Intervention de François Godement

Réunion du 21 novembre 2012 à 9h45
Commission des affaires étrangères

François Godement, professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Paris :

En réponse à vos questions sur l'Europe, je me réjouis de la continuité entre l'actuel gouvernement et le précédent autour de thèmes comme la réciprocité des investissements, le ton plus ferme que doit adopter Bruxelles dans négociations. Il faut être réaliste : nous ne pouvons pas résoudre les problèmes par nous-mêmes, en dehors de l'enceinte européenne, et ce ne sont pas les accords de bonne volonté qui nous aideront à surmonter les difficultés. La Chine a besoin de l'Europe pour diversifier ses placements, pour exporter. Elle est inquiétante à certains égards, notamment dans le domaine concurrentiel, mais il ne faut pas lui fermer la porte. Il faut contrôler, réguler et parvenir à peser dans la négociation. La réélection du Président Obama offre peut-être l'occasion de trouver quelques points de convergence avec les États-Unis. Il faut éviter aussi d'être trop naïf car les intérêts chinois entrent par la porte, la fenêtre, le vasistas et, plus généralement par toute ouverture accessible. Les statistiques concernant l'Europe sont toutes largement sous-estimées puisqu'elles ignorent le rôle des places offshore, des riches particuliers et des prête-noms.

L'armée, enfin. Il s'agit d'un lobby qui s'est reconstitué. Curieusement, c'est l'année où le Premier ministre Wen Jiabao a eu l'audace, à cause de la crise et pour la seconde fois en vingt-cinq ans, de ralentir la croissance des dépenses militaires – passée de 10 % à 8 % – qu'a été lancée la grande campagne militaire, que le soixantième anniversaire de la République populaire a été célébré avec un faste sans équivalent et que les incidents territoriaux se sont intensifiés. Le poids de l'armée est considérable car elle incarne la légitimité nationale dans un domaine déserté par l'idéologie, et elle reste le dernier recours en cas de troubles intérieurs, les forces paramilitaires, en plein essor, étant elles-mêmes très dépendantes de l'armée.

Les capacités réelles des différentes forces ? On dit tout et son contraire car, aux États-Unis même, il y a une véritable guerre de religion à se sujet. Je pense que la capacité chinoise est semi-militaire, semi-géopolitique, c'est-à-dire que leur ténacité et la certitude que les Chinois inspirent à leurs interlocuteurs qu'ils sont capables de tenir et de supporter des pertes sur une longue durée jouent leur faveur. En parallèle, leur attitude constitue en Asie la meilleure publicité pour les fabricants d'armes. Tous les voisins augmentent leurs dépenses militaires. J'ignore comment les États-Unis eux-mêmes pourront à long terme tenir leurs engagements en la matière. Mais les voisins de la Chine prendront le relais. De ce côté-là de l'horizon, des nuages apparaissent, et le contraste avec la situation européenne est frappant.

L'Organisation de coopération de Shanghai est une alliance diplomatique de revers qui inclut les pays d'Asie centrale, la Russie et la Chine. Son utilité principale réside dans la garantie des frontières et dans la réaffirmation de la primauté de la souveraineté. Sur le plan pratique, il n'a pas grande portée car ses membres ne se font pas confiance.

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