Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 20 février 2015 à 22h00
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 13

Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique :

J’y reviendrai.

Après un travail extrêmement précis mené, entre autres, par M. Chaubon et M. Colombani, l’Assemblée de Corse a adopté une délibération demandant la création d’une collectivité unique. Depuis un peu plus de deux ans, j’essaie, pas à pas, de trouver des solutions aux questions posées. Une vraie belle réponse à la Corse serait effectivement la création d’une assemblée unique. Cette solution correspond à des volontés locales fortes et s’inscrit dans la continuité d’un processus déjà engagé : en effet, la collectivité territoriale de Corse, qui dispose d’un statut particulier, exerce déjà plusieurs compétences des départements telles que l’entretien des collèges, par exemple, depuis le 20 novembre 2013.

L’amendement no 1979 rectifié du Gouvernement, que nous examinerons dans quelques instants, vise donc à achever un processus de simplification des structures tout en garantissant le respect des spécificités corses. La collectivité unique de Corse serait créée – j’utilise volontairement le conditionnel – en 2018, après des élections organisées en décembre 2017.

Les collectivités uniques permettent une gouvernance régionale de proximité, plus en phase avec les besoins des citoyens, lorsque la région est de taille ad hoc. C’est bien le cas de la Corse.

L’amendement prévoit aussi le maintien du régime juridique de la Corse et de toutes ses spécificités en matière législative et réglementaire – cela a été fortement commenté et apprécié, me semble-t-il. Le nouveau mode de gouvernance territoriale ne doit affecter aucun des compromis qui ont d’ores et déjà été trouvés. Le droit national pourra donc toujours être adapté aux spécificités de l’île. Pour les membres de l’Assemblée de Corse, il s’agit d’un point important. En effet, depuis des années, leur assemblée demande que ce droit spécifique soit respecté : pour ce faire, elle a envoyé quarante-deux demandes mais n’a reçu aucune réponse, pas même un accusé réception. Nous avons ressorti ces demandes, auxquelles nous répondons progressivement.

Restent les questions très fortes que vous venez de poser, messieurs les députés. Vous nous demandez de faire un pas vers l’assemblée unique. Je comprends vos arguments mais, à chaque fois que l’on fait un pas, il ne faut pas en faire un autre de côté. Sinon, nous perdrons du temps et nous nous poserons toujours la même question dans quelques années.

Cet amendement s’inscrit dans le seul véhicule législatif dont nous disposions pour répondre à la demande. Si nous n’agissons pas maintenant, nous ne trouverons pas d’autre véhicule législatif avant un long moment – vous connaissez l’encombrement de l’ordre du jour de votre assemblée. C’est donc par souci d’efficacité et de rationalité que nous utilisons ce véhicule législatif, avec l’accord, bien évidemment, du ministre de l’intérieur, qui aurait voulu être présent ce soir mais qui en est empêché.

Je veux m’adresser en particulier aux députés corses qui ont rappelé la demande de référendum. Nous sommes extrêmement clairs : nous proposons cet amendement à titre tout à fait conservatoire, pour éviter qu’une possibilité ne nous échappe. Le 13 avril prochain, le ministre de l’intérieur et moi-même recevrons les représentants de la collectivité territoriale de Corse. Nous leur demanderons, comme le ministre de l’intérieur l’a fait en Corse au début du mois, s’ils veulent du processus proposé par le présent amendement ou d’un référendum. Que chacun le sache : si nous prenons la décision d’organiser un référendum, nous aurons besoin d’un peu de temps ; ensuite, il faudra continuer. Je comprends votre souci et je vous réponds pragmatiquement, en droit : ne ratons pas la possibilité offerte par cet amendement ! Lorsque nous aurons discuté avec l’ensemble des représentants, nous déterminerons ensemble laquelle des deux solutions est la meilleure.

Monsieur de Rocca Serra, vous avez raison d’insister, comme vous l’avez fait récemment à l’occasion d’une question au Gouvernement, sur le fait qu’il est impossible de prolonger le mandat de l’actuelle Assemblée de Corse. Quoi qu’il arrive, les élections départementales auront lieu, comme dans tous les autres départements de France. En effet, le mandat des conseillers élus ne courra que jusqu’en décembre 2017 car, si nous voulons mettre en place une nouvelle assemblée au 1er janvier 2018, nous serons obligés d’organiser de nouvelles élections. Après un référendum, ce serait d’ailleurs la même chose : il faudrait confirmer dans la loi la création d’une assemblée unique, déterminer un mode de scrutin et choisir la date de l’élection. En adoptant la solution du référendum, le problème serait donc identique.

