Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 18 février 2015 à 10h00
Commission des affaires économiques

Geneviève Fioraso, secrétaire d'état chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Dans la loi NOTRe, l'emprise régionale était trop forte sur l'enseignement supérieur et la recherche, ce qui avait suscité, à juste titre, une réaction de la Conférence des présidents d'université (CPU). Nous avons introduit deux amendements qui visent à préserver cet équilibre entre le respect des écosystèmes et un accès égalitaire à tous sur l'ensemble du territoire. Mais nous ne souhaitons pas trop légiférer car tout le monde ne peut pas entrer dans la même chaussure. On ne peut pas comparer Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Paris intra-muros et l'Île-de-France.

S'agissant des incubateurs, nous avons rétabli une subvention pour pouvoir prendre en compte les spécificités locales. Nous avons donné les directives nécessaires à notre direction.

Monsieur Giraud, les financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ne représentent pas l'essentiel des budgets. Lorsque l'on parle du financement de la recherche, on oublie trop souvent de prendre en compte les salaires. Notre pays compte un grand nombre de chercheurs puisque nous sommes devant l'Allemagne et le Royaume-Uni. Notre modèle français est spécifique puisque notre financement est pérenne à 90 %, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays où l'on a souvent un équilibre de 60 % de financements pérennes et 40 % de financements sur projet. Nous ne tenons pas à déséquilibrer notre modèle auquel nos chercheurs sont très attachés. Nous sommes une exception culturelle, scientifique mondiale et c'est ce qui explique que notre recherche fondamentale soit d'aussi bonne qualité. Si notre système n'est pas menacé, pour autant il nous faut développer davantage la recherche technologique par les instituts Carnot, les plates-formes technologiques, les Centres techniques industriels (CTI) et nous le faisons avec force.

7,7 milliards de crédits sont dédiés à la recherche auxquels il faut ajouter 3,8 milliards puisque 50 % du temps des enseignants-chercheurs est consacré à la recherche. À cela, il faut ajouter ce qu'affectent les autres ministères ainsi qu'un milliard d'euros annuels du Programme d'investissements d'avenir (PIA), ce qui fait que l'on arrive à plus de 15 milliards d'euros de fonds publics, à comparer avec les 600 millions d'euros du budget de l'ANR.

Nous avons mis en place une nouvelle méthode qui a été moyennement comprise par les chercheurs. Nous avons voulu un affichage par grand enjeu sociétal et ainsi se rapprocher du modèle Horizon 2020 selon de grandes thématiques sociétales et faire en sorte que le passage de la demande de financement national à la demande de financement européen se fasse plus facilement et que les citoyens comprennent mieux. Cela favorise le dialogue science-société.

À la demande des chercheurs, nous avons simplifié les thématiques et fait une sélection en deux temps : dans un premier temps, on demande un résumé et l'on procède à une présélection et dans un second temps un dossier plus approfondi doit être présenté. Lorsque l'on demande un résumé de trois ou quatre pages, on a un plus grand nombre de candidats – le nombre de dépôts a doublé –, ce qui fait que le pourcentage de reçus est moindre. Mais on est au même niveau que l'Europe, c'est-à-dire autour de 8 à 9 %, ce qui n'est certainement pas assez.

Le nouveau directeur de l'ANR est d'origine américaine. Il a travaillé en Suisse et connaît bien le milieu international. Il va collaborer davantage que ses prédécesseurs avec le ministère et c'est utile. Ce n'est pas à l'ANR de définir les programmes. C'est un outil au service de l'État et d'une stratégie nationale. L'agence avait pris trop d'autonomie faute de stratégie. L'État doit prendre ses responsabilités. La loi prévoit que la stratégie nationale, qu'il faut voir comme quelque chose de vivant, d'évolutif, pourra être discutée à l'Assemblée nationale.

