Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

C’est dans ce contexte que nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys ont été missionnés par le Président de la République et qu’ils ont élaboré la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Je veux les remercier pour leur travail commun, puisqu’il aboutit à une proposition dépassant les clivages partisans qui, sinon, sur un tel sujet, n’auraient pas manqué de diviser à nouveau notre cher pays, qui n’en a pas besoin.

C’est pour cela, et parce que cette proposition a su trouver un équilibre, certes fragile, que je la voterai.

Pourtant, deux questions me paraissent devoir être soulevées. La première concerne le caractère opposable donné par la proposition de loi aux directives anticipées.

Pourquoi rendre ces directives, définies dans la loi de 2005, opposables ? Aux termes de cette loi, elles constituent une volonté exprimée par anticipation, à l’intention des soignants, face à des circonstances extrêmes de fin de vie dans un environnement par définition inconnu en tous domaines. Cette liberté laissée aux soignants, conforme aux règles de l’éthique et de la bonne pratique médicale, apporte à ceux-ci, au moment crucial, les meilleures indications pour prendre la meilleure décision en considérant en priorité les souhaits connus du malade.

Comment imaginer, longtemps avant leur matérialisation, les conditions psychologiques, émotionnelles, affectives ou religieuses dans lesquelles la question fatidique pourra se poser ?

Le caractère opposable des directives anticipées déresponsabilise le médecin en le contraignant, et interdit au malade de bénéficier d’une appréciation ou d’une adaptation des décisions aux circonstances par définition particulières, alors que la loi de 2005 l’autorise. Avec la prise en compte, certes indispensable, de l’urgence ou d’un caractère inapproprié des directives anticipées dans le cas d’une évolution malheureuse, douloureuse ou durable, il apparaît à n’en pas douter comme une source de recours judiciaires à l’encontre des soignants déjà bien malmenés sur ce sujet.

L’opposabilité constituera aussi une incitation pour les plus radicaux partisans de l’euthanasie à privilégier les directives anticipées préétablies, véritable commandement à mettre fin à la vie, contraignantes au point d’obliger l’équipe soignante à donner la mort comme s’il s’agissait d’une initiative médicale, alors que cela est en contradiction avec le serment d’Hippocrate.

La deuxième question concerne le droit à sédation profonde et continue jusqu’au décès à la demande du patient accompagnant l’arrêt du traitement, droit inscrit à l’article 3 de la proposition de loi. S’il est légitime d’offrir un tel choix, la demande de sa mise en oeuvre par le seul patient atteint d’une affection incurable qui a décidé d’arrêter le traitement n’est-elle pas, en définitive, un pas en direction de l’euthanasie ou de l’aide au suicide ? Est-ce bien ce que notre société attend, ce dont elle a besoin en ces temps d’inquiétude et de doute ? Est-ce ce que nous voulons ?

Ce qu’a laissé entendre le Premier ministre tout à l’heure lors des questions au Gouvernement, vos propos, madame la ministre, en introduction de cette discussion, ne traduisent-ils par la volonté d’aller à petits pas vers l’euthanasie ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion