proposez serait leur rendre un bien mauvais service parce qu'on supprimerait tout le gain de compétitivité qu'ils vont pouvoir obtenir. On a déjà des amendements qui proposent de repousser le délai et, si l'on supprimait l'obligation pour les exportations d'intégrer aussi l'interdiction du bisphénol A, l'on supprimerait vraiment tout avantage de compétitivité.
Par conséquent, je vous invite vraiment, mon cher collègue, à dépasser cette vision de court terme. On peut comprendre l'affolement de certains industriels devant la nécessité de s'adapter, mais leurs craintes vont tomber après l'adoption probable de l'allongement du délai à deux ans. Leur intérêt à long terme est de s'adapter pour tout, y compris pour le marché à l'exportation.
Nul ne peut dire, bien évidemment, que nos collègues qui ont cosigné ces deux amendements manquent d'éthique. Je pense qu'il s'agit d'un amendement d'appel pour évoquer la crainte de plusieurs entreprises exportatrices établies dans nos circonscriptions. Mais il se passera ce qui a eu lieu pour les biberons, et je rejoins le rapporteur : les consommateurs européens ne sont pas idiots, ils savent que le bisphénol A est dangereux, vont apprendre que la France l'a interdit et très vite exiger son interdiction chez eux. Mme la ministre a précisé qu'il est évident qu'une directive européenne doit rapidement se mettre en place pour que nous n'ayons aucun problème. C'est ce qui s'est passé pour les biberons. Bernard Cazeneuve aux affaires européennes peut parfaitement porter le dossier et pousser à la roue. Je pense que nous aurons un retour positif puisque nous serons les premiers à produire des contenants sans bisphénol contrairement à de nombreux autres pays et que nous en tirerons une réussite industrielle. Mais il y a maintenant une action à mener par rapport à l'Europe et c'est de la responsabilité du Gouvernement.
L'intervention de notre collègue Guy-Michel Chauveau est extrêmement importante, notamment par la question qu'il a soulevée de la conformité à la réglementation européenne. Quelques rappels : suite à l'adoption en première lecture de la proposition de loi, en octobre 2011, la France a bien sûr notifié sa décision à la Commission européenne, et celle-ci lui a demandé d'attendre l'avis de l'Agence européenne, prévu pour 2013, avant d'appliquer toute décision. Il faut donc attendre l'étude de réévaluation complète de sécurité sur le bisphénol A.
Si vous en croyez mon expérience d'une vingtaine d'années dans l'industrie et justement dans les biotechnologies, la question de la validation ne peut pas s'improviser en quelques mois, on est là dans des sujets très sérieux. En l'occurrence je vais donner l'exemple d'une entreprise en Alsace : elle exporte 75 % de sa production, pour l'essentiel vers l'Allemagne. Aujourd'hui, les consommateurs allemands ne sont pas sensibilisés au sujet et continuent à demander le même type de produits. Il se trouve que cette entreprise fabrique des moyennes et petites séries. Il est clair que dans l'ordre des priorités, on va toujours vouloir d'abord valider les grandes séries, ce qui veut dire que la production de cette usine va passer après d'autres, et en l'état actuel du timing proposé, je sais que les employés sont très inquiets parce qu'ils savent fort bien qu'ils ne pourront pas être conformes faute des ressources nécessaires pour valider les petites et moyennes séries. Or c'est bien sûr pour chacun des contenants proposés qu'il va falloir faire le même travail de validation.
Il faut donc mettre plus de pragmatisme et de réalisme quand on aborde ces questions. Peut-être pourrait-on intégrer un élément de souplesse dans le dispositif. En l'occurrence, il en va d'une centaine d'emplois. Je plaide pour l'emploi et je crois que tout le monde ici croit dans l'avenir industriel de la France, mais il faut lui donner les moyens de se battre, pas simplement à travers les très grandes entreprises mais aussi à travers les PME.
Compte tenu des déclarations de notre collègue Hutin et après avoir entendu que Mme la ministre s'engage à accélérer la procédure européenne parce qu'il faut absolument que ce sujet devienne une priorité, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 1 rectifié est retiré.)
Je remercie le docteur Christian Hutin pour l'oeuvre de pédagogie qu'il accomplit et, devant l'explication de Mme la ministre, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 30 rectifié est retiré.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 rectifié et 29 rectifié .
La parole est à M. Guy-Michel Chauveau, pour soutenir l'amendement n° 2 rectifié .
On sait que les entreprises maraîchères produisent très longtemps à l'avance et qu'elles sont obligées d'avoir des stocks d'emballages. C'est un amendement de bon sens.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 29 rectifié .
Compte tenu des délais extrêmement courts imposés aux industriels pour trouver des solutions alternatives à l'utilisation du bisphénol A, sachant que les emballages fabriqués pour le conditionnement des produits appertisés concernent principalement des produits saisonniers dont il est impossible de prévoir à l'avance le tonnage exact et que lesdits emballages sont donc fabriqués six à huit mois à l'avance afin de répondre en temps réel à la capacité de conditionnement très rapide des industries agroalimentaires, les fabricants d'emballages se retrouvent en fin de saison avec des stocks qu'ils ne livreront qu'à la saison suivante.
Pour ne pas pénaliser davantage l'industrie française qui va se retrouver très lourdement touchée par cette loi, il est demandé de supprimer les mots : « et la mise sur le marché » afin que cette suspension ne concerne que la production de conditionnements fabriqués à partir du 1er juillet 2015.
Je comprends tout à fait cette préoccupation, y compris par rapport à la saisonnalité pour les primeurs. Je pense aussi qu'il faut aussi parfois savoir appliquer ce qui doit l'être avec intelligence.
Peut-être n'y aura-t-il pas d'effet couperet et de contrôle trois jours après la mise en oeuvre de la mesure.
Si votre amendement était adopté, cela reviendrait à ce qu'on puisse mettre sur le marché des contenants avec bisphénol en France alors que leur importation serait interdite. Je ne pense pas qu'une telle situation – autoriser sur le marché français des contenants que nos partenaires européens ne pourraient pas nous vendre – résisterait à un recours.
Nous avons donc repoussé ces amendements, en incitant bien entendu les producteurs à se préparer au mieux et le plus rapidement possible, bénéficiant ainsi d'un gap de compétitivité à l'exportation.
Je suis obligée de donner un avis défavorable à votre amendement.
Monsieur le député, vous avez un si grand sourire que j'ai presque peine à vous opposer cet avis défavorable.
Je comprends parfaitement votre préoccupation. Ne croyez pas que le Gouvernement soit insensible aux enjeux et aux défis que doivent relever certaines de nos entreprises. Mais vous voyez bien que nous serions dans une situation extraordinairement difficile à justifier, non pas en droit mais en bon sens. Nous interdirions la fabrication de certains produits pour des raisons sanitaires, c'est-à-dire qu'il serait interdit que le consommateur se trouve au contact de contenants alimentaires avec du bisphénol A à partir d'une certaine date, fixée au 1er janvier 2015 dans le texte, et dans le même temps nous laisserions s'écouler des stocks.
Il y aurait une réglementation, la définition d'un danger sanitaire et, en même temps, l'écoulement de produits. Comment faire la différence entre la nouvelle fabrication et les stocks, surtout si les produits sortent d'une même entreprise et ne sont pas déjà dans les magasins ? En outre, on peut faire l'hypothèse inverse : les entreprises vont s'adapter dès maintenant et une grande partie des contenants sera sans bisphénol A avant la date d'interdiction définitive. Nous devons l'encourager et le souhaiter.
