La volonté de rassemblement exprimée par le Président de la République se retrouve dans le texte « d’équilibre », comme vous le qualifiez vous-mêmes, que vous nous présentez aujourd’hui.
Je veux le redire : c’est une question lourde et difficile, et je ne me suis autorisé à interpeller personne, parce qu’une question de ce type mérite mieux qu’un débat manichéen. Elle mérite le respect de tous, dans une République laïque où tous ont le droit de s’exprimer, y compris les représentants des autorités religieuses, qui le font à l’extérieur de l’enceinte parlementaire. Pour notre part, nous sommes au coeur de la démocratie ; depuis la tribune où je me trouve, Aristide Briand définissait la République laïque en disant qu’elle n’était pas une opinion, mais le droit d’en avoir une. De fait, nous avons tous le droit d’avoir une opinion sur une question aussi lourde que celle que nous abordons aujourd’hui.
C’est dans cet esprit de tolérance, de respect et de fraternité que j’entends contribuer, à ma place de député, à ce débat. J’y contribue pour constater que la proposition de loi comporte deux avancées – je ne m’y attarderai pas, car cela a déjà été dit. La première, qui est très significative, MM. Claeys et Leonetti l’ont dit, marque un pas très important – j’ai parlé ailleurs d’un pas de géant : on passe de la logique du médecin à celle du patient. Les directives anticipées, qui existaient déjà dans le code de la santé, s’imposeront désormais au médecin, à condition, toutefois, que le travail parlementaire que nous allons faire le précise.
J’insisterai sur une deuxième avancée, qui me semble insuffisante : l’apaisement des souffrances par la voie de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort que vous proposez. Il s’agit certes d’une réponse, mais qui, en conscience, me paraît largement insuffisante et ne permettra pas de faire face à toutes les situations que nous rencontrons et auxquelles les Français demandent des réponses.
Je pense donc qu’il faut examiner d’autres voies. Il ne s’agit pas là, comme j’ai pu le lire, de prétendre légiférer sur tout ou imposer les conditions de fin de vie au patient ou au médecin. Il ne s’agit pas de cela, mais simplement d’ouvrir un droit nouveau à ceux qui en feraient le choix, et à eux seuls, sans ôter aucun autre droit aux autres, en leur donnant le droit de partir au moment où ils le désirent. Il y a plusieurs degrés possibles, que nous aurons l’occasion d’examiner : certains nomment cela l’aide active à mourir dans la dignité, d’autres l’euthanasie – le terme même a été dévoyé car, étymologiquement, chez les Grecs, c’est la « bonne mort » –, d’autres l’exception d’euthanasie, qui est un peu en retrait et devrait permettre de faire face à certaines situations particulières, ou, dans d’autres cas encore, le suicide assisté.
Je voudrais demander simplement aux deux rapporteurs, avec le même état d’esprit, d’examiner les amendements à venir relatifs à ces sujets, pour trois raisons. La première est qu’avec ce texte, on continuera d’interdire l’euthanasie en France, mais, en même temps, on continuera à fermer les yeux sur le fait qu’elle y est pratiquée.