Merci beaucoup à tous deux de nous avoir livré vos points de vue, très riches et très complémentaires – l'un externe, l'autre plus interne. Merci également à Michel Winock pour ses propos, comme toujours très éclairants.
Sur la possibilité d'une représentation proportionnelle, je suis entièrement d'accord avec vous. En France, à cause de notre vision faussée de la Quatrième République, ce mode de scrutin est systématiquement associé à l'instabilité. En réalité, des vingt-huit pays de l'Union européenne, seuls le nôtre et la Grande-Bretagne ont recours au scrutin majoritaire tandis que tous les autres ont adopté un scrutin mixte ou proportionnel ; or la stabilité gouvernementale atteint cinq ans ou cinq ans et demi en Suède, quelque sept ans au Luxembourg ; en Allemagne, en Espagne, la proportionnelle n'empêche pas une alternance régulière et des gouvernements stables. Je partage donc entièrement l'analyse selon laquelle les raisons pour lesquelles on l'a longtemps écartée ne semblent plus valables dans la conjoncture politique actuelle. Mais si l'on adoptait la proportionnelle, quel type de proportionnelle conseilleriez-vous ? Par ailleurs, que penseriez-vous d'un scrutin binominal pour les élections législatives, comme pour les départements, mais en conservant le scrutin majoritaire ? Toujours en restant dans ce cadre majoritaire, quel serait votre sentiment sur le scrutin de liste ? On en parle assez peu ; il a été pratiqué, mais je connais mal les expériences qui en ont résulté.
J'ai pris un temps en considération l'hypothèse d'un vote obligatoire, mais si, comme vous le dites, l'abstention émane surtout des jeunes des classes populaires, on peut douter que cette obligation leur donne une image positive de l'élection ; cette idée serait donc plutôt contre-productive. Pouvez-vous me le confirmer ?
Comment améliorer la parité ? Est-il concevable de durcir les sanctions financières ? Quels autres moyens envisageriez-vous ?
En ce qui concerne l'inscription sur les listes électorales, dont vous avez justement souligné l'importance, ne pourrait-on la faire automatiquement découler de l'adresse retenue pour la carte de sécurité sociale, ce qui faciliterait les contrôles ? Car il est essentiel que tout le monde vote.
Je suis entièrement d'accord avec ce qui a été dit sur l'absence de projet. Je crois hélas que si le parti qui est aujourd'hui le premier de France a réussi à le devenir, c'est parce qu'il a un projet, lequel a le mérite d'exister même s'il n'est guère positif.
À mon sens, nos institutions sont tout de même largement responsables de ce rejet des partis. À ce sujet, disposez-vous de chiffres sur l'abstention dans d'autres régimes politiques ? Pourrait-on en déduire une corrélation entre régime politique et taux d'abstention ? Il me semble que ce dernier est beaucoup plus faible dans les démocraties du Nord de l'Europe et que cela découle d'une longue pratique de la proportionnelle et de la vision du débat politique qui en résulte, très différente de la nôtre. On invoque notre tradition bonapartiste, mais fait-elle partie des aspects les plus positifs de notre histoire ? Les esprits français ne sont-ils pas capables de s'ouvrir au dialogue, au respect d'autrui, au consensus ?
De Gaulle, en particulier, porte une lourde part de responsabilité, lui qui souhaitait que l'élection présidentielle soit détachée des partis, qui l'avait conçue ainsi et qui, voyant que les partis s'en emparaient à nouveau, avait eu cette formule : « si le diable est dans le confessionnal, alors, ça change tout » ! Ce qui en dit long de l'image du parti politique sous la Cinquième République.
Aujourd'hui encore, pour la plupart des Français, deux partis sont représentés, et ils se sentent exclus : pourquoi, se demandent-ils, discuter de politique alors que l'économie joue un rôle croissant et que l'on signe tous les cinq ans un chèque en blanc à un homme incontrôlable ? Dans les pays où l'on discute davantage au Parlement, comme en Allemagne, le débat peut être plus riche.
Le 17/12/2016 à 22:37, Laïc1 a dit :
"Car il est essentiel que tout le monde vote."
Ce n'est pas le fait de voter qui compte, comme un robot programmé pour cela, c'est le sens que l'on va donner à ce vote, d'où l'importance et la supériorité du référendum sur l'élection, car le référendum oblige à la réflexion ponctuelle, tandis que l'élection englobe une multitude de sujets différents que l'électeur devra accepter comme un tout indissociable, ce qui est hautement improductif pour la pensée et la réflexion. C'est même une aberration intellectuelle, puisque l'électeur devra accepter des mesures qu'il rejette au nom d'autres qui lui plaisent, C'est du grand n'importe quoi.
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