Enfin, l'argument juridique évoqué par Gérard Bapt est tout à fait juste : il serait incompréhensible que nous ne puissions plus importer des produits que nous laisserions s'écouler sur le marché intérieur.
Je comprends, monsieur le député, votre attention aux défis que rencontrent nos entreprises mais nous courrons un risque de confusion qui ne profiterait à personne.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, j'entends bien vos arguments et je suis prêt à les recevoir mais cela ne joue pas sur la totalité de la date limite d'utilisation des boîtes dont la production sera interdite après le 1er janvier 2015. La DLU des boîtes fabriquées avant le 1er janvier 2015 courra sur deux ou trois ans selon leur contenu.
Ici, nous parlons des quelques mois nécessaires pour écouler un stock qui, de toute manière, existera quelles que soient les prévisions que vous aurez pu faire. Prenons la production légumière et imaginons une poussée de cèpes extraordinaire chez moi, en Périgord (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Je prends cet exemple à dessein. Pouvez-vous anticiper une poussée extraordinaire de cèpes qui demande aux industriels de la conserve mais aussi aux ménages d'être très réactifs ? Je ne plaisante pas, parce que c'est une part importante de l'activité dans notre département.
Dans cet amendement, la suppression de « et la mise sur le marché » n'est pas destinée à repousser la mesure au-delà des délais nécessaires à l'industriel pour écouler le stock fabriqué. On ne va pas laisser sans emploi pendant quatre à six mois – de la fin de la mise en boîte des légumes à l'automne jusqu'à l'été suivant – les cent personnes qui sont concernées chez moi. Que vont-ils faire en matière de production de boîtes pendant cet intervalle ?
Cette suppression ne vise pas non plus à autoriser une fabrication qui ne serait pas nécessaire. Il s'agit seulement de gérer une partie du stock qui va faire inévitablement partie de la production des industries et va permettre d'assurer l'emploi des ouvriers qui travaillent dans ces entreprises.
Madame la ministre, je n'ai peut-être pas le même sourire que Guy-Michel Chauveau mais j'ai entendu la plaidoirie des collègues socialistes qui ne me perturbe pas, au contraire : je pense que la date couperet du 1er janvier 2015 sera difficile à tenir. Il serait plus raisonnable de reporter l'échéance à juillet 2015, de façon à pouvoir écouler tous ces emballages. À force d'écouter, je vais céder à la plaidoirie de nos collègues socialistes et de M. Decool et je pense que nous adopterons cet amendement.
Ce n'est pas possible !
(Les amendements identiques nos 2 rectifié et 29 rectifié ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Cet amendement concerne la deuxième restriction à la limitation qui a été introduite par la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale et qui n'était pas dans le texte initial et dans le texte adopté par le Sénat.
Le texte initial concernait les contenants « destinés à recevoir des produits alimentaires » alors que la version actuelle restreint l'interdiction aux parties « en contact direct avec les denrées ».
Après le recul du délai, cette limitation supplémentaire est un cadeau, une facilité totalement inutile et contre-productive y compris en termes d'adaptation industrielle. Lors des auditions, il est apparu que beaucoup d'industriels ont déjà supprimé le bisphénol dans les parties d'emballage en contact direct avec les denrées et qu'ils demandaient un délai pour passer à une substitution totale du bisphénol, y compris sur la partie extérieure de l'emballage.
En limitant l'interdiction aux parties en contact direct avec les denrées, nous sommes en train de donner un mauvais signal à la fois aux industriels les plus vertueux qui voient leurs efforts stoppés net et à ceux qui devraient s'adapter puisque ce n'est plus nécessaire.
On peut admettre que l'urgence est plus grande pour les parties des denrées en contact direct avec l'emballage et que l'interdiction totale puisse justifier des délais supplémentaires. En revanche, supprimer totalement l'interdiction du bisphénol pour les parties qui ne sont pas en contact direct avec l'emballage ne correspond pas aux études scientifiques que nous avons, qui montrent que des contaminations et des disséminations sont possibles. Nous avons cité cette étude concernant les tickets de caisse qui contenaient du bisphénol et qui avaient contaminé des caissières, parfois des femmes enceintes.
De plus, si cette mesure est introduite, elle sera définitive car ce n'est même pas une question de délai. Il est dommage de passer de la logique de substitution qui est déjà engagée par les industriels à une simple logique de réduction des risques en laissant le bisphénol sur le marché.
C'est d'autant moins raisonnable qu'une majorité va repousser les délais et laisser tout le temps nécessaire aux industriels pour s'adapter. N'allons pas vers ce type de texte sur lequel nous serons obligés de revenir de toute façon.
La commission a repoussé votre amendement, monsieur Roumegas, bien que je comprenne tout à fait votre préoccupation.
Comme M. Hutin et moi-même, vous avez participé à toutes les auditions que nous avons pu faire. Nous n'avons pas fait un cadeau aux entreprises ; il s'agit d'une demande précise pour un temps donné.
Vous avez raison de dire que le passage transcutané du bisphénol est possible, ce qui devrait conduire à prendre des mesures de santé au travail pour les caissières et les personnes qui manipulent les produits en rayon.
Quand nous en viendrons à l'article 2 et aux mentions d'avertissement sanitaire, Mme la ministre pourra s'exprimer sur le sujet. À partir du moment où il restera du bisphénol sur le conditionnement, il ne sera pas possible de mettre « sans bisphénol » mais au contraire la mention « déconseillé aux femmes enceintes » sera toujours présente.
Vous citiez Nestlé qui estimait avoir besoin d'un an pour régler le problème. C'est exact. L'étiquette devra comporter l'avertissement « déconseillé aux femmes enceintes » s'il y a du bisphénol à la périphérie. Ce n'est pas un cadeau à l'entreprise mais une mesure qui répond à une préoccupation transitoire.
Voilà pourquoi nous avons repoussé cet amendement tout en reconnaissant son bien fondé. Le problème sera réglé et, à mon sens, la garantie sera apportée par l'étiquetage. Sur ce dernier point, c'est à la ministre d'en décider par décret.
Monsieur Roumegas, je comprends votre préoccupation mais il me semble que vous anticipez sur des étapes à venir. Nous allons réfléchir à la manière de déterminer les avertissements sanitaires, ce qui nous permettra d'élaborer le décret nécessaire.
Par ailleurs, comme j'ai eu l'occasion de le dire à certains de vos collègues, nous veillons à ce que les textes adoptés soient le plus possible en cohérence avec la législation européenne. Or le terme de « contact » est celui qui est utilisé par la directive européenne dite MCDA. Dans la loi française, il vaudrait mieux ne pas utiliser des termes qui n'ont pas de définition précise dans le droit européen.
Cela étant, je comprends parfaitement votre préoccupation et nous allons devoir préparer dès maintenant les étapes futures. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement pour ne pas avoir à émettre un avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 31 .
Les implications de cette loi sont nombreuses et complexes. Tout cela nécessite d'être précisé par un décret qui, tout en respectant l'esprit de la loi, en fixera les modalités d'application et de contrôle.
