Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 5 mars 2015 à 9h30
Convention entre la république française et la principauté d'andorre pour éviter les doubles impositions — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous l’évoquions en janvier dans le cadre de la nouvelle lecture qui a suivi l’échec de la commission mixte paritaire, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est importante non seulement pour la protection des budgets nationaux mais aussi pour la confiance des citoyens dans l’équité et l’efficacité des systèmes fiscaux. De la même manière, la nécessité d’éliminer la double imposition transfrontalière se justifie par le fait qu’il est vain que deux pays soumettent à l’impôt un même élément de revenu ou de propriété pour la même période et pour le même contribuable et donc, pour un revenu, d’être imposé deux fois au niveau fiscal.

Jusqu’à l’an dernier, la France et la principauté d’Andorre n’étaient liées par aucune convention d’élimination des doubles impositions et de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, alors que la principauté d’Andorre sollicitait depuis assez longtemps la conclusion d’une telle convention, en mettant notamment en avant l’imposition à la source trop lourde des débiteurs français bénéficiant de prestations rendues par des prestataires andorrans. La convention fiscale entre la France et la principauté d’Andorre a alors été signée à Paris le 2 avril 2013.

Les raisons qui ont poussé à cette signature sont au nombre de trois. Premièrement, le constat d’un effort andorran constant de transparence fiscale. En effet, après la signature, en 2009 et 2010, de vingt accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale, avec notamment la France, l’Espagne, le Danemark et l’Allemagne, Andorre a été retirée de la liste grise des juridictions non coopératives de l’OCDE, avec Monaco et le Liechtenstein. La principauté d’Andorre a signé le 5 novembre 2013 la convention multilatérale de l’OCDE portant sur l’assistance mutuelle dans la lutte contre la fraude fiscale internationale, devenant ainsi le soixantième signataire de ce texte. Cette convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale renforce la coopération entre les administrations des pays signataires qui s’engagent à échanger leurs informations ou à organiser des contrôles simultanés.

En 2004, Andorre a conclu avec l’Union européenne un accord prévoyant des mesures en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts. Ainsi, en vertu de cet accord, la principauté pratique une retenue à la source non-libératoire de 35 % sur les revenus d’intérêts dont le bénéficiaire effectif est un résident personne physique d’un État membre de l’Union et rétrocède 75 % du montant de cette retenue à la source à l’État de résidence de la personne. Actuellement, la Commission européenne mène des négociations en vue de la révision de cet accord afin de tenir compte de la révision en cours de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Cette révision a pour objet d’étendre le champ des revenus couverts notamment à certains produits d’assurance-vie et de couvrir les risques de contournement de la directive actuelle via l’interposition d’entités. Le mandat de négociation prévoit également d’insérer dans l’accord entre Andorre et l’Union européenne une clause d’échange d’informations sur demande conforme au standard international et d’explorer la possibilité de la mise en place de l’échange automatique d’informations.

Deuxième raison poussant à la signature de la convention : la modernisation du cadre fiscal de la principauté. En effet, Andorre se distinguait jusqu’à la fin 2010 par une organisation fiscale où il n’existait d’imposition directe ni sur le revenu des personnes physiques, ni sur les bénéfices commerciaux et ni sur le patrimoine. Depuis, elle s’est dotée d’un cadre fiscal plus moderne en introduisant une fiscalité directe sur les bénéfices des sociétés, les revenus des activités économiques et l’ensemble des revenus des non-résidents. Cette législation s’est appliquée à compter du 1er janvier 2012. Par ailleurs, une loi relative à la TVA, d’un taux de 4,5 %, est entrée en vigueur le 1er janvier 2013 et Andorre prévoit d’introduire prochainement un impôt sur les revenus des personnes physiques.

Enfin, dernière raison et non des moindres, les échanges économiques franco-andorrans. Les principaux partenaires commerciaux d’Andorre sont les états membres de l’Union européenne, avec lesquels la principauté réalise plus de 95 % de ses exportations ; parmi eux, la France figure en très bonne position puisque, après l’Espagne, notre pays est son deuxième fournisseur de marchandises et son deuxième client. Même si nos exportations ne représentent plus que la moitié de celles de l’Espagne, alors que nos deux pays étaient à égalité dans la dernière décennie – cela a été rappelé par le dernier orateur –, cette convention devrait favoriser le retour à un équilibre.

Dès lors, cette convention ne pourra être que réciproquement bénéfique, d’abord sur le plan économique et financier. Le risque de double imposition ne constituant plus une source d’incertitude pour les investisseurs – rassurés, par ailleurs, par des clauses anti-abus visant à prévenir le risque de non-imposition –, la convention contribue donc à augmenter le potentiel d’investissements croisés entre la France et la principauté. En outre, elle traduit le renforcement de la coopération fiscale entre les deux États. Ensuite, la convention renforce la sécurité juridique des personnes morales et physiques en posant des règles claires applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États. Elle définit également les modalités de répartition des droits d’imposition des revenus entre les deux États contractants et les conditions dans lesquelles s’effectuera l’élimination des doubles impositions supportées par les résidents. La convention prévoit notamment la limitation de l’imposition à la source en fixant des taux d’imposition de 5 % sur les revenus passifs – dividendes, intérêts et redevances. Elle instaure également des mécanismes visant à interdire l’usage abusif des stipulations conventionnelles et à éviter les situations de doubles exonérations. Enfin, cette convention bénéficiera d’une organisation de l’administration fiscale efficace. En effet, la direction générale des finances publiques – la DGFIP –, responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application de la présente convention.

Les modalités administratives d’application de la convention seront identiques à celles applicables à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France. Ainsi, les personnes résidentes de France pourront, pour leur impôt sur le revenu comme pour l’impôt sur les sociétés, bénéficier des crédits d’impôt auxquels elles auront droit en application de cette même convention.

La Direction des résidents à l’étranger et des services généraux, la DRESG, direction à compétence nationale de la DGFIP, sera compétente pour recevoir les déclarations des personnes résidentes de la Principauté. Quant aux contrôles des déclarations, il sera effectué par le service de la DGFIP territorialement compétent, à savoir, pour les résidents de la Principauté, la DRESG.

Enfin, une évaluation de l’effectivité de l’échange de renseignements sera présentée chaque année, lors de la préparation du projet de loi de finances. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste réaffirme son soutien à ce projet de loi qui renforcera les liens vieux de sept siècles avec la Principauté. Rassurez-vous, au nom du principe de laïcité, nous ne demanderons pas que l’évêque d’Urgell, co-prince d’Andorre, soit démis de ses fonctions.

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