Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 13 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, président :

Derrière tout ce qui a été dit sur le porte-à-porte, la nécessité d'une représentation paritaire ou d'un renouvellement, il y a une question qui nous ramène à la réflexion sur les institutions.

« Vous êtes sympathiques », nous disent les électeurs, « mais à quoi servez-vous ? ». Voilà ce que me rapportent les élus et dont je fais moi-même l'expérience. Les élus locaux font beaucoup d'efforts pour communiquer avec les personnes qui vivent sur leur territoire, pour les séduire, et, au bout du compte, comme le rappelait Marie-George Buffet, on leur dit : « et mon logement, c'est quand ? ».

Si nous devons repenser l'organisation des partis politiques, c'est aussi dans le cadre de l'évolution de nos institutions. Je prendrai un exemple que je connais bien, celui de ma propre organisation politique. Qu'est-ce qui conduit quelqu'un à adhérer à un parti ? Jusqu'à présent, on disait : « vous adhérez, et vous pourrez désigner le candidat ou la candidate qui va vous représenter, et définir le projet politique auquel vous allez vous identifier ». Aujourd'hui, dans le cadre de la démocratie participative, on dit : « vous n'êtes plus assez représentatifs pour désigner votre candidat ; on va donc faire appel, dans le cadre d'une primaire ouverte, à d'autres que vous, ce qui donnera au candidat plus de légitimité ». Voilà qui met à bas l'une des motivations de l'adhésion.

Je vous parle d'une expérience que j'ai vécue, et qui m'a fait me poser beaucoup de questions. On travaille à définir le programme qui va servir à présenter et à soutenir un candidat, mais, à un moment donné, celui-ci se trouve être l'élu d'une base beaucoup plus large et, pour en tenir compte, veut porter ses propres orientations. Cela perturbe les raisons qui peuvent conduire un citoyen à adhérer à un parti.

On n'a peut-être pas assez pris en considération les conséquences de cette nouvelle forme de démocratie où tout le monde veut choisir, décider. Autrefois, d'une certaine façon, c'était plus facile. À l'époque du Mur, on était soit pour les rouges, soit pour les bleus ; il existait une dimension qui dépassait les décisions locales et permettait l'identification.

Les mouvements d'extrême droite ne se nourrissent-ils pas justement de cela ? Ce qu'ils présentent, c'est moins un projet national, ou même local, qu'un rejet total. C'est facile : « c'est la faute de l'Europe, donc on arrête l'Europe ; c'est la faute des immigrés, donc on arrête l'immigration ». Ils fédèrent par le rejet.

En ce qui concerne le financement des partis – j'ai fait vérifier, madame Berger : il s'agit de la loi du 15 janvier 1990 –, on imagine bien comment, si on ne le réforme pas, l'arrivée de financements privés pourrait affaiblir la démocratie. Quand on voit le budget nécessaire à une campagne électorale qui fasse surtout appel à la publicité à la télévision, on imagine les dérives auxquelles on pourrait assister.

Cela nous renvoie à la question, évoquée par plusieurs intervenants, du statut de l'élu. Il est exact que ce serait une folie, de la part de quelqu'un qui travaille dans le privé, de vouloir se lancer dans une carrière politique. Mais nous avons aussi, pour des raisons de morale politique, décidé de figer les carrières des élus issus du secteur public, mettant fin à ce qui représentait pour eux une forme de sécurité : c'est un sacrifice qu'on leur demande aujourd'hui. Le statut et la vie non seulement des partis politiques, mais aussi des représentants sont ici en jeu. Si nous n'abordons pas cette question, nous ne pourrons résoudre le problème du cumul des mandats dans le temps : un passage momentané par la politique est devenu trop dangereux, que l'on vienne du privé ou du public. Bernard Thibault l'a fait observer à propos des organisations syndicales lors de notre dernière réunion. Cela vaut également des responsables politiques, et c'est inquiétant. On a beaucoup glosé sur la place, au sein des partis politiques, des énarques et d'autres produits de nos grandes écoles républicaines. Mais, quand on va faire des planches devant ces étudiants, on constate qu'ils sont bien moins nombreux qu'il y a quelques années à avoir envie de faire de la politique.

En somme, il me paraît essentiel de s'interroger sur les partis politiques dans le cadre de la problématique de l'évolution des institutions. Quelle peut être la portée de l'organisation des partis lorsqu'il s'agit d'entrer dans une nouvelle hiérarchie institutionnelle ? Et quelles sont les institutions qui permettent de faire vivre la démocratie ? Car c'est aussi de cela qu'il est question.

1 commentaire :

Le 17/12/2016 à 23:16, Laïc1 a dit :

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"et, au bout du compte, comme le rappelait Marie-George Buffet, on leur dit : « et mon logement, c'est quand ? »."

C'est normal : la déresponsabilisation du citoyen par l'absence de référendum implique une sur-responsabilisation de l'homme (ou femme) politique, sa domination totale sur l'espace public et sur le citoyen, et celui-ci, vaincu par tant de puissance, conscient de son infériorité temporelle, mais également conscient que le politique est élu grâce à lui et qu'il lui doit néanmoins sa puissance, trouve logique d'avoir une relation purement intéressée avec le politique, pourrait-il en être autrement ?

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