Cet amendement a été repoussé par la commission. La suspension de la commercialisation des produits contenant du bisphénol A doit entrer en vigueur en ce qui concerne l'alimentation des enfants jusqu'à trois ans dès le mois qui suit la promulgation de la présente loi. Prévoir un décret ne ferait que retarder les choses alors que les industriels sont prêts. Dans le secteur de la nutrition infantile, il n'y a déjà quasiment plus de bisphénol A. Les industriels ont en fait largement précédé, en le faisant savoir d'ailleurs, notamment Nestlé et Danone, l'interdiction du bisphénol A dans l'ensemble des contenants alimentaires à destination de la petite enfance.
Même avis. Monsieur Decool, un décret ne se justifie pas pour ces dispositions, il ne servirait qu'à les retarder. En tout état de cause, la loi est d'application immédiate lorsque les décrets ne sont pas directement utiles. Et, en l'espèce, les dispositions sont en elles-mêmes applicables. Cet amendement n'apporte aucune sécurité supplémentaire.
(L'amendement n° 31 n'est pas adopté.)
Cet amendement ne fait que répondre à un principe de précaution en repoussant la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2016, du fait de l'incertitude qui existe sur les délais nécessaires à la recherche, à la réalisation des tests et à l'adaptation de l'outil industriel.
La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Les auditions ont montré que la date du 1er janvier 2014, celle qu'avait initialement votée cette assemblée, laisse suffisamment de temps aux industriels pour s'adapter. Je veux bien entendre qu'une conserverie ici ou là demande des délais supplémentaires, mais cela ne correspond vraiment pas à l'état général du débat chez les industriels.
Il faut à tout prix refuser de repousser la date à 2016, autrement dit de retarder d'encore un an l'avance que pourrait prendre la France tout comme la réponse à une préoccupation de santé publique. Cet amendement défend à l'inverse le retour au texte initial, soit janvier 2014.
Encore une fois, les auditions ont montré que les industriels sont prêts dans la plupart des cas, surtout compte tenu de l'amendement que nous avons adopté qui limite l'interdiction au contact direct. En effet, la plupart des cas de contact direct sont déjà résolus, ou sur le point de l'être. Les substituts existent déjà.
On viderait totalement cette loi de son sens si elle ne devait être effective qu'en 2015 ou 2016. Vraiment, j'en appelle à un peu de raison. Et j'insiste aussi sur la mobilisation citoyenne que suscite ce texte. En dix jours, 45 000 signataires se sont prononcés en faveur du retour au 1er janvier 2014 ! Les associations de santé environnementale recueillent 3 000 signatures par jour ! J'en appelle à la responsabilité de la majorité. Ne décevons pas. Ne videz pas l'initiative de M. Bapt de son sens. Répondons à l'attente citoyenne qui s'exprime aujourd'hui.
Certains veulent avancer la date, d'autres la reculer. C'est peut-être le signe que nous avons trouvé la solution…
…moyenne ou de la sagesse !
M. Roumegas l'a dit à plusieurs reprises : le problème sera résolu pour certaines entreprises dans un an au plus. C'est le cas en particulier pour Nestlé. Mais Nestlé ne met pas en boîte du cassoulet de Castelnaudary ! Et ne recourt donc pas aux résines époxy… Or, c'est pour ces dernières que se pose le problème technique. Voilà pourquoi à Toulouse, à partir de la paille, ou à Montpellier à partir des tanins de vin, on mène des recherches sur des substituts aux résines époxy, dont on nous a d'ores et déjà montré des échantillons. Ce n'est pas tout à fait aussi au point que pour les polycarbonates.
Voilà pourquoi je vous ai proposé un amendement, que vous avez accepté, demandant à l'ANSES de fournir au Gouvernement un rapport sur l'innocuité des substituts. Il ne faudra pas d'ailleurs demander à l'ANSES d'étudier l'ensemble des 73 substituts déjà colligés – sans compter les quelques-uns de plus qu'elle vient de découvrir grâce à notre audition ! Il faudra qu'elle cible ses travaux sur les substituts proposés aux résines époxy, le reste des problèmes étant déjà réglés.
Voilà pourquoi, sous réserve de l'accord de Mme la ministre, je pense qu'il vaut mieux en rester à la date que nous avons adoptée en commission.
Je crois comme le rapporteur que la date que nous avons choisie instaure le bon délai entre le vote de la proposition de loi et sa mise en application. Les entreprises sont aujourd'hui clairement informées des obligations qui vont peser sur elles. Retarder l'entrée en vigueur de la loi ne se justifie donc pas. D'ailleurs, il finit toujours par y avoir une date à respecter ! Si on la fixait à dans deux ans, on nous dirait quand même que la période de transition n'était pas suffisante…
Vient donc un moment où il faut clairement marquer l'objectif, fixer les échéances. D'autant que ce texte est en discussion, sous une forme ou sous une autre, depuis assez longtemps. À l'inverse, pour respecter les délais qui avaient été initialement prévus dans la proposition de M. Bapt, il convient d'en rester à la date du 1er janvier 2015. Avis défavorable donc, pour des raisons différentes, à l'amendement qui reporte l'entrée en vigueur à 2016 et à celui qui l'avance à 2014.
Souhaiter reporter la date, ce n'est pas faire preuve de laxisme et remettre en cause le principe de l'arrêt du bisphénol A ! C'est simplement se donner un peu de souplesse, et donner un peu de lisibilité aux entreprises au cas où l'innocuité de certains substituts n'aurait pas pu être mise en évidence. Je puis vous rassurer sur un point : les entreprises ont déjà beaucoup travaillé, la recherche a beaucoup avancé. Si l'on a la chance de trouver des substituts performants et intéressants, les entreprises les mettront bien sûr sur le marché avant la date limite ! La repousser, c'est se donner un peu de confort et agir avec précaution en matière agroalimentaire.
Ce n'est pas parce qu'une entreprise a réglé son problème, qu'elle peut dire qu'elle est prête ou qu'elle le sera, que cela vaut pour l'ensemble des industriels du secteur ! Je vous rappelle tout de même que le syndicat national des fabricants de boîtes métalliques a déclaré, en tant que syndicat professionnel, qu'il ne pouvait pas assumer cette date-là. Cela veut dire qu'il faut s'attendre tôt ou tard à ce que des entreprises se retrouvent devant le mur.
Je précise que mon intervention de tout à l'heure portait bien sur une entreprise qui fabrique des contenants métalliques. Cela illustre très bien ce que nous aurons peut-être à gérer prochainement, c'est-à-dire des situations insolubles à cause d'une date trop proche. Encore une fois, il s'agit de niches. Mais les niches, ce sont aussi des emplois.
Le choix de cette date est très important. Il me semble que la solution la plus sage vient du Sénat, qui s'était décidé pour juillet 2015. J'avais exprimé en commission mon accord, comme d'ailleurs le rapporteur, qui avait proposé de garder cette date dans la mesure où un an s'était écoulé depuis la première lecture et où il fallait permettre aux industriels de tester la fiabilité de leurs nouveaux produits. À un moment donc, en tout cas le rapporteur et sans doute les membres de la commission étaient d'accord avec cette date de juillet 2015.
J'ai moi aussi rencontré des fabricants de boîtes métalliques, dans ma circonscription, qui m'ont dit dans un échange je crois tout à fait sincère que cette date convenait, pour différentes raisons. Il est en effet un peu plus compliqué de trouver des substituts pour ces boîtes métalliques, parce que certaines d'entre elles contiennent des denrées acides et qu'une oxydation a lieu au bout de quelques mois. Cela demande un peu plus de temps pour trouver une solution.
