Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 28 novembre 2012 à 15h00
Réseaux de soins des mutuelles — Présentation

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Je me réjouis qu'elles aient refusé de s'engager dans cette voie. On ne peut pas les amener à jouer un rôle, lorsqu'il s'agit de prendre en charge les dépenses qui ne sont pas nécessairement justifiées, et s'inquiéter lorsqu'elles souhaitent intervenir dans une régulation de nature différente.

Cette proposition de loi permet d'autoriser les réseaux de soins qui fonctionnaient sans difficultés et sans que ne se posent de questions jusqu'à une décision de la Cour de cassation de 2010. L'objectif des réseaux qu'il est proposé de mettre en place est de limiter le reste à charge pour les familles.

Comme je l'ai dit, la priorité, c'est l'accès de tous à des soins de qualité. Pour garantir cet accès aux soins, le pilier fondamental est, à l'évidence, la sécurité sociale, donc l'assurance maladie obligatoire. Nous devons le dire et le réaffirmer, ce dispositif n'est pas remis en cause. Nous sommes dans le cadre d'un système de santé solidaire et qui doit le demeurer. Cette solidarité est affirmée, assumée, assurée et garantie par l'assurance maladie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons souhaité qu'il y ait des discussions sur les dépassements d'honoraires nous permettant de conforter le pilier de l'assurance maladie. Tel est le sens de l'avenant n° 8 à la convention médicale, signé le 25 octobre et qui est en cours d'approbation.

Mais nous devons aussi préciser le rôle et la place des complémentaires, notamment des mutuelles. Longtemps, ces complémentaires n'ont fait que compléter les remboursements de l'assurance maladie. Mais, aujourd'hui, la réalité n'est plus la même, en particulier pour certains soins tels que l'optique, les prothèses dentaires ou auditives. Dans ces domaines, les complémentaires, on peut le regretter, mais c'est aujourd'hui une réalité, assurent la plus grande partie des frais engagés par nos concitoyens. Le reste à charge payé par nos concitoyens n'a cessé d'augmenter depuis dix ans. Cette proposition de loi a pour objet de permettre aux mutuelles de contribuer, selon les mêmes règles que les autres complémentaires, à la régulation de l'accès aux soins. C'est, en particulier, l'enjeu du conventionnement dans les secteurs dans lesquels les régimes complémentaires assurent la majorité des remboursements.

L'objectif est donc de placer l'ensemble des complémentaires santé dans une situation identique. Les compagnies d'assurance et les institutions de prévoyance ont toujours pu conventionner sans restriction. Les organismes régis par le code de la mutualité n'ont pas cette possibilité. Ils ne peuvent pas proposer des contrats de complémentaire santé intégrant des dispositions du même type que celles prévues par les contrats des assureurs privés. C'est cette interdiction que la décision de la Cour de cassation de 2010 a rappelée, confirmant ainsi l'inégalité entre les familles de complémentaires. Je veux rappeler que notre pays compte trente-huit millions de mutualistes. Les mutuelles ont ainsi développé des réseaux spécifiques, parfois avec un grand nombre de professionnels et un réel effet sur l'amélioration du service rendu aux usagers, sans que cette pratique ancrée n'ait de fondement juridique. Chacune, chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les députés, peut avoir connaissance d'établissements mutualistes qui fonctionnent selon ces règles. Nous devons donc, aujourd'hui, faire évoluer le droit, afin de rétablir l'égalité entre les différentes familles de complémentaires et définir un cadre commun à l'ensemble des réseaux existants.

La commission des affaires sociales a mené, de ce point de vue, un travail approfondi sur la proposition de loi initiale comme le texte désormais présenté devant votre assemblée en témoigne. Je veux, à nouveau, saluer le travail de qualité réalisé par la rapporteure, Mme Fanélie Carrey-Conte.

Le fonctionnement des réseaux de soins doit reposer sur des principes et des règles clairement établis. Cela a été tout l'enjeu et tout l'objet du travail accompli que d'y parvenir.

Les grands principes sont au nombre de quatre.

Premièrement, le respect du libre choix du patient doit être réaffirmé. Les Français sont profondément attachés à cette valeur essentielle, corollaire de la liberté qui s'attache au mode d'exercice des médecins ou des professionnels de santé. Les organismes d'assurance maladie ne peuvent pas et ne doivent pas prendre des dispositions entravant cette liberté. C'est juridiquement impossible. Il doit naturellement en aller de même pour les complémentaires santé.

Deuxièmement, les conventionnements doivent reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. Un système n'est légitime et accepté que s'il est mis en oeuvre dans la transparence tant pour les professionnels que pour les patients.

Troisièmement, les conventionnements ne doivent pas présenter de caractère exclusif. Il ne serait pas acceptable qu'un professionnel ne puisse adhérer qu'à un seul réseau, réservant de facto ses soins aux adhérents de ce réseau.

Enfin, quatrièmement, le patient doit avoir accès à toute l'information disponible dans une démarche de parfaite transparence avant et après la conclusion d'un contrat. Quelles sont les caractéristiques du réseau auquel il est susceptible d'appartenir par le biais du professionnel de santé ? Quelles facilités d'accès garantit-on ? Quel est le détail des règles de remboursement par sa complémentaire ? Ce sont autant de questions légitimes auxquelles des réponses doivent être apportées. Vous avez dit, madame la rapporteure, que nous serions amenés à engager une réflexion sur la définition des contrats des organismes complémentaires proposés à nos concitoyens et sur la fiscalité selon leurs caractéristiques. La question de la transparence des informations de ces contrats se pose. Nous avons tous, en tant qu'élus, des contacts avec des citoyens qui ne comprennent pas exactement ce à quoi ils ont droit, ayant, pour leur part, l'habitude de payer en valeur absolue, le prix de la consultation leur étant demandé, alors que les contrats font référence aux taux de remboursement, ce qui n'est pas toujours la façon la plus simple de s'y retrouver.

Ces quatre principes s'appliqueront à l'ensemble des organismes assureurs, j'insiste sur ce point, et à tous les types de réseaux de soins. Il en va du bon fonctionnement de notre système de santé solidaire.

Il est donc légitime que ces réseaux portent sur les soins. Il s'agit, par exemple, d'intervenir sur les tarifs de la prothétique dentaire, de l'optique, ou encore de l'audioprothèse, secteurs dans lesquels, je le répète, les remboursements par les organismes complémentaires sont majoritaires. Mais, s'agissant des soins médicaux, ces réseaux ne doivent ni porter sur les tarifs des médecins ni induire une différence de remboursement ou de prise en charge pour les familles. Vous l'avez dit, madame la présidente, ces réseaux doivent être strictement limités à ce pour quoi ils ont été conçus. Les tarifs des soins médicaux ne sont pas concernés. En effet, les tarifs des médecins ne sauraient relever de négociations individuelles. Les professionnels de santé – étudiants en médecines, internes et médecins – ont exprimé cette préoccupation au cours des dernières semaines. Il est clair qu'il existe une règle selon laquelle les tarifs des praticiens sont déterminés au niveau national et dans un cadre conventionnel. Ainsi, les tarifs des médecins de secteur 2 ont été encadrés par l'avenant n° 8 sur les dépassements d'honoraires, que l'UNOCAM et, au premier rang, la Mutualité ont signé et soutenu. C'est bien là le bon outil pour réguler et favoriser l'accès aux soins, même s'il peut évoluer dans sa composition, son organisation et ses modes de fonctionnement. C'est pourquoi, et nous aurons l'occasion d'en discuter, je soutiens pleinement le sous-amendement déposé, en ce sens, par Mme la présidente de la commission des affaires sociales, sous-amendement qui permet de clarifier le débat.

Concernant les autres professionnels de santé, leurs tarifs ne peuvent pas être fixés dans le cadre des réseaux : ils le sont par des conventions nationales, comme l'a prévu la loi, et ils doivent obligatoirement respecter le tarif opposable. Je rappelle que les conventions portant sur les tarifs des professionnels ne peuvent remettre en cause les tarifs opposables qui s'imposent aux professionnels, quel que soit le réseau auquel, le cas échéant, ils choisiraient d'adhérer.

Je veux également souligner l'apport de la commission qui a enrichi ce texte pour permettre d'améliorer l'information disponible sur les réseaux de soins. Ce sont les dispositifs de conventionnement des organismes complémentaires que nous devons rendre plus transparents. Chaque année, comme le prévoit l'article 3 de cette proposition de loi, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement présentant un bilan des réseaux de soins. Établi sur la base de données transmises par les organismes complémentaires, ce rapport présentera les garanties et les prestations que ces conventions comportent, ainsi que le bénéfice qu'en retirent les patients, notamment en termes de reste à charge. Ce bilan annuel nous permettra de mettre en évidence l'impact éventuel de ces conventions sur les tarifs et les prix négociés avec les professionnels, les établissements et les services de santé.

Je souhaite aussi que soit confiée au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie une réflexion sur les réseaux de soins. Elle pourrait déboucher sur des propositions visant à garantir l'accès à des soins de qualité et à diminuer le reste à charge dans le champ du dentaire et de l'optique. Ces travaux permettront d'étayer utilement le rapport du Gouvernement au Parlement.

Au-delà de cette proposition de loi, l'ambition plus large que portent le Gouvernement et la majorité est de réguler notre système de santé. Nous devons intervenir dans des secteurs qui ont fait l'objet, depuis quelques années, d'une dérégulation. Sans régulation, les valeurs de solidarité resteront lettre morte. Or, depuis dix ans, les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment intervenus, laissant ainsi s'imposer une sorte de logique du marché. Nous devons donc réintroduire des règles là où il n'y en avait plus ou plus assez. Tel est le sens de l'accord sur les dépassements. C'est une première étape pour améliorer l'accès aux soins, mais d'autres chantiers nous attendent.

J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, nous devrons faire en sorte de mieux réguler le champ des complémentaires santé, lesquelles connaissent, aujourd'hui, une concurrence importante. L'émergence de nouveaux acteurs, la segmentation des contrats et leurs nouveaux contenus investissent le champ de la santé et du conventionnement. Je tiens à dire très clairement que nous ne pouvons pas laisser une dérive s'installer, ce qui aboutirait à ce que cette concurrence permette à certains opérateurs de sélectionner les malades.

Le danger, c'est l'augmentation sans limite des coûts de la couverture en fonction de l'âge.

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