Nous faisons tout notre possible pour stimuler les chercheurs, les laboratoires. Les regroupements vont abriter de plus en plus d'unités mixtes, le CNRS ayant signé des conventions avec la plupart des grands regroupements. Il ne s'agit pas d'une fusion à marche forcée. Ces regroupements permettront une meilleure expertise, une meilleure ingénierie pour accompagner l'accès aux financements européens.

Le Conseil européen de la recherche, qui est présidé par le mathématicien français Jean-Pierre Bourguignon, encourage la recherche fondamentale, celle qui fait vraiment la différence quand elle est diffusée dans les entreprises. C'est ce que l'on appelle les innovations de rupture qui nous permettent de nous différencier vraiment en matière de compétitivité de nos entreprises. Dans ce domaine, notre taux de réussite est vraiment bon. Seulement, nous ne faisons pas suffisamment de propositions. Là aussi, l'ANR, en harmonisant son programme avec le grand programme Horizon 2020, avait cette volonté d'acculturer davantage les chercheurs français aux programmes européens.

Nous avons instauré Les Étoiles de l'Europe, c'est-à-dire un système de récompense des meilleurs projets européens dans des domaines très variés. On sollicite les entreprises, les organismes, ce qui stimule les chercheurs et leurs équipes. Par ailleurs, les Keys enabling technologies (KETs) mettent en place cette culture des partenariats entre le public et le privé que Christophe Borgel plébiscitait à juste titre. C'est ce qui nous permettra d'insérer davantage nos jeunes chercheurs dans les entreprises privées. Je veux à nouveau rendre hommage aux Conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) gérées par l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT). C'est un exemple de doctorat en alternance qui est extrêmement bénéfique et qui fonctionne très bien.

S'il y a des blocages, c'est parce que l'on recrute moins de fonctionnaires de la haute fonction publique. Certaines écoles, dont l'ENA, veulent favoriser la promotion interne. Du coup, elles ne regardent pas toujours d'un oeil très favorable les apports externes que nous souhaitons. Cela dit, nous avançons. Récemment, le Conseil d'État a précisé que le dispositif concernait la plus grande partie de la catégorie A et que l'insertion des docteurs concerne non seulement l'organisation de nouveaux concours mais aussi l'adaptation des concours existants. Nous avons reçu une écoute très favorable de l'ENA et de l'École polytechnique qui souhaitent que leurs étudiants passent davantage de thèses et s'intéressent davantage à la recherche. Qui aurait imaginé, il y a encore deux ou trois ans, voir des cartes de visite sur lesquelles sont inscrites à la fois les mentions « École polytechnique de Paris » et « Université Paris-Saclay » ? On arrive à rapprocher ce système dual très français qui pénalisait les docteurs issus de la formation académique, ce qui permettra d'intégrer davantage de docteurs dans le secteur privé. En tout cas, nous y mettons toute notre énergie et nous travaillons filière par filière. De grands groupes comme Schneider Electric ont signé des conventions. Le président de bioMérieux est aussi président d'une Communauté d'universités et d'établissements (COMUE), ce qui prouve à quel point il se fonde sur l'université. Il fait très souvent l'apologie des partenariats entre des groupes industriels et des universités. Airbus effectue aussi tout un travail de promotion des doctorants, et en particulier des doctorantes dans un secteur qui ne parvient pas à attirer suffisamment de femmes.

De nombreux programmes de recherche concernent le développement durable. Je pense aux énergies alternatives. Madame Battistel, vous savez que l'Institut national de l'énergie solaire implanté en Savoie travaille avec la direction de la recherche technologique du CEA, le CEA Liten et le CEA Leti. Je citerai aussi tout ce qui concerne l'efficacité énergétique dont on parle peu mais qui fait vraiment appel aux logiciels. Comme vous le disiez durant le précédent quinquennat, monsieur le président, – et j'espère que vous continuez à le dire – la meilleure énergie, c'est celle que l'on ne consomme pas.

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