Et l'on a évoqué tout à l'heure la question des stocks. Certes, il est important de se décider pour une date, mais il faut aussi tenir compte des réalités économiques qui s'imposent aux industriels, et les stocks en font partie. Ils représentent 15 millions d'euros pour l'entreprise que j'ai visitée. Il me semble donc que la date fixée par le Sénat est la plus sage, qu'elle permettrait de faire les choses plus correctement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP.)
De nombreuses auditions ont été menées. Nous avons la chance d'examiner dans cet hémicycle une loi extrêmement novatrice, d'avant-garde – une loi française qui va entraîner d'autres législations et, pour aller plus loin, peut-être bénéficier aussi à d'autres pays, qu'on empoisonnera moins. C'est vraiment une chance.
Il y a en gros trois dates possibles. Celle de M. Roumegas me semble un peu proche car si, en effet, certains industriels sont prêts, d'autres ne le sont pas, souvent plus petits. Sans compter les producteurs concernés, voire, je le dis à mes collègues écologistes, les producteurs bio, qui ont le moins de temps à y consacrer. Il y en a. Et si vous avez collecté 45 000 signatures, le responsable du texte que je suis pour le groupe SRC a reçu autant de mails en sens inverse d'entreprises, d'ouvriers, de syndicats et autres !
La deuxième possibilité, qui retarde l'entrée en vigueur d'une année supplémentaire, est peut-être excessive. En effet, on entend parler de cette loi depuis longtemps. Gérard Bapt l'a présentée il y a un an et demi et les industriels sont globalement, cela se sent, volontaires – presque prêts.
On disait à une époque que les sénateurs étaient plus âgés que nous. C'est moins vrai maintenant – nous devons avoir deux ou trois ans de différence de moyenne d'âge. Mais nous qui avons une moyenne de 54 ans, et donc assez peu de bisphénol dans le corps par rapport aux jeunes, devrions peut-être rester sur la solution des sénateurs. Si Mme la ministre émettait un avis de sagesse sur cette proposition, nous aurions abouti à un bel équilibre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.)
Je vais mettre successivement aux voix ces amendements, en commençant par le n° 3.
Plusieurs députés du groupe SRC. Il faut le sous-amender !
Je ne suis saisi d'aucun sous amendement. D'ailleurs, cela ne conviendrait pas. Un sous-amendement modifie un texte à la marge. Changer la date serait l'objet d'un nouvel amendement.
Je propose de retirer l'amendement n° 3 et d'en proposer un autre avec comme date le 1er juillet.
Je ne peux pas être saisi d'un amendement nouveau à ce stade. Je suis saisi de deux amendements, qui ont tous les deux fait l'objet d'un avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Je vais les mettre aux voix.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Je constate que Mme Le Loch n'a pas voté cet amendement.
(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Il me semble, monsieur le président, que cet amendement de conséquence tombe.
Effectivement, cher collègue.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Cet amendement est important. Il vise à dispenser de ce nouvel avertissement sanitaire les boissons alcooliques, dont chacun sait qu'elles ne sont pas destinées aux enfants et que la législation française interdit leur vente et leur distribution aux mineurs. Il serait donc absurde de leur imposer un message d'avertissement visant les enfants de moins de trente-six mois : cela impliquerait a contrario qu'elles peuvent être consommées par des enfants de plus de trente-six mois.
D'autre part, la législation française impose déjà « un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes » ; c'est l'objet de l'article L. 3322-2 du code de la santé publique.
Il s'agit donc d'un amendement de cohérence intellectuelle.
Il est vrai que les enfants en bas âge ne boivent pas de boissons alcoolisées. M. Decool rappelle aussi qu'il est indiqué sur les unités de conditionnement des boissons alcoolisées que leur consommation est déconseillée aux femmes enceintes. Il en conclut qu'on pourrait donc laisser commercialiser des boissons alcoolisées dans des conditionnements présentant du bisphénol.
Avouez qu'il y a quand même là une incohérence en termes de santé publique ! Après tout, le bisphénol n'est pas délétère uniquement pour la femme enceinte et le petit enfant. Il faut aussi penser, mon cher collègue, à la fertilité masculine.
Je propose donc, au bénéfice de cette observation, de repousser l'amendement de M. Decool.
M. Gérard Bapt a excellemment indiqué, monsieur le député Decool, que votre argumentation ne saurait prospérer très longtemps, même si elle se donne les apparences d'une certaine forme de logique.
Je veux quand même vous rappeler que l'avertissement sanitaire est une sensibilisation. Le fait que les enfants ne boivent pas d'alcool ne signifie pas que les personnes qui vont avoir entre les mains ces canettes ou ces contenants ne doivent pas être sensibilisées aux risques du bisphénol.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
(L'amendement n° 27 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 51 rectifié de la commission des affaires sociales.
Il s'agit d'étendre le champ de l'interdiction du bisphénol aux tétines, sucettes et anneaux de dentition, c'est-à-dire des produits que les enfants en bas âge sont susceptibles d'avoir en permanence dans la bouche.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement de bon sens.
(L'amendement n° 51 rectifié est adopté.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Il s'agit d'interdire l'ensemble des tubulures – que ce soit pour les perfusions, l'alimentation parentérale ou artificielle, ou tout autre usage médical – qui comportent cette variété particulière de phtalate qu'est le DEHP, phtalate le plus utilisé mais aussi le plus documenté, aux effets reprotoxiques et peut-être cancerogènes.
Favorable, monsieur le président.
Il existe des substituts pour les tubulures, mais ce n'est pas le cas pour les poches qui contiennent des éléments de nutrition ou du sang.
(L'amendement n° 45 est adopté.)
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 50 rectifié .
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cet amendement dans la discussion générale et lors de mon intervention liminaire. Il s'agit de corriger sinon une absurdité du moins quelque chose qui n'est évidemment pas acceptable.
Aujourd'hui, des biberons avec bisphénol sont interdits à la vente dans les grandes surfaces ou les pharmacies mais sont disponibles – ou peuvent en théorie l'être – dans les établissements de santé, car ce ne sont pas les mêmes textes qui s'appliquent. C'est incohérent : on peut se voir mis à disposition des biberons avec bisphénol dans les hôpitaux, alors même qu'on ne peut plus les acheter dans le commerce !
Il faut remédier à cette anomalie.
Très favorable. Examiné par la commission au titre de l'article 88 de notre règlement, cet amendement a été accepté.
(L'amendement n° 50 rectifié est adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'une seule demande d'explication de vote.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.
Pour conclure d'un mot, je vous indique, madame la ministre, que, comme en première lecture, le groupe UMP soutient cette proposition de loi.
Il convient d'agir pour mettre en oeuvre la substitution. C'est la raison pour laquelle un délai avait été prévu. L'interdiction devrait entrer en vigueur à partir de 2014. Certains de nos collègues ont défendu la date de 2016, et nous avions voté avec eux. Cela dit, nous renouvelons ce soir notre souhait d'une entrée en vigueur le 1er juillet 2015.
Nous espérons que vous l'accepterez mais, sinon, nous voterons quand même, bien entendu, cette proposition de loi.
Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins (n°s 296 et 424).
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour discuter de la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins.
À titre liminaire, je remercie l'ensemble de mes collègues pour la qualité de leur travail et leurs réflexions qui ont permis, d'abord lors des auditions, puis en commission, non seulement d'enrichir et de préciser ce texte, mais au-delà, de débattre en profondeur des sujets qu'il soulève.
