Les objectifs de la loi sont autant d’avancées. Le premier d’entre eux vise à développer l’offre de soins palliatifs pour améliorer le contexte et les conditions de l’expression et de l’observation de la volonté de chacun.
C’est par ce volet de la loi que je veux commencer. Le ressenti, l’expression de la volonté ne sont pas les mêmes selon la manière dont on est accompagné pendant des semaines, voire des mois si nécessaire. Cela commence par un coup d’accélérateur à la formation des professionnels, des soignants et des bénévoles. La culture palliative doit imprégner tous les champs du soin et de l’accompagnement social.
Un enseignement universitaire spécifique sera mis en place dès la prochaine rentrée en direction des étudiants en médecine et des médecins, dans toute la diversité de leurs spécialités. Un plan triennal de développement des soins palliatifs et de leurs diverses structures sera mis en place de telle sorte que nous n’affichions plus cette statistique catastrophique : seuls 20 % des Français qui devraient bénéficier des soins palliatifs y ont aujourd’hui accès. Ce plan de développement et de formation permettra d’affronter le choc démographique et le nombre chaque jour croissant de ceux qui ont besoin de ces soins.
Mourir dans l’absence de souffrance physique et morale : voilà le coeur du sujet. Nous ne sommes faits ni pour mourir seuls, ni pour savoir le jour de notre mort. Si la Bible a osé la règle selon laquelle « tu enfanteras dans la douleur », elle n’a imposé à personne de mourir dans la souffrance.
C’est à cela que répond la possibilité d’accès à la sédation profonde. Il s’agit du recours à des médicaments sédatifs antalgiques et anesthésiques, et non à des médicaments dont l’effet est d’entraîner la mort. Les uns et les autres de ces médicaments sont bien connus et « sédation » s’écrit avec un « s » et veut dire calmer, apaiser, et en aucun cas avec un « c », qui fait cesser ou qui fait céder. La sédation apaise, calme, soulage, elle ne tue pas. La mort survient du fait de l’état terminal de la maladie ou de l’épuisement dû au grand âge. Sans ce contexte, la mort ne serait pas survenue. Elle ne constitue pas l’objet du traitement, qui est bien un traitement et ne relève donc pas d’une clause de conscience autre que la clause de conscience générale de l’article 47 du code de déontologie.
Troisième point : le respect de la volonté de la personne, et de la seule personne. Des directives anticipées peuvent être rédigées, ou au demeurant ne pas l’être. Un modèle sera proposé par décret, après avis de la Haute autorité de santé en tenant compte de la situation de la personne, cela de manière à éviter les directives inappropriées, incompréhensibles ou litigieuses. L’existence de ces directives sera portée sur la carte vitale de manière à être sûr que l’ensemble des soignants en soit informé.
Élément essentiel au regard de la très fréquente dissociation entre les souhaits de la personne et ceux de sa famille, celle-ci ne sera consultée que pour indiquer ce que cette personne avait exprimé ou, si elle ne peut plus l’exprimer, ce qu’elle aurait souhaité. L’avis des proches ne s’impose aucunement, ni relativement à celui de la personne, ni à l’égard du médecin.
Ce texte n’est nullement établi en direction des médecins, pas plus qu’en direction des soignants. Pour autant, il me paraît important qu’il réponde là aussi à un consensus majoritaire sur lequel s’est exprimé le Conseil de l’ordre. Les soignants ne sont pas décisionnaires, mais nul ne peut négliger le fait qu’ils sont, après la personne elle-même, fortement impliqués.
Pour ma part et en connaissance de ce que nous réunissons sous le vocable un peu ambigu de « fin de vie », les jours, les nuits, les bruits et les silences, les gestes, comme la main prise ou lâchée, en connaissance aussi de cet instant très court et très effrayant qui s’appelle la mort, je souscris sans réserve à ce texte et souhaite qu’il vienne en aide à tous ceux qui en prendront connaissance, pour leurs proches ou pour eux-mêmes.