Vous avez aussi évoqué le mode de scrutin et la représentation géographique. Vous en aviez d’ailleurs déjà parlé, les uns et les autres, au cours de la réunion avec Bernard Cazeneuve et moi-même. Comme je l’ai déjà dit, nous discuterons de ces sujets le 13 avril.

Faut-il qu’il y ait, pour faire simple, deux listes, l’une pour la Haute-Corse et l’autre pour la Corse-du-Sud ? Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’en vue de constituer une assemblée unique, chaque famille politique devait élaborer une seule liste représentant l’ensemble des territoires.

J’exclus totalement l’idée d’une représentation territoriale par des collèges. Nous en sommes tous d’accord, et le rapport Chaubon corrobore notre opinion.

La création d’une sorte de chambre de territoire a été proposée. À l’heure où je vous parle, je ne vois pas, en droit, comment nous pourrions construire cette chambre. En revanche, rien n’empêche une assemblée unique de prévoir, dans son règlement intérieur, une organisation assurant un équilibre entre les représentants de la Haute-Corse et ceux de la Corse-du-Sud. Un tel dispositif me paraît un peu complexe, mais il relève davantage du fonctionnement et du règlement de la future assemblée, si elle doit exister, que de la loi. Sur ce point, nous pourrons toujours trouver une solution pragmatique.

S’agissant du nombre de sièges, nous l’avons fixé à soixante-trois.

Nous proposons bien évidemment à l’ensemble des membres de l’Assemblée de Corse concernés de travailler ensemble, point par point, à l’élaboration de l’ordonnance. Celle-ci devra être ratifiée par le Parlement qui pourra l’améliorer, l’accepter ou rejeter sa ratification. Le Parlement n’est donc pas privé de parole.

Mon intervention est trop longue : je vais donc l’achever. Je pourrai répondre à d’autres questions, s’il y en a.

Je ne peux pas imaginer que nous ne soyons pas d’accord, au moins, sur un point : un gouvernement qui a décidé de mener une discussion, qui s’en est donné les moyens depuis quelque temps et qui a accepté une proposition ne doit-il pas utiliser le premier véhicule législatif pour essayer de concrétiser cette dernière ? C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

S’agissant enfin de la co-officialité ou de l’inscription de la langue corse dans la Constitution, nous sommes ici à l’Assemblée nationale et nous n’avons pas les moyens de modifier notre Constitution. Or nous savons que la co-officialité est anticonstitutionnelle : ce n’est donc pas la peine d’ouvrir ce débat ici.

M. Camille de Rocca Serra a parfois évoqué ce point avec d’autres de vos collègues appartenant aujourd’hui à la majorité sénatoriale. Pour modifier la Constitution, en effet, nous avons besoin de l’accord du Sénat. Avec Jean-Jacques Urvoas, nous espérons obtenir un accord le plus rapidement possible afin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais cet accord est difficile à obtenir, et on nous a déjà dit qu’une éventuelle révision constitutionnelle porterait peut-être uniquement sur la ratification de la Charte et ne comporterait aucune autre modification de la Constitution. À l’heure où nous parlons, nous en sommes là.

Voilà donc ce que le Gouvernement propose : adopter cette solution législative ce soir, car une telle occasion ne se représentera pas de sitôt ; entamer des discussions le 13 avril pour déterminer la voie, référendaire ou non, dans laquelle nous nous orienterons ; continuer à travailler ensemble.

Plusieurs orateurs m’ont posé des questions sur les autres régions. Entre juillet et la fin de l’année 2012, j’ai passé beaucoup de temps sur le dossier alsacien. À l’époque, l’Alsace avait demandé l’organisation d’un référendum, et rien d’autre : nous y avons bien sûr fait droit, mais ce référendum a donné le résultat que vous savez. En outre, nous savons tous qu’une assemblée unique, qu’elle soit expérimentée ou créée par la loi, doit correspondre au périmètre d’une région.

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