Je veux dans un premier temps rappeler l'objet exact de cette proposition de loi. Depuis des années, les acteurs de la protection sociale complémentaire, c'est-à-dire les mutuelles, les sociétés d'assurance et les institutions de prévoyance, pratiquent avec les offreurs de soins des conventionnements sur des critères de prix et de qualité. Ils proposent à leurs assurés qui se rendent chez ces professionnels de santé des prestations bonifiées. Les professionnels concernés sont principalement des dentistes et des opticiens, mais d'autres services de santé sont concernés, nous le verrons tout à l'heure.
Cette proposition de loi porte en particulier sur les réseaux de soins développés par les mutuelles, organismes à but non lucratif protégeant 38 millions de personnes. La Cour de cassation a en effet, dans un arrêt de 2010, remis en cause le principe même de ce conventionnement mutualiste, en se basant sur la rédaction actuelle du code de la mutualité. Selon la Cour de cassation, cette rédaction interdit à une mutuelle de moduler le niveau de ses prestations selon que l'adhérent consulte ou non un praticien conventionné par cette mutuelle. Ces épisodes judiciaires se sont récemment accélérés puisque le 22 novembre dernier, la Cour de justice de l'Union européenne a rejeté un renvoi préjudiciel dont elle avait été saisie sur ce sujet par le tribunal de proximité de Chartres. Plusieurs juridictions avaient sursis à statuer dans des affaires portant sur cette question, afin d'attendre la réponse de la CJUE. Ce rejet aura donc des conséquences très concrètes : plusieurs mutuelles encourent de ce fait des condamnations à brève échéance.
Il y a donc aujourd'hui une urgente nécessité à mettre sur un pied d'égalité les trois familles d'organismes de protection sociale complémentaires, en mettant fin à l'insécurité juridique que connaissent les réseaux de soins des mutuelles, par une modification du code de la mutualité. C'est l'objet du texte que nous vous proposons. Une telle modification est attendue depuis près de trois ans. Certains collègues se souviennent qu'une proposition de loi déposée en 2010 par nos collègues Yves Bur et Jean-Pierre Door visait à y répondre ; mais elle ne fut pas examinée. Par la suite, la proposition de loi Fourcade aborda cette question, mais les dispositions relatives aux réseaux de soins furent censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles constituaient un cavalier législatif.
En octobre dernier, le Président de la République, rappelant l'un des engagements de sa campagne, ainsi que Mme la ministre Marisol Touraine, se sont tous deux prononcés pour la modification du code de la mutualité afin de lever les barrières et les menaces juridiques pesant sur les réseaux de soins des mutuelles. Par ailleurs, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, la Cour des comptes et récemment l'Inspection générale des affaires sociales se sont également prononcés en faveur des réseaux de soins mutualistes. L'article 1er de cette proposition de loi vise donc à tenir les engagements pris, et à mettre fin à cette véritable saga en renforçant la situation juridique des réseaux de soins des mutuelles.
J'en viens au deuxième point de mon intervention : pourquoi y a-t-il des réseaux de soins, et pourquoi nous y intéressons-nous ? Il est tout d'abord important de rappeler que depuis dix ans, les politiques de santé mises en oeuvre par la précédente majorité ont réduit le périmètre des solidarités nationales et dérégulé à tout va.
Entre 2008 et 2010, la part des dépenses de santé prise en charge par la Sécurité sociale est ainsi tombée de 77 % à 75,7 %. En volume, selon les chiffres de la Cour des comptes, l'assurance maladie s'est désengagée de la prise en charge de ces dépenses à hauteur de 3,3 milliards d'euros de 2004 à 2008.
Parmi les soins pour lesquels la prise en charge par l'assurance maladie est aujourd'hui réduite à la portion congrue, on citera évidemment l'optique, on évoquera aussi les soins dentaires ou les prothèses auditives. Dans ces secteurs peu régulés où les tarifs sont libres, les écarts de prix peuvent être considérables et sont difficilement compréhensibles par les patients. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a ainsi relevé des écarts de prix de 20 % pour les implants dentaires selon les régions. Cette situation est responsable du maintien et de l'aggravation des inégalités dans l'accès aux soins, et entraîne des comportements de renoncement à certains soins pour des raisons financières. 16 % de la population métropolitaine âgée de 18 à 64 ans aurait renoncé à des soins pour des raisons financières, selon une étude de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, l'IRDES.
Il faut donc bien comprendre que c'est essentiellement dans les secteurs où le niveau de remboursement par l'assurance maladie est le plus faible que les réseaux se sont développés avec pour objectif de faire pression sur les prix pour diminuer le reste à charge pour les patients. Au-delà des réseaux de soins, c'est bien la question de l'accès aux soins pour nos concitoyens qui nous anime et qui nous mobilise. À titre d'exemple, d'après les documents qui nous ont été présentés au cours des auditions, les tarifs pratiqués par les réseaux en matière d'équipements optiques peuvent être jusqu'à 30 % moins élevés que la moyenne.
Face à cette situation de dérégulation et au coût élevé des soins que nous venons d'évoquer, il va de soi que nous avons avant tout la responsabilité d'améliorer la prise en charge par l'assurance maladie et la qualité de tous les soins. Nous y travaillons avec le Gouvernement. Mais que faire quand, par exemple, la Sécurité sociale ne rembourse que 4 % d'un équipement de correction optique ? Parmi les leviers à actionner, nous voulons utiliser l'outil des réseaux de soins, qui vise à permettre aux complémentaires de réduire les coûts des soins non régulés. Ne pas s'en servir reviendrait aujourd'hui très concrètement à priver nos concitoyens de la possibilité de bénéficier de soins moins chers, avec une meilleure qualité de prestations.
J'aimerais revenir sur quelques contrevérités que nous entendons au sujet des réseaux de soins. Ils ne constituent pas une remise en cause du libre choix du patient…
…car le remboursement demeure assuré même en cas de recours à un professionnel non affilié à un réseau. Ils ne sont pas non plus un facteur d'aggravation des déserts médicaux : cette question excède largement le sujet que nous examinons aujourd'hui. Nous sommes tous mobilisés face à ce phénomène, Mme la ministre l'a rappelé plus tôt au cours de nos débats.
Les réseaux, notamment les réseaux fermés, concernent des professionnels de santé dont la présence sur notre territoire est loin d'être insuffisante, comme les opticiens. Pour les autres, les organismes complémentaires s'efforcent de veiller à ce qu'un professionnel conventionné ne soit pas éloigné de plus de 25 km du lieu d'habitation ou de travail de leur adhérent. Enfin, les réseaux ne sont pas non plus une forme de privatisation de notre système de soins. Cette privatisation, c'est l'ancienne majorité qui l'avait clairement orchestrée, en réduisant le remboursement des patients par l'assurance maladie, et en créant un système de santé à plusieurs vitesses. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pour notre part, nous voulons le renforcement de l'assurance maladie, mais nous voulons aussi oeuvrer pour la régulation dans les secteurs où sa prise en charge est minoritaire.
Une fois ces éléments précisés, je voudrais vous rendre compte du travail parlementaire qui a permis d'améliorer ce texte et de le préciser. Outre la modification du code de la mutualité permettant de rendre les réseaux juridiquement plus sûrs, modification que nous avons évoquée tout à l'heure, la commission des affaires sociales a adopté la semaine dernière l'article 2 de cette proposition de loi, qui pose les principes encadrant le fonctionnement de l'ensemble des réseaux mis en place par les organismes complémentaires.
