Intervention de Bernard Thibault

Réunion du 13 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Bernard Thibault :

Le mot « statut » ne me choque pas. Aujourd'hui, le statut est assimilé à des privilèges, alors qu'il s'agit d'un ensemble de règles qui prémunissent son titulaire contre toute mesure discriminatoire ou qui, au contraire, l'empêchent précisément de bénéficier de privilèges. Pour ma part, j'apprécie d'autant plus que nous abordions la question de la représentation politique de la diversité sociologique française que je suis de ceux qui pensent que la démocratie sociale participe de la démocratie en général et, par conséquent, que ce qui se fait dans le domaine social ne doit pas être opposé à ce qui se fait dans le domaine politique.

Si l'on veut favoriser réellement une plus grande diversité socioprofessionnelle de la représentation politique, il faut s'intéresser notamment à l'aspect matériel des choses. De fait, certaines catégories ont moins de difficultés que d'autres à se dégager des contraintes financières, par exemple. Un salarié n'a pas d'autres revenus que ceux qu'ils tirent de son emploi ; s'il doit abandonner celui-ci pour exercer une autre activité, il n'a plus de ressources. La solution suppose donc forcément une implication des entreprises. Au-delà de l'aspect financier, par quels moyens peuvent-elles permettre aux salariés d'avoir une plus grande liberté de s'engager ? Au plan syndical – et je crois que c'est également vrai au plan politique –, j'observe que les salariés s'engageraient plus volontiers s'ils étaient assurés de pouvoir le faire pour un temps limité. Or, pour des raisons juridiques notamment, cette fluidité n'est pas possible aujourd'hui.

On a évoqué les mandats syndicaux ; dans ce domaine, les progrès sont très lents. Ainsi, la reconnaissance d'engagements syndicaux autres que les mandats figurant dans le code du travail au sein d'un syndicat départemental ou d'une confédération, par exemple – dépend en grande partie du bon vouloir des employeurs. C'est pourquoi il me semble important de ne pas se limiter à la question des élus et de réfléchir également aux conditions dans lesquelles les salariés peuvent avoir une activité politique, notamment au sein d'un parti. Au plan social, je dois dire qu'il existe, à cet égard, beaucoup de situations illégales. Une entreprise qui accepte qu'un de ses salariés exerce un mandat syndical au sein d'une confédération peut en effet être accusée de lui fournir un emploi fictif. Certains de mes anciens collègues exerçant de très hautes responsabilités confédérales avaient publiquement reconnu s'être trouvés dans une telle situation.

En ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience, il faudrait pouvoir établir des critères d'évaluation incontestables. Dans ce domaine, on a progressé, mais dans quelques régions seulement, où des programmes de formation ont été mis au point avec des universités pour que les permanents puissent disposer d'un bagage universitaire reconnu et opposable à tout employeur. Un dispositif similaire pourrait être envisagé pour les élus politiques.

En tout état de cause, si l'on parvient à élaborer un dispositif qui responsabilise collectivement les employeurs dans le domaine de la citoyenneté, il faudra veiller à ce qu'il s'applique à l'ensemble des entreprises. Je le précise, car, au motif qu'il faudrait distinguer le cas des entreprises de moins de onze salariés de celui des entreprises de plus de cinquante salariés par exemple, nous ne parvenons toujours pas à faire respecter concrètement l'article 8 du Préambule de la Constitution, selon lequel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. »

Enfin, la méthode « Clerc » – du nom du militant de la CGT qui est parvenu à la faire reconnaître par les tribunaux – permet d'éviter que ses engagements syndicaux ne nuisent à l'évolution salariale d'un militant ou, au contraire, ne lui permettent d'augmenter plus vite ses revenus. Elle consiste à comparer l'évolution salariale d'un représentant syndical à celle de ses collègues à qualification et ancienneté égales. Dès lors que l'engagement politique serait reconnu par les entreprises, on pourrait, là aussi, étendre ce dispositif aux élus politiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion