Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous avez dû comme moi entendre et lire les témoignages de nos concitoyens, les inquiétudes légitimes de certains, les craintes justifiées des autres. Nous ne pouvons aborder ce lourd sujet avec des certitudes, et c’est bien ce que je retiendrai de ce débat dans lequel je me suis particulièrement impliquée depuis plusieurs mois.
Il existe une inquiétude de ne pas être entendu, de ne pas être écouté, de ne pas être respecté. Nous ne pouvons accepter qu’à la difficulté d’affronter la mort s’ajoute la crainte des circonstances dans laquelle elle est susceptible d’intervenir.
J’ai entendu les témoignages de Français qui craignent que leur vie soit abrégée contre leur volonté.
J’ai entendu les témoignages de Français qui craignent de se retrouver otages de machines sur un lit d’hôpital.
J’ai entendu les témoignages de Français dont les convictions s’opposent à ce qu’on permette d’abréger la vie d’un malade qui en fait la demande.
J’ai entendu les témoignages de Français qui veulent affronter sereinement leur fin de vie, en sachant qu’une issue leur sera offerte quand leur existence leur paraîtra insupportable.
Comment ne pas entendre ces inquiétudes, qui sont tellement légitimes ? Et comment ne pas s’inquiéter, dès lors, du fait que deux Français sur trois n’aient pas accès aux soins palliatifs ?
Comment ne pas s’inquiéter lorsqu’on a vu mourir un proche et qu’on était impuissant face à sa demande d’en finir ? Comment ne pas s’inquiéter lorsqu’un proche décide de partir mourir à l’étranger, loin des siens, par peur de se retrouver « piégé » ? Ces inquiétudes naissent d’un encadrement ambigu de la fin de vie, trop souvent sujet à interprétations diverses.
C’était le point faible de la loi Leonetti de 2005, qui était claire sur la fin de l’acharnement thérapeutique, mais bien trop floue sur les possibilités de soulagement des souffrances en fin de vie. Et nous constatons tous aujourd’hui que c’est aussi le cas de l’engagement 21 du Président de la République, qui proposait d’autoriser « une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Alors que de nombreux Français, dont je fais partie, y voyaient un engagement à légaliser une assistance médicalisée active à mourir, il est clair aujourd’hui que le Président pense remplir cet engagement par le seul droit à une sédation terminale. Un journaliste le formule très bien dans un article du Monde de ce jour : « C’est l’histoire d’une promesse de campagne si habilement formulée que chacun y a lu ce qu’il voulait y voir. »