Nous y reviendrons au cours de la discussion de ce texte. Les principes retenus sont les suivants : libre choix par le patient des professionnels de santés auxquels il veut s'adresser ; caractère objectif, non discriminatoire et transparent des modalités de sélection des professionnels conventionnés ; qualité de l'information sur la pratique des réseaux pour tous les assurés concernés. En adoptant un sous-amendement défendu par notre présidente Catherine Lemorton, nous avons aussi décidé, pour répondre à des inquiétudes exprimées à l'occasion des débats autour du texte, d'exclure la possibilité pour les complémentaires de fixer par convention avec les médecins le niveau des tarifs pratiqués par ceux-ci.
Enfin, nous devons améliorer notre connaissance des réseaux de soins et de leur impact pour mieux les évaluer. C'est pourquoi l'article 3 de cette proposition de loi, introduit en commission, prévoit que le Gouvernement remette au Parlement dès 2013, puis tous les ans, un rapport relatif aux réseaux de soins. Ce rapport devra analyser les conséquences de la mise en place des réseaux de soins constitués par des organismes complémentaires d'assurance maladie quant à la qualité des prestations offertes par les professionnels membres de ces réseaux et quant à l'amélioration de l'accès aux soins des assurés concernés.
Ce texte a soulevé de nombreux débats, et a également suscité quelques inquiétudes. Il renvoie en effet à des enjeux majeurs pour l'organisation de notre système de santé, auxquels cette proposition de loi n'a pas vocation à répondre dans leur ensemble. Se pose tout d'abord la question de la place et du rôle des complémentaires santé : comme l'ont récemment annoncé le Président de la République et la ministre des affaires sociales et de la santé, nous serons appelés prochainement à débattre de l'articulation des complémentaires santé avec l'assurance maladie obligatoire, de la définition des contrats responsables, de la fiscalité, des garanties offertes par ces complémentaires et de la manière de les rendre plus lisibles pour les assurés. La question de l'accès de l'ensemble de nos concitoyens à une couverture complémentaire devra également être abordée.
Se pose enfin le sujet global de la régulation de l'offre de soins dans notre pays, condition sine qua non de la garantie de l'accès aux soins pour tous, et du maintien d'une protection sociale digne de ce nom pour les générations futures. Ces questions structurelles doivent à l'évidence être posées. Pour cela, madame la ministre, vous avez d'ores et déjà fixé plusieurs rendez-vous. Ce texte n'a donc pas vocation à y répondre à lui seul, dès lors que les réseaux de soins ne constituent pas un outil exhaustif en matière d'accès aux soins ni une politique de santé en soi.
Ce que nous voulons faire aujourd'hui, par cette proposition de loi, c'est adopter une mesure qui mettra fin à une inégalité entre les organismes complémentaires, et permettra d'agir concrètement pour l'accès aux soins. Nous ne pouvons ignorer l'aggravation des plus intolérables des inégalités : les inégalités en matière de santé.
C'est pourquoi je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, ce texte est attendu et a provoqué beaucoup de débats et d'interrogations. Je souhaite que la discussion qui s'ouvrira dans quelques instants nous permette d'apporter des réponses à certaines inquiétudes et certaines préoccupations, mais aussi à des questions de fond qu'il ne s'agit pas, bien entendu, d'écarter.
Ce texte nous permet d'ouvrir le chantier de la régulation du secteur des complémentaires santé, dans un contexte où la seule exigence qui vaille est celle de l'amélioration de l'accès aux soins dans notre pays. En effet, l'accès aux soins rencontre depuis quelque temps des obstacles de plus en plus importants.
Avant tout, je salue le travail remarquable effectué par la commission des affaires sociales. Sa présidente, Catherine Lemorton, et la rapporteure, Fanélie Carrey-Conte, ont permis d'apporter des modifications importantes, décisives, à la proposition de loi. Je les en remercie, ainsi que l'ensemble des membres de cette commission.
Je voudrais aussi souligner, au moment, où nous engageons ce débat, lequel semble devoir être peut-être moins consensuel que le précédent que nous avons pu avoir aujourd'hui dans cet hémicycle, qu'une proposition de loi de même nature, moins élaborée, me semble-t-il,…
…avait été présentée par le groupe UMP lors de la dernière législature. Compte tenu des difficultés pour l'adopter, des dispositions strictement équivalentes à celles présentées initialement avaient été portées par les parlementaires UMP dans la loi dite « Fourcade ». Je pense, pour avoir déjà commencé à entendre quelques critiques virulentes sur les bancs de l'opposition, qu'un peu d'humilité ou au moins un peu de mémoire…
Je vous ai entendus tout à l'heure et j'ai lu vos écrits !
Madame la ministre, nous vous écoutons, vous seule avez la parole, mais évitons de nous interpeller mutuellement !
Je pense qu'un peu d'humilité permettrait de faire avancer les débats. !
Je le dis très simplement, nous ne devons pas esquiver les débats de fond. Ils sont ceux de la régulation. Nous devons veiller à ne pas alimenter des inquiétudes sans fondement et à ne pas stigmatiser une catégorie d'organismes complémentaires. Je tiens simplement à appeler l'attention sur le fait qu'il y a, parfois, quelque contradiction à demander aux complémentaires de ne pas s'engager plus avant dans la régulation du système de santé, après les avoir appelées, il y a quelques semaines, dans le cadre de la négociation sur la limitation des dépassements d'honoraires, à s'engager à solvabiliser des dépassements d'honoraires.
Je me réjouis qu'elles aient refusé de s'engager dans cette voie. On ne peut pas les amener à jouer un rôle, lorsqu'il s'agit de prendre en charge les dépenses qui ne sont pas nécessairement justifiées, et s'inquiéter lorsqu'elles souhaitent intervenir dans une régulation de nature différente.
Cette proposition de loi permet d'autoriser les réseaux de soins qui fonctionnaient sans difficultés et sans que ne se posent de questions jusqu'à une décision de la Cour de cassation de 2010. L'objectif des réseaux qu'il est proposé de mettre en place est de limiter le reste à charge pour les familles.
Comme je l'ai dit, la priorité, c'est l'accès de tous à des soins de qualité. Pour garantir cet accès aux soins, le pilier fondamental est, à l'évidence, la sécurité sociale, donc l'assurance maladie obligatoire. Nous devons le dire et le réaffirmer, ce dispositif n'est pas remis en cause. Nous sommes dans le cadre d'un système de santé solidaire et qui doit le demeurer. Cette solidarité est affirmée, assumée, assurée et garantie par l'assurance maladie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité qu'il y ait des discussions sur les dépassements d'honoraires nous permettant de conforter le pilier de l'assurance maladie. Tel est le sens de l'avenant n° 8 à la convention médicale, signé le 25 octobre et qui est en cours d'approbation.
Mais nous devons aussi préciser le rôle et la place des complémentaires, notamment des mutuelles. Longtemps, ces complémentaires n'ont fait que compléter les remboursements de l'assurance maladie. Mais, aujourd'hui, la réalité n'est plus la même, en particulier pour certains soins tels que l'optique, les prothèses dentaires ou auditives. Dans ces domaines, les complémentaires, on peut le regretter, mais c'est aujourd'hui une réalité, assurent la plus grande partie des frais engagés par nos concitoyens. Le reste à charge payé par nos concitoyens n'a cessé d'augmenter depuis dix ans. Cette proposition de loi a pour objet de permettre aux mutuelles de contribuer, selon les mêmes règles que les autres complémentaires, à la régulation de l'accès aux soins. C'est, en particulier, l'enjeu du conventionnement dans les secteurs dans lesquels les régimes complémentaires assurent la majorité des remboursements.
