Intervention de Virginie Tournay

Réunion du 13 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Virginie Tournay :

Merci aux deux intervenants pour leurs présentations qui combinaient des aspects théoriques, pratiques et très concrets.

J'aimerais revenir au principe même du fonctionnement des partis politiques et à sa relation à l'idée d'empowerment des citoyens. La notion de parti politique me semble fournir un parfait exemple de la difficulté à concevoir une instance de médiation entre le politique et le social, entre le pouvoir et l'opinion. Cela étant, pour paraphraser Bernard Manin, il est évidemment impossible d'imaginer des formes viables de démocratie représentative sans parti politique.

Il s'agit là d'une problématique qui relève à la fois de la philosophie politique et de la sociologie, comme vous l'avez bien montré. Le problème est d'abord philosophique, parce que la logique partisane suppose un double mouvement : elle agrège et rassemble des opinions singulières, mais elle écarte toute divergence susceptible de nuire à l'unité d'ensemble. C'est ce qui fait dire à Marc Sadoun que le parti politique s'inscrit à la fois dans la dérive de l'hétérogénéité et dans la tentation de l'unité. Les partis constituent une tentative de réduire les incertitudes inhérentes au fonctionnement démocratique, ce qui est bien différent de l'état d'esprit de l'espace public, dans lequel, par définition, des divergences peuvent s'exprimer. Selon vous, ce principe de fonctionnement propre aux partis politiques est-il compatible avec l'idée d'empowerment, de capacité des personnes ?

Cette notion, abondamment développée dans les travaux de recherche et mentionnée dans les médias, est définie comme un fondement de la participation à la vie démocratique. Elle suppose deux dimensions : premièrement, que l'individu soit reconnu et représenté dans la société ; deuxièmement, qu'il dispose des moyens de son expression. Il faut donc des procédures par lesquelles cette reconnaissance s'exprime, mais cela ne suffit pas : que le citoyen ait les moyens de son expression suppose de donner des capacités à des gens qui n'en ont pas nécessairement. Par ailleurs, cette notion ne renvoie pas à un état de fait mais à un processus à long terme. C'est l'idée que, si quelqu'un a faim, il ne faut pas lui donner un poisson mais lui apprendre à pêcher. Autrement dit, l'empowerment suppose d'acquérir les moyens d'être son propre avocat, ce qui passe par la formation, la discussion, la valorisation systématique de l'espace public comme lieu d'échange, d'où le rôle fondamental de l'éducation populaire.

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