Intervention de Michel Winock

Réunion du 13 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Michel Winock, président :

Je reviens sur la question de la personnalisation des partis, évoquée par Mme Berger. Ne nous faisons pas d'illusions : au cours de leur histoire, les partis ont toujours été représentés par un leader. Et, lorsqu'il n'y en avait pas, on parlait de crise de leadership. On a besoin du leader : c'est lui qui donne sa visibilité au parti. Jadis, nous avons eu « le parti de Jaurès », puis « le parti de Thorez ». Quant à l'exemple du Front national, il me semble mal choisi : plus que tout autre parti, le Front national a été pendant longtemps le parti d'un homme, Jean-Marie Le Pen. Et sa fille est, elle aussi, une personnalité représentative et bien connue. Ne tombons pas dans l'angélisme en réclamant des partis purement idéologiques : les individus comptent. Pour le général de Gaulle, d'ailleurs, seuls les individus comptaient, et pas les partis. Tel n'est pas mon avis, mais n'oublions pas le rôle très important du leadership.

S'agissant de la proportionnelle, les comparaisons internationales ne permettent pas de démontrer la pertinence de telle ou telle institution, car chaque peuple, chaque nation a sa spécificité, son idiosyncrasie. Or, dans notre cas, l'histoire montre à quel point nous avons peu d'aptitude au consensus. Ainsi que je l'ai rappelé, Tocqueville estimait très répandu en France ce qu'il appelait l'« individualisme collectif ». Je crois que tel est toujours le cas aujourd'hui et que, si l'on introduisait la proportionnelle intégrale, cela poserait le problème de la gouvernabilité du pays. Certes, il existe plusieurs formes de proportionnelle et on parle souvent d'une « dose » de proportionnelle, mais n'oublions pas notre histoire et les précédents.

Enfin, l'affaiblissement des partis tient aussi à l'amoindrissement des débats et des affrontements idéologiques. Le primat de l'idéologie, que j'ai évoqué dans mon propos liminaire, caractérise bien davantage les partis qui se trouvent dans l'opposition – je pense notamment au Front national. Car l'arrivée au pouvoir, c'est aussi la confrontation avec la complexité du réel. En général, l'image de « sauveur » du parti vainqueur en souffre beaucoup. J'ai écrit un jour : « Gouverner, c'est décevoir. » À cet égard, méfions-nous des programmes. Certes, il n'est pas possible de faire une campagne électorale sans programme, mais on peut être à peu près certain qu'un programme long, détaillé et péremptoire ne sera jamais appliqué, car les responsables politiques se heurtent à toutes sortes d'obstacles et de contraintes une fois arrivés au pouvoir. Voter, c'est d'abord faire confiance à un parti ou à un candidat.

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