L'objectif est donc de placer l'ensemble des complémentaires santé dans une situation identique. Les compagnies d'assurance et les institutions de prévoyance ont toujours pu conventionner sans restriction. Les organismes régis par le code de la mutualité n'ont pas cette possibilité. Ils ne peuvent pas proposer des contrats de complémentaire santé intégrant des dispositions du même type que celles prévues par les contrats des assureurs privés. C'est cette interdiction que la décision de la Cour de cassation de 2010 a rappelée, confirmant ainsi l'inégalité entre les familles de complémentaires. Je veux rappeler que notre pays compte trente-huit millions de mutualistes. Les mutuelles ont ainsi développé des réseaux spécifiques, parfois avec un grand nombre de professionnels et un réel effet sur l'amélioration du service rendu aux usagers, sans que cette pratique ancrée n'ait de fondement juridique. Chacune, chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les députés, peut avoir connaissance d'établissements mutualistes qui fonctionnent selon ces règles. Nous devons donc, aujourd'hui, faire évoluer le droit, afin de rétablir l'égalité entre les différentes familles de complémentaires et définir un cadre commun à l'ensemble des réseaux existants.
La commission des affaires sociales a mené, de ce point de vue, un travail approfondi sur la proposition de loi initiale comme le texte désormais présenté devant votre assemblée en témoigne. Je veux, à nouveau, saluer le travail de qualité réalisé par la rapporteure, Mme Fanélie Carrey-Conte.
Le fonctionnement des réseaux de soins doit reposer sur des principes et des règles clairement établis. Cela a été tout l'enjeu et tout l'objet du travail accompli que d'y parvenir.
Les grands principes sont au nombre de quatre.
Premièrement, le respect du libre choix du patient doit être réaffirmé. Les Français sont profondément attachés à cette valeur essentielle, corollaire de la liberté qui s'attache au mode d'exercice des médecins ou des professionnels de santé. Les organismes d'assurance maladie ne peuvent pas et ne doivent pas prendre des dispositions entravant cette liberté. C'est juridiquement impossible. Il doit naturellement en aller de même pour les complémentaires santé.
Deuxièmement, les conventionnements doivent reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. Un système n'est légitime et accepté que s'il est mis en oeuvre dans la transparence tant pour les professionnels que pour les patients.
Troisièmement, les conventionnements ne doivent pas présenter de caractère exclusif. Il ne serait pas acceptable qu'un professionnel ne puisse adhérer qu'à un seul réseau, réservant de facto ses soins aux adhérents de ce réseau.
Enfin, quatrièmement, le patient doit avoir accès à toute l'information disponible dans une démarche de parfaite transparence avant et après la conclusion d'un contrat. Quelles sont les caractéristiques du réseau auquel il est susceptible d'appartenir par le biais du professionnel de santé ? Quelles facilités d'accès garantit-on ? Quel est le détail des règles de remboursement par sa complémentaire ? Ce sont autant de questions légitimes auxquelles des réponses doivent être apportées. Vous avez dit, madame la rapporteure, que nous serions amenés à engager une réflexion sur la définition des contrats des organismes complémentaires proposés à nos concitoyens et sur la fiscalité selon leurs caractéristiques. La question de la transparence des informations de ces contrats se pose. Nous avons tous, en tant qu'élus, des contacts avec des citoyens qui ne comprennent pas exactement ce à quoi ils ont droit, ayant, pour leur part, l'habitude de payer en valeur absolue, le prix de la consultation leur étant demandé, alors que les contrats font référence aux taux de remboursement, ce qui n'est pas toujours la façon la plus simple de s'y retrouver.
Ces quatre principes s'appliqueront à l'ensemble des organismes assureurs, j'insiste sur ce point, et à tous les types de réseaux de soins. Il en va du bon fonctionnement de notre système de santé solidaire.
Il est donc légitime que ces réseaux portent sur les soins. Il s'agit, par exemple, d'intervenir sur les tarifs de la prothétique dentaire, de l'optique, ou encore de l'audioprothèse, secteurs dans lesquels, je le répète, les remboursements par les organismes complémentaires sont majoritaires. Mais, s'agissant des soins médicaux, ces réseaux ne doivent ni porter sur les tarifs des médecins ni induire une différence de remboursement ou de prise en charge pour les familles. Vous l'avez dit, madame la présidente, ces réseaux doivent être strictement limités à ce pour quoi ils ont été conçus. Les tarifs des soins médicaux ne sont pas concernés. En effet, les tarifs des médecins ne sauraient relever de négociations individuelles. Les professionnels de santé – étudiants en médecines, internes et médecins – ont exprimé cette préoccupation au cours des dernières semaines. Il est clair qu'il existe une règle selon laquelle les tarifs des praticiens sont déterminés au niveau national et dans un cadre conventionnel. Ainsi, les tarifs des médecins de secteur 2 ont été encadrés par l'avenant n° 8 sur les dépassements d'honoraires, que l'UNOCAM et, au premier rang, la Mutualité ont signé et soutenu. C'est bien là le bon outil pour réguler et favoriser l'accès aux soins, même s'il peut évoluer dans sa composition, son organisation et ses modes de fonctionnement. C'est pourquoi, et nous aurons l'occasion d'en discuter, je soutiens pleinement le sous-amendement déposé, en ce sens, par Mme la présidente de la commission des affaires sociales, sous-amendement qui permet de clarifier le débat.
Concernant les autres professionnels de santé, leurs tarifs ne peuvent pas être fixés dans le cadre des réseaux : ils le sont par des conventions nationales, comme l'a prévu la loi, et ils doivent obligatoirement respecter le tarif opposable. Je rappelle que les conventions portant sur les tarifs des professionnels ne peuvent remettre en cause les tarifs opposables qui s'imposent aux professionnels, quel que soit le réseau auquel, le cas échéant, ils choisiraient d'adhérer.
Je veux également souligner l'apport de la commission qui a enrichi ce texte pour permettre d'améliorer l'information disponible sur les réseaux de soins. Ce sont les dispositifs de conventionnement des organismes complémentaires que nous devons rendre plus transparents. Chaque année, comme le prévoit l'article 3 de cette proposition de loi, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement présentant un bilan des réseaux de soins. Établi sur la base de données transmises par les organismes complémentaires, ce rapport présentera les garanties et les prestations que ces conventions comportent, ainsi que le bénéfice qu'en retirent les patients, notamment en termes de reste à charge. Ce bilan annuel nous permettra de mettre en évidence l'impact éventuel de ces conventions sur les tarifs et les prix négociés avec les professionnels, les établissements et les services de santé.
Je souhaite aussi que soit confiée au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie une réflexion sur les réseaux de soins. Elle pourrait déboucher sur des propositions visant à garantir l'accès à des soins de qualité et à diminuer le reste à charge dans le champ du dentaire et de l'optique. Ces travaux permettront d'étayer utilement le rapport du Gouvernement au Parlement.
Au-delà de cette proposition de loi, l'ambition plus large que portent le Gouvernement et la majorité est de réguler notre système de santé. Nous devons intervenir dans des secteurs qui ont fait l'objet, depuis quelques années, d'une dérégulation. Sans régulation, les valeurs de solidarité resteront lettre morte. Or, depuis dix ans, les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment intervenus, laissant ainsi s'imposer une sorte de logique du marché. Nous devons donc réintroduire des règles là où il n'y en avait plus ou plus assez. Tel est le sens de l'accord sur les dépassements. C'est une première étape pour améliorer l'accès aux soins, mais d'autres chantiers nous attendent.
