Monsieur Peaucelle, vous avez représenté la France – avec beaucoup de talent – dans un pays sunnite, qui apportait un certain soutien aux Frères musulmans. Vu de Paris, mais aussi de certains de nos postes diplomatiques, j'ai l'impression, à tort ou à raison, que, dans l'ensemble, notre diplomatie privilégie très nettement les Sunnites par rapport aux Chiites. J'en veux pour preuve notre positionnement par rapport au Hezbollah, qui est certes l'allié du président Assad, dont nous sommes les ennemis. En Syrie, nous préférons armer les djihadistes et lutter contre le Hezbollah. À Beyrouth, nos diplomates font en sorte de ne pas fréquenter le Hezbollah, alors qu'il s'agit d'un parti qui a pignon sur rue et qui est représenté au Parlement. On ne peut pas dire non plus que nous soyons en bons termes avec les Alaouites, que nous cherchons à évincer de Damas. Nous ne sommes pas non plus les grands amis de l'Iran : la France semble même en pointe parmi les pays qui font obstacle au retour de l'Iran dans le concert des nations. Bref, nous aimons les Sunnites, mais nous voyons les Chiites d'un mauvais oeil. Pourtant, ceux qui nous font la guerre sont des Sunnites, qu'il s'agisse de l'État islamique ou des groupes qui commettent des crimes sur le territoire national. Il serait peut-être temps que notre diplomatie se rende compte qu'il existe aussi un monde chiite ! D'autant que l'une des deux branches de l'islam semble plus libérale ou, à tout le moins, moins contraignante que l'autre.