J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, nous devrons faire en sorte de mieux réguler le champ des complémentaires santé, lesquelles connaissent, aujourd'hui, une concurrence importante. L'émergence de nouveaux acteurs, la segmentation des contrats et leurs nouveaux contenus investissent le champ de la santé et du conventionnement. Je tiens à dire très clairement que nous ne pouvons pas laisser une dérive s'installer, ce qui aboutirait à ce que cette concurrence permette à certains opérateurs de sélectionner les malades.
Le danger, c'est l'augmentation sans limite des coûts de la couverture en fonction de l'âge.
Or nous savons qu'avec le vieillissement de la population, il y aura, plus qu'aujourd'hui encore, la tentation de proposer des contrats dont le montant des primes sera fixé à partir de critères d'âge et de pathologie.
Pourtant l'intérêt qui doit primer, est celui du patient : il faut que nous garantissions à chaque Français l'accès à une complémentaire, indépendamment de son état de santé.
Aujourd'hui la situation est préoccupante puisqu'entre 10 et 15 % de nos concitoyens disent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières. Nous savons que malgré la mise en place d'une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, plus de quatre millions de Français en sont encore dépourvus à ce jour.
Le contenu des contrats doit être amélioré, et il faut garantir à chaque Français qu'il pourra bénéficier d'une couverture santé de bonne qualité. C'est le sens de l'intervention du Président de la République au congrès de la mutualité, à Nice, le 20 octobre dernier. C'est l'une des tâches auxquelles nous devons nous atteler.
L'objet de ce texte n'est pas, il ne peut pas être, de débattre d'enjeux corporatistes. Il est d'assurer la protection de la santé des Français dans la justice.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, je soutiens la proposition de loi présentée par le groupe SRC, ainsi que les évolutions substantielles, qui y ont été apportées dans le cadre de la discussion en commission des affaires sociales, en particulier par Mme la rapporteure, et par Mme la présidente de la commission, en lien avec l'ensemble des parlementaires que je remercie pour leur travail utile et constructif, que nos concitoyens sauront apprécier à sa juste valeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, chacun connaît l'histoire, chacun se rappelle que la visée émancipatrice du mouvement mutualiste s'est associée au système obligatoire pour, au bout du compte, fabriquer une véritable spécificité française en matière d'assurance maladie.
Le texte qui nous est proposé aujourd'hui s'inscrit dans cette histoire et tente de sécuriser ces principes dans la loi en permettant aux mutuelles d'avoir les mêmes droits que les institutions de prévoyance et les assureurs privés.
La proposition de loi initiale, avant qu'elle soit amendée par la commission, voulait aussi faire jouer un rôle régulateur beaucoup plus important aux mutuelles dans les secteurs pour lesquels la prise en charge par la sécurité sociale est faible.
Bien sûr, cette loi arrive en plein débat, débat compliqué, sur l'avenir de notre système de santé. La crise économique, la diminution de l'argent public, les dépenses qui s'accroissent naturellement et, surtout, les recettes qui stagnent « insécurisent » tous les acteurs : les patients en premier lieu, mais aussi les médecins et les professionnels de santé.
Si chacun s'interroge quant aux décisions à prendre pour faire face à ces problématiques, tous disent, que le « trou de la sécu » ne doit plus s'agrandir.
C'est aussi dans ce contexte que certains professionnels de santé ont dit leur crainte, légitime parfois, et même souvent, que soit porté atteinte au libre choix des patients. On peut comprendre qu'une telle inquiétude s'exprime dans le cadre des principes originaux régissant notre système de santé. Mais aujourd'hui, avec les amendements qui ont été retenus par la commission, j'ai le sentiment que la nouvelle version de la proposition de loi est de nature à lever certaines réticences.
Au final, ce texte se borne à permettre aux mutuelles de mieux rembourser leurs adhérents lorsqu'ils s'adressent à un professionnel de santé qui aura passé une convention avec elles dans les secteurs à faible prise en charge que sont le secteur dentaire, celui de l'optique ou encore celui de l'audioprothèse.
L'objectif est de participer à la maîtrise des coûts, de réguler le marché déconventionné dans ces secteurs, tout en sécurisant les professionnels de santé, les organismes complémentaires évidemment, mais surtout les millions d'assurés mutualistes qui pourront ainsi espérer une réduction importante des restes à charge.
Aussi, dorénavant, je considère ce texte comme un texte de compromis et d'attente. Car s'il sécurise un aspect de l'intervention des mutuelles, il ne peut évidemment avoir la prétention d'apporter de solutions définitives à l'ensemble des problèmes posés à notre système de santé et d'assurance maladie. Souvenons-nous simplement d'un seul chiffre : 16 % de la population déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières en 2010 ! Et ce chiffre ne fait qu'augmenter d'année en année.
Les décisions prises par l'ancienne majorité parlementaire, à coup de franchises médicales, d'augmentation du forfait hospitalier et de déremboursements de médicaments et d'actes, ne sont pas pour rien dans cette situation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – « Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Messieurs, la vision purement comptable et libérale qui était alors la vôtre a littéralement fait exploser les restes à charge des familles.
Aussi face à cette réalité, si je suis favorable à une meilleure intervention des assurances complémentaires, notamment des mutuelles, je demeure vigilant car il ne faut pas amoindrir encore davantage la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire.
Je reste persuadé que la moyenne de 75 % des soins de santé pris en charge par la sécurité sociale demeure un seuil responsable. Madame la ministre, je me félicite de votre déclaration qui rend à la sécurité sociale sa place de pilier de notre système. Vous rassurez ceux qui avaient quelques inquiétudes. Selon moi, une ouverture plus grande au financement complémentaire risquerait, à terme, de déstabiliser notre système de solidarité en donnant plus de place aux assurances privées. À coup sûr, elles sauraient trouver la voie des profits pour leurs actionnaires sur un terrain déserté par la puissance publique, tandis que le mouvement mutualiste pourrait y perdre son âme tant la concurrence serait rude. Quant aux familles, elles paieraient les pots cassés et pourraient craindre une augmentation importante de leur contribution.
Madame la ministre, chers collègues, force est de constater que notre système français de protection est bousculé. La progression naturelle des dépenses maladie, la baisse des recettes, la crise économique et l'environnement juridique international poussant à la libéralisation interrogent notre modèle.
Tout en émettant un avis positif sur ce texte, le groupe RRDP souhaite remettre à l'ouvrage l'ensemble des questions qui nous sont posées. Nous souhaitons poursuivre ce débat en y associant l'ensemble des acteurs, notamment des médecins. Il faudra bien, à terme, que les mutuelles qui regroupent près de trente-huit millions d'adhérents trouvent un accord avec les médecins pour une coopération nouvelle avec pour seul objectif le bien-être des patients et l'amélioration de notre système de protection.
Madame la ministre, je ne doute pas que nous aurons ce débat dans une période très prochaine. Nous espérons qu'il nous permettra de conserver notre modèle de solidarité que bien des pays à travers le monde nous envient.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la proposition de loi autorisant les mutuelles à mettre en place des réseaux de soins ;
Projet de loi relatif à la Banque publique d'investissement ;
Proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron